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Depuis le 1989, l’Europe s’est orientée vers la recherche d’instruments politiques afin de préparer une nouvelle situation géopolitique à l’intérieur d’elle-même et en Méditerranée. La ligne d’action prévoyait comme objectif celui d’un régionalisme ouvert sous le nom du partenariat Euro-Méditerranéen pour la paix et de prospérité partagée. Ce partenariat nait à la suite de la Déclaration de Barcelone des 27 et 28 novembre 1995. Le programme euroméditerranéen de Barcelone entre l’UE et les Pays du sud et de l’est de la Méditerranée (PSEM, c’est-à-dire Algérie, Chypre, Égypte, Israël, Jordanie,Liban, Malte, Maroc, Syrie, Tunisie, Turquie, Territoires palestiniens) rompait avec la tradition des préférences en programmant des accords de libre-échange. Le partenariat euroméditerranéen, avec le démantèlement de la protection, devait être un stimulateur de réformes structurelles et jouer un rôle de catalyseur. Ce défi, Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, l’avait compris lorsqu’il avait lancé le partenariat dans la ville espagnole en 1995.

 

Le but toujours recherché a toujours été celui de faire de ce bassin une zone de paix et de prospérité partagée, mais aussi de dialogue. La force de cette ligne d’action était de marier les volets politique et sécurité (jugés essentiels pour le nouvel ouvrage géostratégique de l’intégration européenne) aux volets économique et financier, social, culturel et humain. Le déroulement prévu comportait des clauses importantes tant pour le pôle européen que pour les pays partenaires méditerranéens (PPM). L’Union européenne avait besoin de plus de stabilité pour la partie sud et est de la Méditerranée tandis que ses voisins riverains avaient besoin d’instruments commerciaux et financiers pour gérer leurs nouveaux processus d’ouverture économique. C’est pour tout ça que, dans la Déclaration de Barcelone, les pays signataires parlent de « paix et de prospérité partagée ». Les 15 dernières années ont été marquées par crises et instabilité en Méditerranée. Des conflits et des déstabilisations ont affecté plusieurs régions du Proche-Orient et des Balkans ainsi que l’Algérie en bloquant le développement. Au nord, l’intégration dans l’Union européenne de plusieurs pays riverains a permis un renfoncement des échanges et d’importants progrès en terme de modernisation économique, mais le modèle d’intégration régionale qui s’est construit au nord du bassin n’a pas eu d’équivalents dans la rive sud et à l’est. En dépit de plusieurs initiatives, la région reste caractérisée par la persistance d’une coopération non structurée.

 

En 2003, le partenariat il s’évolue par la nouvelle politique européenne de voisinage, mais cette politique manque encore de moyens et d’engagements réciproques. Elle a été surtout centrée sur des questions sécuritaires, la libéralisation du commerce (objectif d’une zone de libre-échange) et des approches bilatérales, mais il a peu intégré le développement durable. L’aide financier a été jusqu’aujourd’hui encore limité. Ce partenariat a eu ses mérites, mais il n’a pas répondu aux attentes qu’il avait suscitées. En 2005, à l’occasion des dix ans de la Déclaration de Barcelone, de nombreux responsables politiques du nord et du sud de la Méditerranée ont demandé qu’il vînt réorganisé autour de nouvelles lignes d’actions d’intérêt commun à l’Europe et aux Pays méditerranéens. Depuis le premier sommet de l’Union le 12 juillet 2008 à Paris, le processus politique s’est enlisé.

 

Quel en est le bilan ? Peut-on dire que les mises à niveau sont restées limitées ? Cet enlisement politique peut-il être surmonté ? L’Europe et l’Afrique du Nord sont aujourd’hui devant un choix stratégique : s’unir et représenter un nouveau sujet mondial, capable de parler d’égal à égal avec la Chine, le Brésil, L’Indie, les États-Unis ou rester séparés et être définitivement marginalisés dans la mondialisation. Les pays méditerranéens sont entrés dans une nouvelle ère. C’est le message qu’envoient la Tunisie et d’autres Pays de la Rive-Sud. Les gouvernants de Tunis et du Caire n’ont pas voulu voir cette réalité en face autant que la même Europe. Quant à l’Union européenne qui avait conduit une simple ligne d’action de stabilité politique rassurante avec ces pays, elle n’a pas davantage fait preuve de clairvoyance. Elle devra surement revoir sa conception diplomatique pour se montrer plus à l’écoute des évolutions traversant ces sociétés. La révolution tunisienne de la génération Twitter a montré les limites des relations d’État à État, nécessaires certes, mais insuffisantes de comprendre un pays.

 

Malgré une prise de conscience que le destin de l’Europe est lié à celui du Sud et de l’Est de la Méditerranée, l’UE ne parvient guère à y jouer le rôle historique que l’importance de ses interdépendances et de ses intérêts bien compris justifierait. Les coopérations Nord/Sud et Sud/Sud restent insuffisantes. L’intégration euroméditerranéenne s’est développée jusqu’aujourd’hui à géométrie variable, avec peu de moyens, avec de demi-mesures et avec le résultat de tractations de bazar. Et la coopération politique ? Sur cette question,les solutions manquent. La Méditerranée se retrouve à aujourd’hui en risque de fracture accrue, instabilité, sans une vision commune, mais surtout pas prête à prendre la juste orientation dans cette nouvelle intersection historique.

