ActualitéBlogrollWeb/TechWeblogs

culture_digitali_image.1223316089.jpg

Les années 2000 ont confirmé la spectaculaire progression de la convergence numérique dans notre environnement journalier. Carnets virtuels, forums de discussion, réseaux sociaux… L’homme numérique écrit, se mobilise, partage ses enthousiasmes, ses combats. Depuis dix ans, le réseau net n’en finit plus d’élargir l’espace public. Manuel Castells soutient que : « les réseaux constituent la nouvelle morphologie sociale de nos sociétés, et la logique de la mise en réseau détermine largement les processus de production, d’expérience, de pouvoir et de culture […] Ce qui est nouveau aujourd’hui c’est le fait que les technologies de l’information fournissent la base de son expansion à la société tout entière ». Société en réseau émancipée des hiérarchies verticales dans laquelle le sociologue Manuel Castells pense que l’individu peut trouver de nouveaux leviers pour réaffirmer soi-même, faire vivre avec plus de force son identité dans un monde déterritorialisé. Manuel Castells soutient encore que le réseau est en train de construire une intelligence collective qui a l’occasion de substituer une organisation en réseau égalitaire aux vieilles hiérarchies pyramidales.

La diffusion dans nos sociétés de la convergence numérique a connu donc dans la première décennie du XXI siècle une vitesse sans précédent. L’installation de la société de l’information dans notre quotidien est désormais, comme nombreuses statistiques européennes constatent largement acquise. En France, plus de 25 millions de Français sont désormais des utilisateurs constants d’internet, près de 17 millions de foyers sont abonnés au haut débit, envoyer un courrier électronique est devenu aussi banal que de passer un appel téléphonique par le mobile. Comme l’avait déjà prophétisé Nicholas Negroponte il y a quelques années, le réseau net est omniprésent dans notre quotidien, il est devenu un élément structurant de notre économie, un point de repère de la vie d’homme numérique. Si en 1985, la passion pour le micro-ordinateur et la culture du langage de programmation étaient exclusivement de savoirs et de questions pour les spécialistes ; désormais, l’ordinateur n’est plus une affaire de passionnés ou professionnels.

Dans la société de l’information, il a écrit Laurent Sorbier, Teknê et Polis s’entrelacent encore plus intimement et fortement que par le passé jusqu’à former une seule et même toile, celle de l’internet. Mais la convergence numérique a transformé aussi l’environnement de l’information. Le passage rapide au numérique a changé l’édition, la recherche, l’apprentissage, la culture, les professions, tout ce qui concerne notre vie quotidienne. Le secteur de l’édition est intrinsèquement numérique maintenant. La photographie a fait la même chose autant que la production audiovisuelle. Les sites Web, qui constituent la plus récente des formes d’édition, documentent maintenant une large partie de l’activité commerciale et économique en Europe autant que dans la planète.

La révolution actuelle n’est pas une simple révolution technique, mais quelque chose de beaucoup plus profond, comparable à ce que fut l’apparition de l’alphabet ou à l’invention de l’imprimerie. Mais, le net est-il l’équivalent d’une imprimerie universelle, personnelle, ubiquitaire, instantanée ? Cette «intelligence collective» sera-t-elle assimilable à la noosphère de Teilhard de Chardin ? Sera-t-elle une « nappe » d’intelligences personnelles et libres ? Les formes contemporaines de production, de circulation et d’usage du document numérique accompagnent l’émergence d’une nouvelle modernité. Mais, cette nouvelle modernité n’a pas été encore analysée. La déterritorialisation de la mondialisation liée intrinsèquement à la nature du cyberespace, préparent-elles un nouvel ordre mondial ? Devant un tel choc, nos anciens repères s’évanouissent. Alors, vers quoi se tourner ? De quelle clairvoyance avons-nous aujourd’hui besoin ?

Antonio Torrenzano

 

ActualitéBlogrollLivresWeblogs

zygmunt_bauman_rome_image.1264604851.jpg

Conversation avec Zygmunt Bauman, sociologue, écrivain. Il a enseigné aux universités de Tel-Aviv et de Leeds. Auteur de nombreux essais, traduits dans plusieurs langues étrangères, il a publié en France : «Le Coût humain de la mondialisation», éditions Hachette, 1999; «Modernité et Holocauste» éd. La Fabrique, 2002; «La Vie en miettes, Expérience postmoderne et moralité» éditions du Rouergue/Chambon, 2003; «L’Amour liquide, de la fragilité des liens entre les hommes» éditions du Rouergue/Chambon, 2004; « La Société assiégée», éditions Hachette, 2005. Le dialogue a eu lieu à Rome, Milan et Reggio Émilia pendant des séminaires universitaires dans l’automne 2009.

