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La «génération Y» va-t-elle trop vite autant que les nouvelles technologies ? Les natifs numériques sont-ils engagés ? Selon le sociologue Michel Fize, « cette jeunesse est plus engagée qu’on le croit. La deuxième considération est que la jeunesse, qui est engagée, l’est incontestablement d’une autre manière que ses devancières. Autre société, autres moeurs, autres formes d’engagement ! La troisième idée est qu’il est possible d’amener ou de ramener la jeunesse vers les partis, les syndicats et la vie publique de façon générale, à certaines conditions naturellement. »

« La jeunesse contemporaine – continue le sociologue – n’est pas, en tout cas pas beaucoup moins engagée, que la jeunesse passée. On trouve les 18-25 ans dans un nombre d’associations, en particulier les associations humanitaires ou de défense de l’environnement. On sait combien la jeunesse, dont la générosité n’est plus à démontrer, est préoccupée par la misère, la guerre,la famine, la détérioration de la planète. On trouve plus particulièrement les étudiants mineurs (moins de 18 ans) engagés dans le soutien scolaire aux camarades plus défavorisés. »

Cette génération est-elle moins politisée que la jeunesse d’autrefois, celle de mai 1968? «Nous sommes passés, affirme encore Michel Fize, en quelque sorte de l’hyper-politisation des jeunes révoltés des années 1960 à une espèce d’hypo-politisation de la jeunesse d’aujourd’hui. Cette génération est engagée autrement. À l’image des adultes, elle n’est pas militante au sens d’engagement à vie. Elle s’engage pour une durée limitée et en faveur de projets concrets, dont elle veut voir les réalisations rapidement.»

Cette génération peut-elle revenir vers les structures tradionnelles ? « Célestin Freinet, apôtre de l’école nouvelle – continue Michel Fize – disait que seules l’enfance et la jeunesse étaient capables de monter hardiment vers les sommets. Profitons-en. Cela suppose ensuite de faire confiance à tous ces jeunes qui doutent de leur utilité sociale. Leur faire confiance pour leur redonner confiance. »

Antonio Torrenzano

 

 

* L’analyse du sociologue Michel Fize est un extrait du texte de sa relation scientifique, titrée «L’engagement de la jeunesse », envoyée à la Fondation Pio Manzù (http://www.piomanzu.org) de Rimini pour la XXXV édition des journées internationales d’etude sur la génération numérique.

 

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Le développement d’une nouvelle société dite de l’information a vu émerger dans ces dernières années une nouvelle génération Internet, baptisée aussi «génération Y», c’est-à-dire un groupe de presque 13 millions d’individus âgés de 15 à 29 ans. Ce mot un peu obscur désigne en réalité les nouvelles générations nourries à l’informatique en réseaux et pétries de culture Web 2.0, que d’ici à dix ans ils deviendront les nouvelles ressources humaines du marché du travail et ils feront entrer dans les entreprises leurs nouveaux modes de communication et d’organisation. Même l’école devra revoir ses méthodes. Pour Manuel Castells, le monde du travail et le monde de l’éducation devront nécessairement s’adapter à cette nouvelle culture. 

Un défi qui posera nombreux de problèmes aux employeurs afin d’intégrer la génération Y dans leurs entreprises sans créer un choc des cultures et des générations. Comment faire alors évoluer les organisations de travail afin de tirer la  « génération Y » avec tout leur potentiel dans la nouvelle société européenne ? Quelles sont leurs attentes en matière de vie professionnelle et qui sont finalement ces « Y » qui pourraient bien gérer le monde de demain ? Les nouvelles technologies vont-elles trop vite ?   

C’est la question qui se pose la XXXV édition de la conférence internationale de la Fondation Pio Manzù à Rimini du 23 au 25 octobre 2009. Nombreux les sociologues, les économistes, les professeurs de l’école secondaire et d’université du Continent européen, de l’Afrique, de l’Amérique Latine, des États-Unis qui débattront sur ce sujet. Les débats s’interrogeront sur comment les adolescents utilisent les outils numériques à leur disposition et quelles réponses multidisciplinaires développer pour que la diversité culturelle entre les générations puisse être effacée. Parmi les invités qui dialogueront à ce sujet, il y a  Michel Fize, sociologue au CNRS, Richard Descoings, directeur de l’Institut Sciences Po de Paris, Manuel Castells, Martin Hirsh, Haut Commissaire à la Solidarieté contre la Pauvreté, Maria Novak, Onyeka Obasi, président de l’association Friend of Africa International, Frank Furedi de l’université de Kent, Mafalda Stasi de l’université Paris VI, Giandomenico Picco ancien sous-secrétaire aux Nations Unies, Guillaume Borie, président du Parlement européen des Jeunes.   