 

Antonio Torrenzano

 

 

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Conversation avec Samir Amin, écrivain, économiste, professeur de sciences économiques. Samir Amin est né au Caire d’une mère française et d’un père égyptien, tous les deux médecins. Il a passé son enfance et son adolescence à Port-Saïd où il suivit les cours près de l’école française. De 1947 à 1957, il a étudié à Paris pour ses diplômes en sciences politiques en statistique et en économie. Théoricien principal de l’altermondialisme, il est moins connu pour ses recherches sur les formes précapitalistes des pays colonisés, notamment africains. Il a travaillé de 1957 à 1960 dans l’administration égyptienne du développement économique et il a été de 1960 à 1963 conseiller du gouvernement du Mali, puis directeur de l’Institut africain de développement économique et de la planification. Il dirige actuellement le bureau africain du Forum du Tiers-Monde à Dakar. Auteur de nombreux essais dont « L’Égypte nassérienne» en 1964, « Trois expériences africaines de développement : le Mali, la Guinée et le Ghana» en 1965, « L’économie du Maghreb » en 1966, « L’impérialisme et le développement inégal » et «La nation arabe » en 1976, « L’économie arabe contemporaine» en 1980, avec F. Yachir « La Méditerranée dans le système mondial » en 1988, « Les enjeux stratégiques en Méditerranée » en 1991, « L’Ethnie à l’assaut des nations » en 1994, « L’hégémonisme des États-Unis et l’effacement du projet européen » dans l’année 2000, avec Ali El Kenz « Europe and the Arab world: patterns and prospects for the new relationship » en langue anglaise dans l’année 2005, « l’Éveil du Sud, le Temps des cerises » en 2008, « Sur la crise, le Temps des cerises » en 2009. Le dialogue a eu lieu dans plusieurs reprises : à Rimini près de la Fondation Pio Manzù, à Naples près de la Fondation Euromed pour les études méditerranéennes en 2008 et 2009 et par téléphone.

 

Antonio Torrenzano. Les prétentions des individus de l’Afrique du Nord et du Continent africain, elles me semblent identiques au reste du monde : liberté de pensée, liberté d’expression, liberté de choisir leurs gouvernants. Encore, la transparence dans la gestion des biens publics ! Les jeunes sont exaspérés par leur quotidien sans avenir.

 

Samir Amin. La démocratie est une condition indissociable de l’émancipation des hommes. On ne peut pas concevoir l’émancipation s’il n’y a pas une émancipation de l’esprit. La démocratie réelle est celle qui se préoccupe des intérêts de tous et non seulement des intérêts de quelqu’un. Une vraie démocratie est indissociable du progrès social, mais tout ceci signifie qu’elle doit conjuguer les exigences de la liberté à celles de l’égalité et d’un chantier concret pour l’avenir à réaliser.

 

Antonio Torrenzano. Combiner la liberté et l’égalité représentera-t-elle un nouveau défi historique que l’Afrique du Nord et le Continent africain devront affronter de manière réelle?

 

Samir Amin. La « démocrature » proposée par l’idéologie dominante jusqu’aujourd’hui, elle a produit plus d’obstacles qu’un vrai progrès social parce qu’elle a sacrifié l’égalité à la compétition, l’égalité à la suprématie du marché. Cette formule est idéologiquement fausse dans les sens le plus vulgaires de la parole. Ce serait mieux de parler d’une démocratie blessée, d’une démocratie élaborée à l’usage d’un capitalisme mondialisé et d’un capitalisme financier caractérisé par de puissants oligopoles financiers.

 

Antonio Torrenzano. Mais, ce type de démocratie n’est pas porteur d’un progrès réel ou potentiel.

 

Samir Amin. Au contraire, elle devient un type de système politique vide, un système sans légitimité ou de la crédibilité. Ce système remet le pouvoir réel dans les mains d’un chef en réduisant la démocratie à la pratique d’inutiles rituels.

 

Antonio Torrenzano. Quel avenir pour le partenariat euroméditerranéen ? Le partenariat euroméditerranéen est-il en concurrence avec les travaux d’un marché commun du Moyen-Orient, un projet totalement de l’administration des États-Unis ?

 

Samir Amin. Le projet d’un marché commun du Moyen-Orient proposé par l’administration de Washington cherche d’éliminer les Européens de toute influence dans la région. Or sur cette question, on ne voit pas, jusqu’à présent, la vision de l’Europe. L’Europe refusera-t-elle l’idée américaine ? L’Union européenne sera-t-elle capable de devenir un concurrent mettant une limite à l’hégémonie américaine ?

 

Antonio Torrenzano. La question est donc de savoir si les Pays riverains de la Méditerranée avec les autres membres de l’UE s’orienteront ou non vers une nouvelle représentation de leurs relations économiques et de sécurité avec les pays de la Rive-Sud de la Méditerranée.

