Ecole,université,recherche.Conversation avec Riccardo Petrella.

 

riccardo petrella
Riccardo Petrella est professeur à l’Université Catholique de Louvain (Belgique) où il enseigne «La Mondialisation» et «La Société d’information». En 1967, il travaille à Vienne (Autriche) au Centre européen de Recherches en Sciences Sociales de l’UNESCO dont il sera nommé Directeur en 1970. Ses champs de recherche sont le développement régional, l’innovation technologique, la recherche comparative transnationale.En 1978,il rejoint la Commission Européenne dans le cadre du Programme FAST (Forecasting and Assessment in Science and Technology).Directeur de ce programme de 1979 jusqu’en 1994.Conseiller à la Commission européenne en matière de politique de la science et de la technologie entre 1997 et décembre 2003. Il a été aussi le fondateur en 1992 et premier secrétaire général de la European Interuniversity Association for Education on Society, Science and Technology (connue en tant que ESST) regroupant 15 universités européennes.Il a été également pendant trois ans professeur au Collège d’Europe à Bruges et à l’Université de Liège. Il a été “Visiting Professor” dans plusieurs universités au Canada, aux Etats-Unis, au Brésil, en Argentine, en Corée du Sud et dans de nombreux pays d’Europe occidentale. La rencontre et la conversation a eu lieu à Rimini auprès du Centre international de recherche Pio Manzù.

Antonio Torrenzano.Chaque société doit maintenir une grande capacité d’utopie, de projet utopique pour bien garder les règles politiques et sociales fondamentales.L’école,l’université, ils sont des points de repère pas irremplaçables.L’éthique et le droit, ils sont à la base de la définition de la responsabilité, surtout de la collectivité. Je pense encore que la nouvelle responsabilité doive s’exercer dans la comparaison principalement du droit à l’éducation pour tous ?

Riccardo Petrella : L’éducation a été transformée dans un système de formation continue qui doit servir principalement à maintenir utilisables et rentables les ressources humaines du Pays. On peut affirmer que le système éducatif n’éduque plus, mais il forme. Chacun de nous doit être formé pendant toute sa vie “économique” comme “ressources humaines”. Parce que plus les changements technologiques accélèrent le changement et la durée de vie, dès nos savoirs et nos compétences ils se réduisent. En conséquence, les ressources humaines deviennent obsolètes rapidement, donc pas rentables.Le système d’éducation a été réorienté et centré sur la formation des ressources humaines au service des besoins de l’économie et, plus spécifiquement, pour les besoins de grandes et moyennes entreprises et la concurrence sur les marchés internationaux.Il ne se traite pas plus d’ex-ducere, c’est-à-dire d’une éducation qui cherche faire sortir la créativité de chaque personne, de la faire grandir. Nous pouvons encore trouver tout ça au dans l’école élémentaire et secondaire, mais quand on arrive déjà à l’enseignement professionnel ou à l’enseignement supérieur et universitaire, on pense désormais en termes de formation de la ressource. Aux États-Unis et au Canada, après l’explosion de l’informatique et du multimédia, l’éducation est devenue un marché particulièrement riche. Je ne parle pas seulement du secteur privatisé des business schols, mais aussi de l’ensemble du monde de l’éducation et de la formation. Maintenant, il ne se parle que de marché de l’éducation,marché des produits,services pédagogiques,marché des professeurs et des étudiants.Le premier Salon mondial de l’éducation, le World Education Market qui s’est tenu du 23 au 27 mai 2000 au Vancouver au Canada, il a mis en évidence un vaste consentement entre tous les acteurs publics et privés provenant de chaque partie du monde, sur les inévitabilités de la marchandisation et industrialisation de l’éducation.Pour les participants au Salon, la situation est claire,ils n’ont pas plus doutes: l’éducation est une marchandise;l’éducation est une bien économique. Le problème principal est comprendre qui produira ces biens sur quels marchés mondiaux et avec quelles règles.

Antonio Torrenzano.La banque d’affaires américaine Merrill Lynch affirme que le secteur de l’éducation changera très vite d’ici au 2025. Croyez-vous?

Riccardo Petrella. Au-delà de la forme principale qui est en train de prendre le marché du savoir (l’école virtuelle, universités virtuelles sur le net), on est en train d’assister aussi à un massif développement des universités d’entreprise, de chaque type et qualité.Ces universités sont fréquentées par dizaines de milliers d’étudiants intéressés pas à obtenir un diplôme, mais à recevoir une formation d’un institut lié directement à l’entreprise qui pourrait devenir leur futur employeur.Le situation qui semble avoir le vent en poupe en Amérique du Nord, elle est ce d’un système d’éducation organisé sur bases individuelles,par internet, variable dans le temps, pour toute la vie et dans les contenus partout : à la maison, dans les bureaux, dans les usines.Selon la Banque Mondiale on assistera à la diffusion des “click university” en substitution, de traditionnels “bric university”. Selon les prévisions de la banque d’affaires américaine Merrill Lynch, le numéro des jeunes qui suivront études supérieures dans le monde montera à environ 160 millions vers 2025. En 2000 ils étaient 84 millions dont 40 suivait déjà un enseignement on line, chiffre considérable. Il est facile alors imaginer ce qu’il pourra devenir ce marché entre un quatrième de siècle.

