Sur l’injustice. Conversation avec Shirin Ebadi, prix Nobel pour la paix en 2003.

Conversation avec Shirin Ebadi, avocate iranienne, écrivaine, prix Nobel pour la paix en 2003. Shirin Ebadi a été la première Iranienne à recevoir ce prix. En 1974, elle fut la première femme à devenir juge en Iran et elle a enseigné droit à l’université de Téhéran en particulier pour la défense des droits des enfants et des femmes, mais elle est aussi connue pour prendre la défense des dissidents. Pour son action politique, elle a obtenu le prix Rafto en 2001 avant d’obtenir en 2003 le prix Nobel pour la paix. Trois ans plus tard, au mois de novembre 2006, elle a reçu du président français Jacques Chirac la Légion d’honneur. En mars 2010, la Mairie de Paris l’a faite citoyenne d’honneur de la Ville. Elle est aussi membre de la fondation PeaceJam. Autrice de nombreux essais, traduits dans plusieurs langues étrangères, dont « Iranienne et libre : mon combat pour la justice », avec Azadeh Moaveni, traduction de Laure Manceau, Paris, édition La Dècouverte, 2006; « La cage dorée », traduction de Joseph Antoine, Paris, édition l’Archipel, 20010. Le dialogue a eu lieu à dans la ville de Mantoue et dans la ville de Rimini, près de la fondation Pio Manzù.

Antonio Torrenzano. La première question que j’aimerais vous poser est-elle sur quel concept de justice dans le XXI siècle ?

Shirin Ebadi. L’idée de justice est un des piliers de droits fondamentaux de l’Humanité. Chaque individu devrait vivre dans un monde sans violence et sans injustice. Chaque individu devrait avoir ses droits garantis partout. Les autres deux piliers pour toute l’Humanité devraient être le droit à la paix et le droit à la démocratie. Sans justice, il n’y aura jamais de la paix durable et sans paix il n’y aura jamais de la vraie démocratie. Si toute société ne se basait pas sur les valeurs démocratiques, il existerait toujours le danger de l’effondrement et de la désintégration d’une communauté. La mondialisation économique, sans le vouloir, a tressé la destinée de chaque individu à ceux des autres. Nous ne pouvons plus penser que le monde soit juste pour quelqu’un et pas pour les autres. Les efforts d’aujourd’hui sont de rendre ce monde juste pour tous. Nombreux d’individus à présent ils n’exercent pas encore leurs droits fondamentaux.

Antonio Torrenzano. Sommes-nous dans une période où l’impotence de la politique a laissé de l’espace au libre arbitre de l’économie et de la finance internationale ? La communauté internationale a-t-elle compris ceux nouveaux enjeux ?

Shirin Ebadi. Toutes les civilisations sont sujettes à des évolutions. Plus chaque civilisation se dépasse, plus l’idée de justice se développe. Tous les individus dans cette période historique posent de nouvelles questions et ils veulent de nouvelles tutelles. Les nombreux événements au Proche-Orient, mais aussi dans l’Occident avec les protestations des nouvelles générations, ils soulignent à toute la communauté internationale une question fondamentale : une révolution morale est nécessaire. La pauvreté emprisonne encore en esclavage presque 800 millions d’individus dans le sud de la planète dont 400 millions sont des enfants. Nous sommes dans une situation critique et je trouve qu’effacer la pauvreté pourrait avoir d’impacts favorables pour tout le monde. Beaucoup d’individus ont perdu leur dignité et leurs Droits humains : je pense aux réfugiés, aux femmes, aux enfants, aux chômeurs dans les pays développés. Nous avons mis l’argent au-dessus de l’être humain, alors que nous devrions le remettre à notre service.

Antonio Torrenzano. Le capitalisme est omnivore, il capte le profit là où il est le plus important à un moment donné; il ne se contente pas de petits profits marginaux. Le capitalisme, depuis sa naissance dans la seconde moitié du XVIe siècle, s’est toujours nourri du différentiel de richesse entre un centre (où convergent les profits) et des périphéries de plus en plus appauvries.Quel monde voulons-nous construire ?

Shirin Ebadi. Dans plusieurs Pays de la planète, la pauvreté absolue est en train de modifier l’avenir de nombreux garçons et de nombreuses jeunes filles. La pauvreté tue et efface les rêves de millions d’individus depuis longtemps. Une pauvreté relative est en train de dévorer aussi l’occident après l’éclatement de cette longue crise économique. Mais, la pauvreté n’a pas été créée par les pauvres, mais par le système. Comme chaque être humain, chaque pauvre naît avec un potentiel énorme d’idées et de talent. Les nombreuses révoltes naissent de cette situation. Toutes ces revendications ne sont pas utopiques ni irréelles.Ces individus veulent simplement avoir un travail, un logement, une éducation, un droit à la santé et la liberté afin de projeter un possible avenir.

Antonio Torrenzano

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