“L’humanité disparaîtra,bon débarras!” Conversation avec Yves Paccalet.

 

yves_paccalet_image.1200345158.jpg

Conversation avec Yves Paccalet, écrivain, philosophe, naturaliste. Le dialogue a été lieu au Salon du livre de Genève dans le mois de mai 2007. L’entretien avec Yves Paccalet, en deux parties, dont la première a été publiée le 15 janvier 2008, nous met face à nos fatales incuries.

Antonio Torrenzano. Paul Valéry affirmait :“Nous autres, civilisations, savons désormais que nous sommes mortelles”.

Yves Paccalet. Non seulement les civilisations, mais toute l’humanité est mortelle.Elle n’a plus pour longtemps. Elle agonise,même si elle continue à se persuader qu’elle est la plus belle; que le progrès progresse à pas de géant; et que l’avenir du futur conduit à des lendemains qui chantent. Notre espèce avance comme le crabe en se persuadant qu’elle a entamé sa marche en avant: ou selon la trajectoire de l’ivrogne en proclamant qu’elle va droit au but. Elle répète que tout sera mieux demain grâce aux sciences, aux techniques, aux énergies, aux OGM ou au clonage… On nous rebat les oreilles avec les vertus du développement. Pas un discours d’homme politique,pas un communiqué d’entreprise, pas un mot d’ordre syndical qui ne se réfèrent à la croissance, sans laquelle nous serions voués à la régression et au malheur. Le problème est que nous ne sommes pas plus hereux avec deux 4X4 qu’avec un; avec trois téléviseurs qu’avec deux…Comme toutes les autres, la drogue de la consommation nous asservit et nous désole. Imaginons qu’un miracle nous permette de disposer de toute l’énergie dont nous rêvons pour une croissance indéfinie (la fusion nucléaire contrôlée ou quelque invention abracadabrantesque)…Nous exploiterions à tel point le globe que nous en rendrions la surface aussi agréable, variée et attractive qu’un parking de supermarché. Nous n’aurions jamais assez de plantes,d’animaux,de métaux, de forêts, de mers, de déserts, de montagnes, ni même d’eau douce et d’air pur pour tout le monde. La croissance quantitative illimitée conduit au collapsus.Imaginez-vous notre planète avec trois milliards de voitures et leurs gaz d’échappement ? Je ne crois que nous puissions nous désintoxiquer de l’utopie de la croissance. Elle nous est aujourd’hui resservie sous une forme gentiment perniceuse:le développement durable.

Antonio Torrenzano. Pourquoi, selon vous, le développement durable est-il une expression pernicieuse?

Yves Paccalet. Je me méfie de cette expression. Au pire, c’est un oxymoron, aucun développement ne peut durer longtemps. Au mieux, développement durable, ne signifie rien de précis. Chacun y met ce qu’il veut,selon sa fantasie et son intérêt… Da sa version écologiste, l’utopie de mai soixante-huit avait agité l’idée que la croissance indéfinie est impossible sur une planète aux ressources limitées. Mieux chercher la solution dans une croissance zéro, tempérée par une plus juste répartition des richesses. Je suis intimement persuadé que cette idée est bonne; et même (si nous voulons nous donner une petite chance de survivre) qu’il faut la pousser plus loin. Nous ne nous en tirerons que par la vertu d’une décroissance raisonnable… mais je suis maintenant sûr du contraire. L’humanité est comme une droguée, avide, esclave des biens matériels, en souffrance de consommation, asservie à ce qu’elle imagine être la croissance ou le progrès, et qui sera sa perte. J’ai milité pour la survie de ma lignée animale, mais le genre homo refuse de regarder en face les calamités qu’il se prépare ou que, déjà, il s’inflige. L’humanité est en train de couler, elle n’a nul destin. Elle a de l’eau par-dessus la ligne de flottaison. Je suis un déçu de l’humanité, comme d’autres le sont du socialisme ou du capitalisme. Il détruit à grande vitesse la seule maison, le seul vaisseau spatial dont il dispose: la Terre. Il massacre la nature, et tout aussi allègrement les autres hommes, au nom du bien, du beau et du juste. Il baptise progrès ce saccage !!

Antonio Torrenzano

 

Join the discussion

Il tuo indirizzo email non sarà pubblicato. I campi obbligatori sono contrassegnati *