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Bien que le terme d’humanisme ne soit pas à la mode, j’ai décidé de l’associer au numérique pour trois raisons. Premièrement, je m’intéresse surtout à la dimension culturelle du numérique. Il existe un flou entre les mots informatique et numérique : on passe souvent de l’un à l’autre comme s’ils étaient des paroles équivalentes. L’informatique a une histoire particulière : branche des mathématiques au départ, elle s’est rapidement imposée comme une science autonome avant de devenir une industrie, puis une industrie culturelle, et enfin une culture.

 

Nietzsche définit la culture par le fait qu’elle modifie notre regard sur nous-mêmes, sur les objets que l’on produit et surtout sur les objets hérités. Ainsi, les effets de la numérisation sur nos rapports avec le patrimoine, les archives, les livres modifient notre regard de manière significative. En même temps, le numérique produit de nouveaux objets culturels. Le passage de l’informatique au numérique constitue donc une étape importante, un dépassement de la technicité informatique vers les pratiques et usages culturels inscrits dans le numérique. Pour reprendre l’expression de Pascal, l’informatique est l’esprit de la géométrie.

 

Le numérique au contraire est l’esprit de la finesse. Revenons à la définition de l’humanisme numérique. Pendant quelques années, des discours pertinents, parfois exagérés, ont insisté sur la dimension temporelle des effets de la culture numérique sur nos pratiques et usages (vitesse, flux, rapport au temps). Si notre vie quotidienne montre la véracité partielle de ces analyses, le numérique modifie de façon plus radicale encore notre rapport à la spatialité, dont on peut imaginer toutes les modulations possibles. L’être humain ne se caractérise pas seulement par le langage, mais aussi par la manière dont il façonne et habite l’espace. Or le numérique modifie – de manière importante et visible – notre habitus (la construction de la sociabilité au sens large) et les espaces que nous habitons (professionnel et privé, public et institutionnel ). Cette dimension spatiale me semble essentielle, car elle est associée à la nature hybride des objets culturels produits par la culture numérique : un va-et-vient permanent entre deux modalités, le réel et le virtuel.

 

Deuxièmement, il faut prendre un peu de distance avec certains discours sur les humanités numériques. On a d’abord eu tendance à imposer aux sciences humaines et sociales une forme de maîtrise des outils, d’utilisation des données et modèles quantitatifs qui accompagnent le numérique. Et réellement, celui-ci crée des traces qui ont pour effet la mesurabilité. Tout devient – ou peut sembler – mesurable (intentions, comportements…). La séduction du quantitatif fait partie des promesses de certaines approches des humanités numériques. J’encourage une réflexion sur l’histoire de nos disciplines : en quoi est-elle fragilisée par le numérique ?

 

Troisièmement, prenons un cadre plus large, plus pertinent et plus éloquent. Étudiant les liens entre la culture technique et les sciences humaines et sociales, Lévi-Strauss identifie, dans l’histoire de l’Occident, trois moments humanistes déterminants : l’humanisme aristocratique de la Renaissance, l’humanisme exotique du XIXe siècle (découverte des cultures de l’Orient) et l’humanisme démocratique du XXe siècle (celui de l’ethnologue).

 

Au-delà de l’évolution politique (de l’aristocratie à la bourgeoisie et à la démocratie), on peut observer dans ces trois mouvements une évolution de nos rapports avec le document culturel : à la Renaissance, découverte des textes de l’Antiquité classique ; au XIXe siècle, découverte de la temporalité imposée par les cultures venues d’ailleurs ; au XXe siècle, méthode de l’anthropologue et du structuraliste. Cette schématisation exprime un mouvement culturel puissant. Il me semble que le numérique est également un humanisme dans le sens où il modifie nos rapports avec les textes, les supports institutionnels édifiés au XIXe siècle (disciplines universitaires, droit d’auteur, propriété intellectuelle…) et le politique dans sa dimension démocratique (aspects collaboratifs, participatifs…). Je ne prétends pas en donner une définition précise, mais plutôt suggérer une mutation profonde que l’on peut regarder et illustrer de différentes manières.

 

Commençons par les effets de la mobilité. Au début, la culture numérique était une culture de la chaise : on était obligé de travailler devant son ordinateur, sans pouvoir se déplacer. Depuis quelques années, la convergence technique entre le réseau internet et le réseau cellulaire (téléphone intelligent) permet une mobilité croissante.

 

Comment interpréter l’émergence de cette mobilité ? Dans son texte « Les techniques du corps », Marcel Mauss observe que la manière de marcher dans la rue à Paris a été modifiée par le cinéma américain. Il en déduit qu’il existe un rapport déterminant, dans une civilisation donnée, entre la posture du corps et la nature des objets culturels produits par cette civilisation. Pour illustrer son propos, il prend deux cas extrêmes : une culture avec la chaise (la Chine) et une culture sans la chaise (l’Inde). On comprend immédiatement la nature différente des objets, qu’elle soit textuelle ou autre. Il me semble que notre civilisation est en train de vivre une mutation de cet ordre dans l’hybridisation à la fois spatiale et sociale ; c’est là que surgissent des formes de fragilité, parfois de malaise, mais aussi des promesses de nouveauté.

 

Cette première dimension de l’humanisme numérique touche à la fois à la position du corps et au statut de l’espace et de l’habitus. La mobilité a également pour conséquence le retour en puissance du corps à travers le numérique (le tactile, la voix…). Il faut étudier cette nouvelle configuration dans toutes ses dimensions, dans la manière dont elle modifie nos rapports avec notre héritage culturel.