Antonio Torrenzano. Vingt ans ans après de la chute du mur de Berlin, comme analysez-vous les profondes transformations de l’occident ? Y a-t-il quelque chose de nouveau dans notre conscience du temps aujourd’hui ?

Zygmunt Bauman. Nous vivons dans une époque de crise. Le vieux système est en train de mourir, mais la nouvelle société n’est pas encore née. Nous sommes dans une époque de transition comme déjà Antonio Gramsci affirmait dans ses « Cahiers ». Les forces dominantes d’aujourd’hui, en particulier le capitalisme financier, elles gèrent par l’argent le monde dans leur intérêt. La récente visite, par exemple, du président américain Barack Obama près de la Republique populaire de la Chine, m’est semblé plus un entretien d’un client chez son directeur de banque qu’une visite diplomatique. Nous vivons désormais dans une société fondée sur la production de marchandises. La situation devient alors chaotique, imprévisible pour les forces qui la dominaient jusqu’à aujourd’hui. Dans une époque de transition, il soutient encore Antonio Gramsci, ils se révèlent alors tous les symptômes, les incertitudes, les instabilités qui tourmentent la société. Nous vivons un grand capotage de l’Histoire occidentale. Le capitalisme a réussi à extraire le capital d’un cadre qui le contraignait trop, celui de l’État-nation avec ses législations et ses tutelles légales et aujourd’hui il règne dans un espace extraterritorial où il n’y a aucune surveillance.

Antonio Torrenzano. L’historien Fernand Braudel distinguait le temps de la longue durée, qui voit se succéder dans l’histoire humaine des systèmes régissant les rapports de l’homme à son environnement matériel, et à l’intérieur de ces phases, le temps des cycles conjoncturels qui ont été décrits par des économistes comme Nicolas Kondratieff ou Joseph Schumpeter. Nous sommes aujourd’hui de façon intelligible dans une phase B d’un cycle de Kondratieff qui a commencé il y a trente à trente-cinq ans, après une phase A qui a été la plus longue de 1945 à 1975 des cinq cents ans d’histoire du système capitaliste. Dans une phase A, le profit est généré par la production matérielle et industrielle ; dans une phase B, le capitalisme doit, pour continuer à générer du profit, se financiariser et se réfugier dans la spéculation. Quelle est-elle votre analyse ?

Zygmunt Bauman. Souvenez-vous du passé et vous perdrez un oeil. Oubliez le passé et vous perdrez les deux yeux : c’est ce qu’affirme un vieux proverbe russe, qui entend souligner la perte d’identité qui frappe celui qui s’exile du passé et s’abandonne à l’amnésie de l’histoire. Je crois que nous sommes à présent dans la dernière partie d’une phase B de Kondratieff, lorsque le déclin virtuel devient réel, et que les bulles explosent les unes après les autres. Les faillites se multiplient, le chômage progresse. Les crises et l’instabilité permanente démontrent la situation contemporaine. Tous les problèmes d’aujourd’hui sont mondiaux alors que la politique reste coincée dans le local. Les liens entre pouvoir et politique, si forts dans le passé, sont desserrés. Tel est notre problème ! Les leaders de la communauté internationale se trouvent dans un labyrinthe : incapables de produire un nouveau système des normes et de concevoir une nouvelle manière de vivre ensemble. C’est pour ça que les lieux ne protègent plus et notre environnement social, que nous espérions rendre homogène, demeure vraisemblablement dans une mosaïque de diasporas.

Antonio Torrenzano. Rarement, au cours de l’histoire de l’humanité, il est apparu aussi urgent qu’aujourd’hui d’interroger notre passé afin qu’il nous dise encore une fois qui nous sommes et où nous allons. Pourquoi dans un système mondial, la communauté internationale n’a-t-elle pas encore développé une gouvernance globale ?

