Conversation avec Romano Prodi, économiste, professeur d’économie industrielle à l’université de Bologne, ancien président de la Commission européenne. Parallèlement à l’enseignement universitaire, Romano Prodi a mené une intense activité de recherche qui s’est orientée sur «le développement des petites et moyennes entreprises des zones industrielles», « la politique de concurrence », « l’étude des relations entre État et marché », «le rôle central joué par les systèmes scolaires dans la promotion du développement économique et de la cohésion sociale»,«le processus d’intégration européenne» et, suite à la chute du mur de Berlin, la dynamique des différents « modèles de capitalisme.» Il a été professeur invité auprès de l’université Stanford en 1968 et près de l’université Harvard en 1974. Il a été le président de la Commission européenne du mois de septembre 1999 au 22 novembre 2004. Sous sa présidence il y a eu l’adoption de la monnaie unique, l’entrée de dix nouveaux pays au sein de l’Union le 1er mai 2004: Chypre, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et la Hongrie. La signature, à Rome le 29 octobre 2004, du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le dialogue a eu lieu à Bologne près du siège européen de l’université américaine Johns Hopkins pendant le séminaire nommé «L’Europe et la crise économique».
Antonio Torrenzano. J’aimerais commencer ce dialogue avec vous en discutant de l’Europe et sa position dans le monde. Depuis la chute de mur de Berlin, la physionomie de l’Europe a profondément changé. L’Union européenne englobe désormais 27 États membres marqués par différentes identités et différentes visions du futur. Un exemple ? Les Pays fondateurs de la Communauté européenne se réfèrent souvent à l’héritage culturel carolingien, tandis que les Pays slaves de l’Europe centrale et orientale, ils ont une attitude plus américanophile et émotionnelle. Si l’élargissement a représenté un événement important dans l’histoire récente du continent européen, les enjeux de ce processus restent encore considérables.
Romano Prodi. L’Europe a toutes les capacités pour pouvoir être entre les grands leaders de l’économie mondiale, mais elle n’exploite pas tout à fait ce rôle parce qu’elle n’a pas encore l’unité politique et une force commune qui pourrait avoir. Les Pays membres de l’organisation poursuivent encore une politique étrangère nationale qui rend moins efficace le travail de l’organisation dans le contexte mondial. L’Europe est fragile pour sa désunion politique,mais pas comme entité économique. Comme entité économique, au contraire, l’Europe a toujours été le Continent avec un PIB supérieur au PIB des États-Unis, un Continent avec de consistants échanges commerciaux et une surveillance de l’inflation sévère. L’Europe, donc, n’est pas inexistante, elle est fragile pour sa désunion politique.
Antonio Torrenzano. L’Europe, selon vous, comment a-t-elle réagi relativement à la crise financière et économique ? Croyez-vous nécessaire une relation plus étreinte entre politique monétaire et politique économique à l’intérieur de l’Union européenne ?
Romano Prodi. L’Europe a montré une capacité plurielle de réponse à la crise plutôt qu’unique et coordonnée. Ce sont les limites qui dérivent de ne pas avoir une gestion unitaire européenne de l’économie. Je pense, en outre, que la crise née aux États-Unis, elle peut durer plus longtemps dans notre Continent. Cette crise financière a montré à l’Europe qu’il faudra renforcer très bientôt les mécanismes de coordination pour pouvoir mieux répondre aux catastrophes de ce type.
Antonio Torrenzano. Qu’est-ce que la crise nous a enseigné ? Le pire est-il encore à venir ?
Romano Prodi. La crise, elle nous a enseigné l’importance d’avoir une coordination entre institutions économiques pour avoir un système cohérent. Dans chaque Pays du monde, il a été nécessaire de trouver de ressources financières pour réagir aux dommages de la crise, pour sauver les banques, les entreprises. C’est difficile affirmer que ce procès il est terminé. La restructuration de l’économie implique qu’un fort engagement financier, il soit soutenu par la communauté internationale. Je crois, presque inévitablement, que dans les prochaines années nombreuses de nations devra augmenter leurs charges fiscales pour faire face à la considérable augmentation de l’endettement public. Endettement public qui est servi pour contrarier les effets de la crise du mois de septembre 2008.
Antonio Torrenzano