 

Samir Amin. La raison pure devrait faire évoluer dans cette direction. Mais, jusqu’à ce jour, l’Europe n’a donné aucune indication allant dans ce sens. Une raison qui explique peut-être, en partie, l’inertie européenne, c’est que les intérêts des partenaires de l’Union européenne sont, sinon divergents, tout au moins chargés d’un coefficient de priorité relative fort différent d’un pays à l’autre. La façade méditerranéenne n’est pas centrale dans les polarisations industrielles du capitalisme développé : les façades de la mer du Nord, du nord-est atlantique américain et du Japon central sont d’une densité sans commune mesure. Pour les Nordiques de l’Europe – l’Allemagne et la Grande-Bretagne – a fortiori pour les États-Unis et le Japon, le danger de chaos dans les pays situés au sud de la Méditerranée n’a pas la gravité qu’il devrait avoir pour les Italiens, les Espagnols et les Français.

 

Antonio Torrenzano

 

 

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Les événements qui sont en train de se dérouler dans la Rive-Sud de la Méditerranéenne ouvriront-ils une nouvelle saison sociale, politique et institutionnelle dans l’évolution historique de ces États ? Ces demandes de changement seront-elles seulement des phénomènes isolées ou très bientôt ces questions seront réabsorbées par un retour au statu quo précédent de la tradition autocratique ? Une réponse correcte, clairvoyante et multidimensionnelle à ce phénomène social, aujourd’hui encore obscur, c’est crucial : pour les Européens et pour tout le Peuple de l’Afrique du Nord, car les deux sont membres de la même région, c’est-à-dire la Méditerranée.

 

Par ces faits marquants, l’Europe a été surprise. Pour mieux dire, par ces événements l’Europe a fatigué beaucoup de temps à comprendre que cette fois la rébellion des jeunes méditerranéens de la rive sud avait des racines bien plus profondes. Cette hésitation ou cet effroi, ils posent une multiplicité de questions : l’Europe a-t-elle par hasard oublié que son histoire et sa culture elle vient aussi de la même Mer Méditérannéenne ? L’évolution des sociétés du sud de la Méditerranéenne est ou elle n’est pas un élément très important pour la politique étrangère de l’UE ? À l’Europe du XXI siècle peut-elle seulement intéresser la stabilité politique d’un présent aveugle de l’avenir ? À l’Europe peut-il seulement intéresser la sûreté énergétique, la lutte contre le fantôme du terrorisme, un simple partenariat économique ? Eh de tout le reste, ce qu’il reste ?

 

L’observation des événements nous fait déduire que les événements sont différents, nouveaux, imprévus. La révolution de la génération facebook est un séisme politique majeur et le 14 janvier 2011 restera peut-être dans l’histoire de la Tunisie, du Maghreb et du monde arabe, mais comme une date historique. Dire que rien ne change serait faux. Les jeunes de l’Afrique du Nord, ils ne revendiquent ni du pain ni un simple emploi. Ils revendiquent le respect des règles du jeu, la fin du favoritisme et de la corruption généralisée. Ils revendiquent d’être les nouveaux sujets de leurs pays en soulignant avec ces protestations que la classe dirigeante est déconnectée des réalités. Les syndicats et les partis politiques ne jouent plus leur rôle politique ou social et le pouvoir s’est retrouvé face à la colère de la rue.

 

Ces événements naissent d’expectatives de gens ordinaires, qui sont tous de jeunes hommes et de jeunes filles. Et dans la Rive-Sud de la Méditerranée, les jeunes sont la société. Ces jeunes réclament avec la force de leurs vingt ans leur avenir. Leurs revendications sont spontanées et fraîches comme les ans de leur jeunesse et le parfum d’un jasmin. Tous et toutes utilisent les nouvelles technologies. Twitter, Facebook, mais aussi d’autres réseaux sociaux comme le site tunisien www.naawat.org ou le site algérien www.forumdz.com. De manière plus générale, toutes les nouvelles technologies ont été jusqu’aujourd’hui de moyens numériques très puissants. Les manifestants tunisiens, algériens, égyptiens ne sont pas organisés entre eux, mais ces moyens numériques ont permis de savoir ce qui passait ou il est en train de passer chez le voisin et avoir le même courage. Internet dans ce dernier mois de janvier a été l’agora non plus virtuel de ce qui se produit dans les rues. Tous et toutes sont indignés de leurs gouvernants parce qu’ils ont dépassé la limite de la décence. Ces jeunes ne brûlent pas de drapeaux, ces jeunes sont exaspérés par un quotidien d’un goût amer. Ces jeunes sont indignés parce qu’ils ont dénoncé que la limite entre justice et abus avait été dépassée. Ces jeunes, ils demandent une amélioration des leurs conditions de vie :de la responsabilité, de la créativité afin d’imaginer un nouveau parcours qu’il puisse conjuguer de la démocratie, les valeurs religieuses de l’Islam, la construction d’une modernité autochtone.