 

En second lieu, considérons notre rapport à la mémoire, surtout collective. Avec le numérique se met en place une inversion essentielle de notre relation avec ce qui est numérisé et archivé : tandis que les interfaces numériques (comme le distributeur de billets) nous donnaient accès à des fonctionnalités bien spécifiques, le monde devient – avec l’émergence de la mobilité et de la réalité augmentée – une interface vers le numérique. Cette modification de notre rapport à la mémoire se retrouve dans la construction des archives numérisées : depuis longtemps, le patrimoine se constitue plutôt par défaut ; avec le numérique, il se construit par un tri, par un choix à la fois éthique et politique. Ce sont des questions importantes auxquelles nous devons réfléchir.

 

En effet, la technique ne peut pas concevoir la mémoire avec des trous, des failles ou des absences – d’où cette utopie, véhiculée par Google et d’autres, d’un accès universel. Néanmoins, les archives ont toujours été des lieux d’oubli puissants et productifs. Il faut également associer à la mémoire collective le statut des traces et de la traçabilité.

 

Dans l’environnement numérique, la nature même de la technique nous impose la création de traces, que les analyses algorithmiques associent à des intentions. Or le fait de visiter un site ne traduit pas forcément une intention… Le danger ne réside pas seulement dans cette confusion, mais dans une tendance à transformer peu à peu les expectations et les comportements en fonction de ces analyses. Il faut savoir contourner, résister, interpréter autrement. Il me semble que les disciplines classiques (histoire, linguistique, littérature…) ont beaucoup à nous dire à ce sujet.

 

Troisièmement, le statut de l’oubli – très puissant dans nos cultures – est gommé ou voilé dans la culture numérique. Je ne parle pas du droit à l’oubli de l’individu qui doit pouvoir éliminer ses traces, mais du fait que la technique ne peut pas concevoir l’oubli – si ce n’est pas comme une faille –, car c’est la nature de la machine, de la technique et du numérique. Il ne faut pourtant pas confondre les deux formes d’oubli. Notre manière d’oublier est constitutive de la manière dont nous apprenons et évoluons. Comme le dit Nietzsche, nous sommes des monstres d’oubli dans le sens où l’on deviendrait des monstres si l’on n’oubliait pas. Dans la machine algorithmique, il est presque impossible de programmer et de coder l’oubli tel que l’homme le pratique consciemment ou inconsciemment. Notre rapport avec la mémoire constitue un enjeu considérable, car il peut façonner nos rapports avec la culture.

 

Quatrièmement, la construction imaginaire de l’intelligence est inhérente à la culture numérique et à la technique informatique. Il y a plusieurs écoles, qui sont liées à l’intelligence artificielle, aux formes d’aide à la décision, aux reproductions de l’intelligence humaine… Pour en savoir plus, il faut s’intéresser aux discours transhumanistes sur les modifications de l’humain et du vivant par la technique. Selon la thèse de la singularité, il existe un moment où il y a convergence entre la technique et le vivant et, à partir de ce moment, c’est la technique qui dépasse l’humain dans son intelligence et ses capacités.

 

Du coup, il faut faire converger les deux : à la fois la transformation du vivant et de l’humain, et une période transitoire de l’humain. Cette évolution importante renvoie aux trois humanismes de Lévi-Strauss, où le Siècle des Lumières ne figure pas. Pourquoi est-il le grand absent de cette périodisation ? Avec la culture numérique, on est en train de vivre les héritages conflictuels du Siècle des Lumières. La culture du livre et de l’imprimé s’est solidifiée à la fin du XVIIIe siècle avec la mise en place juridique et économique de la figure de l’auteur, ce qui a donné lieu à toute une industrie, notamment du livre. En même temps, la tendance du bien commun – héritée du droit romain – insistait sur la libre circulation du savoir pour assurer le progrès et l’avancement des sciences. Cette contradiction entre les deux tendances existe toujours aujourd’hui.

 

C’est une question difficile à résoudre, car elle touche à des modèles économiques puissants et établis. On est obligé de réfléchir à un nouveau modèle intellectuel, social et économique pour essayer d’accommoder les pratiques qui mettent en difficulté l’économie classique héritée de la culture du livre et de l’imprimé. Revenons à l’imaginaire de l’intelligence, pour nous intéresser à la manière dont la science-fiction génère des modèles actifs dans la culture technique et informatique. Je propose deux illustrations de thématiques tout à fait révélatrices. La première concerne le statut de l’enfance. Une série de romans liés aux jeux vidéo racontent des histoires où des enfants prodiges sont sollicités pour jouer à de faux jeux vidéo. Dans cette projection vers l’enfance, il y a une projection de la technique sur elle-même : la technique se pense comme une enfance perpétuelle. Elle est toujours en train de s’inventer, de se renouveler et d’innover.

 

C’est le discours du progrès technique. Cette dimension importée de l’enfance donne un cadre intellectuel qui permet de faire avancer la production technique, surtout dans ses insertions culturelles. Deuxièmement, on constate l’impossibilité de penser un récit sur la fin de l’espèce humaine. Dans tous les discours de la science-fiction, on retrouve la thèse manichéenne d’un robot qui se cherche une identité et qui, dans cette quête, découvre son créateur et se retourne contre lui. C’est le schéma le plus classique. Or on a incorporé un récit de la genèse et de l’identité qui reproduit ces schémas familiers et ne cesse de revenir vers des histoires de généalogie. On retrouve dans cette généalogie de la technique les problèmes évoqués précédemment, c’est-à-dire la recherche des origines pour légitimer l’émergence de nouveaux repères et critères de pertinence.

 

Prenons par exemple la lecture industrielle, c’est-à-dire tous les moteurs ou algorithmes de recommandation et de suggestion édifiée pour nous guider vers des choix de plus en plus pertinents. Ces outils relèvent également de l’impertinence, car dans leurs suggestions, se glissent très souvent un ou deux éléments qui sortent exprès de l’expectation.

