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Le Salon du livre de Paris 2010 fête ses 30 ans. La 30e édition sera un événement totalement inédit pour marquer cet anniversaire ! Une actualité exceptionnelle qui se déroulera du 26 au 31 mars, à Porte de Versailles, pour symboliser les 30 ans du Salon et ses 90 auteurs invités. Parmi eux, 30 auteurs français et 30 auteurs étrangers, ainsi que 30 auteurs portés par la politique publique du Centre national du livre au profit de la création littéraire. Plus de 500 conférences, des débats, des rencontres, de grandes lectures et 25 pays présents.

Les auteurs français et étrangers ont été sélectionnés par un jury composé de partenaires officiels du Salon : France Télévisions, Radio France, Télérama, le Centre national du livre, le ministère des Affaires étrangères et européennes, ainsi que son opérateur Culturesfrance, le Syndicat national de l’édition. Premier Salon culturel grand public en Europe, il rassemble toute la production éditoriale française et internationale.

Le salon de Paris, il a toujours été à la pointe de l’innovation : pionnier des lectures à haute voix, initiateur de cafés littéraires, fédérateur des acteurs du livre, révélateur d’auteurs, vitrine technologique (l’e-book présenté par exemple en première mondiale en 2000), véritable endroit social où se côtoient toutes les idées, toutes les folies en assurant aux maisons d’édition de petite taille une robuste visibilité et la diversité culturelle. Un Salon dédié au livre sous toutes ses formes.

Antonio Torrenzano

 

 

* Le lecteur peut retrouver toutes les informations pratiques et les biographies des auteurs sur le site du salon au suivant adresse électronique : htpp://www.salondulivreparis.com

 

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Conversation avec Richard Descoings, Conseiller d’État, directeur de l’Institut d’études politiques de Paris et administrateur de la Fondation Nationale des Sciences politiques depuis 1996. Richard Descoings a obtenu son diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris en 1980. Il fut ensuite élève à l’École Nationale de l’Administration de 1983 à 1985. En 1989, il est nommé Directeur adjoint de l’Institut de Paris et le restera jusqu’en 1991, date à laquelle il sera nommé maître des requêtes au Conseil d’État. De 1991 à 1993, il est successivement conseiller technique au cabinet du ministre pour le Budget, notamment responsable du suivi du budget de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur puis chargé de mission au cabinet du ministre de l’Éducation nationale en charge des questions budgétaires. De 1993 à 1996, il est nommé rapporteur général adjoint de la section du rapport et des études du Conseil d’État et de la mission sur les responsabilités et l’organisation de l’État. De 1995 à 1996, il occupe la fonction de commissaire du gouvernement auprès des formations contentieuses du Conseil d’État. Il est auteur de l’essai « Sciences Po. De la Courneuve à Shanghai», préface de René Rémond, édition presses de Sciences Po, Paris, 2007. L’entretien a eu lieu à Rimini, le samedi 24 octobre 2009 auprès de la Fondation Pio Manzù pendant la 35e édition des journées d’étude internationales titrée « Nomad power: Values, illusions,aspirations of errant youth». Le Centre International Pio Manzù a remis dimanche 25 octobre 2009, la médaille de la Chambre des députés italienne à Richard Descoings. Son site internet http://www.richard-descoings.net

Antonio Torrenzano. La « génération Y » dont on parle bien souvent pour définir les jeunes âgés de 18 à 26 ans est-elle différente des autres générations d’étudiants qui ont étudié à Sciences Po ? Est-ce qu’ il y a, selon vous, une rupture de mentalité entre les générations passées et la «génération Y» ?

Richard Descoings. Je ne sais pas si une telle rupture entre les générations n’a jamais existé. Le net dans tout cas a fait évoluer les mentalités. Aujourd’hui, un élève sur deux à Sciences Po pendant les cours prend ses notes sur son ordinateur portable. Quand je passe le soir, je vois tous les étudiants étrangers qui téléphonent par leur ordinateur ou qui travaillent avec la tête penchée sur leurs microordinateurs. Le passage au numérique, les réseaux sociaux, MSN ou la même utilisation de la musique ou de l’art par les systèmes à affichage numérique, tout cela est en train de créer un incroyable écart entre le savoir et le savoir-faire des nouvelles générations versus le non-savoir et le non-savoir-faire des générations précédentes. Les enfants et les adolescents se construisent aujourd´hui, à un moment très important de leur vie, dans un monde dont leurs parents sont complètement exclus. Je veux vous faire un autre exemple : pour les trentenaires d’aujourd’hui l’international faisait déjà partie des horizons possibles ; pour la génération actuelle de 18 à 26 ans, il fait partie de la réalité.