 

Est-ce qu’il a eu une logique fructueuse poursuivre pour l’Europe seulement des objectifs économiques ? Est-ce qu’il a eu une logique fructueuse pour l’Europe lutter contre le fantôme du fondamentalisme ? Est-ce qu’il a eu une logique clairvoyante consolider simplement l’aspect commercial avec la Rive-Sud du même espace régional ? Je crois que le prix politique payé par l’Europe devant à la profondeur de ces événements historiques est très haut. L’Europe apparaît encore une fois non préparée à approfondir le rapport entre le principe de la démocratie et le monde musulman. L’Europe apparaît encore une fois sans de nouveaux instruments pour comprendre une réalité si proche et si voisine à elle. L’Europe vraiment a-t-elle oublié comment utiliser son ancienne «Grammaire des civilisations » dont Fernand Braudel écrivait en 1963?

 

” La Méditerranée, écrivait encore Fernand Braudel , c’est … mille choses à la fois. Non pas un paysage, mais d’innombrables paysages. Non pas une mer, mais une succession de mers. Non pas une civilisation, mais plusieurs civilisations superposées… La Méditerranée est un carrefour antique. Depuis des millénaires, tout conflue vers cette mer, bouleversant et enrichissant son histoire”.

 

Antonio Torrenzano

 

Un remerciement particulier à l’artiste et journaliste Noémi Thepot pour l’illustration. Son carnet numérique http://actuencouleurs.blog.lemonde.fr

 

 

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L’année 2010 est en train de terminer et voilà, encore une fois comme chaque mois de décembre, le temps de faire un bilan. Je veux simplement remercier tous ceux qui m’ont honoré de leur visite sur les pages numériques de ce carnet. Merci à tous mes Lecteurs et Lectrices, qu’il s’agisse de visiteurs ou d’abonnés. Vous avez été nombreux à lire mes billets et visiter mon carnet depuis son lancement au 1er janvier 2007, je vous en remercie du fond du cœur. Merci également à ceux qui laissent des commentaires, des critiques, des suggestions, leurs points de vue. Je tiens à remercier tous les maitres à penser, tous les prix Nobel, tous les écrivains, les professeurs et les fonctionnaires internationaux qui ont bien voulu nous accorder des entretiens et répondre à nos questions. J’espère que par ces conversations et ces dialogues, nous avons pu fixer de nouvelles idées qui pourront être des options pour demain.

Antonio Torrenzano

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Derrick De Kerckhove dirige le programme McLuhan en culture et en technologie et il est professeur au département d’Études françaises de l’Université de Toronto. Parallèlement à ses études, il a collaboré avec le Centre pour la culture et la technologie (1972-1980) où il fût un collaborateur de Marshall McLuhan. Il organise des ateliers sur la connectivité de l’intelligence dans lesquels il propose une nouvelle façon de réfléchir en utilisant les technologies de l’information. La dialogue avec le professeur Derrick De Kerckhove a eu lieu à Milan et dans la ville de Bari au mois de décembre 2010.

Antonio Torrenzano. Après les révélations de Wikileaks et la révolution géopolitique de la Toile, je crois qu’il faudra encore mieux analyser cette évolution dans les conditions de «danger/avantage », pour bien comprendre les effets de la nouvelle ère du virtuel.

Derrick De Kerckove. Le problème est que le concept sur lequel repose le Web 2.0 il est nouveau et, en tout cas, assez décalé par rapport aux analyses que la communauté diplomatique internationale a développées sur ce moyen technique. Les révélations de Wikileaks montrent la force du Réseau Net, sa nature transparente. Une force capable de s’opposer à celle des gouvernements, des grands multinationaux, des banques internationales. Ces sujets ont été pris en contre-pied devant à cette opération médiatique comme celle-ci de Wikileaks. L’intérêt et la curiosité avec lesquels cette histoire est suivie de l’opinion publique, il indique qu’il y a un désir inexprimé de vérité ou au moins d’explications. Explications, qui n’ont pas été données dans les récentes crises économiques, politiques ou pour ce qui concerne les derniers conflits internationaux.

Antonio Torrenzano. Croyez-vous alors que le Réseau Net ne finira plus jamais d’élargir l’espace public ?

Derrick De Kerckove. La Toile a multiplé les informations en temps réel. Je pense, par exemple, aux derniers troubles sociaux en Iran qui ont été racontés et documentés par le site numérique de Twitter. Le web garantit une transparence démocratique contre chaque mauvais traitement, mais il doit être utilisé avec une très grande intelligence et du discernement. Nous sommes en train de vivre un changement anthropologique : les carnets numériques, Twitter autant que les réseaux sociaux sont devenus la nouvelle agora électronique. Nous sommes passés d’un monde dominé par le savoir à un monde dominé par la connaissance. La convergence numérique – comme Pierre Levy affirme – c’est une synergie de plusieurs individus pour parvenir à un objectif. Je pense que c’est une mutation importante. La génération numérique est une génération sans peur sociale, politique, professionnelle. Il me semble qu’il y a là une rupture importante dans la politique : Wikileaks représente un moment crucial et nouveau pour la démocratie occidentale. Une nouvelle phase de la politique.