 

En effet, les algorithmes ont été modifiés de manière à suggérer des éléments qui surprennent l’internaute, ces éléments inattendus s’avérant souvent achetés ou consultés. L’algorithme modifie donc le paradigme même de la pertinence dans le poids de la répétition et le cumul des informations. C’est devenu un moyen de considérer la lecture sociale, c’est-à-dire une lecture partagée prenant en compte des contributions, des analyses, des annotations, des commentaires… Il y a aussi une lecture sociale dans le sens de la suggestion et de la recommandation. Le moteur de recherche Google fournit des exemples : pendant que vous tapez un mot, il vous donne à la fois des suggestions et des résultats. L’algorithme prend en compte la fréquence d’utilisation du mot en y ajoutant des éléments sémantiques.

 

Dans cette dimension sociale de la lecture industrielle, la sémantique donne des catégories (populaires ou savantes, héritées des bibliothèques) avec lesquelles cohabitent des moteurs algorithmiques qui se distancient de cette fonction sémantique. On assiste ainsi à un conflit entre un mouvement sur le web sémantique (porté en partie par Tim Berners-Lee ) et les plateformes (moteur de recherche de Google) qui insistent surtout sur la dimension algorithmique. Quelle dimension va l’emporter dans la détermination de la pertinence ? À mon sens, cette tension va s’accélérer et pourrait produire des effets inédits.

 

Ce partage entre la sociabilité – dans ce sens spécifique – et la sémantique, se manifeste également dans le retour en vigueur du cloud computing, une forme qui met l’accent sur la fragmentation de l’identité numérique dans sa nature plurielle et polyphonique. Nous avons tous plusieurs pseudo, plusieurs comptes de messagerie. La nouveauté avec le nuage, c’est que ces traces sont rassemblées du fait de la concentration des accès chez quelques fournisseurs dominants. Ces données modifient et alimentent la recommandation ou une certaine forme de lecture industrielle et sociale, transformant la nature même de l’identité dans sa déclinaison numérique.

 

Curieusement, avec la globalisation et l’universalisation de l’accès, il y a un retour très puissant du local. Par exemple, Google donne des résultats différents en fonction du lieu où l’internaute se trouve, et certaines plateformes permettent à des personnes géographiquement proche de dialoguer sans se connaître. La géolocalisation a ainsi créé une nouvelle forme de valorisation qui produit des effets de proximité ou de voisinage, effets qui modifient considérablement ce que l’on voit, ce que l’on obtient comme résultats et la manière dont on perçoit les interactivités et les échanges sur internet. Cela peut jouer dans les deux sens : être utile à la diversité culturelle et linguistique, ou appauvrir l’offre. Notons également que les interfaces se raréfient puisque ne restent que les miniapplications (sur les téléphones intelligents) et quelques navigateurs.

 

À l’époque des conflits entre Netscape et Internet Explorer, les débats associaient le choix du navigateur à la liberté de l’individu. Après une période un peu floue, le navigateur revient en force, mais de manière différente : devenu le lieu de la sociabilité, un lieu qui gère et agrège presque toutes les activités numériques, il remplace en grande partie le système d’exploitation. Au final, deux ou trois producteurs de navigateurs déterminent à eux seuls les interfaces, les manières de voir le monde numérique et d’échanger avec lui. D’ailleurs, ils dépensent beaucoup d’argent pour numériser les archives, mais très peu pour développer les interfaces qui donnent accès à ces archives. Sous couvert de neutralité, ces interfaces sont laissées à d’autres… Il faut donc penser à la fois cette concentration du pouvoir et ce dépassement du système d’exploitation classique.

 

Restent néanmoins les formats et les standards. Comme les données que nous produisons appartiennent à des plateformes, il nous faut des protocoles, des standards et des formats libres et ouverts pour assurer à tous un accès équitable – et c’est là que les gouvernements, tant aux États-Unis qu’en Europe, ne font pas leur travail. Il nous faut des moyens de contrôler et de faire circuler ces données publiques, qui nous sont présentées comme une promesse de ressources pour la prochaine étape d’internet. Pour appréhender la sociabilité numérique, qui a été remarquablement étudiée par Antoine Casilli et Danah Boyd, j’ai pris un point de vue un peu différent en posant une question : pourquoi a-t-on utilisé l’amitié pour construire la sociabilité numérique ?

 

Utilisons trois références classiques pour tenter de répondre à cette question. Aristote affirme que c’est l’amitié – non la parenté ou d’autres formes de liens – qui rend possible la genèse d’une communauté sociale et politique. Pour Cicéron, l’amitié est de l’ordre du visible. On veut partager l’intime, qui n’appartient pas à l’ordre de la visibilité et ne peut donc s’articuler que dans un discours. Par conséquent, l’amitié transforme la force intérieure en passant par le langage. Cette dimension permet de comprendre en partie ce qui se passe sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook. On observe notamment le rôle important du statut de l’image dans la sociabilité numérique. En effet, chaque profil contient un portrait par défaut, que l’internaute peut personnaliser.

 

Ce sont des formes d’articulation de l’intime, constitutives d’un certain échange discursif dans les relations d’amitié. Je ne confonds pas l’amitié au sens classique avec la convivialité, mais il y a des éléments partagés qu’il faut valoriser et étudier. Le chancelier Bacon, pour qui l’amitié a toujours été un calcul, fait référence à un adage classique : si vous avez un ami, vous partagez votre malheur et multipliez votre bonheur. La calculabilité associée à l’amitié numérique n’est pas bien loin… Les formes de calcul qui touchent au domaine de l’intime existent depuis longtemps.

 

Ce qui a changé, c’est l’échelle et la visibilité de ce partage et de ce calcul. Il faut réfléchir aux mutations induites par cette évolution, cette forme d’adaptation employée par la sociabilité numérique. En conséquence, ma thèse est très simple : le numérique opère des ruptures, mais dans la continuité. Ils sont en train de se constituer des formes d’hybridation relatives à l’espace, aux relations dans la société, à la nature de notre identité.

