Crise économique, où va-t-on ? Conversation avec Jayati Gosh, université de nouvelle Delhi et université de Cambridge.

Conversation avec Jayati Gosh, économiste, professeur à l’université Jawaharlal Nehru de nouvelle Delhi et à l’université de Cambridge. Autrice de nombreux essais sur le développement et sur les interdépendances économiques entre les Pays de la communauté internationale dont nous rappelons «Crisis and conquest : learning from East Asia », 2001; «The market that failed : a decade of neoliberal economic reform in India », 2002. La conversation avec Jayati Gosh a eu lieu à Rimini pendant la 42e édition des journées internationales d’étude de la Fondation Pio Manzù en cours à Rimini du 21/23 octobre 2011.

Antonio Torrenzano. J’aimerais commencer cette conversation en dialoguant avec vous sur cette longue période de crise économique de l’année 2008 à aujourd’hui. Pourquoi le système a-t-il perdu l’ancienne valeur d’une équitable redistribution de la richesse pour tous ?

Jayati Gosh. Tout le monde sait désormais que la crise financière du 2008 reposait sur des pratiques spéculatives rendues possibles et encouragées par la déréglementation du secteur financier, et qu’il n’était pas durable. Il est désormais unanimement reconnu qui est nécessaire de réformer le système financier international. Ce système s’est montré incapable de respecter deux règles élémentaires : prévenir l’instabilité et les crises, et assurer le transfert des ressources des économies les plus riches vers les plus pauvres. Le système a encouragé encore un comportement d’instabilité, c’est-à-dire l’accentuation non nécessaire des fluctuations dans les économies nationales. Il a fait de la finance un secteur opaque et impossible à réglementer. Il a encouragé les bulles et la ferveur spéculatives. Le système n’a pas produit de véritables investissements productifs au profit de la croissance future. Il a permis la prolifération des transactions parallèles par le biais des paradis fiscaux et de vérifications nationales peu sévères. En outre, il a affaibli le rôle d’un outil essentiel au développement économique : le crédit dirigé qui permet d’allouer une partie du prêt à des secteurs spécifiques de l’économie. Malheureusement, tout porte à croire que ce sont ceux qui n’ont rien gagné qui devront payer pour réparer les erreurs d’un système financier irresponsable et dérèglementé.

Antonio Torrenzano. L’échec des marchés dans le secteur financier a eu d’importantes externalités sur la production et l’emploi. Il est clair encore que revenir au statu quo ante sera impossible. D’une certaine façon – soutient l’économiste français Patrick Viveret – c’est qui arrive avec la crise n’est que la manifestation de grandes vagues de mutation nées après la chute du mur de Berlin en 1989. La première vague de mutation par exemple pourrait être caractérisée par la non-soutenabilité de ce qu’on pourrait appeler le modèle « dérégulation, compétition à outrance, délocalisation ».

Jayati Gosh. La restructuration de l’ordre mondial devra reposer sur des efforts robustes en vue de réduire les inégalités économiques tant entre les pays de toute la communauté internationale, qu’au rang national. Les limites « acceptables » en termes d’inégalités ont été largement dépassées dans la plupart des sociétés et les politiques futures devront inverser cette tendance. Il est indispensable de tenir compte sur les plans mondial et national de la nécessité de réduire les inégalités de revenus et de richesses, mais aussi, et surtout, à la hauteur de la consommation des ressources naturelles. Millions de personnes dans les pays du sud, ils continuent d’être privés d’un accès suffisant ou approprié aux conditions les plus élémentaires d’une vie décente, notamment à un niveau minimal de santé, d’éducation et d’infrastructures, transports et moyens de communication. Il faut édifier un nouveau cadre économique international pour soutenir ces efforts.

Antonio Torrenzano. Partout dans le monde, les femmes construisent de ponts pour l’avenir. Elles défendent les droits des personnes et des communautés victimes d’oppression, de discrimination et de violences. Toutefois, les inégalités entre les sexes restent profondément ancrées dans beaucoup de sociétés. Les femmes se voient souvent refuser l’accès à l’éducation et aux soins de base, elles doivent surmonter la ségrégation des emplois et les écarts de rémunération, elles sont sous-représentées dans les processus décisionnels.

Jayati Gosh. Il est important que, partout dans le monde, les États se montrent plus ouverts et plus attentifs aux besoins de la majorité des citoyens lors de la formulation et de la mise en oeuvre des politiques économiques. La clairvoyance féminine est un atout. La plupart de femmes connaissent très bien les risques qu’elles courent et les difficultés du quotidien.

Antonio Torrenzano

** Du 21 au 23 octobre 2011, la 42e édition des journées internationales d’étude de la Fondation Pio Manzù à Rimini s’occupe des grandes questions de ce nouveau millénaire. L’édition de cette année est : «XXI siècle, le siècle de femmes? Réponses féminines pour le futur de l’Humanité ». Nombreux les conférencières invitées qui sont en train de discuter sur ce sujet dans ces jours. Ellen Johnson-Sirleaf, prix Nobel pour la paix 2011 et présidente du Libéria, Ngozi Okonjo-Iweala, ministre des Finances de l’État du Nigéria, Nouzha Skalli, ministre du Royaume du Maroc pour le développement, la famille et la solidarité, Mary Akrami (fondatrice du centre pour le développement et l’éducation des femmes Afghanes), Jayati Gosh, économiste près de l’université Jawaharlal Nehru de nouvelle Delhi, Rasmata Kabre, présidente du centre de soutien aux femmes du Burkina Faso, Marie Wilson de l’institut américain White House Project. Pour suivre les journées internationales d’étude, la consultation en ligne est accessible au suivant adresse http://www.piomanzu.org

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