Antonio Torrenzano. Cette révolution culturelle, a-t-il affirmé le directeur de la division de l’information et de l’informatique UNESCO Philippe Queau, va si loin qu’on peut même parler de l’apparition d’une nouvelle «manière d’être». La révolution numérique n’est pas une simple révolution technique, mais comparable à ce que fut l’apparition de l’alphabet ou à l’invention de l’imprimerie. L’école et les pratiques pédagogiques doivent-elles s’approprier de cette nouvelle ère virtuelle ?

Richard Descoings. C’est évident. Dans les années qui viennent, nous avons d´immenses efforts à faire concernant, d´une part, la formation des enseignants et, d´autre part, la conceptualisation d’une nouvelle éducation pour nos adolescents. L’environnement de cette génération est inédit et à géométrie variable. C’est la première génération qui n’a pas connu la guerre froide. Une génération qui grandit dans un monde extraordinairement complexe. Si on ne le fait pas, cela nous rendra incapables par rapport à l’arrivée de la révolution numérique. Révolution qui est tellement rapide que même ceux qui ont un peu d´avance sont en retard. Cette génération a un siège important à prendre. Chaque talent est précieux et demande à être reconnu et valorisé. La crise financière planétaire et les conséquences économiques et sociales qui deviennent de plus en plus pesantes, ils nous obligent à savoir mobiliser tous les talents. Savoir mobiliser tous les talents est devenu une question d’intérêt général.

Antonio Torrenzano

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Conversation avec Gina Bianchini, économiste, diplômée à l’université Standford, CEO et fondatrice avec Marc Andreessen du Réseau social Ning. L’approche architecturale de Ning, née par une idée de Marc Andreessen, père du navigateur Mosaic et de la société Netscape, est très différente de tous les autres réseaux sociaux comme Facebook ou Myspace. En effet, Ning a choisi non pas de créer un réseau social unique, mais plutôt une plate-forme permettant à tout le monde de créer son réseau social personnel autour d’une niche d’intérêts très spécifique. La société californienne propriétaire de Ning,basée à Palo Alto, a choisi de manière spéciale cet aspect: favoriser la création d’un très grand nombre de réseaux sociaux ciblés que chaque membre propriétaire de son réseau configure et oriente vers déterminés et spécifiques sujets d’intérêts. L’entretien avec Gina Bianchini a eu lieu en Suisse pendant le dernier World Economic Forum.

Antonio Torrenzano. Pourquoi Ning est-il différent des autres réseaux sociaux comme Facebook ou Myspace ?

Gina Bianchini. Le Réseau Ning est complémentaire à Facebook et à Myspace. Avec Facebook, tout le monde dialogue et il reste en contact avec les individus qu’il connaît déjà. La force de Myspace est la musique et d’une façon générale le monde du spectacle. Avec du Ning, en revanche, l’usager à la liberté de créer, de manière simple, son réseau social autour d’une niche d’intérêts très spécifique.

Antonio Torrenzano. La révolution numérique n’est pas une simple révolution technique, mais comparable à ce que fut l’apparition de l’alphabet ou à l’invention de l’imprimerie. La radio a employé presque 38 ans pour atteindre un accueil favorable de presque 50 millions d’auditeurs. À la télévision, ils ont été nécessaires seulement treize ans pour gagner la même ligne d’arrivée. Internet a employé au contraire seulement quatre ans pour rattraper les résultats de la radio et de la télévision, pendant qu’à l’iPod ils sont servis trois mois seuls pour arriver au même objectif. Selon vous, les Réseaux sociaux dans un futur très proche pourront-ils devenir plus populaires de la télévision ?