 

Finalement, on retrouve dans la sociabilité numérique – surtout sur Twitter et Facebook – les fonctions classiques de l’image, c’est-à-dire l’icône (incarnation d’une présence), le portrait (représentation d’une absence), l’emblème (image associée à un texte). Il y a une concentration des effets de la représentation visuelle, ce qui explique en partie la puissance de l’image dans le monde numérique.

 

Par ailleurs, deux tendances contradictoires coexistent : le monumental (il suffit de regarder les chiffres !) et la miniaturisation (Twitter, par exemple). Selon moi, on ne fait circuler que des fragments (d’images, de textes, de discours, d’identités…). J’ai appelé ce phénomène la tournure anthologique, l’anthologie étant pratiquée depuis l’Antiquité : on dispose de beaucoup de matériel nous indiquant d’une part une forme de sagesse qui a toujours été transmise dans une littérature volontairement fragmentaire, d’autre part des anthologies de fragments créées à cause de la rareté de l’accès et de l’objet. Aujourd’hui, c’est l’inverse : nous vivons dans une époque de la surabondance, mais nous pratiquons la fragmentation et la reconstruction d’anthologies qui peuvent se partager, se transmettre et signifier des choses différentes en fonction du contexte. En conséquence, les pratiques numériques ont modifié le contexte lui-même (fragmentation et sociabilité) et notre rapport avec le narratif et le récit – le fragmentaire devenant le style même de l’écriture et une forme de pensée.

 

Pour terminer, je voudrais revenir à notre point de départ, à la distinction qui a longtemps été faite entre la technicité de l’informatique et la dimension numérique. Comme si le Code numérique n’était qu’une suite d’instructions que la machine opère. Le Code n’est pas seulement algorithmique ou normatif. Il est aussi un être culturel agissant dans un contexte spécifique : d’ordre technique qui modifie notre rapport à l’écrit et à la culture de l’écrit. Le code n’est pas exclusivement destiné à la machine, mais aussi aux êtres humains ; c’est une forme de pratique lettrée vouée au commentaire et à l’annotation. Cette écriture, qui a ses propres propriétés, modifie notre rapport avec l’imprimé et l’écrit. Nous sommes en train de témoigner de cette culture et de la fabriquer.

 Milad Doueihi

 

* Milad Doueihi est historien des religions, titulaire de la Chaire de recherche sur les cultures numériques à l’université Laval au Québec. Milad Doueihi a été professeur au département de français de l’Université Johns Hopkins aux États-Unis entre 1985 et 1995, responsable pour la version française de la revue Modern Languages Notes en 1996 et enseignant-chercheur honoraire à la faculté des cultures et langues modernes à l’Université de Glasgow. Traduit en plusieurs langues, il s’est imposé comme l’un des grands défenseurs d’un humanisme numérique. Il a publié « Pour un humanisme numérique», Paris, édition Le Seuil, 2011; « La grande conversion numérique », Le Seuil, 2011; « Solitude de l’incomparable, Augustin et Spinoza », Le Seuil, 2009; « Le Paradis terrestre : Mythes et philosophies », Le Seuil, 2006; « Une histoire perverse du cœur humain », Le Seuil, 1996.

 

 

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Version longue prononcée à l’Université de Rome III, le 26 octobre 2011, avec la délégation des humanistes et la participation du Cardinal Ravasi.

 

Qu’est-ce que l’humanisme ? Un grand point d’interrogation à l’endroit du plus grand sérieux ? C’est dans la tradition européenne, Grecque-juive-chrétienne, que s’est produit cet événement qui ne cesse de promettre, de décevoir et de se refonder. Lorsque Jésus se décrit (Jn 8,24) dans les mêmes termes qu’Élohim s’adressant à Moïse (Ex 3,14), en disant : « Je suis », il définit homme – et anticipe l’humanisme – comme une « singularité indestructible » (selon les termes de Benoit XVI). Singularité indestructible qui non seulement le relie au divin par delà la généalogie d’Abraham (comme le faisait déjà le peuple d’Israël), mais qui innove. Car si le « Je suis » de Jésus s’étend du passé et du présent au futur et à l’univers, le Buisson ardent et la Croix deviennent universels.

 

Lorsque la Renaissance avec Érasme, les Lumières avec Diderot, Voltaire, Rousseau, mais aussi le Marquis de Sade et jusqu’à ce juif athée qu’était Sigmund Freud, ils proclament la liberté des hommes et des femmes à se révolter contre les dogmes et les oppressions, à émanciper les esprits et les corps, à mettre en question toute certitude, commandement ou valeur, – est-ce à un nihilisme apocalyptique qu’ils ont ouvert la voie ? En s’attaquant à l’obscurantisme, la sécularisation a oublié de s’interroger sur le besoin de croire qui sous-tend le désir de savoir, ainsi que sur les limites à poser au désir à mort – pour vivre ensemble. Pourtant, ce n’est pas l’humanisme, mais ce sont les dérives sectaires, technicistes et négationnistes de la sécularisation qui ont sombré dans la « banalité du mal », et qui favorisent aujourd’hui l’automatisation en cours de l’espèce humaine. « N’ayez pas peur ! », ces mots de Jean-Paul II ne s’adressent pas seulement aux croyants qu’ils encourageaient à résister au totalitarisme. L’appel de ce Pape – apôtre des droits de l’homme- nous incite aussi à ne pas craindre la culture européenne, mais au contraire à oser l’humanisme : en bâtissant des complicités entre l’humanisme chrétien et celui qui, issu de la Renaissance et des Lumières, ambitionne d’élucider les voies risquées de la liberté. Merci aujourd’hui au Pape Benoît XVI d’avoir invité, pour la première fois en ces lieux, des humanistes parmi vous.

