Conversation avec Fatima Bhutto, écrivaine, journaliste. Héritière de la puissante famille des Bhutto qui a longtemps dominé la vie politique pakistanaise. Comparés aux Kennedy, les Bhutto sont une riche et puissante famille qui a dominé la vie politique du Pakistan. Zulfiqar Ali Bhutto, le père de Benazir, a dirigé le Pakistan dans les années 1970 avant d’être renversé par un coup d’État et exécuté par le dictateur Zia ul-Haq. Fatima Bhutto avait seulement 14 ans lorsque son père a été abattu devant les grilles de leur maison de Karachi, à quelques encablures de la chambre où la jeune fille se cachait avec son petit frère. Elle n’a pas oublié. Elle a vécu l’assassinat de sa tante, treize ans plus tard, comme une répétition de la malédiction tragique qui semble frapper sa famille. Fatima Bhutto est également autrice de nombreux essais, traduits dans plusieurs langues étrangères, dont «Le chant du sabre et du sang». L’entretien avec l’autrice a eu lieu à Rome au mois de mars 2011.
Antonio Torrenzano. Pourquoi la voix des femmes est-elle presque absente de la politique mondiale ?
Fatima Bhutto. Dans ce temps de pensée complexe, la vision féminine serait une très bonne approche pour ce qui concerne les principes de la transparence, de la responsabilité, de la démocratie. La vision féminine a la capacité à définir les situations de façon simple, à nommer les problèmes de façon claire. La pensée chercheuse est aussi audacieuse ; elle n’a pas peur de se jeter dans le gouffre du néant, d’abattre les idoles ; elle ne recule pas devant le risque du saut. La pensée chercheuse féminine est laborieuse et dynamique. Dans ce temps présent, un nouveau parcours de justice sociale et économique il serait nécessaire.
Antonio Torrenzano. Pourquoi le fantôme du fondamentalisme a-t-il rendu aveugle le monde occidental ?
Fatima Bhutto. L’occident croit que nous sommes tous des fondamentalistes. Tout le monde, par exemple, il croit encore que mon Pays ne connait pas le principe de la tolérance ou le principe de la sécularisation. Aujourd’hui, cette aggravation des circonstances a bloqué chaque possibilité d’avoir un dialogue durable entre les cultures, mais surtout clairvoyant. Je ne peux qu’exprimer mon embarras. C’est une tragique erreur.
Antonio Torrenzano. Votre dernier essai, c’est l’hommage d’une fille à son père trop tôt disparu. Encore, votre livre «Le chant du sabre et du sang» raconte la saga d’une famille de riches propriétaires descendants d’une caste de guerriers du Rajasthan qui deviennent les décideurs politiques du Pakistan. Quel est votre rapport avec la peur ?
Fatima Bhutto. Mon rapport avec la peur est long et tourmenté. Dans mon dernier livre, j’en parle. J’avais 14 ans quand mon père a été abattu devant les grilles de notre maison de Karachi. Deuil que je n’oublierai jamais.
Antonio Torrenzano