Société Civile et Société Institutionnelle: une fracture profonde ? Dialogue avec Alain de Vulpian

Conversation avec Alain de Vulpian. Sociologue,écrivain,fondateur de la Société Confremca et de Sociovision, il est également membre du comité scientifique du Centre international de recherche Pio Manzù. Le dialogue fait le point sur les changements extrêmement profonds qui vont au-delà des changements d’opinions ou de valeurs.

Antonio Torrenzano. Vous affirmez que nous sommes entrés dans une société réflexive, une société qui ne se contente pas de prolonger les courbes ou de projeter ses idéologies et ses espoirs sur la réalité.Une société qui essaye de réfléchir sur elle-même. Un nouveau processus ?

Alain de Vulpian. Un changement anthropologique est en cours. Ces changements viennent d’être ignoré par la plupart des analystes qui préfèrent s’intéresser aux changements technologiques, économiques, démographiques ou géopolitiques. Aujourd’hui, quand nous parlons de dimension socio-culturelle on pense seulement à des changements des coutumes mais les individus, les gens ordinaires, ont complètement changé le propre style de vie. Ils vivent de manière plus intime.Le fil rouge de ce processus est constitué par les gens qui changent. Les personnes sont au centre de cette dynamique. Les gens sont partis à la recherche de leur bonheur et de leur émancipation. Les individus ont commencé à se brancher un peu plus sur leurs sensations et leurs émotions tandis que notre culture antérieure avait établi une censure des sensations et des émotions, nous avait centré sur les idées, sur l’intellectualité. Alors qu’auparavant les émotions étaient plus dites que vecues, désormais nous ressentons ces émotions et l’on sent l’estomac se serrer avant d’avoir des mots pour raconter. C’est un changement tout à fait considérable.Deuxième changement tout à fait essentiel, le retour de l’intuition de l’intimité des autres. Une fois que l’on a pris plus conscience de son intimité, on développe une perception plus fine de l’intimité des autres. On juge moins les autres de l’extérieur, on les ressent. Et nous devenons de plus en plus habiles à percevoir les mimiques, à décoder. Un radar social qui se perfectionne et qui nous donne une capacité à comprendre, non pas intellectuellement, mais à sentir ce qui se passe dans la société.

AT. Les individus sont partis à la recherche de leur bonheur et de leur émancipation mais j’observe qu’il y a une fracture profonde entre la société civile et la société institutionnelle européenne presque dans tous les Pays de notre continent. Les gens ordinaires demandent-elles des nouvelles réponses ?

Alain de Vulpian.Ces individus demandent nouvelles réponses, ils sont plus autonomes, plus exigeants vers le pouvoir, vers les partis politiques, vers les organisations syndicales.Organisations socio-politiques dans lesquelles ils ne se reconnaissent plus. Organisations dans lesquelles ils n’ont plus envie de s’engager, de devenir membres, d’y entrer. Parce que la société institutionnelle ne s’intéresse pas aux vrais problèmes tels que les gens les perçoivent. Les vrais problèmes, c’est la vie concrète, la personne humaine charnelle. Ils devient possibles militants seulement sur sujets sociaux spécifiques dont ils se reconnaissent. Et, je constate encore, que les instruments sociaux plus près à ce changement social sont les ONG, les associations sans but lucratif, les réseaux de solidarité, les mouvements qui proposent la défense de valeurs spécifiques. Je pense que la direction des nos démocraties européennes aille vers une démocratie de partenariat plutôt qu’une démocratie représentative. Nous vivons encore sur un type de démocratie de régime représentatif qui pour l’essentiel a été inventé, il ya un siècle et demi ou deux, completé par l’Etat providence et qui s’est transformé en démocatie médiatique ou d’opinion.Ce changement influencera la base électorale et les manières anciennes de formation du consensus politique. Pour ces individus qui vivent dans nos Pays de l’Europe, l’actuelle démocratie n’est plus suffisante. Ces libertés individuelles doivent prévoir des nouvelles formes de participation directe mais notre actuel système politique n’offre pas encore des solutions acceptables et les élus à nos Parlements nationaux ne les représentent plus de manière explicite. Il ne me surprendrait pas que de nouvelles formes démocratiques émergent.

AT. Est ce que nous pourrons conjuguer cet équilibre entre la liberté et la possibilité de faire ce qu’on veut. Pour mieux dire entre libertés individuelles et une nouvelle cohésion économique et sociale ?

Alain de Vulpian. Je crois qu’ils ne doivent plus venir par les anciennes organisations politiques. Il faut recommencer par les initiatives populaires. Les mêmes experts qui envahissent les différents ministères dans chaque Pays européen, ils ne sont pas plus aptes à répondre. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à un décalage réel entre la société des gens ordinaires et la société institutionnelle, des partis politiques, des pouvoirs publics, des grandes entreprises.Ce décalage produit des malaises,des pertes d’énergie, une incapacité à faire face au grand défi de l’époque. Je suis assez persuadé que nous sommes à une époque de bascule. J’éspère que la société des gens ordinaires et la société institutionnelle se réuniront afin de trouver des harmonies tout à fait intéressantes. Sinon, nous risquons de nous trouver dans des situations difficiles.Je crois que la solution à rechercher soit celle d’une démocratie sensible, une démocratie plus attentive à dialogue,une démocratie qui revienne à l’ancienne conception et acception d’agorà en sens étroit.Sensible aux valeurs, tout le contraire de l’unilatéralisme. Je crois qu’il faut reconnaître qu’on est en apprentissage.Il faut essayer de connaître les dynamiques, on n’est plus à une époque où on peut seulement planifier. Il est indispensable de proposer des visions, de les ajuster…

Antonio Torrenzano

 

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