Ouverts à un large public, les débats sur le numérique et les natifs digitaux seront une occasion de réflexion et d’analyse sur le temps présent. Pour suivre les journées du débat, la consultation en ligne est accessible au suivant adresse http://www.piomanzu.org 

Antonio Torrenzano 

 

Bibliographie Net sur les «natifs numériques» avec leur langage et leur mode de fonctionnement, consulter en ligne le mémorandum à l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Natif_numérique.

*Anne-Caroline Paucot, «Comprendre la génération Internet», Maxima éditions, Paris,2007.

*Jacques Vauthier, «La génération Internet», Eska éditions, Paris, 2006.

*Aurore Gorius , « La génération Internet a soif de mobilité », Le Point, 18.09.2008

*Benoît Hopquin, « Cadres, la comédie du bonheur. Pour les jeunes, ‘‘la vraie vie est ailleurs’’», Le Monde, 18.09.08

*Almudena Coral, « La oportunidad de la generacion Y », El Pais, 13.07.2008.*Ollivier Daniel, Tanguy Catherine, « Génération Y : mode d’emploi, intégrez les jeunes dans l’entreprise. », De Boeck éditions, Paris, 2008.

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Le dernier rapport de la Commission européenne sur la compétitivité numérique en Europe révèle que le secteur a réalisé de sérieux progrès au sein de l’UE au cours des cinq dernières années. Plus de la moitié des Européens (le 56%) utilisent désormais le réseau net de manière constante et le 80 % des individus le fait avec une connexion rapide.

Le rapport juge essentiel de continuer à investir sur l’économie numérique pour que l’UE «puisse durablement se remettre de la crise économique. L’économie numérique européenne, a déclaré le porte-parole de la société de l’information de la Commission européenne, dispose d’un formidable potentiel, mais pour que cet avantage se traduise en croissance durable et en nouveaux emplois, les institutions nationales doivent montrer la voie à suivre en adoptant des stratégies coordonnées pour faire tomber les possibles obstacles ».

«Nous devons poursuivre dans cette direction, a toujours affirmé l’attache de presse, pour qu’une nouvelle génération d’Européens reste compétitive dans les enjeux mondiaux. Ces jeunes utilisent désormais intensivement l’internet et sont également des consommateurs très exigeants. Pour que le potentiel économique de ces natifs du numérique s’exprime pleinement, nous devons faire en sorte que l’accès aux contenus numériques soit à la fois aisé et équitable». Pour Bruxelles, ces générations numériques représentent un potentiel important pour la croissance du continent. Ces jeunes, affirme-t-il le rapport, ils sont âgés de 16 à 24 ans et le 73 % d’entre eux utilise régulièrement tous les services numériques pour créer et partager du contenu.

Le rapport de la Commission sur l’économie numérique est la première étape de la nouvelle stratégie européenne pour ce qui concerne les TIC que la Commission a l’intention de présenter en 2010 dans le cadre de la prochaine agenda de Lisbonne. Pour la consultation en ligne du mémorandum, il est accessible au suivant adresse: http://ec.europa.eu/information_society/eeurope/i2010/pc_post-i2010/index_en.htm

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Stefano Zamagni, économiste, professeur à l’université de Bologne, membre de la Pontificale Académie pour les sciences sociales auprès de l’État du Vatican. Auteur des nombreux essais dont La cooperazione, Bologna, editions Il Mulino, 2008; avec l’économiste et prix Nobel Amartya Sen «Markets, money and history. Essays in honor of Sir John Hicks», Cambridge (UK), Cambridge University Press, 2008; «L’economia del bene comune», Roma, Città Nuova, 2007; «Time in Economic Theory», Aldershot, Elgar, 2004. Le dialogue a eu lieu à Reggio Emilia, au mois de septembre 2009, pendant le 1er festival franciscain.

Antonio Torrenzano. Sa sainteté Benoit XVI a affirmé dans sa dernière encyclique «Caritas in veritate» que l’humanité mondialisée a besoin de règles et de valeurs.