Zygmunt Bauman. L’État nation n’est plus le moteur du progrès social et je pense que l’on ne reviendra plus en arrière. Aujourd’hui, l’État-nation se trouve dans la même situation historique que les petites communautés de l’Ancien Régime. On ne peut pas s’en sortir politiquement en cherchant à restaurer ces ordres anciens, mais en reconstruisant l’alliance entre pouvoir et politique sur des préoccupations mondiales. Le capitalisme est omnivore, il capte le profit là où il est le plus important ; il ne se contente pas de petits profits marginaux. Au contraire, il les maximise en constituant des monopoles. Mais je pense que les possibilités d’accumulation réelle du système ont atteint leurs limites. Le tourbillon de la mondialisation et la fascination qu’exercent les nouvelles technologies semblent inviter tout le monde à rejeter, sans discrimination, les clés du passé. La menace concerne surtout les jeunes tentés de débrancher les fils du passé, une fois pour toutes, et de se laisser aller à la dérive d’une actualité despote et omnivore. Comme si les fragiles équilibres de l’intelligence humaine pouvaient tolérer, sans en compromettre la fraîcheur et la créativité, cette amputation brutale de la dimension du temps et de la durée. L’autosuffisance du présent est toujours et de toute façon une tromperie perverse. Je crois qu’elle est devenue aussi illusoire la possibilité de changer les conditions de vie des hommes, de lutter contre l’insécurité, la servitude, l’injustice, la violence, la souffrance, l’humiliation, de s’opposer à toutes les violations de la dignité humaine.

Antonio Torrenzano. Depuis un certain temps, la recherche en sciences sociales exige si l’État est encore capable de mobiliser la confiance nécessaire pour son action. On peut comprendre l’État moderne comme un système général de réduction d’incertitude. Après une première phase pendant laquelle il s’est agi de garantir la survie physique des citoyens, l’État-providence a également pris en charge la question sociale et il doit désormais s’occuper des risques écologiques. Mais, si le politique ne peut plus assumer son rôle, alors les relations citoyens/État deviennent fragiles. Est-ce qu’il faut réinventer les relations politiques ?

Zygmunt Bauman. L’État-nation, une des inventions les plus fécondes de l’âge moderne,il était un contrat qui permettait d’atteindre ce but à travers une souveraineté circonscrite au territoire et des lois qui définissaient des limites. Un nouveau contrat politique devrait répartir par ces points. Sans une nouvelle assurance collective, il n’y aura aucune stimulation. Sans de nouveaux droits sociaux, un large numéro d’individus croira que leurs droits politiques seront inutiles et pas dignes d’attention. D’un côté, nous avons une politique sans pouvoir et, de l’autre, un pouvoir économique émancipé de la vérification institutionnelle. Le pouvoir économique agit dans un espace mondial, tandis que l’action politique est restée reléguée dans un espace relatif à un lieu particulier comme avant. Chateaubriand dans ses « Mémoires d’outre-tombe » il affirmait : Le monde actuel, le monde sans autorité consacrée, est placé devant une double impossibilité : l’impossibilité du passé, l’impossibilité de l’avenir.

Antonio Torrenzano

 

 

ActualitéBlogrollWeblogs

boutros_boutros_ghali_image.1289813738.jpg

Conversation avec Boutros Boutros-Ghali, né le 14 novembre 1922, au Caire (Égypte), dans une famille de chrétiens coptes, M. Boutros-Ghali fut secrétaire général de l’ONU de 1992 à 1996 et secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie de 1997 à 2002. Président du Conseil national des droits de l’Homme d’Égypte, il préside également le Panel international sur la démocratie et le développement, créé par l’UNESCO en 1998, et il est aussi membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine. Docteur en droit international, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris (France), il a enseigné le droit international au Caire et il est l’auteur de plus d’une centaine de publications et de nombreux articles sur les affaires régionales et internationales, le droit et la diplomatie, ou encore les sciences politiques. En avril 2007, il se voit accorder un doctorat honoris causa de la part de l’Université du Québec à Chicoutimi (Canada). Il participe encore activement aux travaux de l’UNESCO, et en particulier aux Entretiens du XXIe siècle, dirigés par Jérome Bindé. L’entière conversation, recueillie par le journaliste Nfaly Savané, a été publiée sur le magazine SHS Regards, numéro 25, mois juillet-septembre 2009, dirigé Pierre Sané. SHS Regards est le magazine du secteur des sciences sociales et humaines de l’UNESCO.

