Quel respect de la dignité de l’homme dans un monde d’inégalité? Conversation avec Richard Sennett, université de New York.

richard_sennett_image.1254152747.jpg

Conversation avec Richard Sennett, économiste, sociologue, professeur à l’université de New York et à la Londoin School of Economics, également romancier et musicien. Poussé vers la sociologie par Hannah Arendt, il reconnait l’influence de Michel Foucault sur son travail. Il est fondateur avec Susan Sontag et à Joseph Brodsky, auprès de l’université de New York de l’institut for the Humanities. Comme conseiller a travaillé pour l’UNESCO et il a été président de l’American Council on Work. Ses analyses conduisent dans un premier temps à la vie ouvrière en milieu urbain, abordent des questions d’architecture, puis élargissent son champ à l’étude de la corrosion du caractère induite par l’instabilité des parcours professionnels dans le capitalisme flexible. Il se fonde sur les récits de vie, notamment de travailleurs condamnés à la mobilité qui ne leur laissera pas la possibilité de nouer des liens durables. Il a pour épouse la sociologue Saskia Sassen. Richard Sennett est conseiller du Président des États-Unis Barack Obama. Auteur de nombreux essais traduit dans plusieurs langues étrangères, le professeur Richard Sennett s’est toujours intéressé de l’identité et des classes sociales dans la société moderne dont «Les Tyrannies de l’intimité», Paris, Seuil, 1979; «La Famille contre la ville : les classes moyennes de Chicago à l’ère industrielle 1872-1890, Paris, Encres édition, 1981 ; «Palais-Royal» , Albin Michel, 1988; «La Conscience de l’œil : urbanisme et société» , Verdier, 2000; «Le travail sans qualité : les conséquences humaines de la flexibilité», Albin Michel, 2000; «Respect de la dignité de l’homme dans un mode d’inégalité», Albin Michel, 2003. Hachette, 2005;« La culture du nouveau capitalisme», Paris, Albin Michel, 2006. Son nouveau livre en langue anglaise «The craftsman» a été publié en 2009 dans le marché éditorial anglo-saxon. Le dialogue a eu lieu à Modène pendant le festival international de la philosophie au mois de septembre 2009.

Antonio Torrenzano.Un an après le début de la crise, le monde en a-t-il tiré les enseignements?

Richard Sennett. Nous vivons dans une économie qui produit de la richesse, mais elle détruit en même temps les qualités de chaque individu, sa créativité et ses savoirs dans le monde du travail. Le capitalisme jusqu’à la crise, il a eu seulement intérêt pour un profit de brève période et il a produit de stratégies de court terme. Ce capitalisme ne s’est pas préoccupé de la formation des travailleurs dans la longue période ou de l’imagination et des améliorations que les mêmes travailleurs pouvaient apporter au système. Au contraire, le système a renversé ces énergies seulement sur de la main-d’oeuvre au bas coût dans les économies émergentes surtout en Chine et en Inde. Dans mon dernier livre que je viens de publier («The craftsman»), j’ai essayé de voir s’il existe encore cette dimension artisanale dans ce système. Dimension artisanale qui pousse chaque travailleur à désirer une exécution parfaite et gratifiante dans son activité.

Antonio Torrenzano. Dans les interviews développés avec les travailleurs américains et anglais, quelles sensations émergent-elles ?

Richard Sennett. Les travailleurs dans leurs interviews affirment qu’ils travaillent beaucoup et toujours sous pression, mais en même temps qu’ils perçoivent leurs activités vides, dépourvues de sens, sans qualité. Il n’y a plus dans cette économie de l’espace pour un travail bien fait. Les interviewés font partie de la classe moyenne, ils ne sont ni riches ni pauvres. Ils sont de techniques spécialisés, ils travaillent à Londres autant qu’à New York, ils s’occupent de communication, de publicité, d’économie numérique. Par rapport à la crise présente, ils sont très préoccupés évidemment de perdre leur travail. Pourtant, en même temps, ils essaient une sorte de soulagement pour le fait que le système qui les a opprimés et dominés pour beaucoup de temps, il a subi un événement historique bouleversant. Ils regardent leur avenir avec de la préoccupation,mais ils désireraient trouver un travail différent, plus stable. Ils désirent changer de route et se libérer de la pression. L’aspect le plus intéressant, dont je suis en train de m’occuper, c’est qu’ils voudraient devenir artisans et retrouver un sens de satisfaction et récompense dans leur travail.

Antonio Torrenzano. Réécrire les règles de la finance peut être un premier pas. Mais reformuler l’entier système capitaliste en ayant comme objectif la dignité de chaque individu il me semble encore une chimère.

Richard Sennett. Nombreux économistes, ils ont raconté que le capitalisme mondialisé pouvait augmenter les possibilités de tous. Ce n’est pas vrai. À présent, je constate qu’une grande majorité d’individus se sent inutile, vidée, paupérisée des propres capacités. L’économie capitaliste que nous avons eue jusqu’à l’année passée a détruit le système de la rémunération, augmenté la discordance entre les revenus de dirigeants et celle de leurs subordonnés. C’est le drame de notre temps.

Antonio Torrenzano

 

Join the discussion

Il tuo indirizzo email non sarà pubblicato. I campi obbligatori sono contrassegnati *