Stefano Zamagni. J’espère que le capitalisme occidental ne continuera plus à exclure l’économie solidaire et ses valeurs: c’est-à-dire, ceux de la gratuité et de la charité. Si le capitalisme libéral continue à ignorer ces valeurs, celui-ci sera destiné à imploser. La crise dans laquelle est tombée la planète ou les nombreuses injustices qu’ils serrent les individus du Nord et du Sud du monde, ils soulignent déjà cette faillite. Sa Sainteté Benoit XVI dans sa dernière encyclique indique un modèle précis auquel regarder : l’utilité sociale et le respect de la dignité de chaque individu. Des valeurs très différentes par rapport à la maximisation du profit et à la capacité de rendement à l’intérieur des usines. À ce propos, nous avons déjà des exemples concrets : l’économie sociale, le monde des organisations sans but lucratif, les coopératives. L’activité économique et sociale de ces sujets indique déjà cette direction. Une réalité qu’aujourd’hui en Europe pèse le 10 % du Pib européen et il occupe le 6 % de la main-d’oeuvre.

Antonio Torrenzano. Après l’assemblée générale des Nations Unies, après le sommet de Pittsburgh, la communauté internationale a-t-elle compris l’urgence d’un nouveau système de rapports internationaux ?

Stefano Zamagni. Je crois qu’il y ait encore au moins trois propositions concrètes à développer au-delà de celle-là formulées par les vingt Chefs d’État et de gouvernement à Pittsburgh: ajouter au Conseil de sûreté des Nations Unies un organisme similaire qui s’occupe de problèmes l’eau, de la nourriture et de la santé pour tous les individus. Si nous avions déjà été cet organisme en mesure de fonctionner, nous n’aurions pas eu encore des individus morts pour la faim ou les spéculations financières sur les grains de l’année 2007. La deuxième proposition est celle de créer d’autres deux Agences techniques mondiales pour ce qui concerne les migrations humaines et l’environnement. Dans ces deux domaines, ils servent tutelles, règles, vérifications et sanctions. La troisième et dernière proposition concrète est celle de faire travailler à côté de l’assemblée des Nations Unies une autre assemblée formée par des ONG, des fondations, des institutions de l’économie solidaire. Non pour discuter à l’infini, mais pour décider et pour gouverner les procès urgents avec solutions rapides et définitives.

Antonio Torrenzano. Pour le marché du travail est un moment critique. Où va-t-on ?

Stefano Zamagni. Sa sainteté Benôit XVI s’est rendu compte que la logique de la maximisation du profit est en train de porter la société occidentale à l’affirmation du mythe de la capacité de rendement contre la dignité de l’Homme. L’individu non plus efficace économiquement, il devient marginal. À ce propos, je rappelle un des derniers discours prononcés par Jean Paul II, au mois de novembre 2004, dans lequel Pape Karol Woytila soulignait que : «la logique de la maximisation du profit et la théorie de l’efficacité managériale sont inhumaines autant que celle contre la race, la religion ou la maladie ».

Antonio Torrenzano

 

 

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Conversation avec Mario Monti, économiste, professeur d’économie et management, président de l’université Bocconi de Milan depuis le 1994. En 1994, il a été nommé à la Commission européenne en qualité de commissaire pour les secteurs « marché intérieur, services financiers et intégration, droits de douane et taxes ». Quatre ans plus tard, dans son deuxième mandat, sous la présidence de Romano Prodi, il a été commissaire responsable de la concurrence jusqu’à l’année 2004. Il a été aussi membre de différentes institutions de l’État italien, dont celle du Ministère du Trésor pour ce qui concerne le système du crédit. À présent, il est membre du groupe de réflexion «Europe 2020-2030», fondé par le Conseil européen et présidé par l’espagnol Felipe Gonzales et membre du think tank européen Bruegel fondé en 2005. Le dialogue a eu lieu à plusieurs reprises dans les villes de Bologne pendant un séminaire près de l’université américaine Johns Hopkins au mois de mai, à Rome au mois de septembre et à Milan près de l’université Bocconi pendant un autre séminaire au mois d’octobre 2009.

Antonio Torrenzano. Après l’assemblée générale des Nations Unies, après le sommet de Pittsburgh, la communauté internationale a-t-elle compris l’urgence d’un nouveau système de rapports internationaux ?

