Pourquoi le monde de demain est-il encore suspendu dans notre imagination ? Conversation avec Graça Machel, Africa Progress Panel.

graca_machel_image_1670Conversation avec Graça Machel, activiste pour la défense des Droits humains, ancien ministre de la Culture et de l’Éducation au Mozambique du 1975 au 1989. Épouse de Samora Machel, le premier président de la République populaire du Mozambique en 1975, elle fut la seule femme au gouvernement. Pendant son mandat politique, Graça Machel remplace les programmes scolaires datant de l’époque coloniale et met également en place des cours du soir pour adultes. Son action contribue à l’augmentation du taux d’alphabétisation et du nombre d’enfants scolarisés au Monzabique. Le 19 octobre 1986, son mari Samora Machel meurt dans un accident aérien. Après la mort du président,Graça Machel se consacre à des causes humanitaires et se bat pour les droits des femmes et des enfants. En 1996, elle rédige un rapport pour l’UNESCO en traitant l’impact des conflits armés sur les enfants. Toujours en 1996, la communauté internationale découvre encore une fois le caractère de cette femme de 70 ans, brillante, mais discrète qui renonça à la candidature au secrétariat général de l’ONU en décriant le manque de volonté politique de l’organisation pour changer le monde. Graça Machel et Nelson Mandela se sont rencontrés dans les années 1990 alors qu’ils étaient tous les deux très, très seuls, avait-elle confié. Elle peinait à se remettre de la mort de son mari et père de ses deux enfants, Samora Machel, tué dans un accident d’avion en 1986, imputé au gouvernement d’apartheid sud-africain. En 1998, Graça Machel épouse en secondes noces le Nelson Mandela, dont elle partage la vie jusqu’à sa disparition en 2013. Elle est membre des Global Elders, une organisation non gouvernementale composée d’anciens dirigeants rassemblés en 2007 par Nelson Mandela afin de contribuer à résoudre les problèmes les plus importants de la planète. À présent, elle travaille avec des associations contre le sida et la pauvreté. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) lui décerne la médaille Nansen en 1995 pour son action humanitaire en faveur des enfants réfugiés. Elle est également membre de l’Africa Progress Panel, une fondation basée à Genève et présidée par Kofi Annan. Le dialogue a eu lieu dans la ville italienne de Reggio Émilia pendant une rencontre organisée par la Mairie de la ville, le musée Casa Cervi dans le village de Gattatico et la fondation Reggio Children le 25 avril 2015.

Antonio Torrenzano. Syrie, Irak, Libye : ces pays ne sont plus qu’un champ de ruines. Le conflit syrien a déjà fait plus de 200.000 morts et des millions de personnes. Le chaos et la violence atteignent des niveaux littéralement stupéfiants dans ces Pays. Pourquoi la communauté internationale n’a-t-elle pas encore trouvé des solutions à ces conflits ?

Graça Machel. Comme je le dis toujours : nous pourrons atteindre à des solutions acceptables si la bonne volonté de tout le monde est là. La communauté internationale a désormais la capacité de faire d’énormes progrès pour l’Humanité. La seule chose qui manque est la bonne volonté !! Mais, suis-je heureuse ? Non ! Je voudrais une vision beaucoup plus clairvoyante et un discernement qui peut faire preuve de la complexité de l’Histoire contemporaine !

Antonio Torrenzano. Quelles sont vos suggestions en ce qui concerne le passage historique que le Continent africain est en train de vivre ?

Graça Machel. Je pense que dans dix ans, le Continent  africain présentera un visage absolument différent. Dans le continent, nous sommes en train de produire une évolution économique, politique, sociale de premier plan. En ce qui concerne les femmes : des femmes qualifiées seront aux plus hauts niveaux de la prise de décision. J’espère que la clairvoyance féminine peut apporter d’importantes nouveautés dans la politique, dans l’économie, dans les affaires, la science, la technologie. Il y a une nouvelle génération de leaders féminins qui est en train d’arriver.

Antonio Torrenzano. Vous avez été ministre de la Culture et de l’Éducation du premier gouvernement du Mozambique après l’indépendance. Pensez-vous que vos rêves pour le Mozambique et l’Afrique ont été réalisés ?

Graça Machel. J’ai donné mes plus jeunes années à une cause qui n’a pas entièrement rempli ses objectifs. Je voulais éradiquer l’analphabétisme dans mon Pays. Je voulais que chaque enfant dût aller à l’école. J’espérais qu’il y aurait eu plus de femmes à des postes de responsabilité. D’autre part, si je regarde le nombre de jeunes femmes qui sont maintenant à l’université, je pense : “Oui !! Nous avons fait assez bien”. Le Mozambique est l’un des pays qui a le niveau le plus élevé de femmes parlementaires. Je suis fier des progrès qui ont été accomplis. À présent, il faudra bien renforcer la société civile pour avoir un développement durable et croyable. Je voudrais encore que les femmes protégeassent encore mieux leurs intérêts et leurs droits.

Antonio Torrenzano. Les Sud-Africains ont une grande dette envers Graça Machel, a un jour déclaré votre ami le Nobel de la Paix Desmond Tutu. Elle a apporté de la joie à Nelson Mandela.

Graça Machel. Sa présence remplissait chaque moment de ma vie, chaque détail de mon existence. L’absence de Nelson Mandela sera toujours en nous.

Antonio Torrenzano