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Samir Amin, économiste, écrivain, professeur d’économie du développement, président du Forum du Tiers-Monde (http://www.forumtiersmonde.net), directeur éditorial de la collection « Alternatives » auprès de la maison d’édition l’Harmattan (http://www.editions-harmattan.fr). Samir Amin enseigne l’économie aux universités de Poitiers, Paris et Dakar. Il a beaucoup publié sur le droit, la société civile, le socialisme, le colonialisme et le développement, particulièrement en Afrique et dans le monde arabe et islamique.Théoricien de l’altermondialisme, il est moins connu pour ses recherches sur les formes précapitalistes des pays colonisés, notamment africains. Il a travaillé de 1957 à 1960 dans l’administration égyptienne du développement économique et il a été de 1960 à 1963 conseiller du gouvernement du Mali, puis directeur de l’Institut africain de développement économique et de la planification. Il dirige actuellement le bureau africain du Forum du Tiers-Monde à Dakar.

Auteur de nombreux essais dont « L’Égypte nassérien» en 1964, « L’économie du Maghreb » en 1966, « L’impérialisme et le développement inégal » et « La nation arabe » en 1976, « La Méditerranée dans le système mondial » en 1988, « Les enjeux stratégiques en Méditerranée » en 1991, « L’Ethnie à l’assaut des nations » en 1994, « L’hégémonisme des États-Unis et l’effacement du projet européen ». « Sur la crise : Sortir de la crise du capitalisme ou sortir du capitalisme en crise », éditions le Temps des cerises en 2009, « La loi de la valeur mondialisée» en 2011 et « Monde arabe : le printemps des peuples ? » toujours aux éditions Le Temps des cerises en 2011. Ce carnet numérique a déjà dialogué avec le professeur Samir Amin dans plusieurs occasions en publiant la première conversation au mois de novembre 2007 et le deuxième dialogue au mois de février 2011. Un particulier remerciement au Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (site numérique http://www.codesria.org) qui a réalisé l’entretien pendant sa XIIIe assemblée générale en 2011.

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Pour poser la question d’un vrai droit à alimentation, il faut dépasser la simple considération du quotidien pour aborder une nouvelle vision des décisions internationales à ce sujet. La faim est non seulement l’une des principales cause de la pauvreté, mais également l’un de ses principaux effets. Les répercussions de la faim vont bien au-delà des morts qu’elle engendre. Car la faim entraîne des coûts économiques considérables pour les individus, les familles et d’entières sociétés. Les sociétés où la faim est omniprésente voient leur croissance économique gravement compromise, alors qu’il s’agit d’un élément indispensable à une réduction durable de la pauvreté. Ces effets de la faim montrent que c’est dans les zones rurales que se gagnera ou se perdra la bataille contre la pauvreté. Sans une nouvelle vision, rien de bon ni de consistant ne pourra être réalisé dans la longue marche vers une situation nouvelle.

La faim est encore notre scandale contemporain et les individus qui souffrent de cette pénible situation ils sont les exclus de cette économie mondialisée. Cet écart se creuse de plus en plus aujourd’hui. Ces espaces d’exclusion prennent de multiples formes, que ce soit des pays entiers en proie à la famine ou des régions dans certains continents par exemple l’Afrique subsaharienne ou la Corne de l’Afrique. Ils sont à la fois des espaces géographiques, mais aussi des espaces sociaux où la pauvreté, l’exclusion, la marginalité deviennent les lieux communs du même enfer. Comme l’a dit Nelson Mandela: « la pauvreté massive et l’horrible inégalité sont de terribles fléaux de notre temps ».

L’État du Niger – par exemple – pour pouvoir rééchelonner sa dette, a dû accepter d’abolir son Office national vétérinaire. L’abolition a ouvert le marché nigérien aux vaccins et médicaments vendus, beaucoup plus cher, par les multinationales. Incapables de les acheter, les éleveurs ont vu dépérir leurs troupeaux. La liste de ces cas est longue et s’allonge chaque jour. La crise s’incarne donc dans l’économie locale, mais elle est aussi une faillite de l’économie mondiale. Malgré plus d’un siècle de développement et de théories sur le développement, des auteurs et des analystes en arrivent à la conclusion de l’impasse et même de l’échec du système. Échec du développement et de son inadéquation à répondre aux problèmes criants qui existent sur la planète. Les Pays moins avancés bénéficiaires restent toujours des PMA. Le Burkina Faso reste toujours le Burkina Faso et la province du Yatenga reste encore une zone déshéritée. «Ces échecs globaux répétés – il soutient Serge Latouche – n’empêchent pas le fonctionnement du mythe […] Pourtant, l’échec global de l’aide est une conséquence nécessaire de la logique de la modernité occidentale ».