Mario Monti. Je constate à présent qu’il y a des phénomènes d’intégration régionale comme l’Union européenne où il transparaît la conscience que les États ne sont pas plus aptes à exercer leur souveraineté sur toutes les questions devant à la mondialisation. Au-delà de l’Union européenne, je note qu’aussi le G20 a la même orientation. La communauté internationale travaille pour qu’une institution mondiale ait une vraie autorité et la capacité de décision politique sur sujets qui concernent désormais tous les individus de la planète. La crise a fait percevoir à une grande multitude d’individus que l’ancien système financier était sans des règles et surveillance. L’opinion publique a compris ce qu’elle ne voyait pas avant. La crise est devenue alors l’exemple qui a fait comprendre les pervers mécanismes du système. La récession économique nous a montré au contraire que l’économie de marché ne peut pas être soutenable par l’ancienne vision. Maintenant, nous devons affronter tout de suite les problèmes inhérents aux extrêmes inégalités.

Antonio Torrenzano. Et sur les questions éthiques ?

Mario Monti. Le débat sur les valeurs éthiques reste l’objectif prioritaire de cette nouvelle phase historique. À cause de cette crise, l’éthique est entrée diffusément dans presque tous les documents d’institutions et des banques. Ces institutions ont compris que l’éthique est à la base de chaque action et de chaque décision parce que les valeurs éthiques ne sont pas de règles extérieures à la finance ou plus en général au marché économique. Sur ces principes, tout le monde est en train de converger.

Antonio Torrenzano. Sa sainteté Benoit XVI a affirmé dans sa dernière encyclique «Caritas in veritate» que l’humanité mondialisée a besoin de règles et de valeurs.

Mario Monti. Je trouve très important que l’Église affirme que la dignité de l’homme en économie doit être défendue. Dans les dernières années avant la brutale circonstance du crack financier, nous avions assisté à deux situations contradictoires : d’une part l’élaboration de phénomènes exagérés dans le marché financier avec des actions sans aucune vérification ; de l’autre côté à une rapide croissance d’un volontariat diffus et de l’économie sociale. L’économie sociale s’est énormément développée dans ces dernières années et cette croissance nous indique qu’au-delà de «l’homo oeconomicus» il y a aussi un «Homme» qui veut vivre autrement.

Antonio Torrenzano

 

 

* Un particulier remerciement au Service audiovisuel de la Commission européenne pour l’image de Mario Monti.

 

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Il y a un an, la chute de la banque américaine Lehman Brothers venait tout juste de se produire. L’activité économique partout dans le monde commençait à tomber en chute libre et l’incertitude cédait le pas à la panique. Par rapport à la crise, les États de la communauté internationale ont uni leurs forces pour affronter les problèmes communs avec de nouvelles solutions avec un nouvel esprit de solidarité, mais concernant le chômage nous nous trouvons dans un moment critique.

L’histoire des crises précédentes démontre que l’impact sur le chômage est décalé par rapport à la reprise elle-même et les dernières prévisions confirment à ce titre le maintien d’un chômage élevé jusqu’en 2011 inclus. L’incertitude des chômeurs vers l’avenir est évidente. La dignité de chaque individu est blessée autant que la dignité de leurs familles. À présent, nous devons absolument saisir cette occasion pour repenser le monde d’après la crise pour ce qui concerne les marchés du travail. Marchés du travail qui sont pris en tenailles par la crise.

La crise n’est pas finie. La reprise sera très molle et la demande privée n’est pas encore suffisante pour s’entretenir d’elle-même. Sur le front de la demande, la consommation est encore timide surtout dans les pays où les bilans des ménages restent fragiles. Dans ce panorama, le manque de travail risque d’être tenace et, même si la croissance repart, il faudra du temps pour que l’emploi fasse la même chose. Les enjeux sont particulièrement élevés pour les pays européens et pour les pays de l’OCDE qui devraient doubler au cours des dix-huit prochains mois le taux en pourcentage de chômeurs.

La même organisation estime presque 50 millions de personnes tombées dans la misère à cause de la crise dans le continent européen. Compte tenu de l’insuffisance des anciens moyens de protection sociale à l’ère de la mondialisation, ce n’est pas seulement de hausse du chômage ou de baisse du pouvoir d’achat qu’il s’agisse ici, mais vraiment d’une question de vie ou de mort. Il est indispensable de mettre au point des stratégies de sortie crédibles aussi pour le marché du travail avant qu’il est trop tard pour les appliquer. Je pense encore qu’une autre société est possible et je reste par un intérêt commun à ceux qui envisagent un avenir différent. Mais l’expérience nous a montré – affirme Jean-François Kahn – que la seule autre société possible est celle qui émerge de la société existante et en fait germer les plus prometteuses semences. On espère !!!