 

C’est pourquoi, avec vous sur cette terre d’Assise, mes pensées s’adressent à Saint-François-d’Assise : qui « ne cherche pas tant à être compris qu’à comprendre », ni « à être aimé qu’à aimer » ; qui éveille la spiritualité des femmes avec l’œuvre de sainte Claire; qui place l’enfant au cœur de la culture européenne en créant la fête de Noël ; et qui, quelque temps avant sa mort, déjà en humaniste avant la lettre, envoie sa lettre « à tous les habitant du monde entier ». Je pense aussi à Giotto qui déplie les textes sacrés dans des images vivantes de la vie quotidienne des hommes et des femmes de son temps, et met le monde moderne au défi de secouer le rite toxique du spectacle aujourd’hui omniprésent.

 

Peut-on encore parler de l’humanisme, mieux : peut-on parler l’humanisme ? Et c’est Dante Alighieri qui m’interpelle en cet instant, célébrant Saint François au Paradis de sa «Divine comédie». Dante a fondé une théologie catholique de l’humanisme en démontrant que l’humanisme n’existe que si et seulement si nous nous transcendons dans le langage par l’invention de nouveaux langages. Comme il l’a fait lui-même, en écrivant dans un style nouveau la langue italienne courante, et en inventant des néologismes. « Outre passer l’humain dans l’humain (« transhumanar » ) (Paradis I : 69), dit-il, tel serait le chemin de la vérité. Il s’agirait de «nouer », au sens d’ « accoupler » ( « s’indova », se mettre là, dans le « où ») ( Paradis 33 :138) – comme se nouent le cercle et l’image dans une rosace – le divin et l’humain dans le Christ, le physique et le psychique dans l’humain. De cet humanisme chrétien, compris comme un « outrepassement » de l’humain dans l’accouplement des désirs et du sens par le langage, s’il est un langage d’amour, l’humanisme sécularisé est l’héritier souvent inconscient. Et il s’en sépare en affinant ses logiques propres dont j’aimerais esquisser dix principes. Ils ne sont pas dix commandements, mais 10 invitations à penser des passerelles entre nous.

 

1) L’humanisme du XXI siècle n’est pas un théomorphisme. L’Homme majuscule n’existe pas.Ni « valeur » ni « fin » supérieure, aucun atterrissage du divin d’après les actes les plus hauts de certains hommes qu’on appelle des « génies » depuis la Renaissance. Après la Shoah et le Goulag, l’humanisme a le devoir de rappeler aux hommes et aux femmes que si nous nous estimons les seuls législateurs, c’est uniquement par la mise en question continue de notre situation personnelle, historique et sociale que nous pouvons décider de la société et de l’histoire. Aujourd’hui, loin de démondialiser, une nouvelle réglementation internationale est nécessaire à inventer pour réguler et maîtriser la finance et l’économie mondialisée et créer à terme une gouvernance mondiale éthique universelle et solidaire.

 

2) Processus de refondation permanente, l’humanisme ne se développe que par des ruptures qui sont des innovations (le terme biblique hiddouch signifie inauguration-innovation-rénovation ; enkainosis et anakainosis ; novatio et renovatio). Connaître intimement l’héritage grec-juif-chrétien, le mettre en examen approfondi, transvaluer (Nietzsche) la tradition : il n’y a pas d’autre moyen de combattre l’ignorance et la censure, et de faciliter ainsi la cohabitation des mémoires culturelles construites au cours de l’histoire.

 

3) Enfant de la culture européenne, l’humanisme est la rencontre des différences culturelles favorisée par la globalisation et la numérisation. L’humanisme respecte, traduit et réévalue les variantes des besoins de croire et des désirs de savoir qui sont des universaux de toutes les civilisations.

 

4) Humanistes, « nous ne sommes pas des anges, nous avons un corps ». Sainte Thérèse d’Avila s’exprime ainsi au XVIIe siècle, inaugurant l’âge baroque qui n’est pas une Contre-Réforme, mais une Révolution baroque amorçant le siècle des Lumières. Mais le libre désir est un désir à mort. Et il fallait attendre la psychanalyse, pour recueillir dans la seule et ultime réglementation du langage cette liberté des désirs que l’humanisme ne censure ni ne flatte, mais se propose d’élucider, d’accompagner et de sublimer.

 

5) L’humanisme est un féminisme. La libération des désirs devait conduire à l’émancipation des femmes. Après les philosophes des Lumières qui ont ouvert la voie, les femmes de la Révolution françaises l’ont exigée avec Théroigne de Méricourt, Olympe de Gouge, jusqu’à Flora Tristan, Louise Michel et Simone de Beauvoir, accompagnée par les luttes des suffragettes anglaises et je n’oublie pas les Chinoises dès la Révolution bourgeoise de 4 mai 1919. Les combats pour une parité économique, juridique et politique nécessitent une nouvelle réflexion sur le choix et la responsabilité de la maternité. La sécularisation est encore la seule civilisation qui manque de discours sur le maternel. Le lien passionnel entre la mère et l’enfant, ce premier autre, aurore de l’amour et de l’hominisation, ce lien où la continuité biologique devient sens, altérité et parole, est une reliance. Différente de la religiosité comme de la fonction paternelle, la reliance maternelle les complète et participe à part entière de l’éthique humaniste.

 

6) Humanistes, c’est par la singularité partageable de l’expérience intérieure que nous pouvons combattre cette nouvelle banalité du mal qu’est l’automatisation en cours de l’espèce humaine. Parce que nous sommes des êtres parlant, écrivant, dessinant, peignant musiquant, jouant, calculant, imaginant, pensant, nous ne sommes pas condamnés à devenirdes « éléments de langage » dans l’hyperconnection accélérée. L’infini des capacités de représentation est notre habitat, profondeur et délivrance, notre liberté.

