Conversation avec Tawakkol Karman, prix Nobel de la paix, journaliste, blogueuse, militante non violente. La journaliste yéménite a été une des trois lauréates du prix Nobel de la paix en partageant l’hommage du comité Nobel norvégien avec les Libériennes Ellen Johnson Sirleaf et Lemah Gbowee. Par ses écrits, cette jeune Femme de 32 ans, mère de trois enfants, a fait connaitre tous les acteurs du printemps arabe et les événements de la contestation au Yémen, mais aussi le sentiment d’injustice de 22 pays arabes. De la Libye à l’Égypte en passant par la Tunisie et la Syrie. Tawakkol Karman par ses écrits est la témoin du printemps arabe qui veut en finir avec des régimes corrompus. En 2005, elle crée l’association Femmes journalistes sans chaînes (WJWC), un groupe de défense de la liberté de pensée et d’expression. Experte de nouvelles technologies, elle a été la première à utiliser le téléphone portable pour faire circuler des minimessages sur la situation des droits de l’homme dans son pays. À la journaliste a été également le prix International Woman of Courage aux États-Unis en 2011. L’entretien a eu lieu dans la ville de Turin près du Conservatorio Giuseppe Verdi, le sept février 2012 pendant un séminaire du prix Nobel sur le thème « La paix et les droits humains ». Un spécial remerciement à la mairie de Turin pour l’image de Tawakkol Karman.
Antonio Torrenzano. Les femmes, quel rôle jouent-elles dans les changements en cours au Proche-Orient ? Le « génie féminin » pourra-t-il être le moteur du changement social et politique ?
Tawakkol Karman. Les femmes sont engagées dans ces changements autant que les hommes. Les femmes sont détentrices de savoirs cruciaux qui peuvent produire un vrai changement social. Elles sont dans les rues, dans toutes les manifestations pacifiques pour réclamer un véritable changement. Elles ont également donné leur vie pour la liberté. Toutes les femmes au Proche-Orient sont en première ligne. Les femmes ont leurs idées et elles veulent les expliquer dans la vie politique, dans les élections, dans la rédaction d’une nouvelle constitution par exemple dans mon Pays. Nous voulons exprimer nos opinions et participer à la construction d’États arabes contemporains. Les capacités féminines doivent être des moteurs de changement social pour le bien de tout le monde. Je suis optimiste.
Antonio Torrenzano. Vous avez rencontré après le prix Nobel de la paix la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, le premier ministre britannique David Cameron et le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, quel message avez-vous porté à ces représentants politiques ?
Tawakkol Karman. D’écouter les nouvelles générations du monde arabe et leurs rêves.
Antonio Torrenzano. Les femmes risquent-elles plus d’autres individus ?
Tawakkol Karman. Le risque est bien réel, mais nous sommes prêtes à nous battre. La plupart de femmes connaissent très bien les risques qu’elles courent et les difficultés du quotidien. La révolte arabe est une révolution morale. Cette révolte est portée par la société civile et une foule des gens ordinaires. Pauvres, riches, jeunes, vieux, femmes : ils sont sortis dans la rue sans le soutien des partis politiques et loin d’analyses politiques ou idéologiques. Tout le monde veut seulement réaliser leur rêve de dignité et de liberté.
Antonio Torrenzano. Croyez-vous que la communauté internationale occidentale comprenne ce changement historique et unique en cours ?
Tawakkol Karman. Je pense que la communauté internationale n’arrive plus à suivre ce qui se passe dans le monde arabe. Les pays occidentaux sont toujours dépassés par les événements et leurs analyses ne dépassent pas la semaine. Les Occidentaux préféreront-ils être les alliés d’une jeunesse porteuse d’un nouveau projet d’avenir ou les partenaires de régimes dépassés ? Personne ne pourra s’opposer à la volonté des jeûnes. Nous sommes en train d’apprendre la démocratie par étapes. La démocratie arrivera dans le monde arabe.
Antonio Torrenzano