Antonio Torrenzano. Marshal McLuhan aimait affirmer : il arrivera un moment historique dans lequel une partie du monde sera occupée à surveiller ce qu’il combine l’autre moitié de la planète. Quel sera-t-il l’avenir de la Toile ?

Derrick De Kerckove. En 1918, le Président américain Woodrow Wilson dit : jusqu’au moment où il existera une diplomatie secrète, il n’y aura pas démocratie. Un siècle après, la Toile est presque arrivée au but.

Antonio Torrenzano

 

 

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Conversation avec Jean-Luc Nancy, philosophe, écrivain, professeur de philosophie à l’Université Marc Bloch de Strasbourg, auparavant aux Universités de Berlin et de Californie. Il a été membre du Conseil national des universités, section philosophie. Par ailleurs, il est membre du conseil éditorial de l’Espace Maurice Blanchot. Auteur de nombreux essais traduits dans plusieurs langues étrangères, il a publié entre autres :« La création du monde ou la mondialisation » et «La pensée dérobée» aux éditions Galilée ; «L’expérience de la liberté » et «Impératif catégorique »aux éditions Flammarion; « Sur le commerce des pensées », illustrations de Jean Le Gac, Paris, Galilée, 2005; « Juste impossible », Paris, Bayard, 2007, « Vérité de la démocratie », Paris, Galilée, 2008.« Démocratie, dans quel état ? », avec Giorgio Agamben, Alain Badiou, Daniel Bensaïd, Wendy Brown, Jacques Rancière, Kristin Ross et Slavoj Žižek, Paris, édition La Fabrique, 2009. Le dialogue a eu lieu à Modène pendant le festival international de la philosophie sur la fortune, organisé par la Fondation San Carlo, au mois de septembre 2010.

Antonio Torrenzano. Panique financière, crise économique, crises politiques, guerres et conflits, violations de droits humains, pauvreté … et les listes seraient encore plus longs. Ces crises, pourtant, ils sont en train de bouleverser la communauté occidentale depuis le 2008. Dans ces deux dernières années, la communauté occidentale est en train de gérer plusieurs cauchemars qui ne sont pas encore terminés. L’ancien avatar de la fortune et non celle de la clairvoyance, utilisé dans les années passées par plusieurs individus de la finance et des hommes politiques, il me semble maintenant néfaste.

Jean-Luc Nancy. La fortune est bonne ou mauvaise. Elle est riche ou pauvre, heureuse ou malheureuse. Elle est indifférente au bien et au mal. Elle n’est même rien d’autre que cette indifférence et la distribution aveugle des heurs et des malheurs. C’est-à-dire, selon l’origine du mot, ce qui est de bon ou de mauvais augure, ce qui s’annonce comme faste ou néfaste. Lorsqu’on organise une rencontre comme celle-ci, comme toutes les rencontres qui sont organisées précisément en vue de la rencontre, on monte une sorte de dispositif pour se donner la chance d’une rencontre, de plusieurs rencontres, contacts de pensées et de corps entre lesquels on souhaite qu’il « se passe » quelque chose ou que quelque chose « arrive ». Quelque chose de cet accueil est inscrit çà ou là dans les langues, lorsque le grec tukhè désigne d’abord, dans l’histoire de la langue, la rencontre ou l’occasion favorable, comme le font aussi le latin fortuna (audaces fortuna juvat…) et le français chance. Les langues ne se laissent pas ainsi réduire. Elles ne sont ni psychologiques ni idéologiques. Les langues ne croient pas à l’attente de sens : elles sont précisément le lieu où on peut apprendre l’infini carrousel des significations et l’éternelle échappée du sens. N’est-ce pas ce que fait la poésie, et n’est-ce pas parce que les langues parlent au-delà de nos demandes de signification qu’elles sont capables de poésie – non seulement capables, mais incessamment, obstinément poussées vers la poésie. C’est pourquoi le poème de Valéry nous dit : « Patience, patience. Patience dans l’azur ».

Antonio Torrenzano. La patience pour Valéry signifie savoir attendre, savoir rester vigilants, savoir demeurer sur place en état de disponibilité.

