Conversation avec M.Paolo Lembo, fonctionnaire international, directeur et représentant résidant du PNUD en Iraq.Le dialogue,qui a eu lieu auprès de la Fondation Horcynus Orca à Messine pendant les colloques internationaux sur l’Avenir de l’Iraq et les deux rives de la mer méditerranéenne,fait le point sur la situation réelle dans le Pays.
Antonio Torrenzano.Est-ce que il ya de possibles solutions pour la crise iraquienne?
Paolo Lembo. Le temps est plus l’ennemi que le complice de l’Iraq. Il risque de n’être pas gentilhomme. L’Iraq a l’espace, les hommes,les richesses, la volonté. Mais le temps lui est compté pour corriger les erreurs,relever les défis alimentaires,écologiques,mettre en valeur ses ressources. La société iraquienne s’est repliée sur elle-même par plusieurs fractures parce qu’elle ne pouvait digérer que ce dont elle ressentait le besoin.Jai vécu pour mon travail mes derniers vingt-deux ans toujours dans des “conflict zones”,mais la crise iraquienne est une circonstance unique, la crise de crises post-conflit.La crise est allée trop vite et la mécanique s’est emballée,laissant derrière elle ceux pour qui on disait qu’elle était faite. L’Iraq pour sortir de cette triste situation est condamné au miracle. En deux générations,il lui faut réaliser ce que les autres Pays ont accompli en deux siècles. À condition de savoir ce qu’il veut et de savoir agir suivant ce qu’il veut .Le Pays peut accomplir cet exploit de vaincre le temps en même temps que la guerre civile,la pauvreté,la faim.Sans la paix interne et externe, l’Iraq sera incapable d’affronter les enjeux de son avenir. Le développement économique ou démocratique n’est pas une machine qu’il suffit de mettre en marche;il n’est pas un processus linéaire inspiré à des méthodes identiques partout,une potion magique.
Antonio Torrenzano. Est-ce que dans quelles actions le PNUD est engagé en Iraq? Combien des fonctionnaires et experts gérez-vous dans ce moment?
Paolo Lembo.Notre aide sers à renfoncer l’État et les choix qu’il opérera. Nos actions encouragent les capacités humaines locales, assistance technique aux institutions juridiques et économiques du Pays, law enforcement,gouvernance,soutien au droit des femmes.Si nous ne réussissons pas à définir une législation qui protège les droits des femmes et qui pourra leur permette de participer au développement du Pays, il n’y aura pas développement économique. Quand on parle du rôle de la femme,nous parlons en réalité du développement humain mondial. Cependant, le contexte juridique en Iraq est tout à construire,à inventer. Mais il y a aussi éléments d’optimisme et contextes législatifs où il y a une évolution visible. Il faut encourager les femmes à développer leur capacité, c’est une qualité fondamentale pour le développement.Les femmes n’ont pas encore une pleine liberté d’expression,services sanitaires dediés.En Iraq, le PNUD est présent avec 60 ressources humaines qui deviendront presque 90 entre fonctionnaires et experts à la fin de l’année 2007.Nous avons trois bureaux opérationnels dans le Nord, dans la Capitale et dans le Sud du Pays.La dernière résolution,il nous permet d’avoir aussi l’instrument de la médiation diplomatique dont nous l’avions pas précédemment.
A.T. Le Proche-Orient est confronté à un afflux massif de réfugiés.Les Irakiens où vont-ils?