Gina Bianchini. Les deux médias ils ont des fonctions totalement différentes. Je crois qu’à présent chaque individu, chaque entreprise, mais aussi chaque institution publique doit apprendre à utiliser tous les moyens que les nouvelles technologies mettent à leur disposition en comprenant cependant la force et les limites que chaque moyen peut leur donner .

Antonio Torrenzano. La crise financière mondiale continue à causer des dégâts à travers le monde autant que la récession économique. Dans quelle mesure cette période économique incertaine influera-t-elle sur l’économie numérique? Votre collègue Tim O’Reilly pendant une conférence de presse a affirmé: «la crise économique ne fait pas qu’accélérer ce procès naturel et inévitable d’élimination des entreprises qui n’avaient pas un business consistant dans l’économie virtuelle».

Gina Bianchini. La crise existe, mais il nous offre l’opportunité de réfléchir sur la consolidation du Web 2.0. Nous sommes dans une phase de transition et cette longue tempête économique éliminera de nombreuses entreprises de l’économie non plus performantes. Une fois passée cette période nous retrouverons du temps pour nous poser encore une fois les questions qui comptent : c’est-à-dire comme et où nous pourrons appliquer les technologies et les techniques du web 2.0 pour résoudre les problèmes réels du monde.

Antonio Torrenzano. Quel est-elle la formule pour qu’un social network puisse avoir du succès ? Le professeur Derrick De Kerckhove, pendant un entretien à Milan il m’a répondu :«le partage, la recherche d’une majeure simplicité d’utilisation du Web et la rapidité par laquelle l’usager peut trouver ce qu’il cherche ».

Gina Bianchini. En dix secondes l’usager doit comprendre comme le réseau social fonctionne et à quoi il peut servir. Le seuil critique pour qu’un social network puisse avoir du succès ce sont les premiers 150 utilisateurs, après la plate-forme il grandira de manière exponentielle.

Antonio Torrenzano

*Un spécial remerciement à l’Université de Standford pour l’image de Gina Bianchini.

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Selon Luke Hayman, designer et expert de nouveaux médias américains, celui qui a refait le style et le nouveau nom en ligne de quotidiens comme «Time», «New York» ou des magazines comme «Travel» et «Leisure», le monde de l’édition de demain sera un métissage entre le web et les plus innovantes solutions réalisées par la presse écrite dans ces dernières années. Le nouvel environnement communicationnel, caractérisé par la centralité de la Toile, est en train de modifier en profondeur la nature traditionnelle des liens spatio-temporels qui définissent le travail journalistique (par exemple le bouclage) avec pour conséquence une mutation du métier de grande ampleur dans les processus productifs et des critères éditoriaux. Cette transition est en cours et elle suscite souvent des réserves dans la plupart des rédactions.

Luke Hayman écrit dans son carnet virtuel : « le nouveau iPad de la société Apple ou le lecteur Kindle sont en train de produire le passage définitif de la presse écrite au numérique ». L’auteur, toujours dans le même billet de son carnet, énumère de plus les possibles orientations des médias traditionnels caractérisés par la nouvelle centralité d’Internet. Jusqu’à aujourd’hui, le reportage journalistique se déployait dans un domaine spatio-temporel bien précis qui peut être résumé par trois phases : a) la phase de la production de l’événement, b) le temps de sa représentation journalistique, c) la phase de sa consommation. Ces trois phases jusqu’à présent se sont suivies et se sont engrenées selon une séquence logique : production, représentation, consommation. Mais, le Réseau net en devenant le lieu d’une convergence croissante, où il est en train de se développer une différente méthode journalistique de travailler: rédaction intégrée entre rédactions des formats imprimés et en ligne, interactivité/participation du lecteur, mashup et distribution multisupport et enfin l’interactivité, il a modifié quasi définitivement l’ancienne logique.

