Dialogues sur les droits humains. Conversation avec Monique Iboudo, juriste au Burkina Faso.

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Conversation avec Monique Ilboudo, juriste, écrivain, ancien ministre pour la Promotion des droits humains au Burkina Faso.Professeur de droit, elle a enseigné le droit privé à l’université d’Ouagadougou. Militante convaincue des droits de l’homme et en particulier de ceux des femmes, elle est aussi une figure importante dans la littérature africaine de langue francophone. Auteur de nombreux essais, dont «Le mal de peau », Paris, éditions Serpent à plumes, 2001; «Droit de cité, être femme au Burkina Faso», éditions du Remue-ménage, 2006. Le dialogue a eu lieu à Paris auprès de l’organisation internationale UNESCO.

Antonio Torrenzano. Vous avez plusieurs fois déclaré que la pauvreté est une question de droits humains. Mais, comment travailler pour faire accepter à la communauté internationale cette vision ?

Monique Iboudo. Faire admettre que la pauvreté constitue une violation des droits humains est difficile, mais je suis sûr que cela permettra à nos pays d’avancer plus rapidement. La lutte contre la pauvreté n’est pas une question de charité ou de philanthropie. Ceux qui en sont victimes, ils sont des individus qui ont des droits déjà codifiés dans la Charte des Nations Unies et dans beaucoup de Conventions internationales. La seule question à se poser devrait-elle donc être : comment satisfaire ces droits ? La question du bien-être des individus n’est pas seulement une question économique. La liberté, la dignité, la responsabilisation des citoyens sont des facteurs déterminants. Si vous traitez les gens comme des incapables, eux-mêmes ne se sentent pas en mesure de pousser à la réalisation de certains objectifs. De fait, si l’on admettait que la pauvreté est une question de droits humains, on pourrait aborder autrement la question des responsabilités. Du point de vue individuel, par exemple, si chacun sentait que la solidarité est un droit pour autrui et un devoir pour soi, le monde changerait plus rapidement.

Antonio Torrenzano. Changer l’approche de la lutte contre la pauvreté est-il donc fondamental?

Monique Iboudo. Ce que je demande ! C’est une question de justice et de respect pour la dignité de chaque individu. C’est pour cette raison que cette réflexion doit être largement partagée. Si nous étions plus nombreux à considérer cette approche comme réalisable, cela pourrait déjà changer les politiques du développement. Depuis quelques années, on parle beaucoup de développement humain durable. Il s’agit de faire de l’être humain le point de départ et le point d’arrivée des politiques et des actions de développement. Jusqu’à ce moment, il a été difficile, mais pas impossible à rejoindre. Si cette vision était davantage partagée, on pourrait porter la réflexion un peu plus loin. Pour les pays africains, il est en effet la question essentielle. Si nous arrivons à être solidaires entre nous, nous avancerons plus vite. Saisir la pauvreté en termes de droits humains nous obligerait à revoir toutes les politiques, tous les programmes, tout ce qui concourt au développement des pays pour faire du respect des droits humains une priorité.

Antonio Torrenzano

 

*Un spécial remerciement à l’artiste Plantu pour l’illustration.

 

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