Nfaly Savané. Vous présidez le Panel international sur la démocratie et le développement mis en place par l’UNESCO, en 1998. Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ? Vous permet-elle d’affirmer qu’il y a un ou des modèles de démocratie ?

Boutros Boutros-Ghali. La démocratie et le développement entretiennent un lien indissociable. Ils ne peuvent par conséquent être séparés. Le problème est de savoir s’il faut commencer par le développement pour réaliser la démocratie ou au contraire par la démocratie pour réaliser le développement, ou alors aborder tout simplement les deux concepts en même temps. Ma réponse est pragmatique. Dans certains pays on a d’abord besoin du développement pour réaliser la démocratie, car un tel objectif ne peut être atteint quand vous avez, par exemple, 80 % de gens qui meurent de faim et sont illettrés. Dans d’autres pays corrompus, autoritaires, où l’aide au développement est parfois conditionnée au changement de régime, je dirai que la démocratisation est un premier pas, mais il n’y a pas de règle générale. Chaque situation a sa spécificité. Ma seule certitude est qu’une fois réalisé, le couple développement et démocratie devient indissociable.

Nfaly Svané. Les droits humains et la démocratie véhiculent-ils des valeurs auxquelles le monde arabo-africain doit se conformer ?

Boutros Boutros-Ghali. La démocratie, c’est surtout le pluralisme, différents points de vue, différentes opinions. Toutefois, la réalité va varier suivant les pays. Dans un pays divisé, par exemple, entre vingt tribus, ces dernières devront toutes être représentées dans les instances de décision. Ce sera la même chose pour un pays divisé entre 15 religions différentes. Il est en effet important que toutes les communautés représentatives participent au pouvoir. Je veux dire par là qu’il y a différentes formes de démocratie, différentes façons de faire participer les populations à la solution des problèmes auxquelles elles sont confrontées. Ce qui est important, c’est que le pouvoir ne soit pas entre les mains d’une seule personne, d’une seule tribu. La démocratie, c’est le partage du pouvoir, c’est le contrôle du pouvoir par différentes organisations.

Nfaly Savané. Que répondriez-vous à un jeune arabe ou un jeune africain qui vous rétorqueraient de ne pas évoluer dans la tribu, le village, mais dans le monde, et, par conséquent, que sa vie se déroule dans les tribulations de la ville moderne ?

Boutros Boutros-Ghali. Je n’ai pas dit que c’est uniquement à travers la tribu que la démocratie doit se présenter dans la région arabo-africaine, mais qu’à côté de la représentation européenne vous pouvez avoir une autre chambre qui représente les tribus. L’un n’empêche pas l’autre. Vous devriez donc faire participer ce jeune africain ou ce jeune arabe, mais aussi le clan auquel il appartient…

Nfaly Savané. Le développement de la communication et la mondialisation des échanges ont-ils une influence sur l’exercice des droits humains dans la région arabo-africaine ?

Boutros Boutros-Ghali. La mondialisation va avoir une conséquence sur la démocratie nationale dans la mesure où certains problèmes, comme celui de l’environnement et les crises économiques contemporaines, ne pourront plus être résolus à l’échelle nationale, mais internationale. La démocratie nationale, autant que la souveraineté nationale, elles vont perdre de leur importance au profit d’un pouvoir oecuménique, mondial, d’où l’importance de démocratiser la mondialisation.

Nfaly Savané. Quelle pertinence y a-t-il à parler de droits humains et de démocratie quand on sait que le véritable défi que doit relever le monde arabo-africain est celui de la fracture économique et sociale ?

Boutros Boutros-Ghali. Un des obstacles à la démocratisation, à la protection des droits de l’Homme, c’est la grande misère des pays du Tiers-Monde. Quelqu’un qui ne sait ni lire, ni écrire ne s’intéresse pas à la liberté de la presse. Quelqu’un qui n’a jamais quitté son village n’a que de faire d’un passeport pour pouvoir voyager . Cela étant dit, il y a un commun dénominateur aux droits de l’homme, dans la mesure où tous les êtres humains sont semblables : tous ont eu des parents et vont mourir un jour. Prenons un paysan du Sud : bien qu’il n’ait aucun rapport avec un milliardaire de Californie, du fait qu’ils sont tous les deux des hommes, ils ont les mêmes droits parce qu’ils sont semblables. Malgré sa richesse, le milliardaire de Californie va mourir un jour et le paysan du Sud aussi. La condition humaine est la même. Le langage de l’humanité, c’est les droits de l’Homme. Vous ne permettrez pas qu’on s’occupe d’aider les pays pauvres, si vous ne défendez pas les principes selon lesquels les droits de l’Homme sont des droits universels.

