“L’Afrique doit se tenir sur ses jambes”. Conversation avec Dambisa Moyo, Royal Institute of international affairs.

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Conversation avec Dambisa Moyo, économiste zambienne, professeur au Centre for International Business and Management (CIBAM) de l’université de Cambridge et du Royal Institute of International Affairs (Chatham House). Dambisa Moyo a travaillé pour la Banque mondiale en qualité de consultante de 1993 à 1995 et près de la banque d’affaires Goldman Sachs de 2001 à 2008 où elle a été directrice de la recherche économique et de la stratégie pour l’Afrique subsaharienne. En mai 2009, la revue Time Magazine a classé Dambisa Moyo parmi les 100 personnes les plus influentes du monde. Autrice de nombreux essais économiques, traduits dans plusieurs langues étrangères, Dambisa Moyo est l’auteure de l’essai « Dead Aid: Why Aid is Not Working and How There is a Better Way For Africa », publié au printemps 2009 aux États-Unis. L’essai propose de nouvelles solutions à la dépendance systématique des pays pauvres à l’aide publique. L’analyse de l’économiste offre de plus de nouvelles perspectives sur le rapport entre les objectifs attendus et les résultats obtenus de l’aide au développement en relevant les impasses économiques vers lesquels celui-ci a conduit l’Afrique. Le dialogue avec Dambisa Moyo a eu lieu à Bologne au mois de juillet 2010 pendant un séminaire de l’économiste dans la ville de la région Emilia Romagna en Italie.

Antonio Torrenzano. Votre essai contre l’aide internationale au continent africain est un réquisitoire. Pourquoi, l’aide est-il un problème pour l’Afrique ?

Dambisa Moyo. Le constat est simple : après trente années d’aide au développement à l’Afrique au nom de la pauvreté, le continent africain n’a pas encore effacé ses déséquilibres économiques. En 1970, 10 % de la population du continent vivait avec moins d’un dollar par jour. Aujourd’hui, encore le 70 % des Africains est dans cette situation. Dans le même temps, le niveau de vie a progressé dans le reste du monde. En Chine, par exemple, 300 millions de personnes sont sorties de la pauvreté. Je ne remets pas en cause l’aide humanitaire d’urgence apportée à la suite des inondations, des sécheresses ou des famines. Je critique l’aide au développement pour les dizaines et dizaines de milliards de dollars en provenance des pays riches ou des institutions internationales qui n’ont pas produit d’effet.

Antonio Torrenzano. Dans votre livre, vous soutenez encore que l’aide au développement dans certains Pays il peut engendrer de la corruption.

Dambisa Moyo. L’aide au développement pose de nombreux problèmes, dont celui de la corruption. Cet aide dirige les pouvoirs publics africains à se débarrasser des questions nationales très importantes comme l’éducation, la santé, le respect de l’environnement. Et, ces sujets très stratégiques pour l’avenir d’un pays ils sont confiés au financement de l’aide étrangère. Beaucoup de gouvernements africains ont été amenés à considérer l’aide comme une source de revenus permanente et sûre. Ces financements dispensent enfin les États africains de lever des impôts. Or, s’il ne revendique pas d’argent à ses administrés, un gouvernement peut s’abstenir de leur rendre des comptes. Dans les années 60, l’aide étranger allait aux infrastructures, dans les années 70 vers la pauvreté, dans les années 80 vers l’ajustement structurel et dans les années 90 vers la démocratie et la gouvernance. Mais le point fondamental est que cet argent a été toujours utilisé dans de mauvaises directions. Ce système a produit jusqu’à aujourd’hui de l’inflation, une dette plus lourde et de la nouvelle pauvreté. Nous n’avons pas eu dans ces dernières décennies de véritables changements. Il est virtuellement impossible en s’appuyant sur l’expérience de l’Afrique de soutenir que l’aide a eu des résultats positifs.

Antonio Torrenzano. Vous proposez de remplacer l’aide au développement par des capitaux privés. L’Afrique a en effet enregistré depuis des années le début d’un décollage économique très perceptible. Mais avec la crise mondiale, je m’interroge sur l’avenir.

Dambisa Moyo. Des nations africaines ont déjà fait recours aux investisseurs privés. Par exemple, le Gabon, le Ghana, l’Afrique du Sud et le Botswana. Ces États ont pu émettre des emprunts sur les marchés obligataires. Avec la crise financière contemporaine, les capitaux privés se sont réduits en Amérique du Nord et en Europe, mais pas en Chine ou au Moyen-Orient. Ces pays émergents ont un autre regard vers le continent africain. Au cours des derniers soixante ans, aucun pays n’a eu, sur la structure politique et économique de l’Afrique, un impact comparable à celui de la Chine depuis le début de ce troisième millénaire. Je pense que la Chine sera effectivement le partenaire économique et commercial étranger dominant sur le continent africain au XXIe siècle. L’Afrique a des ressources énergétiques et une main-d’œuvre jeune qui ne demande qu’à travailler.

Antonio Torrenzano

 

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