Jean-Luc Nancy. Oui, la patience consiste à savoir attendre non pas au sens où l’attente est demande d’aboutissement, et en cela inévitable impatience, mais au sens où elle est manière de demeurer sur place en état de disponibilité. « Sur place », ici, c’est « l’azur ». Dans le poème, intitulé Palme, cet azur peut être référé au ciel entrevu à travers les feuilles d’un palmier vues du sol. Pour notre lecture, l’azur est le lieu vide et ouvert – ce lieu qui ne hante pas seulement Mallarmé, mais qui étend sur nous toute la hantise du ciel, c’est-à-dire de l’espace infini, du « bleu adorable » de Hölderlin, cet autre poète. Le ciel, c’est ce qui se sépare essentiellement de la terre. Sa séparation ouvre l’écart à toutes les lois du monde, à toutes leurs nécessités, leurs sens, leurs accomplissements. Le ciel n’est rien, aucun lieu, mais seulement cet écart ouvert et infini.C’est là ou bien c’est de là que peuvent venir des rencontres inouïes et à vrai dire inaudibles. Toutes renvoient d’une manière ou d’une autre à l’infini. Ce sont les rencontres ou les occasions, les fortunes, les heurs que nous nommons chances en comprenant par là ce qui s’offre à être saisi, ce qu’il est opportun de savoir accueillir. Être chanceux signifie le plus souvent être favorisé par un sort particulier, voire par une magie bienfaisante. Cette signification reconduit la chance au pur automaton et à toutes les computations. Mais la tukhè et la chance disent autre chose : elles disent la capacité à les accueillir. Essentiellement, elles désignent une puissance passive – une dunamis tou pathein, pour parler encore Aristote – qui donne l’occasion à l’élan d’une puissance active. Ainsi la rencontre de quelqu’un ou celle d’une situation, d’un imprévu, d’une contrariété même, voire d’une maladie ou d’un malheur. Aucune transfiguration ici de la peine en bonheur, mais un «savoir recevoir » qui peut faire chance dans la malchance. Sans consolation, sans résolution, sans sublimation.

Antonio Torrenzano

 

 

 

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Dans une « démocratie parfaite », le système politique, le système financier et le système économique sont trois éléments inséparables. Les trois systèmes interagissent quotidiennement entre eux et, dans une gestion politique saine, s’équilibrent eux-mêmes compensant les erreurs de l’un et bénéficiant du succès de l’autre. Depuis le mois de septembre 2008 à aujourd’hui, paniques financières, récession économique, crises politiques et crises diplomatiques sont en train de bouleverser la communauté occidentale et de miner définitivement sa crédibilité. 

Les crises politiques et diplomatiques ne sont pas nouvelles dans nos démocraties occidentales autant que les paniques financières et les récessions économiques dans notre capitalisme.  Mais, depuis le mois de septembre 2008 à aujourd’hui, les trois systèmes ont produit une série innombrable de dommages et effets négatifs dont nous ne connaissons pas encore le montant final ni le bilan entier. Chaque Pays avant la mondialisation avait toujours géré à sa manière ses systèmes politique, économique et militaire. Chacun d’eux possédait ses élites qui étaient chargées d’en assurer le fonctionnement. Mais, dans l’ère de la mondialisation, selon la théorie du chaos d’Edward Lorenz : « le battement d’ailes d’un papillon au Brésil, il peut provoquer une tornade au Texas ». De la dernière panique financière en 2008 aux dernières révélations Wikileaks, ces éléments imprévus montrent encore une fois que la mondialisation est elle-même un accélérateur de crise.

Mais, il y a encore d’autres coïncidences très ironiques ! La crise financière en 2008, commencée aux États-Unis elle est devenue une crise économique mondiale. Les révélations des télégrammes de la diplomatie américaine par le site Wikileaks, commencées toujours aux États-Unis, ils risquent de provoquer une possible crise planétaire de légitimité de l’Administration américaine et de miner les mêmes relations diplomatiques entre les membres de l’OTAN. Depuis deux années, nous vivons donc une crise économique mondiale et une crise diplomatique globale qu’elles me semblent étroitement liées à cause de plusieurs raisons complémentaires. Premièrement, de façon qualitative, la crise économique s’est propagée au-delà des limites pour le comportement de l’élite financière américaine, qui a profité des complexités du système légal pour s’enrichir à la place des actionnaires et des clients, vis-à-vis desquels ils étaient supposés être responsables. Deuxièmement, toujours de façon qualitative, les révélations Wikileaks soulignent que l’élite politique américaine est responsable d’une opacité et d’intérêts qui ne sont pas sûrement d’idéaux très élevés d’une «démocratie parfaite». Un exemple ? L’affaire d’espionnage aux fonctionnaires ONU et au même secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon voulu de l’ancienne Administration du président George W. Bush,mais aussi de l’Administration américaine du président Barack Obama. 

Cette situation imposerait en effet de la discipline et une très forte moralisation. Les crises politiques – il a affirmé dans un article récent le professeur George Friedman – apparaissent lorsque les téméraires semblent profiter des crises qu’ils ont eux-mêmes causées, tandis que le reste de la société soutient le poids de leur inconscience. Qu’est-ce qu’on s’attend la société civile de sa part ? Je crois de nouvelles limites à ces comportements qui sont très embarrassants. Parce que si toutes les valeurs se valent – il écrivait Claude Lévi-Strauss – le cannibalisme n’est qu’une affaire de goût .