Pour Luke Hayman dans un futur très proche, la cadence journalière ou mensuelle d’un quotidien ou d’un magazine ne devrait plus avoir du sens. Par l’iPad ou par le lecteur Kindle, affirme l’expert, les quotidiens ou les revues mensuelles pourront être constamment ajournés comme il se produit déjà sur le web. Pour ce qui concerne, en revanche, la publicité, Luke Hayman soutient que les anciennes bannières publicitaires seront substituées à une nouvelle formule de communication publicitaire interactive. Communication capable de véhiculer beaucoup plus de renseignements comme déjà il arrive dans les modèles utilisés de la télévision. Les mêmes pour les textes qui seront plus longs et articulés, car l’iPad ou le lecteur Kindle sont pensés pour lire des livres en ayant un écran plus limpide que celui d’un microordinateur et une batterie de grande durée.

Pour s’adapter à la nouvelle puissance des technologies numériques, l’industrie des médias traditionnels devra modifier en profondeur la vision qu’elle a eue jusqu’à aujourd’hui de soi-même. Luke Hayman affirme encore que cette transition soit presque arrivée et qu’elle puisse provoquer un fort séisme dans l’industrie des médias traditionnels. Dans un tel contexte d’un monde pluridimensionnel et une société plus dense et complexifiée par la multiplication des acteurs sociaux, le monde du journalisme a-t-il compris sa nouvelle centralité sociale ?

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Jean-Rémi Deleage, producteur de nouveaux médias pour la société I.Marginal. Cet entretien a été réalisé par Ghislaine Azémard, suite à la conférence que Jean-Rémi Deleage a donnée dans le cadre des Rencontres Médias du master Création et édition numérique de l’Université Paris 8. Réalisation et montage: Leden, Renan Mouren et Gilles Donnard.

 

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Conversation avec de Norbert Paquel, consultant CANOPE. Cet entretien a été réalisé par Ghislaine Azémard, suite à la conférence que Norbert Paquel a donnée dans le cadre des Rencontres Médias du master Création et Édition numériques de l’Université Paris 8. Réalisation et montage: Leden, Renan Mouren et Gilles Donnard.

 

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Derrick De Kerckhove dirige le programme McLuhan en culture et en technologie et il est professeur au département d’Études françaises de l’Université de Toronto. Parallèlement à ses études, il a collaboré avec le Centre pour la culture et la technologie (1972-1980) où il fût un collaborateur de Marshall McLuhan. Il organise des ateliers sur la connectivité de l’intelligence dans lesquels il propose une nouvelle façon de réfléchir en utilisant les technologies de l’information. La conversation avec le professeur Derrick De Kerckhove a eu lieu à Reggio Emilia et Milan.

Antonio Torrenzano. Depuis quelques années, le Web s’est accompagné d’une multiplication et d’une diversification de l’offre de contenus, en même temps que d’une généralisation de l’accès aux ressources. Malgré des tentatives pour approfondir des modèles cognitifs capables d’expliquer l’ensemble des comportements sur le Web, ces recherches posent encore un problème de généralisation des résultats. Une description tout à la fois planétaire et circonscrite à un lieu des usages de la toile reste donc encore à construire. Je crois qu’il faudra encore mieux analyser cette évolution dans les conditions de « danger-opportunité », pour bien comprendre les effets de la nouvelle ère du virtuel.

Derrick De Kerckhove. Aujourd’hui, la technologie nous offre la possibilité de repenser le monde et le processus en cours de manière critique et favorable. Le web 2.0, et… bientôt le Web 3.0, comme architecture sociale nous offre la possibilité d’affronter cette évolution historique de manière constructive. Le problème est que le concept sur lequel il repose le Web 2.0 est nouveau et, en tout cas, assez décalé par rapport aux tendances de la vision l’éducation contemporaine. Néanmoins le Web 2.0 c’est une réalité tangible que les gens vivent à travers de multiples expériences. L’information est elle-même une multiplicité d’informations. On comprend bien ce qu’est une opinion, et une opinion publique est issue du collectif, on sent bien que ça a une réalité et qu’au-delà de ce que pense chaque personne, il y a quelque chose qui accompagne le collectif de toutes ces personnes qui pensent ensemble. Les grandes évolutions sociales sont toujours arrivées par implosion ou par explosion : aujourd’hui, nous vivons une implosion électronique. Je vois dans l’invention du web une rupture historique avec notre passé et une accélération sociale pour ce qui concerne la connaissance. Je crois enfin que l’Internet porte bien son nom, c’est-à-dire qu’il est un système d’interconnexion de réseaux dominé par des processus de communication.

