Un an après le début de la crise. Conversation avec Kenneth Rogoff, université de Harvard.

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Conversation avec Kenneth Rogoff, essayiste, professeur auprès de l’université de Harvard, ancien économiste près du Fond monétaire international, il écrit régulièrement des articles d’économie pour l’hebdomadaire Les Échos. En janvier 2009, lors d’un congrès de l’association américaine American Economic Association (AEA), Rogoff et Carmen Reinhart de l’Université du Maryland ont présenté les fruits de leurs recherches sur les impacts économiques des crises bancaires. Analysant les effets de 14 crises bancaires sévères, incluant celles survenues pendant la Grande Dépression, en Suède et au Japon, ils affirment que les conséquences négatives de la crise financière de 2008 sur l’économie américaine se prolongeront au moins jusqu’en 2011. Les deux auteurs estiment aussi que le taux de chômage atteindra au minimum 11% aux États-Unis avant de diminuer. Par ailleurs, la crise immobilière américaine prendra au moins cinq ans à se résorber à partir de 2009 et le prix des maisons pourra perdre en moyenne 36% de leur valeur maximale. Auteur de nombreux essais techniques, traduits dans plusieurs langues étrangères, dont l’essai écrit en collaboration avec Maurice Obstfeld, «Foundations of International Macroeconomics», MIT Press, New York, 1996. Son dernier livre avec Carmen Reinhart est titré «This Time is Different: Eight Centuries of Financial Folly» . Le dialogue s’est développé à Rome pendant la réunion internationale du G30 au mois de mai 2009.

Antonio Torrenzano. Les États occidentaux sont encore obligés à soutenir avec des aides économiques leurs économies, mais ce soutien financier doublera la dette publique des États occidentaux. Qu’est-ce qu’il arrivera aux États-Unis ?

Kenneth Rogoff. La dette publique américaine doublera sa valeur d’ici au 2014. Pour la nation américaine, il coutera très cher de mettre à zéro cette valeur passive. D’ici au 2014, la dette publique des États-Unis sera semblable à celui de quelques États européens, par exemple comme l’Italie. La croissance économique américaine de bref terme aura un coût énorme dans une longue période temporaire et les familles américaines sans aucune différence de revenu, elles devront payer le poids de la dette publique.

Antonio Torrenzano. Mais un très long soutien monétaire public peut-il être la réponse décisive?

Kenneth Rogoff. Le soutien public fonctionne parce que dans les poches des citoyens il y a encore de l’argent, mais dans quelque temps aussi celles-là se videront. Nos modèles montrent qu’aussi une économie pesamment endettée peut, en théorie, continuer à vivre pour des années, mêmes décennies, avant de s’écrouler. Pour le moment, jusqu’à quand l’État conservera du crédit la crise sera contenue. La mauvaise nouvelle est que le rythme par lequel la dette publique est en train de grandir, ceci pourrait provoquer une deuxième violente vague de crises financières d’ici à peu. Aujourd’hui, la dette publique du monde occidental a atteint des niveaux comparables à une situation d’après-guerre. Il est évident que la stratégie contemporaine n’est pas soutenable.

Antonio Torrenzano. Alors, si cette stratégie est insoutenable, jusqu’à quand pourrons-nous continuer à accumuler de la dette publique ?

Kenneth Rogoff. Nous ne le savons pas. À présent, nos modèles macro-économiques ils peuvent souligner les Pays qu’ils sont les plus vulnérables, mais ils ne peuvent pas spécifier exactement où et quand les crises éclateront. Pour les États-Unis, la chose la plus préoccupante est l’énorme dépendance des prêts à l’étranger, en particulier de la Chine. Les économies asiatiques sont conscientes que s’ils continuent à accumuler de titres de crédit américains, ils courent le même risque que les Européens firent il y a trente ans, quand ils accumulèrent de titres d’État USA puis dévalués par l’inflation.

Antonio Torrenzano. Les banques américaines et européennes ont recommencé à produire de bons profits, mais il y a encore le problème pas complètement résolu des titres toxiques à dévaluer. Pour le bureau américain Federal Reserve, ces titres seraient 599 milliards de dollars, mais en additionnant les titres toxiques en Europe on arriverait à 1000 milliards. À quoi, alors, sont-ils servis les vérifications sur les banques américaines du printemps dernier, surnommé « stress test» ?

Kenneth Rogoff. Je crois que l’action de surveillance et de transparence du système financier c’est la juste réponse, que la communauté internationale devra rendre réelle très bientôt. En théorie, la surveillance du monde de la finance et de ses produits ne devrait plus constituer un problème dans les années prochaines. Mais, j’affirme tout ceci en ligne de principe parce que les vérifications sur les banques américaines effectuées le printemps dernier, elles ont été un simple exercice de communication intérieure et extérieure vers le marché domestique et la communauté internationale. Les bilans des banques américaines ne sont pas encore en règle comme, au contraire, les instituts bancaires ont cherché de nous le faire croire.

Antonio Torrenzano

 

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