Antonio Torrenzano

 

 

* Un particulier remerciement au photoreporter Claudia Dias pour l’image.

 

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Conversation avec Richard Sennett, économiste, sociologue, professeur à l’université de New York et à la Londoin School of Economics, également romancier et musicien. Poussé vers la sociologie par Hannah Arendt, il reconnait l’influence de Michel Foucault sur son travail. Il est fondateur avec Susan Sontag et à Joseph Brodsky, auprès de l’université de New York de l’institut for the Humanities. Comme conseiller a travaillé pour l’UNESCO et il a été président de l’American Council on Work. Ses analyses conduisent dans un premier temps à la vie ouvrière en milieu urbain, abordent des questions d’architecture, puis élargissent son champ à l’étude de la corrosion du caractère induite par l’instabilité des parcours professionnels dans le capitalisme flexible. Il se fonde sur les récits de vie, notamment de travailleurs condamnés à la mobilité qui ne leur laissera pas la possibilité de nouer des liens durables. Il a pour épouse la sociologue Saskia Sassen. Richard Sennett est conseiller du Président des États-Unis Barack Obama. Auteur de nombreux essais traduit dans plusieurs langues étrangères, le professeur Richard Sennett s’est toujours intéressé de l’identité et des classes sociales dans la société moderne dont «Les Tyrannies de l’intimité», Paris, Seuil, 1979; «La Famille contre la ville : les classes moyennes de Chicago à l’ère industrielle 1872-1890, Paris, Encres édition, 1981 ; «Palais-Royal» , Albin Michel, 1988; «La Conscience de l’œil : urbanisme et société» , Verdier, 2000; «Le travail sans qualité : les conséquences humaines de la flexibilité», Albin Michel, 2000; «Respect de la dignité de l’homme dans un mode d’inégalité», Albin Michel, 2003. Hachette, 2005;« La culture du nouveau capitalisme», Paris, Albin Michel, 2006. Son nouveau livre en langue anglaise «The craftsman» a été publié en 2009 dans le marché éditorial anglo-saxon. Le dialogue a eu lieu à Modène pendant le festival international de la philosophie au mois de septembre 2009.

Antonio Torrenzano.Un an après le début de la crise, le monde en a-t-il tiré les enseignements?

Richard Sennett. Nous vivons dans une économie qui produit de la richesse, mais elle détruit en même temps les qualités de chaque individu, sa créativité et ses savoirs dans le monde du travail. Le capitalisme jusqu’à la crise, il a eu seulement intérêt pour un profit de brève période et il a produit de stratégies de court terme. Ce capitalisme ne s’est pas préoccupé de la formation des travailleurs dans la longue période ou de l’imagination et des améliorations que les mêmes travailleurs pouvaient apporter au système. Au contraire, le système a renversé ces énergies seulement sur de la main-d’oeuvre au bas coût dans les économies émergentes surtout en Chine et en Inde. Dans mon dernier livre que je viens de publier («The craftsman»), j’ai essayé de voir s’il existe encore cette dimension artisanale dans ce système. Dimension artisanale qui pousse chaque travailleur à désirer une exécution parfaite et gratifiante dans son activité.

Antonio Torrenzano. Dans les interviews développés avec les travailleurs américains et anglais, quelles sensations émergent-elles ?

Richard Sennett. Les travailleurs dans leurs interviews affirment qu’ils travaillent beaucoup et toujours sous pression, mais en même temps qu’ils perçoivent leurs activités vides, dépourvues de sens, sans qualité. Il n’y a plus dans cette économie de l’espace pour un travail bien fait. Les interviewés font partie de la classe moyenne, ils ne sont ni riches ni pauvres. Ils sont de techniques spécialisés, ils travaillent à Londres autant qu’à New York, ils s’occupent de communication, de publicité, d’économie numérique. Par rapport à la crise présente, ils sont très préoccupés évidemment de perdre leur travail. Pourtant, en même temps, ils essaient une sorte de soulagement pour le fait que le système qui les a opprimés et dominés pour beaucoup de temps, il a subi un événement historique bouleversant. Ils regardent leur avenir avec de la préoccupation,mais ils désireraient trouver un travail différent, plus stable. Ils désirent changer de route et se libérer de la pression. L’aspect le plus intéressant, dont je suis en train de m’occuper, c’est qu’ils voudraient devenir artisans et retrouver un sens de satisfaction et récompense dans leur travail.

