Apprendre… Conversation avec Daniel Pennac, écrivain.

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Conversation avec Daniel Pennac, écrivain, professeur de langue française. Prix Renaudot en 2007 avec son dernier roman «Chagrin d’école», aux éditions Gallimard. Le dialogue a été développé dans deux reprises : dans la ville de Mantoue auprès du «festival della letteratura» pendant le mois de séptembre 2008, à Milan près la fondation Feltrinelli.

Antonio Torrenzano. Comment expliquez-vous la crise de l’école secondaire dans presque tout l’occident démocratique? Alain Touraine, par exemple,recommande de passer d’une école du devoir à une école du sujet .

Daniel Pennac. Quand j’ai commencé à enseigner en 1969, j’entendais déjà dans la salle de professeurs mes collègues décréter dans une manière unanime:le niveau se baisse. Ce refrain sur l’abaissement du niveau d’apprentissage des garçons et des jeunes filles, il trahit un autre malaise: l’incapacité de notre société de dépasser la reproduction de l’élite de la part de soi-même. Mais, aujourd’hui, la vraie difficulté d’enseigner concerne aussi d’autres aspects : le conflit permanent, par exemple, entre les désirs et des besoins des nouvelles générations. Nos fils grandissent dans une société de marketing, dont du matin au soir, elle cherche de taquiner leurs désirs superficiels : consommer toujours de plus, changer de marques, désirer le dernier pull-over de cachemire. En revanche, la mission d’un professeur consiste à s’adresser à leurs besoins fondamentaux: penser, lire,écrire, compter, raisonner. Mais comment enseigner, comment rendre curieuse cette génération qu’un marketing et une publicité effrénée fait vivre dans un embarras permanent entre désirs et besoins?

Antonio Torrenzano. Dans votre dernier roman «Chagrin d’école», vous racontez votre parcours tourmenté comme étudiant. Votre expérience personnelle, combien a-t-elle été utile quand vous êtes devenu enseignant ? Avez-vous obtenu une connaissance supplémentaire pour mieux comprendre les élèves en difficulté ?

Daniel Pennac. Oui, je pense que mon expérience d’étudiant réfractaire m’a donné une connaissance supplémentaire. Qu’est-ce que j’entends pour connaissance supplémentaire? C’est de connaître la nature de ce qu’un étudiant ou une étudiante sentent quand ils sont en difficulté. Cette connaissance, je la considère comme absolument indispensable si on veut enseigner à tout le monde et si on choisit le métier d’enseignant. Le devoir d’un professeur, il est celui de faire avancer toute la classe et pas seulement dix élèves. Je trouve, alors, cette connaissance absolument indispensable. Le roman «Chagrin d’école» n’est pas un livre sur l’école, mais sur la douleur de ne pas comprendre. Moi aussi, j’ai été un étudiant en difficulté et le livre parle de la souffrance de l’enfant que, déjà de petit, sens cette douleur particulière de ne pas comprendre et d’avoir de difficultés dans l’acquisition de savoirs . Cet étudiant, il ne comprend pas sa présence dans la classe autant que les buts didactiques de l’institution scolaire dont il tâchera de s’échapper. Cette douleur provoque dans l’étudiant ou l’étudiante un manque d’estime permanente. Et, un adolescent manqué, il se sent privé d’avenir, prisonnier d’une éternité présente.

Antonio Torrenzano. Par delà nos différences d‘âge, de sexe, de conditions sociales, nous sommes tous et toutes générés par un système familial et un système scolaire. Famille et École sont des générateurs d’impulsions. Toutes deux, affirme le pédagogue Patrick Traube, se reconnaissent dans une commune osmose avec les flux et reflux qui agitent la société, dans une commune sensibilité aux turbulences et soubresauts qui la travaillent. Famille et École font la société. Et, vous n’avez jamais été tendre vers les absences éducatives et culturelles des parents.

Daniel Pennac. J’aimerais vous raconter le circonstance d’un Père de mon élève qu’il était venu chez mon établissement scolaire pour se plaindre de l’insuffisante maturité du Fils et… que le jour suivant, je l’ai croisé sur un trottoir au centre ville, habillé de manières impeccables, mais sur une patinette ! Cette histoire, elle me semble symptomatique d’une société dans laquelle trop souvent ils disparaissent les frontières entre parents et fils. Parents et fils qui sont unis par le même infantilisme à la consommation. La facilité de certains enfants de maîtriser, mieux que les adultes, le fonctionnement de gadgets électroniques à la mode, c’est seulement une pseudo-maturité. La nouvelle génération numérique a fait perdre à leurs parents le sens de l’éducation et de l’amour à donner. Les adultes sont, en outre, beaucoup de fois absents dans l’éducation de leurs fils et incapables à donner de réponses certaines et conformes. Je ne fais pas l’avocat de l’austérité, mais je déplore l’infantilisme des certains adultes, d’un certain marketing permanent ou d’une certaine publicité.

Antonio Torrenzano. Pour être un excellent professeur, quel secret faut-il posséder?

Daniel Pennac. L’amour. Mais, attention:il ne s’agit pas de rendre sentimental le rapport pédagogique. Ce que j’appelle amour, il est un cocktail fait de passion pour la discipline enseignée, un très haut plaisir de la transmettre, une bienveillante curiosité vers la jeunesse et leurs aspirations toujours nouvelles. Ces trois ingrédients, ils me semblent indispensables au métier de l’enseignant.

Antonio Torrenzano

 

* Un spécial remerciement à l’Artiste italienne Giovanna Magnani pour l’aquarelle, titré “vorrei incontrarti”,dont sa peinture bride dans la lumière la poussière magique de chaque récit.

 

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