Conversation avec Richard Descoings, Conseiller d’État, directeur de l’Institut d’études politiques de Paris et administrateur de la Fondation Nationale des Sciences politiques depuis 1996. Richard Descoings a obtenu son diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris en 1980. Il fut ensuite élève à l’École Nationale de l’Administration de 1983 à 1985. En 1989, il est nommé Directeur adjoint de l’Institut de Paris et le restera jusqu’en 1991, date à laquelle il sera nommé maître des requêtes au Conseil d’État. De 1991 à 1993, il est successivement conseiller technique au cabinet du ministre pour le Budget, notamment responsable du suivi du budget de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur puis chargé de mission au cabinet du ministre de l’Éducation nationale en charge des questions budgétaires. De 1993 à 1996, il est nommé rapporteur général adjoint de la section du rapport et des études du Conseil d’État et de la mission sur les responsabilités et l’organisation de l’État. De 1995 à 1996, il occupe la fonction de commissaire du gouvernement auprès des formations contentieuses du Conseil d’État. Il est auteur de l’essai « Sciences Po. De la Courneuve à Shanghai», préface de René Rémond, édition presses de Sciences Po, Paris, 2007. L’entretien a eu lieu à Rimini, le samedi 24 octobre 2009 auprès de la Fondation Pio Manzù pendant la 35e édition des journées d’étude internationales titrée « Nomad power: Values, illusions,aspirations of errant youth». Le Centre International Pio Manzù a remis dimanche 25 octobre 2009, la médaille de la Chambre des députés italienne à Richard Descoings. Son site internet http://www.richard-descoings.net
Antonio Torrenzano. La « génération Y » dont on parle bien souvent pour définir les jeunes âgés de 18 à 26 ans est-elle différente des autres générations d’étudiants qui ont étudié à Sciences Po ? Est-ce qu’ il y a, selon vous, une rupture de mentalité entre les générations passées et la «génération Y» ?
Richard Descoings. Je ne sais pas si une telle rupture entre les générations n’a jamais existé. Le net dans tout cas a fait évoluer les mentalités. Aujourd’hui, un élève sur deux à Sciences Po pendant les cours prend ses notes sur son ordinateur portable. Quand je passe le soir, je vois tous les étudiants étrangers qui téléphonent par leur ordinateur ou qui travaillent avec la tête penchée sur leurs microordinateurs. Le passage au numérique, les réseaux sociaux, MSN ou la même utilisation de la musique ou de l’art par les systèmes à affichage numérique, tout cela est en train de créer un incroyable écart entre le savoir et le savoir-faire des nouvelles générations versus le non-savoir et le non-savoir-faire des générations précédentes. Les enfants et les adolescents se construisent aujourd´hui, à un moment très important de leur vie, dans un monde dont leurs parents sont complètement exclus. Je veux vous faire un autre exemple : pour les trentenaires d’aujourd’hui l’international faisait déjà partie des horizons possibles ; pour la génération actuelle de 18 à 26 ans, il fait partie de la réalité.
Antonio Torrenzano. Cette révolution culturelle, a-t-il affirmé le directeur de la division de l’information et de l’informatique UNESCO Philippe Queau, va si loin qu’on peut même parler de l’apparition d’une nouvelle «manière d’être». La révolution numérique n’est pas une simple révolution technique, mais comparable à ce que fut l’apparition de l’alphabet ou à l’invention de l’imprimerie. L’école et les pratiques pédagogiques doivent-elles s’approprier de cette nouvelle ère virtuelle ?
Richard Descoings. C’est évident. Dans les années qui viennent, nous avons d´immenses efforts à faire concernant, d´une part, la formation des enseignants et, d´autre part, la conceptualisation d’une nouvelle éducation pour nos adolescents. L’environnement de cette génération est inédit et à géométrie variable. C’est la première génération qui n’a pas connu la guerre froide. Une génération qui grandit dans un monde extraordinairement complexe. Si on ne le fait pas, cela nous rendra incapables par rapport à l’arrivée de la révolution numérique. Révolution qui est tellement rapide que même ceux qui ont un peu d´avance sont en retard. Cette génération a un siège important à prendre. Chaque talent est précieux et demande à être reconnu et valorisé. La crise financière planétaire et les conséquences économiques et sociales qui deviennent de plus en plus pesantes, ils nous obligent à savoir mobiliser tous les talents. Savoir mobiliser tous les talents est devenu une question d’intérêt général.
Antonio Torrenzano