Au dernier sommet du G20 à Los Cabos, lors de la réunion internationale, les pays membres se sont engagés à renforcer leurs efforts pour combattre la famine dans le monde. Plusieurs ONG avaient rappelé les dirigeants du G20 à profiter du sommet pour s’intéresser aux crises oubliées qui frappent les populations les plus pauvres dans le monde et pas seulement aux problèmes de l’occident. Dans une manière particulière, les ONG soulignaient la nécessité urgente d’encourager une croissance qui pouvait inclure tout le monde en portant à l’attention du sommet les effets pervers de l’insécurité alimentaire, de la faim et de toutes les crises qui ne sont presque jamais discutées au G20, mais qui sont au coeur de la vie de milliards des individus.
Pourquoi la faim et la pauvreté restent-elles encore un scandale dans certains pays du Nord et du Sud de la planète et dont on parle trop peu ? Pourquoi la famine frappe-t-elle encore nombreuses régions ou parfois des nations entières ? Le dernier rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation (FAO) montre que 925 millions de personnes souffrent de faim ou de malnutrition et un enfant en meurt toutes les cinq minutes. Le rapport FAO souligne encore qu’en dépit des progrès technologiques et de la croissance dans ces dernières années, il y a aujourd’hui en valeur absolue autant d’affamés dans notre planète qu’il y a quinze ans.
Chaque année, la faim tue plus de personnes que le sida, le paludisme et la tuberculose tout réunis ensemble. Un tiers des décès chez les enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement est lié à la malnutrition. Les mille premiers jours de vie pour un bébé qui nait dans les régions affamées, ils constituent une période critique pour lutter contre la malnutrition. Une bonne alimentation pendant cette période les protègerait contre les retards de croissance mentale et physique. La faim constitue donc le premier risque sanitaire dans le monde. Dans son dernier rapport, la FAO a aussi identifié une possible géographie de ce scandale oublié par la communauté internationale. Plus de la moitié de la population souffrant de la faim dans le monde vit dans la région Asie et Pacifique. Un peu plus d’un quart de la population touchée par ce problème vit en Afrique. Dans le continent africain par exemple, le nombre de personnes sous-alimentées se trouve pour un 25 % en Afrique Centrale et pour un 12% en Afrique de l’Est, mais aussi certains pays du Proche et Moyen-Orient. En Somalie par exemple, il est très facile de constater une étroite corrélation entre la carte des zones affamées et celle des régions du pays somalien frappé par la guerre civile.
Le paradoxe est qu’il ne s’agit pas d’une insuffisance globale de la quantité de nourriture produite, mais plutôt d’un problème d’instabilité politique dans certaines régions et de spéculation économique et financière. « La terre a suffisamment de ressources pour nourrir 12 milliards d’êtres humains – souligne l’ancien rapporteur ONU Jean Ziegler –, mais les enfants qui meurent sont les victimes de décisions commerciales meurtrières». Dans cette dernière décennie, la terre comme bien économique a été de plus en plus accaparée par des intérêts économiques à de simples fins spéculatives. Résultat : dans plusieurs régions du sud de la planète, les familles paysannes ont été les premières victimes. L’accaparement des meilleures terres arables par de grandes sociétés transcontinentales est un des nouveaux facteurs du scandale de la faim autant que le dumping agricole. En 2011, en Afrique par exemple, ils ont été achetés 41 millions d’hectares de terres par des capitaux étrangers. Des terres qui serviront surtout à cultiver des denrées destinées à l’exportation. Le dumping agricole, en revanche, consiste à larguer les surplus alimentaires des pays européens et américains sur les marchés du sud en mettant en jeu la souveraineté alimentaire des États les plus pauvres. On retrouve sur ces marchés des poulets, des fruits ou des légumes européens ou américains, de moitié moins cher que des produits locaux. Devant de tels bas prix, les agriculteurs locaux n’ont aucune chance de survivre.
Enfin, la spéculation boursière sur les denrées alimentaires. Depuis 2008, la spéculation boursière sur les denrées de base, comme le blé, le maïs et le riz, qui constituent 75 % de l’alimentation mondiale, a fait flamber le prix de ces aliments. Trente-six mois après, le prix du maïs a augmenté de 93% avec le pire résultat que des millions de personnes se sont retrouvées incapables de nourrir leur famille. « La spéculation sur les denrées – ajoute encore l’ancien rapporteur ONU Jean Ziegler – est une pratique effroyable. Il suffirait de peu pour mettre fin à la spéculation sur les aliments de base: il n’y a qu’à l’interdire». Mais le désastre reste persistant, le scandale invisible. Chaque nuit, une personne sur sept sur la Terre se couche ainsi le ventre vide… pour combien de temps encore ?
Antonio Torrenzano