Les viols sur les femmes,un moyen pour tuer une entière communauté dans la République démocratique du Congo (RDC). Conversations avec Monseigneur Justin Nkunzi et Soeur Marie Alyma.

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Conversation avec l’Archevêque Justin Nkunzi, directeur de la Commission justice et paix de Diocèse de Bukavu et Soeur Marie Bernard Alyma secrétaire de la même commission pour le Congo. L’Archevêque Justin Nkunzi et Sœur Marie Bernard Alyma témoignent de la situation au moment présent qui se vit en République démocratique du Congo (RDC).

Antonio Torrenzano. Est-ce qu’il y a des régions encore intéressées par des violences vers les femmes, les enfants et les civils ?

Archevêque Justin Nkunzi. Les violences contre les femmes sont continues au sud de Kivu, dans la région est de la République démocratique du Congo. Ce sont des actions qu’ils cherchent à humilier et à tuer une communauté par des actes singuliers ou systématiques perpétrés dans plusieurs villages. La zone, la plus intéressée, par des crimes sexuels est celle de Walungu dans le district de Kaniola. Il est une barbarie inimaginable dont il faut parler parce que parfois on a plus de peur du silence des bons que des barbaries des mauvais. Pour comprendre le sens de ces violences, il faut analyser le rôle de la femme dans la société des Bashi,la population locale. La femme est considérée surtout comme mère, elle donne la vie. C’est tout ce qui est de sacré dans la tradition africaine. D’ici, il dérive le respect et la considération de la femme dans cette zone. La femme est dans la famille du mari, la représentante de la propre famille d’origine : l’humilier, il signifie humilier tout son clan familier. Il s’agit d’un véritable acte de guerre sciemment effectué contre la population locale: on se frappe la femme pour frapper la communauté entière. Dans un contexte semblable, les violences contre les femmes sont considérées comme une manière d’infliger la mort à une communauté entière. Les viols comme tactique de guerre ont été aménagés par individus qu’ils connaissent probablement très bien la communauté des Bashi.

A.T. Les femmes, peuvent-elles être possibles actrices de paix dans la République démocratique du Congo (RDC) ?

Soeur Marie Bernard Alyma. Au Congo, les femmes sont victimes de la crise et des atrocités liées à leur nature. Mais aujourd’hui, elles sont porteuses d’espérance. De victimes, elles deviennent actrices de leur devenir en développant des dynamiques qui leur sont propres. Aujourd’hui, 80% de la société congolaise vit du travail informel des femmes. Rendre les femmes protagonistes du processus de paix est nécessaire . Elles sont déjà leaders à travers des initiatives de développement et de sensibilisation pour la transition. Les femmes congolaises ont beaucoup d’atouts dans leur identité. Elles sont génératrices de vie. Elles ont une approche liée à leur mission et leur rôle est dicté par cette mission de maternité qui doit être une maternité sociale. Elles ne se laissent pas écraser par la souffrance et elles mettent l’individu au centre du développement. Leur rôle est de ramener les décideurs politiques à mettre la vie, la personne humaine, au centre de leurs préoccupations et non des logiques de profit, d’intérêts et de pouvoir. Il ne faut pas rechercher une égalité homme femme qui nie la différence, mais rechercher la complémentarité. Nous devons ensuite institutionnaliser ce que nous éprouvons en tant que femmes. Solidarité, respect, bonne gouvernance sont autant de valeurs à promouvoir. Je souhaite faire entendre la voix du peuple congolais et faire entendre la lutte qu’il mène au quotidien. Il n’y a pas seulement la passivité, la misère et la souffrance, mais une lutte qui est porteuse d’espoirs. J’appelle donc à la mobilisation tous: 3,8 millions de morts, c’est la guerre la plus meurtrière après la Seconde Guerre mondiale. Or ce génocide n’a jamais été reconnu par la communauté internationale.

A.T. Avez-vous de nouvelles sur la situation effective dans la capitale Kinshasa?

Archevêque Justin Nkunzi. Plus du 90% de la population vit d’expédients, il sort de maison au matin et vive de petit commerce en cultivant même les parterres des rues pour réussir à porter quelque chose à la maison le soir. Dans nombreuses zones, il n’y a pas électricité, ni lignes téléphoniques ni la poste. Pour communiquer, nous utilisons la radio aussi pour les communications internet. Le carburant est insuffisant, donc se déplacer d’une région à l’autre du Pays, il est très ardu.

A.T. Est-ce que j’aimerais connaitre les initiatives déjà mises en place ?

Soeur Marie Bernard Alyma. Il existe déjà de nombreuses initiatives comme la formation des femmes animatrices pour la promotion d’autres femmes . Le travail est basé sur la redécouverte de leur identité de femme. Elles ont vu qu’elles avaient de grandes valeurs à proposer, des valeurs qui humanisent la société. Les femmes ont compris que ce travail n’était pas extérieur à elles-mêmes, mais constitutif de leur être. Dans le cadre de la transition, elles s’occupent de la mobilisation des communautés de base pour ce qui concerne l’éducation civique. Les formateurs essaient de former des nouveaux animateurs dans le domaine diocésain et paroissial. L’Église à travers la Commission Justice et Paix est passée de déclarations à l’action concrète. Ainsi, nous avons développé une ligne d’action spécifique pour l’ éducation à la citoyenneté, à l’État de droit pour les communautés de base. Autour de ces questions, nous essayons de sensibiliser les plus vulnérables.

 

Antonio Torrenzano

 

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