Conversation avec Kofi Atta Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies de 1997 à 2006, lauréat du Prix Nobel de la paix le 10 décembre 2001. Kofi Annan a été nommé le 14 juin 2007 à la tête de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA), un organisme créé en 2006, financé par la fondation Bill et Melinda Gates et la Fondation Rockefeller avec le but d’aider les paysans africains à améliorer leur rendement. Dans la même année, le 4 octobre 2007, Kofi Annan est devenu le nouveau Président de la Fondation de soutien mondial contre la torture, la plus importante coalition internationale d’ONG actives dans la protection des droits de l’homme dans le monde. Il préside également, depuis sa création en 2007, l’African Progress Panel, rassemblement de personnalités internationales engagées dans la défense du continent africain. Auteurs de nombreux essais, traduits dans plusieurs langues diplomatiques, dont «Nous les peuples : le rôle des Nations unies au XXIe siècle», «Appel à l’action», «Rénover les Nations Unies». Avec le journaliste James Traub du New York Times, il a écrit « The Best Intentions: Kofi Annan and the UN in the Era of American World Power», Farrar, Straus and Giroux, 2006. Le dialogue avec l’ancien secrétaire général des Nations Unies a été développé dans plusieurs reprises dans les villes de Pordenone au mois d’avril 2008 pendant le festival international littéraire, à Rome près de l’Agence technique FAO-ONU pendant le sommet alimentaire, à Genève au mois de janvier 2009.
Antonio Torrenzano. La crise économique a été due par des politiques économiques libérales qui ont cru dans un marché sans règles, capable d’autorégulation. Il me semble à présent qu’une seule raison d’optimisme, il soit impossible. La réflexion que je vous pose alors est la suivante: la communauté internationale a-t-elle gouverné à suffisance la mondialisation ?
Kofi Annan. Nous ne savons pas encore combien la crise sera durable et profonde et pour combien de temps la communauté internationale subira la récession économique. Mais, des difficultés économiques et sociales pour tous les États, au sens macroéconomique et microéconomique, elles seront toutefois de longues durées. Je crois que les racines de cette crise dépassent la méprisable faillite de gestion financière des subprimes ou des actions financières effectuées par les banques internationales. Cette crise montre de manière nette que l’absence d’une gouvernance mondiale de la globalisation, elle produit un état permanent d’instabilité, pauvreté et conflit. Aucun pays, pas le plus puissant et le plus prospère, il ne peut gérer sans une gouvernance mondiale et une gestion partagée du procès mondial ces effets catastrophiques. Le Sommet du G-8 n’est plus suffisant à répondre à telle situation. En manière particulière, parce qu’il n’exclut et il ne donne pas de voix aux pays les plus pauvres et aux individus plus démunis. Nous avons besoin d’une participation plus ample d’États et de plusieurs voix dans le procès décisionnel international, parce que sans une plus grande participation les solutions perdraient légitimité et efficacité. La justice et l’équité ne peuvent plus être de valeurs éthiques purement abstraites.
Antonio Torrenzano. Vous avez affirmé que la justice et l’équité ne peuvent plus être de valeurs éthiques purement abstraites. Mais, les États du Sommet G-8 sont-ils prêts à servir et non pas à dominer les peuples du monde ?
Kofi Annan. La leçon qu’il faut tirer de la crise financière, éclatée le dernier mois de septembre, c’est l’urgente nécessité de construire de nouvelles relations multilatérales. Sans de nouvelles règles, les graves disparités de richesse et d’opportunités produiront toujours de situations de crise et de conflit. Les solutions pour contrarier cette crise économique doivent produire des effets non seulement pour les Pays développés, mais aussi pour le Continent africain et d’autres régions de la planète encore vivantes dans une situation d’absolue pauvreté. L’Afrique, en particulier, elle se trouve dans une situation de danger. Les aides au développement doivent continuer non seulement à être distribuées, mais ils doivent favoriser la croissance économique en dépassant cette situation de récession. Nous avons besoin de changements et de solutions en ligne avec les défis du XXI siècle : d’une révolution verte, d’une sûreté alimentaire pour tous les habitants de la planète, d’une réglementation efficace du marché.
Antonio Torrenzano. Dans un ancien entretien toujours sur l’urgence d’une révolution verte, vous avez affirmé : « protéger l’environnement coûte cher. Ne rien faire coûtera beaucoup plus cher». La communauté occidentale a-t-elle compris cette urgence?
Kofi Annan. Les économies des pays développés doivent faire face à leurs responsabilités dans la réduction des émissions pour la planète et pour leurs futures générations. Les conséquences pour nos fils sans des économies soutenables seraient désastreuses. Il faut agir très vite pour préserver notre planète. Je me souhaite qu’un accord international puisse être signé à Copenhague à la fin de cette année.
Antonio Torrenzano