Comment pourra-t-on dépasser cet échec ? Comment pourra-t-on améliorer le niveau de vie de trois milliards d’hommes et de femmes qui vivent à présent à la campagne et beaucoup d’entre eux dans une extrême pauvreté ? Le développement rural a-t-il encore d’importance ? Pour Ignacy Sachs, économiste et sociologue à l’École des Hautes Études en sciences sociales de Paris, le développement rural a encore d’importance pour trois raisons. Premièrement, l’ère de l’industrialisation comme nous l’avons connu au XXe siècle est terminée; nous sommes entrés désormais dans une ère de désindustrialisation. Les industries de haute technologie créent difficilement de nouveaux emplois; l’agriculture et les contextes ruraux représentent encore 40,1 % du total de l’emploi dans le monde. En Asie du Sud-est et dans le Pacifique, par exemple, ce pourcentage est de 43,3%, en Asie de l’Est il est de 49,5%, en Asie du Sud de 61,2%. En Afrique au sud du Sahara de 63,6%. Deuxièmement, le potentiel pour un nouveau cycle de développement rural existe encore.

Il est nécessaire de cultiver plus de nourriture afin d’assurer le respect universel au droit de l’alimentation. Le défi est que le développement rural devienne socialement participatif, durable pour l’environnement en promouvant une agriculture à petite échelle paysanne et bien modernisée. Le développement rural a un effet multiplicateur sur le reste de l’économie. Un rapport de la Banque mondiale sur l’Amérique latine et les Caraïbes indiquait que la population rurale représentait environ 42% de la population totale, alors que les statistiques officielles indiquaient 24%, et qu’une augmentation de 1% du PIB agricole correspondait à 0,12% de la croissance de la production non agricole (rapport de la Banque Mondiale, « Beyond the city. The Rural Contribution to Development », Washington, 2004). Troisièmement, dans le domaine de l’agriculture, l’écart de productivité entre les techniques modernes et traditionnelles est réellement très important et peut atteindre dans des cas extrêmes un rapport de 500 à 1, ou même de 1000 à 1. En d’autres termes, le danger est d’annihiler la majorité des cultivateurs traditionnels si les politiques agricoles sont laissées à l’interaction libre des forces du marché.

Qu’arriverait-il à ces milliards d’êtres humains, dont la plupart sont déjà les pauvres parmi les pauvres sans un nouveau développement rural ? Pour l’économiste Samir Amin, au mieux un tiers d’entre eux pourrait être absorbé par les villes selon l’hypothèse irréaliste d’un taux annuel stable de croissance industrielle de 7% au cours des 50 prochaines années. Les deux autres tiers gonfleraient encore une fois les bidonvilles à la recherche de leur survie. « La question agraire – affirme Samir Amin – est plus que jamais au centre des défis majeurs que l’humanité devra affronter durant le 21e siècle. Les réponses qui seront données à cette question forgeront de manière décisive le cours de l’histoire de ce siècle ». Il n’y a pas beaucoup de temps pour faire que la pauvreté n’entre plus dans l’Histoire.

Antonio Torrenzano

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Conversation avec Rasmata Kabre, économiste, coordonnatrice de la fondation pour la promotion des droits des femmes au Burkina-Faso, vice-présidente de l’ONG BPW (Business and professional women) dans la capitale Ouagadougou. La conversation avec Rasmata Kabre a eu lieu à Rimini pendant la 42e édition des journées internationales d’étude de la Fondation Pio Manzù.

Antonio Torrenzano. Les récoltes céréalières mondiales des dernières années ont été élevées, et en même temps le nombre d’affamés a continué à augmenter. Entre 2000 et 2011, le prix du blé, du maïs et du riz sur le marché mondial a connu, en tenant compte de l’inflation, une hausse moyenne de 150%. Depuis le début du XXI siècle, les marchés de matières premières ( des métaux jusqu‘au pétrole en passant par le blé, le maïs et le soja) sont devenus de biens économiques appréciés par les investisseurs en capital. L‘augmentation de la population mondiale et la croissance économique internationale s’accompagnent d’une demande continue de matières premières ; le commerce de matières premières est donc une activité très lucrative. Les fonds de pension, les assurances, les fondations et un grand nombre d‘investisseurs individuels ont ainsi investi plus de 600 milliards de dollars dans les marchés financiers de matières premières. Existe-t-il une corrélation entre ces deux évolutions ? Un secteur financier débridé nuirait-il à la vie et à la santé des populations les plus pauvres en faisant augmenter les prix des matières premières ?

