Irak : la tragédie occulte des violences contre les femmes.

femmes_violence_irak_imageDébut août, les jihadistes de l’État islamique ont conquis plusieurs villes et villages yazidis et chrétiens dans la province de Ninive, près de la région autonome du Kurdistan, en obligeant à la fuite des dizaines de milliers de personnes. Ce vendredi, des jihadistes ont tué des dizaines de personnes, en majorité des membres de la minorité yazidie, dans le village irakien de Kocho au nord de l’Irak. «Nous avons des informations que vendredi après-midi un convoi d’hommes armés de l’EI est entré dans ce village», a déclaré un haut responsable irakien, Hoshyar Zebari. Selon Harim Kamal Agha, un haut responsable de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) dans la province de Dohuk, frontalière de celle de Ninive, cette incursion a tué 81 personnes.

Cette minorité religieuse, dont les racines remonteraient à plus de 6 000 ans, constitue une des plus anciennes communautés du nord de l’Irak. Les Yézidis pratiquent une religion syncrétique. Cette religion mêle un héritage soufi (un courant mystique de l’islam) et des éléments du judaïsme, du christianisme ou encore du zoroastrisme : la prière se fait face au soleil et pas face à La Mecque. Cette communauté pré-islamique est devenue à présent la cible des jihadistes. De manière particulière : les femmes. Des centaines de Yézidies sont retenues par les combattants de l’État islamique, selon un porte-parole du ministère irakien des Droits de l’homme. Ces femmes seraient toutes âgées de moins de 35 ans et une partie d’elles seraient regroupées dans des écoles de Mossoul. «Nous pensons que les jihadistes les considèrent comme des esclaves, et qu’ils ont des projets terribles pour elles», a commenté ce porte-parole. Les États-Unis ont confirmé le renseignement en ajoutant qu’elles seraient emprisonnées afin d’être vendues ou mariées à des combattants extrémistes.

Une vive préoccupation concernant les informations sur les violences sexuelles contre les minorités en Irak a été également manifestée par la Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU sur la violence sexuelle dans les conflits, Zainab Bangura, et le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq, Nickolay Mladenov. « Nous sommes profondément préoccupés par les informations récurrentes faisant état d’actes de violence, notamment de violence sexuelle contre des femmes, des adolescentes et des adolescents appartenant à des minorités iraquiennes », ont déclaré M. Bangura et M. Mladenov dans une déclaration à la presse conjointe. « Des récits atroces sur l’enlèvement et la détention de femmes, de filles et de garçons yézidis, chrétiens, turkmènes et shabaks, et des informations sur des viols sauvages nous parviennent d’une manière alarmante, » ont-ils ajouté, en soulignant que 1.500 Yézidis et Chrétiens ont été contraints à l’esclavage sexuel. M. Mladenov a appelé les gouvernements de la région et la communauté internationale à libérer rapidement les femmes et les filles en captivité et à soutenir le gouvernement iraquien dans ses efforts pour protéger ses citoyens.

« Nous condamnons par les mots les plus forts le fait que les femmes et les enfants sont spécifiquement visés et la barbarie des actes commis par l’État islamique en Iraq contre les minorités dans les zones sous son contrôle, et nous rappelons à tous les groupes armés que les actes de violence sexuelle constituent de graves violations des droits humains qui peuvent être considérés comme des crimes de guerre et crimes contre l’humanité », a dit Mme Bangura, qui a exhorté toutes les parties au conflit à respecter leur responsabilité de protéger les civils. « Le Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général sur la violence sexuelle dans les conflits avec la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI) continuera de surveiller la situation en Iraq en ce qui concerne la violence sexuelle afin de s’assurer que les responsables rendent des comptes et de plaider pour le soutien et l’assistance aux survivants de ces actes barbares », a encore affirmé Mme Bangura.

Antonio Torrenzano