Le lecteur constatera que, au-delà des références aux événements immédiats au début de l’année 2007, les questions posées pendant les conversations et les réflexions menées par les maîtres à penser n’ont pas perdu de leur actualité, car elles transcendent les contingences du quotidien. Les analyses faites et les réponses apportées ne sont évidemment ni exhaustives, ni définitives. Elles ont cependant semblé suffisamment novatrices et susceptibles d’ouvrir sur d’autres débats ce carnet virtuel pour la prochaine année.
Le privilège intellectuel de nous journalistes, je crois qu’il est le privilège de poser de questions. En n’oubliant jamais de s’interroger comme individus sur le changement. De poser questions épineuses, tragiques,irrévérencieuses que le monde sollicite afin de raconter plus mondes possible, plus humanité possible. J’ai fini de lire dans ces jours deux livres, pour quelques vers antithétiques, mais complémentaires en même temps. Le dernier petit essai de Tvetan Todorov,”la littérature en péril”, publié chez la maison Flammarion et l’essai de Vito Mancuso, “l’anima e il suo destino” (en langue italienne et pas encore traduit en langue française), publié chez la maison d’édition italienne Raffaello Cortina. Tvetan Todorov affirme que la littérature est en train de perdre sa fin authentique,c’est-à-dire la connaissance de l’homme.Une littérature et une critique qui se disjoignent de l’humanité qu’elles doivent représenter, ou souligner dans l’oeuvre même, ils deviennent alors simples jeux formels . Au célèbre dogme de Mallarmé:le monde existe pour aborder à un livre; Todorov oppose l’idée qu’un livre, pour être vraiment livre, il doive comprendre, contenir, reconnaître plus humanité possible, plus monde possible. Et le critique littéraire? Pour Tvetan Todorov, un connaisseur de l’être humain. Parce que, si pour celui qui écrit l’objet est la condition humaine; qui lit et interprète la littérature, c’est-à-dire le critique, il sera deux fois un spécialiste et un connaisseur d’humanité. Le travail de Todorov m’a plu. Todorov lance une interprétation inactuelle dans ce temps présent, celle d’une destination civile et communautaire de la critique littéraire, d’une sollicitation de la raison au sens kantien contre les vanités et les multiples inhumanités de notre période historique. Une critique littéraire qui s’indigne, qu’il se range pour la vérité en opposition à une certaine école de pensée, selon laquelle l’auteur, la réalité, le style sont un pur fétiche et, que l’interprétation du texte, ce n’est qu’une modalité formelle.
Vito Mancuso, philosophe et professeur de théologie moderne et contemporaine près de la faculté de philosophie de l’Université San Raffaele de Milan, il écrit de l’âme et de sa destinée. L’âme… la chose la plus éthérée, pas facile à raconter dont beaucoup de monde joint à douter qu’elle existe. Pourtant, de l’autre côté, c’est la chose plus forte,parce qu’elle est forte comme la vie, comme l’honnête, comme la vérité. Mais sans âme chaque individu aurait-il pu posséder l’émotion ou la passion? Mystère de l’attirance. Autre mystère,plus impénétrable,celui de l’appartenance et de la fidélité. L’esprit est l’émotion de l’intelligence qui s’établit en son et il produit la musique immortelle des concerts de Mozart;l’esprit est l’émotion de l’intelligence qui s’établit en couleur et il produit les ciels étoilés et les champs de Van Gogh; l’esprit est l’émotion de l’intelligence pour l’ordre et la symétrie du monde qui s’établit dans la recherche scientifique et qu’il fit parler Albert Einstein de “l’admiration extasiée des lois de la nature”;l’esprit est l’émotion de l’intelligence qui s’établit en philosophie et il produit la justice parfaite de l’impératif catégorique kantien. L’esprit est encore la pointe de l’âme: l’intelligence qui veut, la volonté qui pense, l’intégralité de l’expérience humaine. C’est-à-dire la totale consécration de l’homme à quelque chose de plus grand que soi. Les romantiques utilisent le terme coeur, le terme grec energheia,c’est-à-dire le souffle vital, la passion. Comment faire, alors, pour retourner à une clairvoyance solidaire?
Antonio Torrenzano.