Nfaly Savané

 

 

*Un particulier remerciement au Magazine Life pour l’image de Boutros Boutros-Ghali.

*L’entretien électronique elle peut être lue sur le site de l’UNESCO au suivant adresse numérique : http://portal.unesco.org/shs/fr/

 

ActualitéBlogrollLivresWeblogs

annees_2000_image.1289813865.jpg

La première décennie du XXI siècle commença dans la nuit de l’an 2000, pendant laquelle à tout le monde il fut expliqué que le réseau internet aurait été avalé dans le « Bug Y2K » qu’il aurait enterré dans un trou noir tous les micro-ordinateurs. Dix ans plus tard, la même humanité survécu au millenium bug, elle aurait vécu une nouvelle saison d’incertitude et de panique par une autre formule : la H1/N1, plus simplement connue comme grippe porcine. Les années 2000, donc, elles commencèrent par la peur du bogue informatique qui devait causer des pannes gigantesques et elles terminèrent avec la crainte d’une pandémie de grippe.

Entre les deux événements, il y a eu la tragédie des attentats terroristes du 11 septembre, les lettres contenant l’anthrax, deux krachs boursiers, la guerre en Irak, la destruction de la Nouvelle-Orléans, le tsunami en Asie, la catastrophe et effondrement de l’économie mondiale, l’évolution de changements climatiques de manière irréversibles. La première décennie du XXI siècle a été une décennie d’incertitudes, de tragédies vraies et imprévues, de fausses tragédies annoncées et jamais arrivées, de saturation économique de tout l’espace disponible en sens général et en sens le plus abstrait possible. Rarement, au cours de l’histoire de l’humanité, il est apparu aussi urgent qu’aujourd’hui d’interroger notre passé afin qu’il nous dise encore une fois qui nous sommes et où nous allons. Par exemple, comment devrons-nous analyser la saturation de l’espace vierge, la saturation de la planète par nos déchets, la saturation des nos désirs ?

Si ! La saturation des nos désirs par la publicité ou le storytelling, cette forme moderne, insidieuse et inédite de contrôle des esprits pour l’amour du bien-être. Encore, une montée d’oxymores et un rapprochement des mots qui associent nombreuses réalités contradictoires. La montée des oxymores comme développement durable, flexisécurité ou encore par exemple 4×4 urbain – il affirme le philosophe Bertrand Méheust dans son dernier essai « La politique de l’oxymore » – constitue un des faits marquants et révélateurs de la société contemporaine, particulièrement occidentale dans cette première décennie. « Selon l’utilisation que l’on en fait, il soutient encore Bertrand Méheust, l’oxymore peut être une force d’équilibration ou de formatage. Aujourd’hui, son emploi de masse par la propagande commerciale ou politique tend à révéler le plus souvent la seconde catégorie. Toutes les sociétés sont traversées par de conflits, par de grands contrastes, qui cherchent leur équilibre, leur synthèse ou leur hybridation dans des figures imaginaires et, de ce fait, l’oxymore, en tant qu’il est le lieu d’expression et/ou de résolution de ces tensions, est au coeur des mécanismes de régulation de la culture. Quand elle produit des oxymores, la société libérale semble donc à première vue poursuivre un processus universel ». Au contraire, dans ce temps présent les oxymores sont utilisés « par la propagande publicitaire et la communication pour légitimer le mensonge raisonné et comme moteur de la vie sociale ».

Dans quelle manière ? « Ses théoriciens – il affirme encore Bertrand Méheust – ont lié l’avenir à une croissance infinie dans un monde fini. À l’instantanéité de la Bourse. Ils vantent le risque et l’initiative individuelle, mais prônent par ailleurs le risque zéro. S’ils revenaient aujourd’hui, Alexis de Tocqueville ou Michel Foucault découvriraient que leurs analyses sont en train de se réaliser. Ils verraient se déchainer le règne de la quantité et le nihilisme occidental. Mais ils seraient effrayés peut-être d’avoir eu à ce point raison. »

Antonio Torrenzano

 

 

** Bibliographie électronique.

Bertrand MÉHEUST , « La politique de l’oxymore. Comment ceux qui nous gouvernent nous masquent la realité du monde » , Paris, éditions La Découverte, 2009.