Antonio Torrenzano

 

** Un remerciement particulier à l’artiste et dessinateur Patrick Chappatte pour l’illustration. 

 

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Le site web Wikileaks commence ses activités sur la Toile en 2006. Dans l’année 2006, l’équipe dans son profil affirme que le but du groupe est celui de divulguer de documents réservés sur les gouvernements autoritaires des Pays de l’Afrique et de l’Asie. Le nom Wikileaks dérive d’un nom composé par deux paroles : « Wiki » en se référant à l’encyclopédie ouverte et collaborative sur la Toile et la parole « Leaks » que signifie taupe. Le modèle historique auquel s’inspire le site numérique, il est celui des «Pentagon Papers». Les Pentagon Papers étaient des documents réservés qu’en 1971 montrèrent les arrière-scènes de la guerre au Vietnam et ils en accélérèrent plus rapidement la fin.

La philosophie Wikileaks, comme il affirmait l’équipe, c’était la collaboration et l’anonymat entre les différents activistes. Le serveur principal du site web était hébergé en Suède dans la ville de Stockholm, mais le site disposait et il dispose encore d’un réseau de serveurs informatiques situés dans beaucoup d’endroits de la planète. Wikileaks a déclaré toujours d’avoir eu une équipe de cinq personnes qui travaillaient à temps plein et presque 1200 activistes occasionnels. Le site web soutient encore de disposer d’un budget annuel de presque 200.000 dollars et de recevoir cet argent comme de donations à travers le site numérique PayPal. Le site numérique PayPal, il a cependant suspendu le service de transfert de monnaie après la publication des télégrammes réservés que le corps diplomatique américain envoyait à son Département d’État à Washington.

Le premier dossier qui procure une certaine notoriété au site, c’est la publication au mois de février 2008 de documents qui dénoncent la Banque Suisse Julius Baer de favoriser l’évasion fiscale aux États-Unis. L’action juridique produite par l’institut de crédit suisse ne produit pas cependant de résultats concrets. La deuxième publication de documents secrets arrive au mois de juin 2010 en ayant comme objet les mauvais traitements et les violations des droits humains par les troupes américaines dans la guerre en Iraq et, en particulier manière, le meurtre d’un journaliste de l’agence de presse Reuters à Bagdad. Le dossier était titré «Colateral Murder». Dans la même année, mais au mois de juillet 2010, le site divulgue un nouveau dossier sur la guerre en Afghanistan. La taupe de ces deux derniers dossiers, c’était l’analyste militaire américaine Bradley Manning. Le militaire a été déjà arrêté pour avoir soustrait documents réservés dans les archives du pentagone et avoir révélé à l’extérieur de renseignements secrets. Le militaire maintenant il est détenu dans une base au Koweït.

Il faut encore rappeler que Wikileaks a reçu nombreux de prix journalistiques. En 2008, le «New Media Award » de l’hebdomadaire britannique The Economist. Dans l’année 2009, le siège anglais d’Amnesty International l’a récompensé pour le dossier sur les violations de droits humains de la police au Kenya. Le 19 novembre 2009, le journal The National écrivait : «Wikileaks a probablement produit dans sa brève vie plus exclusivités du Washington Post dans les derniers 30 ans ». Au mois de mai 2010, un autre quotidien américain le New York Daily News couronne encore une fois le site comme meilleur média numérique qui a changé la manière de faire journalisme. Jusqu’à l’année 2010, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont été les principaux mécènes, mais jusqu’à la publication de dossiers sur l’Iraq et sur l’Afghanistan. Après ces dossiers, comme nous avons déjà remarqué, ces États veulent arrêter Julian Assange qui est devenu un fugitif.

Après cette brève synthèse, les doutes demeurent nombreux autant que différentes questions. Par exemple, comment une petite équipe formée par cinq individus a-t-elle géré un site avec de très hauts numéros de dossiers ? Est-ce qu’un budget annuel de 200.000 dollars est suffisant pour un tel travail ? Dernièr doute: comment a-t-il pu un simple groupe d’activistes mettre en crise l’ancienne superpuissance américaine ? Dans l’épigraphe de son dernier roman « Our Kind of Traitor », l’écrivain John Le Carré affirme: «Les Princes haïssent les traîtres, même s’ils aiment la trahison ».

Antonio Torrenzano

 

 

Un remerciement particulier à l’artiste et dessinateur suédois Olle Johansson pour l’illustration. Son site numérique : http://www.tecknar-olle.se

 

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Après le sommet de Pittsburgh qui a officialisé le G20 comme principal forum de coopération économique internationale, plusieurs questions restent encore sans réponse. La première : le G20 est une institution internationale sans statut, mais qui s’est réunie à quatre reprises depuis novembre 2008 (Washington, Londres, Pittsburgh et Toronto), avec de nombreux problèmes à régler pour ce qui concerne son organisation à l’intérieur.

«C’est en 2010 – les dirigeants affirmaient à Pittsburgh – que nous essaierons de discuter de la nouvelle architecture du G20». Mais, à aujourd’hui, quels pays devront-ils devenir membres? Encore à quelle fréquence devra-t-il se réunir le sommet ? Aux prochains sommets du G20, les économies à faible développement participeront-elles à la gouvernance mondiale? D’autres questions pratiques restent toutefois en suspens: le G20 devrait-il comporter un secrétariat permanent de façon à assurer le suivi de ses travaux? Quel pouvoir aura-t-il ? Ses décisions auront-elles force de loi ? Comment ce forum économique international pourra-t-il faire respecter ses engagements vers les Pays membres ? Encore, quelles seront-elles les relations entre le G20 et l’ONU ?