 

7) Mais le Babel des langages génère aussi chaos et désordres, que l’humanisme ne régulera jamais par la seule écoute attentive prêtée aux langages des autres. Le moment est venu de reprendre les codes moraux immémoriaux : sans les affaiblir, pour les problématiser, en les à rénovant au regard des nouvelles singularités. Loin d’être de purs archaïsmes, les interdits et les limites sont des garde-fous qu’on ne saurait ignorer sans supprimer la mémoire qui constitue le pacte des humains entre eux et avec la planète, les planètes. L’histoire n’est pas du passé : la Bible, les Évangiles, le Coran, le Rigveda, le Tao nous habitent au présent. Il est utopique de créer de nouveaux mythes collectifs, il ne suffit pas non plus d’interpréter les anciens. Il nous revient de les réécrire, repenser, revivre : dans les langages de la modernité.

 

8) Il n’y a plus d’Univers,la recherche scientifique découvre et ne cesse de sonder le Multivers. Multiplicité des cultures, des religions, des goûts et des créations. Multiplicités des espaces cosmiques, des matières et des énergies cohabitant avec le vide, composant avec le vide. N’ayez pas peur d’être mortels. Capable de penser le multivers, l’humanisme est confronté à une tâche épochale : inscrire la mortalité dans le multivers du vivant et du cosmos.

 

9) Qui le pourra? L’humanisme, parce qu’il soigne. Le souci (cura) amoureux d’autrui, le soin écologique de la terre, l’éducation des jeunes, l’accompagnement des malades, des handicapés, des vieillissants, des dépendants n’arrêtent ni la course en avant des sciences ni l’explosion de l’argent virtuel ? L’humanisme ne sera pas un régulateur du libéralisme, qu’il se ferait fort de transformer sans à-coups apocalyptiques ni lendemains qui chante. En prenant son temps, en créant une proximité nouvelle et des solidarités élémentaires, l’humanisme accompagnera la révolution anthropologique qu’annoncent déjà aussi bien la biologie émancipant les femmes, que le laisser-aller de la technique et de la finance, et l’impuissance du modèle démocratique pyramidal à canaliser les innovations.

 

10) L’homme ne fait pas l’Histoire,mais l’Histoire c’est nous. Pour la première fois, Homo Sapiens est capable de détruire la terre et soi-même au nom de ses religions, croyances ou idéologies. Pour la première fois aussi les hommes et les femmes sont capables de réévaluer en toute transparence la religiosité constitutive de l’être humain. La rencontre de nos diversités ici, à Assise, témoigne que l’hypothèse de la destruction n’est pas la seule possible. Personne ne sait quels humains succèderont à nous qui sommes engagés dans cette transvaluation anthropologique et cosmique sans précédent. Ni dogme providentiel, ni jeu de l’esprit, la refondation de l’humanisme est un pari.

 

L’ère du soupçon ne suffit plus. Face aux crises et menaces aggravées, voici venue l’ère du pari. Osons parier sur le renouvellement continu des capacités des hommes et des femmes à croire et à savoir ensemble. Pour que, dans le multivers bordé de vide, l’humanité puisse poursuivre longtemps son destin créatif.

Julia Kristeva

 

 

 

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Que signifie être humaniste aujourd’hui ? Dans notre ère technologique et financiarisée où nous vivons, l’homme reste-t-il encore au centre d’un débat sans tomber dans la démagogie ? L’humanisme a-t-il encore un avenir en ce début du XXIe siècle ? Exige-t-il une refondation pour relever les nouveaux défis de la mondialisation et de l’évolution de la technoscience ?

 

L’histoire du XXe siècle a révélé la grande fragilité de notre civilisation. Les débuts du XXIe siècle ont exacerbé cette fragilité, l’instabilité, l’individualisme et l’absurde. Peut-on penser à la renaissance d’un humanisme différent ? L’homme a-t-il encore besoin de points de repère, de retrouver des sources nouvelles de sens ? Dans l’histoire de l’Occident, Claude Lévi-Strauss a reconnu trois humanismes : un humanisme aristocratique de la Renaissance, un humanisme bourgeois et exotique du XIXe siècle et un humanisme démocratique au XXe siècle. Plusieurs maitres à penser, dont le philosophe Milad Doueihi, proposent aujourd’hui un quatrième humanisme, c’est-à-dire «l’humanisme numérique », celui de ce siècle débutant.

 

Pour Jean-Michel Besnier dans son essai « Demain, les posthumains », l’humanisme pour le XXIe siècle devra être non dogmatique. « Il faut prendre le risque – soutiens Jean-Michel Besnier – de l’indétermination. L’homme doit s’arracher à toutes déterminations qui l’enferment. Il pourra ainsi communiquer avec tous. L’humanisme n’entretiendra pas la bonne conscience, parce que l’inhumain est partie intégrante de l’humain. On ne peut pas éliminer cette notion d’égoïsme chez l’homme. Il ne sera pas triomphaliste, ni opposé au monde de la technique et il aura à résoudre l’éternelle question du vivre ensemble. Ce nouvel humanisme, affirme encore Jean-Michel Besnier, devra être mobilisateur. Nos ouvrages humains sont souvent vains, mais il ne faudra jamais y renoncer ».

 

Antonio Torrenzano

 

 

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« Le Christ est notre paix et par lui implorons la paix pour le monde entier ! » La recherche de la paix a été l’appel de pape François à l’occasion de son message Urbi et Orbi, cette dimanche à midi à place Saint-Pierre à Rome, après la messe de Pâques.