Antonio Torrenzano. Avec quelles règles ?

Riccardo Petrella. La faillite du Millenium Round du WTO, à Seattle, dans le décembre 1999, il a empêché d’appliquer à l’éducation les débuts du libre commerce. Mais la libéralisation et la dérégulation du secteur éducatif sont rentrées par la fenêtre, remises à l’ordre du jour pendant les négociations du GATS, General Agreements on Trade of Services, initiés dans le septembre 2003. Même si au mois de juillet 2006, il a été une fumée noire pour l’ensemble des négociations WTO, le risque que l’éducation soit insérée dans le GATS est un problème ouvert. Dans les couloirs de la Commission Européenne à Bruxelles, nombreux continuent à donner pour escompté, dans les prochains ans,la privatisation des amples secteurs de l’instruction.Ces tendances sont restées particulièrement fortes dans les derniers vingt ans aussi en Europe.Plusieurs instituts éducatifs sont déjà devenus “entreprises” des savoirs de plus en plus liés aux logiques financières et économiques.Un exemple de cette tendance galopante en Europe? Le premier grand pas politique officiel a été le long travail d’incubation produit à Bologne, siège de la plus vieille université européenne.Travail d’incubation devenu après un protocole par une conférence européenne des recteurs où 350 d’eux ont signé pour la mise en place. Ce choix fondamental a été confirmé par toutes les ministres de l’Éducation de l’Union Européenne dans le cadre de la déjà cité “stratégie de Lisbonne.” Malgré les efforts d’une bonne partie des éducateurs, le système éducatif est porté à privilégier la fonction de sélection des meilleurs, plutôt que celle de valoriser les capacités de tous les étudiants. Les responsables des instituts reconnaissent l’existence et l’ampleur de ce piège.Il est désagréable – ils affirment – mais chacun d’eux ne peut rien faire contre la réalité parce qu’il faut assurer au propre institut la compétitivité dans le marché éducatif.

Antonio Torrenzano.Dans le contexte décrit, il ne reste aucun espace pour le respect de la dignité humaine. Le “chaque pour-soi” est devenu le mot d’ordre de chaque individu, groupe social, organisme, ville, région,Pays. On ne fait pas que constater l’affirmation de l’individualisme sans limites.La pauvreté existe et les inégalités tendent à augmenter. Ce qui est encore plus grave, c’est l’évidence par laquelle les classes dominantes sont entrées dans la logique de pensée selon laquelle il est devenu impossible éliminer les inégalités. Est-ce qu’il y a des solutions différentes?

Riccardo Petrella. Si nous croyons aux discours dominants, la raison d’être du système d’éducation serait devenue (au-delà de la rhétorique persistante sur l’éducation au service du citoyen) celle-là de sélectionner et mesurer la capacité de “création” de richesse des “ressources humaines” en légitimant ainsi de nouvelles inégalités liées au niveau de savoir et de connaissance.Sur ces bases, la fracture numérique (digital divide) exprime l’écart qui se serait crée dans ces derniers ans entre ceux qui maîtrisent les nouveaux outils technologiques, les ressources de l’économie numérique et, par contre, ceux qui sont exclus ou ne sont pas capables.Les premier auraient le pouvoir, toujours croissant,d’influencer l’évolution du système, de manière à assurer la maximisation de leur intérêt, surtout en termes de sûreté et de survivance.La fracture cognitive (knowledge divide) naît de la même pensée idéologique de la fracture numérique. Elle est liée aux thèses dont nous avons amplement parlé avant, sur la transformation de notre économie et société en économie engendrée par la connaissance (knowledge driven economy), et dans une société fondée sur la connaissance (knowledge based society). On ne peut pas ici faire à moins de parler de violence culturelle.On ne peut pas qu’appeler ainsi l’ensemble des débuts des,croyances, des opinions et des propres comportements des dirigeants et des populations des pays du nord. Une sorte de sentiment de supériorité, de principe que nous sommes le monde,la société de l’information, la nouvelle économie,la net-economy, la société de la connaissance,accompagnée par des formes de plus en plus explicites d’indifférence vers le reste du monde, mépris vers les autres. La fracture cognitive est plus profonde et plus ravageuse sur le plan humain,social, politique culturel que de la fracture numérique.Parce qu’elle est basée sur une grosse mystification.Selon les partisans du knowledge divide, la vraie connaissance est la connaissance qui compte sur le plan économique de l’économie capitaliste de marché.Imposer une telle vision de la connaissance est faire non seulement violence à toutes les autres formes de connaissance, mais il s’agit d’un vol aussi de la vie de tous ceux qui n’ont pas la connaissance des dominants. Il signifie voler ainsi l’avenir à milliards d’êtres humains.Les fractures représentent les variantes contemporaines de la division humaine (human divide), imposée par les plus forts. Je crains un monde où nous aurons encore des personnes libres et esclaves, des nobles et plébéiens.J’essaie un sentiment de mélancolie et trahison pour tous ceux qui , dans notre passé, se sont battus pour une société de droit en réussissant tôt ou tard à dépasser, même si au prix de longues batailles et nombreuses victimes, à une société démocratique.

Antonio Torrenzano

 

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