Sur cette dernière question, un groupe d’une trentaine de petits États, dont la Suisse, a lancé des propositions à l’ONU à New York pour mieux coopérer avec les pays du G20. Le président de l’Assemblée générale de l’ONU, Joseph Deiss, a lui souhaité des réunions près des Nations Unies avant chaque sommet et après chaque réunion internationale du G20. Ce groupe de travail est retourné à souligner cette urgence pendant sa troisième réunion ministérielle en marge de l’Assemblée générale de l’ONU au mois de septembre 2010. À cette réunion, la Corée du Sud et la France, hôte du prochain sommet à Cannes, ont participé comme invités à la rencontre autant que le président de l’Assemblée générale Joseph Deiss. Le groupe soutient qu’établir un rapport constructif entre le G20 et l’ONU est désormais devenu crucial. Pourquoi ? Parce que les plateformes internationales de l’ONU déjà existantes devraient mieux interagir dans les efforts du G20. Il ne s’agit pas de nier le rôle que peuvent jouer les sujets membres du G20, mais la crise économique et financière a montré l’importance d’une réponse coordonnée et rapide. Le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon a lui aussi reconnu ce défi et insisté sur le fait que l’organisation doit rester la « boussole morale » du monde.

Selon Michael Hodin, chercheur près du Council on foreign relations de New York, le G20 fait désormais concurrence à l’ONU. Le même analyste pronostique encore que les Nations Unies resteraient un endroit pour faire des discours, mais les activités pour la prospérité économique proviendraient du G20. Mais le G20 comme forum principal de la coopération économique internationale, a-t-il vraiment réussi ? Le G20 pourra-t-il être un forum de la pensée multilatérale ? L’ambition du mandat après la réunion de Pittsburgh, elle semble contraster avec les maigres résultats obtenus à Toronto. Il faut encore rappeler que le Fond monétaire international et la Banque mondiale, parmi d’autres, ont déjà les ressources et le mandat pour fournir tous les éléments nécessaires à la concertation. Il est évident, dans ces conditions, que redéfinir les rôles de ces deux institutions reflète la nouvelle réalité géopolitique et économique. La crise a amplifié les déséquilibres mondiaux, et par là même le besoin de solutions globales.

Antonio Torrenzano

 

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Les chefs d’État et de gouvernement des pays du G20 ont renouvelé à Séoul leur engagement à travailler ensemble à la prospérité de la planète. La réunion a vu de fortes tensions entre les États-Unis et la Chine. Tensions qui ont empêché un accord économique contraignant sur les devises tandis que le dossier du déséquilibre du commerce international. Le communiqué diplomatique final affirme: « Nos efforts incessants de coopération ces deux dernières années ont donné des résultats solides. Nous devons cependant rester vigilants. Les risques persistent (…). Une croissance inégale et des déséquilibres croissants augmentent la tentation d’abandonner des solutions communes au profit d’actions non coordonnées ». Le communiqué final a été le résultat de douze heures de négociations diplomatiques pour ce qui concerne le petit compromis sur les monnaies. Compromis qui montre les tensions entre Américains et Chinois sur le yuan et le dollar. Le G20 appelle à «renforcer la flexibilité des taux de change», afin qu’ils «respectent mieux les fondamentaux économiques». Mais, aucun moyen ne forcera Pékin à apprécier plus sa devise.

Le dossier sur une nouvelle coopération macro-économique visant à résorber les déséquilibres des balances courantes, il reste très évasif. Cette question sera un chantier pour la présidence française du G20 qui devra définir, au premier semestre 2011, avec le travail du Fond monétaire international, de nouveaux indicateurs permettant de juger si un excédent ou un déficit courant est excessif ou non. «Cela ne sera pas facile, a affirmé le président de la République Nicolas Sarkozy. Croyez-moi! Le G20 des temps de crise a accompli un travail considérable; le G20 d’après crise doit apporter des réformes structurelles ». Toutefois, au lieu de fixer des objectifs et des sorties certaines pour un retour à l’équilibre, le sommet de Séoul se contente de charger le FMI de développer et approfondir des indicateurs acceptables par tous et destinés à déterminer à partir de quel niveau d’excédents ou de déficits un pays devient dangereux pour les autres. L’accord de Bâle III, en revanche, qui consolide les fonds propres et les liquidités des banques, a été approuvé.

De sa part, le directeur général du Fond monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, a qualifié cette réunion du G20 comme « le premier G20 de l’après-crise » en soulignant toutefois que la crise n’était pas du tout terminée. Le forum du G20 trouve encore sur sa table de travail les problèmes qui ont provoqué la crise en 2008 : excès de crédit, d’exportation, de consommation et les déficits budgétaires. La prochaine réunion du G20, sous la présidence française, se déroulera à Cannes en novembre 2011.

Antonio Torrenzano