Antonio Torrenzano. Carnets virtuels, forums de discussion, réseaux sociaux… L’homme numérique écrit, se mobilise, partage ses enthousiasmes, ses combats. Depuis dix ans, le Réseau net n’en finit plus d’élargir l’espace public. La diffusion dans nos sociétés de la convergence numérique a connu dans la première décennie du XXI siècle une vitesse sans précédent. Comment, à votre avis, ce partage de connaissances changera-t-il nos habitudes?

Derrick De Kerckhove. À partir de la fin du XXe et le début du XXIe siècle, les carnets numériques autant que les réseaux sociaux sont devenus l’agora électronique dans laquelle tout le monde se rencontre en restant chez lui. Nous sommes passés d’un monde dominé par le savoir à un monde dominé par la connaissance. Je pense que c’est une mutation importante. C’est une mutation du monde très importante et il me semble que le web en est la résultante comme il en est l’accélérateur. La génération numérique est une génération sans peur sociale, politique, professionnelle. Il me semble qu’il y a, là, une rupture importante ; une rupture à la fois technique, économique et sociale, car dès le départ cette technologie a été extrêmement peu chère. Avec le web, nous assistons à quelque chose de tout à fait nouveau et dans ce moment économique nous avons un besoin nécessaire de ces individus pour dépasser la tendance à la stagnation des générations passées. Je parle de la génération numérique qui a la même période de la vie qu’internet, née avec le Réseau net comme aujourd’hui nous le connaissons. Cette génération appartient à la phase historique contemporaine : celle des réseaux sociaux, de Facebook, de Myspace, du réseau Ning, des blogs. Cette génération a un sens inné du web 2.0 et elle n’a pas de problème avec la technologie. C’est une génération qui a inventé une autre façon de voir les choses.

Antonio Torrenzano. Dans vos derniers séminaires, vous avez affirmé que le passage du Web 2.0 au Web 3.0, il est sur le point de se produire. Quel sera-t-il l’avenir du réseau? Le partage des connaissances sur le web est-il encore limité ?

Derrick De Kerckhove. Je ne pense pas que le partage des connaissances est limité. L’avenir du Web est de comprendre ce qu’il est étroitement indispensable pour celui qui l’utilise. Le web reste la machine sur laquelle partager la connaissance. Le concept même de pages web est un concept de partage. Je fais ma page web et je la dépose pour la partager. Les efforts dans ce moment se concentrent sur la recherche d’une majeure simplicité d’utilisation du Web et la rapidité par laquelle l’usager peut trouver ce qu’il cherche. Nombreux sites web sont encore trop difficiles à utiliser : pleins de renseignements insignifiants, avec des fonctionnalités pas toujours claires et trop de publicité. Le web est désormais délinéé directement par l’utilisateur. Beaucoup d’individus, par exemple, ont commencé à utiliser Twitter ou Facebook pour la rapidité des messages directs et rapides qui pouvaient s’échanger entre eux en mettant de côté leur courrier électronique parce que le courriel il exigeait un grand numéro de passages physiques pour communiquer.

Antonio Torrenzano

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La révolution numérique n’est pas une simple révolution technique, mais comparable à ce que fut l’apparition de l’alphabet ou à l’invention de l’imprimerie. La radio a employé presque 38 ans pour atteindre un accueil favorable de 50 millions d’auditeurs. À la télévision, ils ont été nécessaires seulement treize ans pour gagner la même ligne d’arrivée. Internet a employé au contraire seulement quatre ans pour rattraper les résultats de la radio et de la télévision, pendant qu’à l’iPod ils sont servis trois mois seuls pour arriver au même objectif.