Philippe PIGNARRE, Isabelle STENGERS, « La sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoutement », Paris, éditions La Découverte, 2007.

Hans JONAS, « Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique», Paris, édition Flammarion, 1999.

 

BlogrollWeblogs

esouth_blog_image02.1262013775.jpeg

Une année termine et voilà, encore une fois, le temps de faire un bilan. Loin de moi, l’idée de vous ennuyer avec un long discours chiffré, je veux simplement remercier tous ceux qui nous ont honorés de leur visite sur les pages numériques de ce carnet.

Merci à tous mes Lecteurs et Lectrices, qu’il s’agisse de visiteurs ou d’abonnés. Vous avez été nombreux à visiter mon carnet numérique depuis son lancement au 1er janvier 2007, je vous en remercie du fond du cœur. Merci également à ceux qui laissent des commentaires, des critiques, des suggestions, leurs points de vue.

Je remercie également tous les blogueurs et blogueuses, les journalistes qui m’ont accueilli en lisant mes billets et mes conversations. Vous trouverez la plupart d’entre eux dans l’encart «les amis du blog». Merci pour leurs gentillesses et pour leurs conseils.

Je tiens à remercier tous les maitres à penser, tous les prix Nobel, tous les écrivains, les professeurs et les fonctionnaires internationaux qui ont bien voulu nous accorder des entretiens et répondre à nos questions. J’espère que par ces conversations et ces dialogues, nous avons pu fixer des idées qui pourront être des options pour demain.

Mes remerciements vont également au Centre de recherche GERFLINT (Groupe d’études et de recherches pour le Français langue internationale, site web http://www.gerflint.eu), à son Équipe de rédaction: Serge Borg, Malgorzata Pamula, Laurent Pochat, Marilu Soria-Borg et au président Jacques Cortes. Ainsi qu’au Comité scientifique présidé par Edgar Morin. Merci et encore merci pour avoir utilisé les six conversations à Maurice Aymard, Mohammed Arkoun, Predrag Matvejevic, Sami Naïr, Thierry Fabre et Éric Hobsbawm, publiées sur ce carnet numérique, comme dossier d’idées contemporaines permettant de mieux comprendre la complexité des rapports entre les peuples riverains de la Méditerranée pendant la Conférence internationale « Identités méditerranéennes et francophonie. Pour une approche dialogique de la communication internationale ». Rencontre qui s’est déroulée à Malte du 14 au 19 avril 2009 en collaboration avec les Services culturels de l’Ambassade de France à Malte et de la même université de la capitale maltaise.

Enfin, je remercie mon entourage notamment mes collègues et mes étudiants du lycée technique, mes étudiants universitaires et mes anciens étudiants, déjà diplômés, Fabio Gualtieri et Claudio Poletti pour la joie qu’ils me donnent et pour la raison d’être qui donnent à ma mission d’enseignant et d’individu. Merci et encore merci à mes étudiants et mes étudiantes parce qu’en choisissant de vivre à leur côté, j’ai choisi les valeurs de la patience, de la persévérance, de la ténacité en sachant que tôt ou tard de nouvelles idées germeront par eux.

Voilà, désolé si ce discours a été long, mais il était pour moi inconcevable de ne pas remercier les personnes qui m’ont soutenu jusqu’à présent.

Antonio Torrenzano

 

BlogrollMusiqueWeblogs

Stand by Me (reste près de moi) est une chanson de Ben E. King composée et écrite en 1961 par Ben E. King avec Jerry Leiber & Mike Stoller. Les paroles et la musique s’inspirent d’un gospel écrit par le pasteur Charles Tindley en 1905 et enregistré en 1916.

Par la suite, cette chanson a été réécrite par The Staple Singers en 1955, puis par Sam Cooke et J.W. Alexander en 1960 pour l’ancien groupe de Cooke, The Soul Stirrers (avec Johnnie Taylor en chanteur lead). Cette chanson, après sa sortie, obtient un énorme succès aux États-Unis, mais aussi dans les quatre autres continents (Asie, Europe, Océanie et Afrique).

