La vague de protestations déferlant sur le monde arabe marque une nouvelle ère pour les peuples de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient. Il est rare qu’un désir de justice se réalise dans cette manière devant nos yeux et concrètement. Nombreux médias, ils ont soutenu que pour la Tunisie a été la première fois. Mais, déjà en 1994, dix-huit intellectuels et universitaires, dont les juristes Ali Mezgheni, Iyad Ben Achour et Abdelwahab Meddeb par une lettre ouverte à l’ancien président Ben Ali, ils dénonçaient la désertification de l’espace politique et la fermeture d’une confrontation d’opinions et d’idées avec un très haut risque de révoltes et de besoin de liberté. Dans cette occasion, la lettre fut reçue comme une insulte par l’ancien autocrate et la même communauté internationale sans mot dire elle resta muette. Seize ans après,tout ça s’est produit.
La révolte tunisienne s’est diffusée après en Égypte,Barehien, en Libye et dans presque tout le Proche-Orient. Pour ce qui concerne la Libye, au contraire, les récents événements ont pris une tournure inattendue, violente et encore très incertaine. Toutefois, ces mouvements de contestation conduite par des citoyens pacifiques sont parvenus à faire précipiter les autocrates vers leurs chutes. Le monde a constaté que c’est chose faite. Les communautés nationales de la Rive-Sud de la Méditerranée confrontées à leurs tyrans redécouvrent que c’est possible.
Ces mouvements ont prudemment reçu le soutien moral de l’Union européenne, de ses États membres et d’autres nations occidentales. Toutefois, ces révoltes invitent encore une fois l’Europe à s’interroger sur le sens de ces événements et sur les nouvelles solutions pour relancer un vrai chantier politique euroméditerranéen. Nombreuses sont les questions auxquelles répondre. Par exemple, l’Europe est-elle obligée à repenser les bases sur lesquelles devront être reconstruites ses nouvelles politiques moyen-orientale et nord-africaine ? Au vu de ce vent de printemps, la même finance et l’industrie européennes sont-elles obligées à repenser leurs conduites menées jusqu’à aujourd’hui ? Les relations économiques étroites de certains de ses États membres de l’UE avec le gouvernement Kadhafi influent profondément sur la crédibilité de l’Union européenne ainsi que les objectifs et les valeurs de la politique méditerranéenne. Encore, l’Europe est-elle vraiment prête à faire face à une nouvelle pensée politique avec la Rive-Sud au long terme en vue d’obtenir des avantages de démocratie et stabilité ?
Pour ce carnet numérique, l’Europe a déjà de nombreux moyens culturels pour le faire. L’Europe doit commencer de nouveau par sa «pensée méridienne» parce que la Mer Méditerranée signifie « mer au milieu des terres ». Que signifie le terme « pensée méridienne»? La pensée méridienne est la pensée qui veut raisonner à propos du Sud. Le sud étant dans ce cas-ci la Méditerranée. L’homme méditerranéen – affirme Franco Cassano – vit toujours entre terre et mer, il limite l’une grâce à l’autre; dans son regard technologique et dans ses vices, il y a une mesure que d’autres ont perdue ». Avec ses caractéristiques, la Méditerranée est et reste à présent un centre vital de la grandeur et des richesses de la civilisation européenne. Cette mer a la capacité de protéger et de relier les différences. Intérioriser la mer, c’est savoir qu’il n’existe pas qu’un seul horizon, un seul pays et un seul accent, que des visions divergentes peuvent coexister. Pourquoi l’Europe a-t-elle oublié cette pensée, plusieurs fois soulignée d’Albert Camus et Pierpaolo Pasolini ? Edgar Morin conclurait de manière lucide:« nos espoirs, sans être autant utopiques, sont improbables. Mais l’improbable a toujours eu ses chances historiques. Sachons donc espérer l’inespéré et œuvrer pour l’improbable.»
Antonio Torrenzano