Cette révolution culturelle, affirme le directeur de la division de l’Information et de l’Informatique UNESCO Philippe Queau, va si loin qu’on peut même parler de l’apparition d’une nouvelle «manière d’être». «Le fait d’être sur le net refaçonne votre conscience» dit-on. Ceci se paye cependant d’une mathématisation accrue de notre regard sur le monde, d’une «abstraction» croissante de la pensée. Mais, les formes contemporaines de production, de circulation et d’usage du document numérique accompagnent aussi l’émergence d’une nouvelle modernité qui doit encore être analysée et mise en perspective. Pourquoi ? Parce que le numérique est une nouvelle lingua franca permettant la transparence totale entre toutes les formes de représentation et internet est l’équivalent d’une imprimerie universelle, personnelle, ubiquitaire, instantanée et à très bon marché. Il y a quinze ans, ce que nous appelions par exemple document, il connaît aujourd’hui de profonds bouleversements. Texte, support ou mémoire sont largement redéfinis et auteur, éditeur, lecteur ou bibliothécaire se trouvent repositionnés dans cette nouvelle ère virtuelle.

Le monde de l’édition (presse écrite, quotidiens, hebdomadaires, revues mensuelles) et plus généralement de la publication est à la veille d’une transformation majeure. La technologie et les habitudes de lecture se sont donné un nouveau rendez-vous. Ce qui va se passer à très court terme est dans la lignée des évolutions que l’on a constatées pour la musique (le mp3, le mp4) et que l’on constate pour la vidéo : disponibilité totale de l’objet multimédia par l’action de la dématérialisation. Le livre ou le quotidien, en particulier, ne sont plus un fin en-soi, mais un composant d’une démarche d’auteur plus large et plus vaste, le condensé d’une communauté d’intérêts. Cette mutation s’appelle convergence. Convergence devrait être la nouvelle voix de la multiplicité et de l’inséparable. Dans le monde des médias, par exemple, le changement fondamental consistera que chaque médium ne déroulera plus de services uniques, mais il sera apte à répandre plus services : radio, e-book, TV, social network. Le réseau définera donc les nouveaux modes de communication et nos habitudes. L’écran de notre ordinateur nous proposera dorénavant d’écouter la radio, de lire le journal, de regarder la télévision ou de revoir pour une énième fois la fête de notre fils.

L’édition, telle que nous la connaissons aujourd’hui, objet papier que l’on achète à l’unité, va probablement devenir un choix au sein d’un abonnement, comme une classique chaîne de télévision au sein d’un bouquet. Son rôle va changer et, comme pour la musique, il va devenir objet de promotion d’un auteur qui gagnera de l’argent autrement, grâce à sa notoriété. Quant à l’édition, elle va passer d’une culture de comptage d’unités produites et vendue à une culture d’audience. Tout cela est très proche. Que pourront-ils dire les linguistes devant un octet et les sémiologues devant un pixel ? La croissance rapide de ce média a suscité dans les premiers temps les spéculations les plus diverses sur des usages encore en construction et même le Net a été l’objet d’espoirs ou de rejets radicaux. Pour autant, rares sont encore les recherches d’étude qui permettent d’en rendre compte de manière exhaustive et objective.

Antonio Torrenzano

 

Bibliographie électronique.

*Roger T. Pédauque, «Le document à la lumière du numérique», Caen, C&F éditions, 2007. Roger T. Pédauque est le nom collectif d’un réseau de scientifiques francophones travaillant dans les divers domaines d’expertise des sciences humaines et sociales ainsi que des sciences et techniques de l’information et de la communication.

*Carlo Sorrentino, « À travers le Réseau. Du journalisme monomédia à la convergence crossmédia», Rome, RAI-ERI éditions, 2008.

* Un excellent exemple de ce que peut être aujourd’hui l’ébauche de cette évolution est proposé par Joël de Rosnay sur son site Internet : http://www.scenarios2020.com

*Sur l’évolution de l’édition, le lecteur peut lire le rapport:Livre 2010,disponible à suivant adresse http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/074000434/0000.pdf

 