Paix au Moyen-Orient. Le Pontife s’est adressé en particulier au Peuple israélien et au Peuple palestinien pour qu’ils reprennent « avec courage et disponibilité les négociations pour mettre fin à un conflit qui dure désormais depuis trop de temps ». Paix en Irak, pour qu’il cesse « définitivement toute violence, et, surtout, pour la Syrie bien-aimée, pour sa population blessée par le conflit et pour les nombreux réfugiés qui attendent aide et consolation. Que de sang a été versé ! Et que de souffrances devront encore être infligées avant qu’on réussisse à trouver une solution politique à la crise ? »

Paix en Afrique qui reste encore un théâtre de conflits sanglants. « Au Mali, afin qu’il retrouve unité et stabilité ; et au Nigéria, où malheureusement ne cessent pas les attentats qui menacent la vie de tant d’innocents et où de nombreuses personnes, même des enfants, sont retenues en otage par des groupes terroristes. Paix dans l’est de la République Démocratique du Congo et en République centrafricaine, où nombreux sont ceux qui sont contraints à laisser leurs maisons et vivent encore dans la peur ». Enfin, une pensée particulière pour la Péninsule coréenne, « pour que soient surmontées les divergences et que murisse un esprit renouvelé de réconciliation ».

Paix au monde entier, a-t-il affirmé Pape François. Un monde qui est encore si divisé par l’avidité de ceux qui cherchent des gains faciles, blessé par l’égoïsme qui menace la vie humaine et la famille. Égoïsme qui continue la traite de personnes :l’esclavage le plus répandu en ce vingt-et-unième siècle. Paix au monde entier, déchiré par la violence liée au trafic de drogue et par l’exploitation inéquitable des ressources naturelles ! Paix à notre Terre ! (…) ».

Antonio Torrenzano

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Une messe solennelle, simple, sans homélie, pour la liturgie de ce dimanche de Pâques. Le Pontife portant juste une chasuble blanche est sorti en procession de la basilique Saint-Pierre directement sur le parvis de la Basilique pour la liturgie. Une liturgie dont le Pape a été l’unique célébrant et qui a débuté par le rite du « Resurrexit ».

Au pied de l’autel, une foule impressionnante : plus de 250 000 personnes qui ont assisté à cette liturgie de Pâques. Toute la Place Saint-Pierre autant que la Place Pie XII remplie ainsi qu’une partie de la Via della Conciliazione.

Dimanche matin, avant la liturgie, le Pape avait envoyé un tweet : « Accepte Jésus ressuscité dans ta vie. Même si tu t’es éloigné, fais un petit pas vers Lui: il t’attend les bras ouverts ». Une invitation que le Pape François avait déjà lancée samedi soir, pendant la messe de la vigile.

Antonio Torrenzano

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La première vigile de Pâques du Pontife François a été riche des symboles forts. Le Pape a tutoyé les fidèles en pleine veillée pascale en disant : « Accepte que Jésus ressuscité entre dans ta vie; fais un petit pas ». La Vigile pascale a été toujours ponctuée de gestes symboliques : la bénédiction par le Pape du feu nouveau, la procession du cierge pascal dans la nef de la basilique et la liturgie baptismale.

Selon les paroles de saint Augustin, il s’agit de la « Mère de toutes les liturgies». C’est-à-dire le cœur et le sommet de l’année liturgique où le feu et la lumière évoquent le passage à une vie nouvelle. Pendant son homélie, le Pontife a encouragé « à ne pas se fermer à la nouveauté que Dieu veut porter dans notre vie ».

Au cours de la cérémonie, le Pape a baptisé quatre catéchumènes: un albanais Kleant Ismaili, 30 ans, un italien Maurizio Stefano Pilati, 22 ans, un russe Eugeni Francesco Strokov, 30 ans, et un américain d’origine vietnamienne Anthony Dinh Tran, 17 ans. Plus de 4 000 personnes ont assisté à cette célébration eucharistique qui marque le terme du triduum pascal et de toute l’année liturgique.

Antonio Torrenzano

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Le Pape a présidé hier soir le traditionnel Chemin de Croix au Colisée au coeur de la ville de Rome. Les méditations cette année ont été écrites par une commission du patriarcat maronite. Une initiative du Pape émérite Benoît XVI à la suite de son voyage apostolique au Liban en septembre 2012. Dans cette occasion, Benoît XVI avait confié la rédaction de ces médiations aux jeunes libanais qui avaient pris part, aux côtés de musulmans, à la veillée de prière qui s’était tenue à Beyrouth lors de sa visite.

À la rédaction des méditations ont participé toutes les communautés chrétiennes du Liban : maronites, catholiques latins, chaldéens, syro-catholiques ou gréco-melkites. Mais, surtout de jeunes, des universitaires, des élèves du secondaire, des membres d’ONG, qui avec l’aide de biblistes et de théologiens fondamentale ont rédigé ces méditations. Ce n’est pas la première fois qu’un Pontife fait appel à des laïcs pour rédiger les méditations du traditionnel Chemin de croix au cœur de la capitale italienne. En 2012, les auteurs des méditations avaient été Danilo et Anna Maria Zanzucchi, membres de la congrégation religieuse des Focolari. Avant de tout cela, déjà Jean-Paul II avait confié des méditations du Chemin de croix à des laïcs – y compris à un groupe de journalistes – mais aussi à des représentants d’autres confessions chrétiennes, tels que le patriarche orthodoxe Barthélémy Ier ou la religieuse protestante Minke de Vries.

Ces réflexions ont dénoncé les « Pilate » qui « tiennent dans leurs mains le pouvoir et ne le mettent qu’au service des plus forts ». Une méditation, en revanche, elle a évoqué « la souffrance des sans domiciles fixes, des pauvres et des enfants exposés à la violence et à l’exploitation en rappelant qu’une personne blessée ou oubliée ne perd ni sa valeur ni sa dignité et qu’elle demeure signe de la présence du Seigneur cachée dans le monde ».