Antonio Torrenzano. Réécrire les règles de la finance peut être un premier pas. Mais reformuler l’entier système capitaliste en ayant comme objectif la dignité de chaque individu il me semble encore une chimère.

Richard Sennett. Nombreux économistes, ils ont raconté que le capitalisme mondialisé pouvait augmenter les possibilités de tous. Ce n’est pas vrai. À présent, je constate qu’une grande majorité d’individus se sent inutile, vidée, paupérisée des propres capacités. L’économie capitaliste que nous avons eue jusqu’à l’année passée a détruit le système de la rémunération, augmenté la discordance entre les revenus de dirigeants et celle de leurs subordonnés. C’est le drame de notre temps.

Antonio Torrenzano

 

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Au-delà de la déclaration politique finale consistante l’officialisation du G20 comme principal forum de coopération économique internationale, plusieurs questions restent encore sans réponse. La première: le G20 est une institution internationale sans statut, mais qui s’est réunie à trois reprises depuis novembre 2008 (Washington, Londres et Pittsburgh), avec de nombreux problèmes à régler pour ce qui concerne son organisation à l’intérieur. «C’est en 2010 que nous essaierons de discuter de la nouvelle architecture du G20», les dirigeants ont affirmé. Mais, quels pays devront-ils devenir membres? Encore à quelle fréquence devra-t-il se réunir le sommet ? Aux prochains sommets du G20, les économies émergentes participeront à la gouvernance mondiale, pourquoi les Pays en développement resteront-ils au dehors ?

D’autres questions pratiques restent en suspens: le G20 devrait-il comporter un secrétariat permanent de façon à assurer le suivi de ses travaux? Quel pouvoir aura-t-il ? Ses décisions auront-elles force de loi ? Comment ce forum économique international pourra-t-il faire respecter ces engagements vers les Pays membres ? Sur ces deux questions, le Fonds monétaire international, dont les décisions ont force de loi, gardera-t-il toutes ses prérogatives? À cette question, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, ne cesse de le répéter.

Concernant le chômage, le pire est à venir. Mais de tout ça, la réunion n’a rien affirmé. L’expérience des crises précédentes démontre que l’impact sur le chômage est décalé par rapport à la reprise elle-même ; les dernières prévisions confirment à ce titre le maintien d’un chômage élevé jusqu’en 2011 inclus. L’Organisation internationale du travail (OIT) prévoit une augmentation du nombre de chômeurs de près de 59 millions d’ici la fin de l’année à travers le monde. Le chômage dans les pays de l’OCDE devrait globalement doubler au cours des dix-huit prochains mois et continuer d’augmenter, avec des taux à deux chiffres sur une grande partie de l’année 2011. Plus de 200 millions de travailleurs pourraient sombrer dans l’extrême pauvreté – surtout dans les pays en développement et dans les pays émergents, où les filets de sécurité sociale sont rares ou inexistants –, ce qui ferait monter le nombre total de travailleurs pauvres dans le monde à 1,4 milliard. Le chômage constitue aujourd’hui la principale menace à la reprise économique. Pourquoi alors la réunion de Pittsburgh n’a-t-elle pas pensé à organiser un sommet des ministres de l’Emploi du G20 à court terme consacré à l’impact sur l’emploi ? Pourquoi la réunion de Pittsburgh n’a-t-elle pas envisagé de créer un Groupe de travail sur l’emploi et adopter le Pacte mondial pour l’emploi, négocié par l’Organisation internationale du Travail des Nations Unies ?

Les marchés du travail sont pris en tenailles par la crise. Les taux de chômage ont continué d’augmenter et devraient atteindre des valeurs à deux chiffres dans l’ensemble des pays de l’OCDE d’ici la fin de l’année. Les jeunes, en particulier, sont frappés de plein fouet, avec des taux de chômage supérieurs à 20% dans plusieurs pays du G20. Les milliers de jeunes qui ont terminé leurs études l’été passé risquent fort d’être condamnés à l’inactivité. Compte tenu de la menace d’une crise prolongée de l’emploi, il faut définir d’urgence une stratégie de relance axée sur l’emploi et coordonnée à l’échelle internationale. Est-ce que le capitalisme occidental veut encore renverser ces énergies seulement sur de la main-d’oeuvre au bas coût dans les économies émergentes ? Si oui, pourquoi continuer alors de discuter de Droits Humains pour tous ?

Antonio Torrenzano