Désormais devenue un classique, elle a été reprise de nombreuses fois, notamment par John Lennon, Marvin Gaye, Paul Anka, The Temptations,The Isley Brothers, Otis Redding The Kingsmen, U2, Bruce Springsteen, Vanessa Paradis en duo avec Willy DeVille. En 2007, le chanteur américain Sean Kingston utilise un disque échantillon de «Stand by me» pour son titre «Beautiful Girls». Le projet musical www.playingforchange.com en produit une version interprétée par de nombreux artistes autour du monde. Playing for Change est un ouvrage musical multimédia qui met en scène des musiciens des quatre coins du monde pour diffuser un message de paix.

 

ActualitéBlogrollScienceWeblogs

barry_commoner_by_liz_o_baylen_image.1261331744.jpg

Conversation avec Barry Commoner, biologiste américain, né à Brooklyn le 28 mai 1917. Il fait ses études jusqu’au bachelor à l’Université Columbia, puis obtient son master et son doctorat à Harvard. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il sert comme lieutenant au sein de l’US Navy. Après la guerre, il s’installe à Saint-Louis dans le Missouri, où il obtient un poste de professeur de physiologie des plantes à l’université Washington, poste qu’il occupe pour 34 ans. À la fin des années 1950, à la suite de ses travaux sur la présence de strontium-90 radioactif dans les dents de lait des enfants, Barry Commoner s’engage dans la lutte contre les essais nucléaires. Il est notamment à l’origine d’une pétition avec Linus Pauling. Il écrit également plusieurs livres sur les effets écologiques néfastes des essais nucléaires en surface. En 1970, il est lauréat de l’International Humanist Award de l’International Humanist and Ethical Union. En 1980, il fonde le parti des citoyens pour l’aider à véhiculer son message écologiste. Il est candidat à l’élection présidentielle américaine de 1980 sous la bannière de ce parti. À la suite de cette candidature infructueuse, Commoner retourne à New York où il devient chef du Centre de biologie et d’étude des systèmes naturels du Queens College. Il quitte son poste en 2000 et il devient jusqu’à présent professeur émérite du même institut de recherche. Il est membre de l’American Association for the Advancement of Science. Dans son livre « The Closing Circle » de 1971, Commoner a établi ses quatre lois de l’écologie, qui sont : 1) chaque chose est connectée aux autres. Il y a une seule écosphère pour tous les organismes vivants et ce qui affecte l’un affecte tous les autres. 2) Il n’y a pas de déchet dans la nature, et il n’y a pas un ailleurs où l’on peut jeter les choses. 3) La Nature le sait. Le genre humain a développé la technologie pour améliorer la nature, mais un tel changement tend à être nocif pour le système. 4) Un repas gratuit, cela n’existe pas. Dans la nature, chaque côté de l’équation doit être en équilibre, pour chaque gain il y a un coût et toutes les dettes seront payées. Barry Commoner est auteur de nombreux essais dont « Making Peace with the Planet », New York, éditions Pantheon 1990; « The Politics of Energy », New York, éditions Knopf, 1979; «The Poverty of Power: Energy and the Economic Crisis », New York , Random House, 1976;«The Closing Circle: Nature, Man, and Technology», New York, édition Knopf, 1971; «Science and Survival», New York, édition Viking, 1966. L’entretien a été développé dans l’ancienne villa de la renaissance Villa Caruso Bellosguardo en Toscane que depuis l’année 2002 est le siège du Congrès international annuel sur les biotechnologies. Sur la page web www.consigliodirittigenetici.org, le lecteur peut lire tous les actes scientifiques depuis l’année 2002. Le congrès est organisé chaque année par la Région Toscane en collaboration avec la Fondation des instituts de crédit mutuel Cassa di Risparmio et le réseau coopératif COOP.

Antonio Torrenzano. Je voudrais commencer ce dialogue par une phrase d’un votre ancien essai “ The Closing Circle: Nature, Man, and Technology”. Un repas gratuit, vous affirmez, n’existe pas. Dans la nature, chaque côté de l’équation doit être en équilibre, pour chaque gain il y a un coût et toutes les dettes seront payées.

