La faim : une crise oubliée dans un monde d’abondance. Conversation avec Rasmata Kabre, économiste au Burkina Faso.

Conversation avec Rasmata Kabre, économiste, coordonnatrice de la fondation pour la promotion des droits des femmes au Burkina-Faso, vice-présidente de l’ONG BPW (Business and professional women) dans la capitale Ouagadougou. La conversation avec Rasmata Kabre a eu lieu à Rimini pendant la 42e édition des journées internationales d’étude de la Fondation Pio Manzù.

Antonio Torrenzano. Les récoltes céréalières mondiales des dernières années ont été élevées, et en même temps le nombre d’affamés a continué à augmenter. Entre 2000 et 2011, le prix du blé, du maïs et du riz sur le marché mondial a connu, en tenant compte de l’inflation, une hausse moyenne de 150%. Depuis le début du XXI siècle, les marchés de matières premières ( des métaux jusqu‘au pétrole en passant par le blé, le maïs et le soja) sont devenus de biens économiques appréciés par les investisseurs en capital. L‘augmentation de la population mondiale et la croissance économique internationale s’accompagnent d’une demande continue de matières premières ; le commerce de matières premières est donc une activité très lucrative. Les fonds de pension, les assurances, les fondations et un grand nombre d‘investisseurs individuels ont ainsi investi plus de 600 milliards de dollars dans les marchés financiers de matières premières. Existe-t-il une corrélation entre ces deux évolutions ? Un secteur financier débridé nuirait-il à la vie et à la santé des populations les plus pauvres en faisant augmenter les prix des matières premières ?

Rasmata Kabre. Je trouve troublant qu’à une époque où la nourriture est partout très abondante, où les rendements agricoles sont plus élevés que jamais, presque 925 millions d’individus n’aient pas assez à manger. L’Organisation des Nations Unies estime que presque un milliard d’individus souffraient de la faim en 2011. Ce chiffre demeure supérieur au niveau d’avant les crises alimentaire et économique de 2008. Ce chiffre est toutefois supérieur à ceux de la période du Sommet mondial de l’Alimentation de 1996, lorsque les dirigeants mondiaux convinrent de réduire de moitié le nombre d’affamés. Tout cela a des conséquences durables sur leur santé et les prive de perspectives d’avenir. Au cours de la seule année 2010, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 30 % et au moins 40 millions de personnes de plus ont sombré dans la pauvreté absolue. L’absence de mécanismes appropriés pour affronter les événements bouleversants ou protéger les populations les plus vulnérables de leurs effets se traduit par une recrudescence de la faim aujourd’hui. L’Afrique de l’Ouest continue à être victime d’une insécurité alimentaire et une malnutrition croissantes dans plusieurs pays où le pourcentage de personnes sous-alimentées demeure le plus élevé, avec 30 pour cent en 2010. Quand les populations sont obligées de consacrer 80 % de leurs revenus à l’alimentation, au lieu de seulement 20 % comme dans les riches pays industrialisés, les hausses de prix des céréales, du pain et d’autres aliments de base représentent une menace existentielle.

Antonio Torrenzano. Quel est l’impact de la malnutrition dans votre Pays ?

Rasmata Kabre. La pauvreté dans mon Pays fait vivre presque 44% de la population dans une situation de misère et les femmes sont les premières victimes. Les femmes – j’ajouterais – sont des victimes silencieuses. La situation de la pauvreté extrême au Burkina Faso, c’est une blessure ouverte. Une souffrance immense. La malnutrition et les maladies qui en découlent représentent encore la principale cause de mortalité dans mon Pays. Notre association suggère depuis longtemps aussi que, si les femmes tiraient profit des moyens nécessaires pour être plus productifs dans le secteur alimentaire, on pourrait enregistrer une augmentation de rendement allant jusqu’à 30%. Lorsqu’on dialogue du système alimentaire, la question de l’égalité se pose à chaque instant. Si la dynamique des forces du marché a généré une situation dans laquelle 15% des habitants de la planète souffrent de la faim, c’est que l’on s’est trompé quelque part. L’économie devrait être au service des individus et non l’inverse.

Antonio Torrenzano. Depuis le 2006, vous avez créé à Ouagadougou une ONG pour aider les femmes avec graves problèmes économico-sociaux.

Rasmata Kabre. Les femmes de mon Pays souffrent de manière disproportionnée cette condition. L’association a pris en main la défense de toutes les femmes exclues du tissu social et économique de mon Pays. Toutefois, nous nous battons pour la réalisation de tous les objectifs du Millénaire convenus au plan international, mais aussi pour l’égalité des genres retenue vitale pour la lutte contre la pauvreté extrême de toutes les femmes au Burkina Faso.

 Antonio Torrenzano

 – Bibliographie électronique.

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) offre désormais un accès libre et gratuit à FAOSTAT, ses archives centrales de statistiques qui constituent la plus vaste base de données mondiale sur l’alimentation, l’agriculture et la faim. FAOSTAT, accessible en anglais, en espagnol et en français, permet aux utilisateurs de sélectionner et d’organiser les informations statistiques en tableaux et diagrammes en fonction de leurs exigences, et de les télécharger en format Excel. Les archives remontent à 1961. Source : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=22386&Cr=agriculture&Cr1

 – Un remerciement particulier au photoreporter Riccardo Gallini de la Fondation Pio Manzù (http://www.piomanzu.org) pour l’image de Rasmata Kabre.

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