Rasmata Kabre. Je trouve troublant qu’à une époque où la nourriture est partout très abondante, où les rendements agricoles sont plus élevés que jamais, presque 925 millions d’individus n’aient pas assez à manger. L’Organisation des Nations Unies estime que presque un milliard d’individus souffraient de la faim en 2011. Ce chiffre demeure supérieur au niveau d’avant les crises alimentaire et économique de 2008. Ce chiffre est toutefois supérieur à ceux de la période du Sommet mondial de l’Alimentation de 1996, lorsque les dirigeants mondiaux convinrent de réduire de moitié le nombre d’affamés. Tout cela a des conséquences durables sur leur santé et les prive de perspectives d’avenir. Au cours de la seule année 2010, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 30 % et au moins 40 millions de personnes de plus ont sombré dans la pauvreté absolue. L’absence de mécanismes appropriés pour affronter les événements bouleversants ou protéger les populations les plus vulnérables de leurs effets se traduit par une recrudescence de la faim aujourd’hui. L’Afrique de l’Ouest continue à être victime d’une insécurité alimentaire et une malnutrition croissantes dans plusieurs pays où le pourcentage de personnes sous-alimentées demeure le plus élevé, avec 30 pour cent en 2010. Quand les populations sont obligées de consacrer 80 % de leurs revenus à l’alimentation, au lieu de seulement 20 % comme dans les riches pays industrialisés, les hausses de prix des céréales, du pain et d’autres aliments de base représentent une menace existentielle.

Antonio Torrenzano. Quel est l’impact de la malnutrition dans votre Pays ?

Rasmata Kabre. La pauvreté dans mon Pays fait vivre presque 44% de la population dans une situation de misère et les femmes sont les premières victimes. Les femmes – j’ajouterais – sont des victimes silencieuses. La situation de la pauvreté extrême au Burkina Faso, c’est une blessure ouverte. Une souffrance immense. La malnutrition et les maladies qui en découlent représentent encore la principale cause de mortalité dans mon Pays. Notre association suggère depuis longtemps aussi que, si les femmes tiraient profit des moyens nécessaires pour être plus productifs dans le secteur alimentaire, on pourrait enregistrer une augmentation de rendement allant jusqu’à 30%. Lorsqu’on dialogue du système alimentaire, la question de l’égalité se pose à chaque instant. Si la dynamique des forces du marché a généré une situation dans laquelle 15% des habitants de la planète souffrent de la faim, c’est que l’on s’est trompé quelque part. L’économie devrait être au service des individus et non l’inverse.

Antonio Torrenzano. Depuis le 2006, vous avez créé à Ouagadougou une ONG pour aider les femmes avec graves problèmes économico-sociaux.

Rasmata Kabre. Les femmes de mon Pays souffrent de manière disproportionnée cette condition. L’association a pris en main la défense de toutes les femmes exclues du tissu social et économique de mon Pays. Toutefois, nous nous battons pour la réalisation de tous les objectifs du Millénaire convenus au plan international, mais aussi pour l’égalité des genres retenue vitale pour la lutte contre la pauvreté extrême de toutes les femmes au Burkina Faso.

 Antonio Torrenzano

 – Bibliographie électronique.

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) offre désormais un accès libre et gratuit à FAOSTAT, ses archives centrales de statistiques qui constituent la plus vaste base de données mondiale sur l’alimentation, l’agriculture et la faim. FAOSTAT, accessible en anglais, en espagnol et en français, permet aux utilisateurs de sélectionner et d’organiser les informations statistiques en tableaux et diagrammes en fonction de leurs exigences, et de les télécharger en format Excel. Les archives remontent à 1961. Source : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=22386&Cr=agriculture&Cr1

 – Un remerciement particulier au photoreporter Riccardo Gallini de la Fondation Pio Manzù (http://www.piomanzu.org) pour l’image de Rasmata Kabre.

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Conversation avec Jean Ziegler, sociologue, essayiste, professeur à l’université de la Sorbonne à Paris, ancien rapporteur spécial auprès de l’ONU sur la question du droit à l’alimentation dans le monde de 2000 à 2008. Il est à présent membre du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Il a été professeur de sociologie à l’université de Genève jusqu’au 2002 et il a été le premier dirigeant de la communauté d’Emmaüs genevoise après avoir rencontré l’Abbé Pierre à Paris en 1952. Il est Chevalier des arts et des lettres de la République française, Médaille d’or du Président de la République italienne. Docteur honoris causa de l’université de Mons, de l’université Paris VIII et de l’université de Savoie. Jean Ziegler est auteur de nombreux ouvrages traduits dans plusieurs langues étrangères dans lesquels il analyse notamment les questions liées à la faim et à l’agriculture mondiale. Nous rappelons : « Les Seigneurs du crime : les nouvelles mafias contre la démocratie », Paris, éditions du Seuil, 1998; «La Faim dans le monde expliqué à mon fils », Paris, toujours aux éditions du Seuil, 1999 (réédité en 2011); « Les Nouveaux Maîtres du monde et ceux qui leur résistent », Paris, éditions Fayard, 2002; «Le Droit à l’alimentation », Paris, éditions Fayard, 2003;« L’Empire de la honte », Paris, éditions Fayard, 2005; « La Haine de l’Occident », Paris, Albin Michel, 2008 (Prix littéraire des droits de l’homme); «Destruction massive. Géopolitique de la faim », Paris, Le Seuil, 2011. Le dialogue a eu lieu à plusieurs reprises dans la ville de Rimini en Italie près de la Fondation Pio Manzù et dans la ville de Genève.