Barry Commoner. Les progrès pour la défense des écosystèmes et de la Nature sont encore trop lents. La manière unique pour affronter la pollution de l’environnement reste la prévention avant que la situation devient dangereuse et au dehors d’une possible autorité. Aux États-Unis, par exemple, la qualité de l’air est améliorée de manière très graduelle, mais la plus importante source de pollution est encore les fumées de bioxyde d’azote qui reste stable depuis les années 1970.

Antonio Torrenzano. Le problème est évident. Le rapport Homme et Nature n’existe plus. Les temps de la politique ne sont pas les temps de la Nature. Mais pourquoi persévérer ?

Barry Commoner. C’est un problème politique, vous l’avez souligné. À partir de l’administration de Ronald Reagan, l’Environmental Protection Agency (EPA), l’agence pour l’environnement de mon pays, elle a vu se réduire son budget, son efficacité et sa capacité de vérification et surveillance. Les législations américaines pour l’environnement qui avaient été approuvées au début des années soixante-dix elles ont été progressivement réduites et à l’organisme national de contrôle ont été progressivement réduits les fonds de bilan et de recherche. Depuis l’administration de Ronald Reagan à aujourd’hui, je constate donc que la sauvegarde de l’environnement a été vivement réduite. Les conséquences ont été inévitables: une forte aggravation de la sauvegarde de l’environnement.

Antonio Torrenzano. Les poussières très fines qui polluent l’espace et la même dioxine introduite dans l’air en se vaporisant viennent transportées dans l’atmosphère. Mais où vont-elles finir tout ceci ?

Barry Commoner. Les poussières très fines viennent transportées dans l’atmosphère dans de lieux plus frais où elles se déposent. Une étude récente de mon équipe a découvert que toute la production de poussières très fines et de dioxine introduite dans l’air, elle s’est accumulée au nord du cercle polaire arctique. Le peuple Inuit du Canada, par exemple, a plus dioxine et PCB de nos sociétés occidentales parce que ces substances se concentrent dans ces zones. Ceci il est un danger direct que nous faisons subir à ce peuple. Nous sommes obligés à prévenir le problème, parce que ce que nous voyons dans les régions polaires c’est un signal dangereux pour tous. Encore plus dangereux par les effets d’un réchauffement mondial.

Antonio Torrenzano

 

 

** Un particulier remerciement à l’artiste, photoreporter et photographe Liz O. Baylen pour l’image de Barry Commoner.

 

ActualitéBlogrollWeblogs

obama_jintao_image.1261222901.jpg

De l’euphorie au découragement, il termine ainsi la conférence internationale des Nations Unies sur le changement climatique. Le sommet de Copenhague ouvert sur de grandes ambitions, il ne débouche sur aucun accord. «L’avenir, affirmait Antoine de Saint-Exupéry, il ne suffit pas de le prévoir, mais le rendre possible ».

À Copenhague, la magie de Barack Obama s’évanouit. Les numéros et les engagements annoncés des États-Unis et de la Chine semblent plus à une communication commerciale que la rigueur d’une négociation. La distance entre les positions exprimées par le nouveau G2 et les questions posées au sommet pour la sauvegarde de la planète, elle reste très ample. La politique de Washington et de Pékin est encore un procès très lent relativement aux exigences de défense des écosystèmes desquels dépend la survivance de l’humanité. C’est un procès encore imprégné de contradictions et d’intérêts de vieux lobbys.

En revanche, à Copenhague, l’Europe a indiqué politiquement la rue vers une énergie propre et des efforts unilatéraux pour la sauvegarde de la planète. L’Union européenne devra faire trésor de cette force et de cette clairvoyance exprimée à la réunion internationale de l’ONU. Du point de vue économique, pour la première fois, en 2008, les investissements dans les énergies renouvelables ont dépassé les sources ordinaires. Le rythme de croissance, par exemple, de l’énergie éolique a battu les prévisions de Greenpeace. Le défi pour une économie verte européenne est déjà commencé. Si l’histoire économique de ce siècle est écrite dans le continent asiatique, la lecture anticipatrice de l’avenir est encore une prérogative de l’Europe. Quand l’Union européenne est compacte, c’est-à-dire quand les intérêts nationaux des 27 États se mettent de côté, le continent montre toute sa vitalité et son rôle.

Antonio Torrenzano