Paolo Lembo. Environ deux millions d’Irakiens ont fui leur pays.Selon nos statistiques, ils sont déjà un million de personnes et si l’exode se poursuit à ce rythme, les conséquences seront lourdes pour toute la région.Mes collègues du Haut-Commissariat aux Réfugiés affirment que les Irakiens représentent plus de 5% de la population syrienne (18 millions d’habitants) et quelque 40.000 nouveaux réfugiés arrivent d’Irak chaque mois. Ils peuvent rester six mois sur un visa, puis ils doivent quitter le territoire avant de revenir pour six nouveaux mois. En accueillant 700.000 Irakiens, la Jordanie a augmenté la sienne de 12%,mais a pris des mesures pour endiguer le flux. Tout comme l’Égypte, qui a reçu 130.000 Irakiens.C’est une des conséquences de cette guerre.Quant à l’exode intérieur, il est aussi terrible: presque 500.000 déplacés en 2006 et un total qui devrait atteindre 2,3 millions d’ici la fin 2007. C’est-à-dire un Irakien sur dix.Il y a encore une augmentation considérable du nombre de tués. La moyenne établie par notre Agence est de 3.000 par mois.Nous estimons qu’environ un millier de personnes fuient chaque jour l’Irak, mais le chiffre réel est sans doute bien supérieur. Entre un demi-million et un million d’Irakiens se trouvent en Jordanie, un nombre équivalent en Syrie, probablement plus de 100.000 en Égypte, entre 20.000 et 40.000 au Liban, 54.000 en Iran et un nombre indéterminé en Turquie. Le problème, c’est qu’il est difficile pour certains Irakiens d’entrer dans les critères définissant un réfugié menacé de persécution.Pour ce qui concerne les Irakiens réinstallés,leur nombre est très limité.La réinstallation est une solution qui n’est offerte qu’à une petite minorité.Il est essentiel que la communauté internationale propose une aide aux Irakiens qui ont trouvé refuge dans des pays voisins. Combien de réfugiés supplémentaires vont pouvoir entrer en Syrie et en Jordanie avant que ces pays ne disent stop? Dans quelle mesure les Occidentaux sont-ils prêts à prendre en charge une partie du problème? Cela reste à déterminer.
A.T. Est-ce que le conflit iraquien a eu des conséquences immédiates et directes sur la politique et le dialogue euroméditerranéen? Dans ces jours de colloques,il me semble qu’au sein des communautés locales des deux rives, il est possible entrevoir un certain mécontentement…
Paolo Lembo. Je prévois des reflets négatifs parce qu’il ya un rapport direct entre les vicissitudes en Iraq et la politique euroméditerranéen. La situation en Iraq a influencé toutes les perspectives mondiales.Je voudrais vous citer une affirmation de l’ancien Secrétaire Kofi Annan qui a dit : “il est vrai que les problèmes de l’Europe sont des questions de grande importance et qu’ils sont vécus comme tels, mais qu’il suffirait toutefois de tourner les yeux vers le reste du monde pour les voir d’une certaine façon ramenés à de justes proportions”. Je suis convaincu que le contact direct et la confrontation sur la crise iraquienne et sur la région entière peuvent encore nous donner de valables solutions.
Antonio Torrenzano. L’Agence PNUD donne son soutien aussi à la création des médias irakiens indépendants.
Paolo Lembo. Soutenir les productions des médias iraquiens est pour l’ONU un engagement prioritaire.Il ne s’agit pas seulement de soutenir, mais de permettre qu’ils viennent réalisé lignes d’action indépendantes qui assurent aux émetteurs les ressources financières nécessaires à garantir leur indépendance. Il s’agit de former journalistes.Avoir des médias irakiens signifie aussi un service pour la démocratie du Pays et dans la tentative de sauver un procès de réconciliation.Un système de la télévision qui encourage la communication entre les citoyens et le pouvoir politique,est essentiel.Le PNUD en collaboration avec l’Agence de presse Reuters a financé et soutenu la constitution de “Voices of Iraq”. L’agence est autofinancée, totalement gérée par journalistes iraquiens.Personne ne nous croyait pas, tout le monde nous mettait en garde contre les risques qui certainement ils ne manquent pas, mais l’initiative est décollée et maintenant la structure occupe dizaines de journalistes, il se sert de correspondants en toutes les provinces et, à aujourd’hui elle est considérée la source de renseignement croyable en Iraq.Pour le moment toutes les nouvelles voyagent sur le web, mais notre objectif sera de créer une agence qu’elle diffuse nouvelles en langues différentes.Aujourd’hui nous nous apprêtons à donner vie à une agence pour la télévision. L’ONU entend donner du soutien aux productions des médias iraquiens un de ses principaux engagements dans cette réalité.
Antonio Torrenzano
*Un particulier remerciement à Messine WebTV (http://www.messinawebtv.it) pour les photos et l’aimable assistance technique de sa rédaction journalistique.