Rareté de ressources et déséquilibres potentiels. Quels choix ?

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D’une certaine manière, la rareté des ressources est de retour. Contrairement à ce que suggère la conjoncture internationale (dans une manière particulière pétrolière), ces raretés ne sont pas exclusivement celles de l’énergie, mais plus encore celle de l’eau, des ressources agro-alimentaires, de l’environnement, de la santé,du climat.

La science économique, a toujours affirmé Erik Orsenna, n’est rien d’autre que l’identification et la gestion des raretés. Les raretés ont toujours existé, mais paradoxalement, la croissance et le développement en créent de nouvelles. L’économiste doit discerner et hiérarchiser les nouvelles formes de rareté liées à la croissance mondiale, et alerter le monde sur la nature et l’urgence des mesures à prendre. Mais, comment faire si la mondialisation des marchés n’est autre que la pointe ultime de la marchandisation du monde (ou autrement dit de son économicisation), a nous fait oublier la parole rareté? Encore, comment discuter de raretés, quand la dignité de chacun citoyen se définit-elle avant tout par sa situation, son revenu, sa dépense ? Comment faire, quand la même vie de chaque individu est largement réduite à ces aspects économiques? Bien sûr, cette évolution n’a pas démarré hier, elle est en germe, elle aussi, dès les origines de la modernité, mais elle ne prend toute son ampleur qu’avec l’effondrement du compromis entre marché et espace de socialité. La disparition du politique comme instance autonome, et son absorption dans l’économique, fait réapparaître ce qui était l’état de nature selon Hobbes, la guerre de tous contre tous. La compétition et la concurrence, loi de l’économie libérale, deviennent ipso facto, la loi du politique. Vue d’en bas, la crise du politique se traduit par l’effondrement du social et donc, à limite de la société elle-même.

Un monde de ressources rares exige des progrès de la régulation et une gouvernance appropriée des systèmes de production et de répartition. D’ici au 2025, il faudra décidément produire de nouvelles solutions, elles-mêmes devenues de raretés. Les dysfonctionnements de toute nature du système mondial, chômage, exclusion, misère matérielle et plus encore morale, désastres écologiques, sont et seront de plus en plus insupportables. En attendant «la grande implosion» prévisible, quoi faire ? Les trois D (dérèglementation, décloisonnement, désintermédiation) ont fait voler le cadre étatique des régulations permettant au jeu des inégalités de se développer sans limites. La polarisation de la richesse entre les régions et entre les individus atteints des sommets inusités. Selon le dernier rapport du PNUD, si la richesse de la planète a été multipliée par six depuis l950, le revenu moyen des habitants des 174 pays recensés est en pleine régression, aussi la même l’espérance de vie. Les trois personnes les plus riches du monde ont une fortune supérieure au PIB total des 48 pays les plus pauvres ! Le patrimoine des 15 individus les plus fortunés dépasse le PIB de toute l’Afrique subsaharienne.La fortune des 32 personnes les plus riches du monde dépasse le PIB total de l’Asie du Sud. Les avoirs des 84 personnes les plus riches surpassent le PIB de la Chine avec ses 1,2 milliards d’habitants ! Enfin, les 225 plus grosses fortunes représentent un total de 1000 milliards de dollars, soit l’équivalent du revenu annuel des 47 % des individus les plus pauvres de la population mondiale, soit 2, 5 milliards de personnes ! Dans ces conditions, il n’est plus question de développement, seulement d’ajustement structurel.

Les ressources rares créent toutes des tensions et les risques géostratégiques d’un monde qui se fragmente en grands blocs rivaux sont de retour. La hausse de prix des ressources rares conduira à des conflits que l’on sent inévitables, pour ce qui concerne l’accès à l’eau, de pétrole,de gaz, de coltan ou de pénurie de protéines. En s’endormant ainsi sur ses lauriers, la génération précédente s’était quelque peu aveuglée sur la portée de ses succès. Elle oubliait en particulier le prix dont ceux-ci avaient été achetés. Ce prix aujourd’hui est double:le saccage de l’environnement avec le pillage inconsidéré de la nature et la croyance d’une croissance économique infinie et gratuite sans payer un haut taux d’intérêt à la planète. L’Occident ne pouvait-il manquer d’être un beau jour rattrapé par ses démons ?

 

Antonio Torrenzano.

 

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