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Conversation avec Manuel Castells, écrivain, sociologue, professeur de sociologie et de planification urbaine et régionale depuis 1979 près de l’université de Berkeley en Californie. Il quitte l’Espagne à 20 ans, pour cause d’activisme antifranquiste, et il étudie en France la sociologie et l’urbanisme. Il développe dans ses travaux, notamment The Urban Question: a Marxist Approach et The City and the Grassroots, une approche structuraliste des formes urbaines et des relations entre l’économie, le social et les structures spatiales. Il s’est particulièrement intéressé au rôle de l’État en tant que régulateur des crises urbaines. Entre 1967 et 1979, il enseigne à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris, avant de rejoindre Berkeley. Il s’intéresse alors à la Silicon Valley et la société de l’information. Il en devient un spécialiste reconnu avec sa trilogie consacrée à « L’ère de l’information » qui met particulièrement en évidence les transformations de la société par le développement des réseaux et la convergence numérique. Il est également directeur de recherche à l’Internet Interdisciplinary Institute de Barcelone, université virtuelle mondiale. Auteur de nombreux essais publiés dans plusieurs langues étrangères, dont « L’ère de l’information. Vol. 1. La société en réseaux », Paris, éditions Fayard, 1998 ; « L’ère de l’information. Vol. 2. Le pouvoir de l’identité », Paris, Fayard, 1999; « L’ère de l’information. Vol. 3. Fin de millénaire », Paris, Fayard, 1999; « Dans quel monde vivons-nous ? Le travail, la famille et le lien social à l’ère de l’information », en collaboration avec Martin Carnoy et Paul Chemla, 2001; « La Galaxie Internet », 2002. Le dialogue a eu lieu dans la ville de Milan auprès de l’université Milano Bicocca au mois de mai 2009.

Antonio Torrenzano. La diffusion dans nos sociétés de la convergence numérique a connu donc dans la première décennie du XXI siècle une vitesse sans précédent. Selon le philosophe français Paul Virilio, cette augmentation de la vitesse de la réalité a produit, en même temps, de plus grandes vulnérabilités et instabilités de la société même. Est-ce qu’il est ainsi aussi pour vous ?

Manuel Castells. Le réseau internet est dans une phase de transition. Je considère le réseau net comme l’équivalent de l’électricité dans l’ancienne ère industrielle. La toile est désormais à la base du networking : la forme d’organisation plus importante de notre société. L’essence même de notre présent, de la politique, de la guerre, du travail, des relations sociales, des actions militaires, du mouvement altermondialiste jusqu’au terrorisme international. Le réseau internet, cependant, ne résout pas les problèmes de la société, mais il les exprime et il les amplifie en rendant plus vulnérables les gouvernements, mais pas la société. Je trouve alors que la thèse de Paul Virilio on peut la partager seulement si nous pensons que la vulnérabilité de la société dépend de celle des gouvernements.

Antonio Torrenzano. Comment, selon vous, la Toile peut-elle influer sur la politique des gouvernements et des États ?

Manuel Castells. La particulière situation internationale que nous sommes en train de vivre, elle a aiguisé la pression des gouvernements sur le web. Depuis les origines du réseau net, les gouvernements, de droite et de gauche sans aucune distinction, ils l’ont considéré comme une grande menace. Les gouvernements effrayés par l’incapacité d’une vérification centralisée de la Toile, ils ont développé celle que j’appelle «China syndrome». Je pense, au contraire, qu’il faudra seulement trouver les nouvelles modalités appropriées pour les appliquer au Réseau sans aucun besoin de législations exceptionnelles.

Antonio Torrenzano. Dans votre dernier essai, vous écrivez que dans cette ère numérique les batailles culturelles elles sont en réalité de batailles pour le pouvoir. Qu’est-ce que vous entendez pour batailles pour le pouvoir ?

Manuel Castells. Dans mon dernier essai, j’affirme que les campagnes culturelles produites par le réseau internet, elles sont des combats en termes de valeurs. Je vous fais un exemple : si je donne de la valeur à la protection de l’environnement plus qu’aux consommations matérielles, je produis par mon blog des pressions sur les usines et sur les gouvernements afin qu’ils puissent modifier le modèle de croissance économique dans cette orientation. Si ma valeur est l’argent, alors je me concentrerai sur la production de la richesse, mais aujourd’hui pour produire du nouveau profit sur la Toile j’aurai besoin d’une nouvelle innovation et de nouvelles idées fondées sur les valeurs. Puisque notre société désormais est basée sur la prise de décisions fondées sur l’information, le changement des catégories culturelles sur lequel ces informations sont développées change les décisions et il modifie les relations entre le pouvoir et la société.

Antonio Torrenzano