“Aldo Moro vit par l’actualité de sa pensée”.Conversation avec Marco Ferri, Université de Modène.

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Conversation avec Marco Ferri, professeur agrégé de droit, avocat, chercheur auprès de la faculté de sciences juridiques de l’Université de Modène. Marco Ferri a consacré une grande partie de sa recherche scientifique à Aldo Moro en qualité d’enseignant et d’éducateur.

Antonio Torrenzano. Peut-on affirmer qu’Aldo Moro vit par l’actualité de sa pensée?

Marco Ferri. La grandeur d’Aldo Mauro a été sa capacité d’anticiper les phénomènes, d’être un précurseur des événements sans jamais les poursuivre. Sa clairvoyance et sa force éthique, ils ont même marqué le parcours de sa vie jusqu’au moment ultime d’elle. L’actualité de sa pensée est renfermée dans la modération et dans la douceur de sa façon de déduire l’avenir. À ces qualités s’unissaient la profondeur et la perspicacité de ses analyses. La recherche d’un point d’équilibre ou de synthèse ne culminait jamais dans d’impositions unilatérales et infécondes. Aldo Moro a rendu propices d’importants procès progressifs pour la démocratie italienne, toujours féconds. J’étais un étudiant quand il fut assassiné, mais j’eus tout de suite la perception, bien que sommaire, de la gravité de l’assassinat d’Aldo Moro et du dégât provoqué à la démocratie italienne et à la société même. L’assassinat d’Aldo Moro a tragiquement souligné le sillon entre la férocité et la barbarie sanguinaire du groupe terroriste destiné à la faillite et la grandeur humaine d’un Homme qui a produit solutions politiques par ses idées.

Antonio Torrenzano. Et les discours à l’Assemblée, ses cours universitaires? Son rapport avec les étudiants?

Marco Ferri. Les discours auprès de l’Assemblée constituante pour la naissance de la République italienne sont un point de repère pour l’histoire contemporaine italienne dont son analyse sur la nécessité d’une irremplaçable et robuste école publique pour le Pays, mais sans le monopole sur le plan éducatif et pédagogique. Ses leçons universitaires de droit et procédure pénale à l’université de sciences politiques à l’université de Rome et Bari. Ses cours et ses réflexions sur la personne humaine, sur la dignité de chaque individu. Vous devez savoir que, pendant les leçons universitaires tenues dans l’année académique 1975/1976, Aldo Moro prononce 1214 fois les mots Personne humaine, Homme, Humanité. L’harmonisation des valeurs de l’individu est pour Aldo Moro une exigence consacrée par la règle juridique, soit du droit civil soit du droit pénal. La modernité et l’actualité de la pensée d’Aldo Moro, elles ne sont pas seulement vérifiables par ses cours universitaires, mais aussi par l’attribution de thèse de maîtrise à ses étudiants sur la tutelle pénale de l’environnement ou sur la tutelle pénale de la protection des données personnelles. Il était le 1976 et nous n’avions pas encore le réseau net. À la faculté de Sciences Po de l’université de Rome, comme il a toujours affirmé Giuliano Vassalli, Aldo Moro transmet à ses garçons et jeunes filles les principes fondamentaux de la vie humaine en partant du droit pénal. Le rapport avec ses étudiants n’était pas seulement traditionnel et j’aimerais vous l’expliquer par deux exemples. En cas d’absence d’un étudiant pendant ses cours ou l’hospitalisation d’une élève, la visite en hôpital ou à la maison de la part du professeur Aldo Moro était toujours ponctuelle, garantie afin d’acquérir renseignements sur l’état de santé de l’étudiant ou simplement pour le réconforter. Essaiez vous d’imaginer l’effroi de la visite inattendue… Comme pour les visites d’instruction qu’Aldo Moro et ses garçons avaient l’habitude d’organiser près de quelques instituts juvéniles de peine, prisons, hôpitaux psychiatriques à la fin de chaque cours universitaire. Aldo Moro croyait, en effet, que les étudiants devaient se rendre personnellement compte de la réalité. Réalité aux fois méconnues, réalité aux fois pas imaginées et prendre conscience de la souffrance. Pour l’organisation du voyage, par exemple, il y avait presque toujours deux autobus et le professeur Aldo Moro voyageait avec ses garçons en s’alternant entre les deux moyens de transport: à l’aller dans un autobus, au retour dans l’autre véhicule pour partager et réfléchir avec tout le monde sur la visite, mais surtout sur la réalité de situations.

Antonio Torrenzano.Comment peut-on alimenter ces lieux de mémoire ?

Marco Ferri. Qui veut alimenter la mémoire et avoir une fidélité pas superficielle à l’Aldo Moro enseignant, à l’Aldo Moro éducateur ainsi qu’Homme, il devra lire les essais de ses jeunes collaborateurs en ces temps-là, devenus après enseignants dans de nombreuses universités italiennes. Je pense à la précise oeuvre scientifique de Francesco Tritto, son élève le plus jeune et mort l’an dernier, qui a dédié à Aldo Moro une grande partie de sa recherche. Les écrits de Francesco Saverio Fortuna, les écrits de Giuliano Vassalli, de Maria Luisa Famigliari, Nicola Rana, Francesca Minerva ou de Fulco Lanchester ancien directeur de la faculté de sciences politiques de Rome. Ces travaux scientifiques ne sont pas traduits en langue française, mais ils sont la fidèle mémoire de l’opéré d’Aldo Moro. Je désire enfin rappeler l’article du même Aldo Moro,titré «Confindenze di un professore» et publié dans la revue Azione Fucina, au Noël du 1944. Dans son article, l’éducateur Aldo Moro affirme: l’enseignant reçoit toujours ce qui a donné. On reçoit toujours tout cela qui naît par d’un amoureux dévouement. Le don semble aux yeux de chaque enseignant une petite chose,mais, au contraire, il a de la valeur immense. Pour qui enseigne, celui-ci est le plus haut cadeau: la joie d’une jeunesse inépuisable qui s’alimente perpétuellement dans la fraîcheur des jeunes.

Antonio Torrenzano.

 

Bibliographie.

Aldo Moro, «Lezioni di istituzioni di diritto e procedura penale» (a cura di Francesco Tritto), Bari, Cacucci editore, 2005. L’essai, il contient aussi un DVD avec tous les cours développés par Aldo Moro pendant l’année académique 1975/1976 en format mp3.

Francesco Tritto, Saverio Fortuna, «Il valore della persona umana nel pensiero giuridico di Aldo Moro» in Crisi o collasso del sistema penale?, Cassino, Università agli studi di Cassino, 2002.

Fulco Lanchester, «Aldo Moro e la Facoltà romana di Scienze politiche», in atti dell’incontro della Facoltà di Scienze politiche de l’Université de Rome, 2002.

Giovanni Conso, «Ricordo di Aldo Moro», dans la revue Giustizia penale, 1978.

Saverio Fortuna, «Aldo Moro visto da vicino», Cassino,Università agli studi di Cassino, 2002.

 

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