Conversation avec Saskia Sassen, sociologue, écrivaine, professeur de sociologie à l’université Columbia, membre du Comité pour la pensée globale. Saskia Sassen a été notamment codirectrice du département économie du Global Chicago Project. Auteur de nombreux essais, traduits dans différentes langues étrangères, dont «La globalisation. Une sociologie», aux éditions Gallimard, Paris, 2009. Le dialogue avec Saskia Sassen a eu lieu dans la ville de Bologne et Rome.
Antonio Torrenzano. La communauté internationale se confronte aujourd’hui à une triple crise: crise du système capitaliste, crise de la mondialisation libérale, crise du capitalisme financier. Le collapsus de l’économie de marché du mois de septembre 2008 est-il comparable à celui de l’économie planifiée dont il marqua la fin du système soviétique ? Pouvons-nous conclure que le monde est revenu au point de départ de 1989 ?
Saskia Sassen. Dans mon dernier essai sur la mondialisation, je souligne que les événements d’il y a vingt ans, ils ont aussi marqué le début de l’ère du libéralisme et l’appauvrissement massif d’entiers Pays. La fin de la guerre froide, elle a lancé une des phases économiques les plus brutales de l’ère moderne. Les États-Unis, une fois archivée la justice distributive de la période keynésienne, ils sont devenus l’espace et la ligne de frontière pour une nouvelle et radicale réorganisation du capitalisme jusqu’au 2008. Le 1989, il a ouvert les portes au projet américain de transformer l’entier globe dans un marché dominé par les grandes multinationales. Dans cette phase historique, les grandes multinationales, mais aussi la finance américaine, elles ont développé de modalités inédites de produire profit – par exemple – les subprimes. Ces mécanismes financiers, impensables dans la précédente période au 1989, ils sont devenus une partie intégrante du capitalisme avancé jusqu’à la crise financière de ces derniers mois.
Antonio Torrenzano. Capitalisme financier sauvage que l’historien Éric Hobsbawn considérait, dès le début des années 1990, comme la principale menace qui pesait sur le monde de l’après 1989.
Saskia Sassen. Dans mon dernier essai, j’ai retrouvé au moins trois mécanismes qui ont activé de nouvelles formes d’accumulation primitive dans la phase suivante au 1989. Le plus visible, il a été la réalisation des programmes d’ajustement structural dans le sud du monde par le Fond monétaire international et par l’Organisation mondiale du Commerce. Le deuxième mécanisme a été la croissance du travail informel et la réduction à de plus justes proportions du secteur manufacturier dans le nord de la planète. Il y a eu, enfin, l’élaboration de nouveaux types de crédit hypothécaires pour l’acquisition d’habitations orientées à individus avec de bas revenus économiques et vendus sur le marché financier. La finance au haut risque a amorcé un ensemble de macros crises qu’ils ont mis en difficulté l’entier système économique mondial dans ces derniers vingt ans.
Antonio Torrenzano. Les crises alimentaires et les élevées migrations d’individus du sud du monde, elles sont devenues graves et fréquentes. Dans vos essais, vous affirmez que l’ère de la mondialisation coïncide avec une très forte augmentation de flux migratoires. Est-ce que la pauvreté peut être un facteur d’instabilité internationale ? Quel a-t-il été l’effet de la chute du mur sur les mouvements des individus à travers les frontières ?
Saskia Sassen. L’effondrement du mur de Berlin a rendu lisibles deux trends importants: l’affaiblissement de la surveillance sur les marchandises et sur les capitaux et le défi à la liberté de mouvement des gens. Puis, dans la dernière décennie, le contrôle sur les migrants a été renforcé. Je me demande si l’ouverture des frontières pour de flux d’argent et de marchandises peut coexister avec des vérifications toujours de plus en plus étroites pour les individus. Pour ce qui concerne, le cas des États-Unis: la militarisation des frontières a – par exemple – favorisé un plus grand numéro d’immigrés clandestins. Les politiques de l’Union européenne, en revanche, ont été contradictoires : rigoureuses dans la défense des droits humains, fragiles dans la gestion des flux annuels de migrants qui peuvent résider et travailler dans le Continent européen. J’ai écrit beaucoup à ce sujet : je pense encore que les murs sont insoutenables et qu’ils sont le symptôme d’une crise que le pouvoir ne sait plus comment gérer.
Antonio Torrenzano
* Un spécial remerciement au photoreporter Gianni Ansaldi pour l’image.