Les jeunes de la commission du patriarcat ont voulu souligner l’espoir « d’un Nouvel Orient plus fraternel, pacifique et juste », qui peut retrouver « la splendeur de sa vocation de berceau de civilisation et de valeurs spirituelles et humaines ». Ces jeunes ont tenté de faire entendre l’espoir des chrétiens du Moyen-Orient dont le quotidien est pourtant empreint de souffrance.

Antonio Torrenzano

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Le Pontife François a rencontré aujourd’hui son prédécesseur Benoît XVI à Castel Gandolfo. Dix jours après son élection, le premier Pape à porter le nom de François s’est rendu à Castel Gandolfo pour s’entretenir avec le Pontife émérite Benoît XVI.

Aucune cérémonie officielle, un déroulement prévu très simple, pour ce face-à-face inédit et historique entre les deux. Depuis son élection, le Pape François avait plusieurs fois exprimé son affection, ses sentiments fraternels et son estime pour le prédécesseur avec lequel il a de nombreuses similitudes à commencer par le goût de la simplicité et la fidélité à la doctrine. Pendant la visite, les deux pontifes ont prié dans la chapelle du palais apostolique de Castel Gandolfo, puis ils se sont rendus tous les deux dans la bibliothèque du palais. Dans la bibliothèque, les deux pontifes ont eu un dialogue privé de 45 minutes.

Avant ce face-à-face, le nouveau Pape avait déjà eu des conversations téléphoniques avec Benoît XVI les jours derniers : le jour même de l’élection et le 19 mars, fête du Saint Patron du Pape émérite Ratzinger. Le Pontife François a offert une icône au pape émérite. La visite est durée environ trois heures. Benoit XVI s’installera au début du mois de mai dans l’ancien monastère situé dans l’enceinte du Vatican.

Antonio Torrenzano

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La cérémonie de l’inauguration solennelle du pontificat de Pape François a été à la fois solennelle et simple. Le Pape a concélébré avec plus de 200 prélats, patriarches et prêtres. Parmi eux les supérieurs généraux des jésuites et des franciscains. Jorge Mario Bergoglio est le premier pape jésuite qui a choisi le nom du fondateur des franciscains, Saint-François-d’Assise.

Après le tour sur la place Saint-Pierre, le Pape a rejoint la Basilique et dans la crypte il a prié devant la tombe de Saint Pierre. Puis, le Pontife est ressorti pour la messe précédé de ses 180 cocélébrants : cardinaux, patriarches et archevêques.

Dans l’homélie de la messe d’inauguration de son pontificat, le Pape François a invité tous « à avoir du respect pour tous, pour chaque personne, spécialement les enfants, les personnes âgées, tous ceux qui sont les plus fragiles et qui souvent se trouvent à la périphérie de notre coeur (…). Et quand l’homme manque à cette responsabilité, quand nous ne prenons pas soin de la création et des frères, alors la destruction trouve une place et le cœur s’endurcit. À chaque époque de l’histoire, malheureusement, il y a des «Hérode » qui trament des desseins de mort, détruisent et défigurent le visage de l’homme et de la femme (…) ».

Je voudrais demander, a encore affirmé le Pontife « à tous ceux qui occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social, à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : nous sommes «gardiens » de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde ! Mais pour «garder » nous devons aussi avoir soin de nous-mêmes ! Rappelons-nous que la haine, l’envie, l’orgueil souillent la vie ! Garder veut dire alors veiller sur nos sentiments, sur notre cœur, parce que c’est de là que sortent les intentions bonnes et mauvaises : celles qui construisent et celles qui détruisent ! Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, et même pas non plus de la tendresse ».

Plus de 30 chefs d’État étaient assis aux premiers rangs du parvis de la Place Saint-Pierre.

Antonio Torrenzano.

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Cinq jours après son élection, le Pontife a reçu ce matin la présidente de l’Argentine Cristina Kirchner. La rencontre est durée 20 minutes. Avant de devenir Pape, les relations entre le cardinal archevêque de Buenos Aires Jorge Mario Bergoglio et la présidente Cristina Kirchner n’avaient pas toujours été des plus faciles. La rencontre privée a eu sa conclusion par un déjeuner à la Maison Sainte-Marthe, comme a précisé le directeur de la salle de presse du Saint-Siège Federico Lombardi.

À la veille de l’inauguration solennelle de son pontificat, voici les différentes étapes qui marqueront demain mardi 19 mars la journée du pape François comme successeur de Benoît XVI. Peu avant le 09H00, le pape quittera la résidence Sainte-Marthe, où il est en train de séjourner en attendant que ses appartements pontificaux soient prêts et il fera le tour de la place Saint-Pierre en papamobile, pour saluer les plusieurs centaines de milliers de fidèles et officiels attendus. Ensuite, il entrera dans la Basilique Saint-Pierre, et accompagné des 10 patriarches des Églises orientales, François ira se recueillir sur la tombe de Saint Pierre, située sous la Basilique.

Tout de suite après, le Pape remontera au niveau de la Basilique et c’est de là avec les cardinaux démarrera la procession qui de Saint-Pierre rejoindra le parvis de la Basilique. Sur le parvis se trouveront à gauche, presque 250 archevêques et évêques, ecclésiastiques et 33 délégations d’autres Églises et confessions chrétiennes. À droite les délégations internationales (135) venues de nombreux pays. Sur le parvis se trouveront aussi les représentants juifs, musulmans et d’autres religions, et tout le corps diplomatique près le Saint-Siège, ainsi que d’autres autorités.

Avant le début de la messe, le cardinal protodiacre Jean Louis Tauran posera le pallium sur les épaules de Jorge Mario Bergoglio. La messe commencera à 9 heures trente. Une messe a tenu à préciser Federico Lombardi, qui sera sous le signe de la simplicité. Quant à l’homélie, elle sera en italien. Un texte est prévu, mais il a tenu encore une fois à souligner Federico Lombardi, nous ne pouvons pas exclure que le Pape François improvise un peu.

Antonio Torrenzano