L’Europe et son avenir. Dialogue avec Aziliz Gouez, chargée d’études près du centre de recherche “Notre Europe” Bruxelles.

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Conversation avec Aziliz Gouez, chercheuse, écrivaine. Diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris, titulaire d’un DEA en anthropologie politique auprès de l’EHESS de Paris et d’un doctorat en anthropologie culturelle à New York, elle est actuellement chargée d’études près du centre de recherche Notre Europe. Avant de rejoindre Notre Europe, Aziliz Gouez a travaillé à la permanence parlementaire de Tulle, en Corrèze, tout en effectuant des recherches sur les mécanismes du don, les échanges matériels et symboliques qui lient élus et électeurs dans la politique locale française. De 2003 à 2004, elle a été ingénieure d’études au CNRS, projets Cultpat, « Cultural Patterns of the European Enlargement ».

Antonio Torrenzano. Pourquoi cette désaffection des électeurs européens aux urnes sur l’avenir de l’Europe ?

Aziliz Gouez. Cette problématique est liée au parcours d’affiliation de certains États membre à l’Union européenne que pour les citoyens est vécu comme un parcours à un objet politique non identifié. La plupart des intellectuels qui se penchent sur la question (Jürgen Habermas, Jean-Marc Ferry, Etienne Balibar ) s’accordent pour dire que l’appartenance à l’Union européenne ne peut être pensée à partir des mêmes catégories que celles de l’appartenance nationale. Habermas notamment développe une théorie du patriotisme constitutionnel, d’un patriotisme au-delà des nationalismes qui a un grand écho dans la sphère des spécialistes de l’Union européenne.

Antonio Torrenzano. Mais, bien au-delà de cette sphère de spécialistes, les citoyens européens ont-ils acquis une conscience diffuse sur la production législative des institutions communautaires dans les aspects les plus concrets de leur vie quotidienne ?

Aziliz Gouez. Les Européens ne connaissent pas bien le fonctionnement des institutions communautaires, ils ne parlent pas la langue de Lisbonne. À cet égard, les efforts pour stimuler et informer la conscience européenne de leurs concitoyens, déployés par les institutions UE, ils rencontrent un succès très atténué. L’une des initiatives importantes de la Commission en ce sens consiste dans les politiques structurelles. Elles visent, pour parler le langage de Bruxelles, à réintroduire du « bottom-up » dans l’architecture communautaire. Il s’agit, au nom de la solidarité entre régions riches et pauvres de financer le rattrapage de ces dernières, mais aussi d’amener les élus locaux et régionaux à participer à la construction de l’Europe.

Antonio Torrenzano. L’esprit européen est-il en déclin? La crise économique, a-t-elle paradoxalement augmentée et concentrée sur la Nation et sur l’État que sur l’Europe les réflexions politiques ?

Aziliz Gouez. La prise de conscience des mutations extrêmement importantes induites par la globalisation se caractérise par une résurgence du thème du déclin, qui revient comme un serpent de mer depuis 1918. L’Europe se trouve aujourd’hui en position de fragilité dans un contexte de mutation des équilibres globaux à la faveur de puissances émergentes. Les réflexions sur la globalisation ont ravivé les interrogations sur la spécificité européenne. Cette question n’a jamais été facile à résoudre, étant donné la vocation universelle de la culture européenne revendiquée par de nombreux penseurs. L’une des conséquences les plus inquiétantes de la globalisation telle qu’elle affecte les sociétés européennes consiste dans les nouvelles formes d’inégalités qu’elle crée entre citoyens européens. Pour les habitants les plus riches, les barrières sont aplanies, alors que les frontières sont peu à peu démantelées pour laisser passer les distractions, le capital et la finance du monde. Pour les autres, ceux qui subissent passivement tous les bouleversements, ceux qui sont cloués à la localité et ne peuvent se déplacer, l’espace est bien réel et les enferme peu à peu.

Antonio Torrenzano

 

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