De Barcelone à la révolution du jasmin : l’Union pour la Méditerranée est-elle encore nécessaire ?

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Depuis le 1989, l’Europe s’est orientée vers la recherche d’instruments politiques afin de préparer une nouvelle situation géopolitique à l’intérieur d’elle-même et en Méditerranée. La ligne d’action prévoyait comme objectif celui d’un régionalisme ouvert sous le nom du partenariat Euro-Méditerranéen pour la paix et de prospérité partagée. Ce partenariat nait à la suite de la Déclaration de Barcelone des 27 et 28 novembre 1995. Le programme euroméditerranéen de Barcelone entre l’UE et les Pays du sud et de l’est de la Méditerranée (PSEM, c’est-à-dire Algérie, Chypre, Égypte, Israël, Jordanie,Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie, Territoires palestiniens) rompait avec la tradition des préférences en programmant des accords de libre-échange. Le partenariat euroméditerranéen, avec le démantèlement de la protection, devait être un stimulateur de réformes structurelles et jouer un rôle de catalyseur. Ce défi, Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, l’avait compris lorsqu’il avait lancé le partenariat dans la ville espagnole en 1995.

 

Le but toujours recherché a toujours été celui de faire de ce bassin une zone de paix et de prospérité partagée, mais aussi de dialogue. La force de cette ligne d’action était de marier les volets politique et sécurité (jugés essentiels pour le nouvel ouvrage géostratégique de l’intégration européenne) aux volets économique et financier, social, culturel et humain. Le déroulement prévu comportait des clauses importantes tant pour le pôle européen que pour les pays partenaires méditerranéens (PPM). L’Union européenne avait besoin de plus de stabilité pour la partie sud et est de la Méditerranée tandis que ses voisins riverains avaient besoin d’instruments commerciaux et financiers pour gérer leurs nouveaux processus d’ouverture économique. C’est pour tout ça que, dans la Déclaration de Barcelone, les pays signataires parlent de « paix et de prospérité partagée ». Les 15 dernières années ont été marquées par crises et instabilité en Méditerranée. Des conflits et des déstabilisations ont affecté plusieurs régions du Proche-Orient et des Balkans ainsi que l’Algérie en bloquant le développement. Au nord, l’intégration dans l’Union européenne de plusieurs pays riverains a permis un renfoncement des échanges et d’importants progrès en terme de modernisation économique, mais le modèle d’intégration régionale qui s’est construit au nord du bassin n’a pas eu d’équivalents dans la rive sud et à l’est. En dépit de plusieurs initiatives, la région reste caractérisée par la persistance d’une coopération non structurée.

 

En 2003, le partenariat il s’évolue par la nouvelle politique européenne de voisinage, mais cette politique manque encore de moyens et d’engagements réciproques. Elle a été surtout centrée sur des questions sécuritaires, la libéralisation du commerce (objectif d’une zone de libre-échange) et des approches bilatérales, mais il a peu intégré le développement durable. L’aide financier a été jusqu’aujourd’hui encore limité. Ce partenariat a eu ses mérites, mais il n’a pas répondu aux attentes qu’il avait suscitées. En 2005, à l’occasion des dix ans de la Déclaration de Barcelone, de nombreux responsables politiques du nord et du sud de la Méditerranée ont demandé qu’il vînt réorganisé autour de nouvelles lignes d’actions d’intérêt commun à l’Europe et aux Pays méditerranéens. Depuis le premier sommet de l’Union le 12 juillet 2008 à Paris, le processus politique s’est enlisé.

 

Quel en est le bilan ? Peut-on dire que les mises à niveau sont restées limitées ? Cet enlisement politique peut-il être surmonté ? L’Europe et l’Afrique du Nord sont aujourd’hui devant un choix stratégique : s’unir et représenter un nouveau sujet mondial, capable de parler d’égal à égal avec la Chine, le Brésil, L’Indie, les États-Unis ou rester séparés et être définitivement marginalisés dans la mondialisation. Les pays méditerranéens sont entrés dans une nouvelle ère. C’est le message qu’envoient la Tunisie et d’autres Pays de la Rive-Sud. Les gouvernants de Tunis et du Caire n’ont pas voulu voir cette réalité en face autant que la même Europe. Quant à l’Union européenne qui avait conduit une simple ligne d’action de stabilité politique rassurante avec ces pays, elle n’a pas davantage fait preuve de clairvoyance. Elle devra surement revoir sa conception diplomatique pour se montrer plus à l’écoute des évolutions traversant ces sociétés. La révolution tunisienne de la génération Twitter a montré les limites des relations d’État à État, nécessaires certes, mais insuffisantes de comprendre un pays.

 

Malgré une prise de conscience que le destin de l’Europe est lié à celui du Sud et de l’Est de la Méditerranée, l’UE ne parvient guère à y jouer le rôle historique que l’importance de ses interdépendances et de ses intérêts bien compris justifierait. Les coopérations Nord/Sud et Sud/Sud restent insuffisantes. L’intégration euroméditerranéenne s’est développée jusqu’aujourd’hui à géométrie variable, avec peu de moyens, avec de demi-mesures et avec le résultat de tractations de bazar. Et la coopération politique ? Sur cette question,les solutions manquent. La Méditerranée se retrouve à aujourd’hui en risque de fracture accrue, instabilité, sans une vision commune, mais surtout pas prête à prendre la juste orientation dans cette nouvelle intersection historique.

 

Antonio Torrenzano

 

 

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