Antonio Torrenzano. Le diagnostic de la situation alimentaire mondiale est très préoccupant : la FAO estime que deux milliards d’individus souffrent de la faim ou de carences alimentaires sévères. La cause réside-t-elle dans le manque de nourriture ?

Jean Ziegler. Le rapport annuel de la FAO estime que l’agriculture mondiale pourrait aujourd’hui nourrir normalement 12 milliards d’humains, presque le double de l’humanité. Mais chaque jour sur la planète presque 100.000 individus meurent de faim ou par ses conséquences immédiates. Tous les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim, tous les quatre minutes quelqu’un perd la vue pour carence de vitamine A. Un enfant qui meurt de faim est assassiné; il n’est pas la victime d’une loi de la nature. Le même rapport nous souligne qu’aujourd’hui l’humanité pourrait s’alimenter sans problème et garantir à chaque individu une quantité de nourriture équivalente de 2700 calories par jour pour douze milliards d’êtres humains. Mais la situation est différente : il n’y a aucune fatalité. Je suis en train de prendre seulement la faim en examen, mais je pourrais aussi analyser la grave situation des 2,2 milliards d’individus qui n’accèdent pas à l’eau ou des indicateurs de l’Organisation mondiale de la santé sur les grandes épidémies: du paludisme au choléra, sans parler du sida. Je trouve que la situation contemporaine est un gigantesque insuccès.

Antonio Torrenzano. Le défi posé à toute l’humanité par ce scandale d’aujourd’hui est-il alors d’ordre économique et financier ?

Jean Ziegler. La finance depuis longtemps continue de spéculer sur les marchés alimentaires. Les prix des trois aliments de base : maïs, blé et riz qui couvrent 75% de la consommation mondiale, ils ont littéralement explosé. La hausse des prix est en train d’étrangler les 1,7 milliards d’individus extrêmement pauvres vivant dans les bidonvilles de la planète. Individus qui doivent s’assurer leur minimum vital avec moins de 1,25 dollar par jour. La finance internationale gouverne désormais le marché agricole mondial et elle devient jour après jour avide. Marché agricole mondial dominé par une dizaine de sociétés transcontinentales extrêmement puissantes, qui décident chaque jour le prix des aliments de base. La multinationale Cargill par exemple a géré l’an dernier 26,8% de tout le blé commercialisé dans le monde. En revanche, la multinationale Louis Dreyfus gère 31% de tout le commerce du riz. Ces firmes dirigent les prix et les volumes des aliments de base à négocier. La situation est la même pour les autres, c’est-à-dire Monsanto et Syngenta qui dominent le marché mondial et donc la productivité des paysans. Les dix firmes dominent 85% des biens alimentaires commercialisés dans le monde. Sociétés extrêmement puissantes qui par leurs diktats peuvent mettre à genoux aussi les politiques des États nationaux.

Antonio Torrenzano. Une privatisation du monde où le pouvoir territorial de l’État-nation est presque mort par une mondialisation économique. On pourrait discuter longtemps des bienfaits et des méfaits de cette mondialisation, mais je crois que c’est la misère qui domine.

Jean Ziegler. L’Occident mène une politique suicidaire et il reste sourd et aveugle aux revendications du sud de la planète. La faim dans cette région du monde augmente d’une façon vertigineuse en faisant devenir ces Pays encore plus vulnérables et dépendants. Les racines de la faim sont structurelles, économiques, financières. La terre a suffisamment de ressources pour nourrir 12 milliards d’êtres humains. La faim reste la cause de mortalité la plus importante dans le monde. C’est une mort lente des plus atroces et ce scandale est dû à l’homme.

Antonio Torrenzano

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Le diagnostic de la situation alimentaire mondiale est très préoccupant : la FAO estime que deux milliards d’individus souffrent de la faim ou de carences alimentaires sévères. Cette situation est aggravée par l’augmentation des prix des denrées alimentaires et par de nouvelles contraintes posées aux systèmes agraires : changements climatiques, spéculation financière, concurrence avec les biocarburants. La cause réside-t-elle dans le manque de nourriture ? Absolument non. La planète pourrait fournir à chacun sa ration alimentaire. Il est généralement admis que les ressources de la planète globalement considérées peuvent nourrir tous ses habitants; en effet, les aliments disponibles par habitant au plan mondial se sont accrus de 18% environ au cours des dernières années. Le défi posé à toute l’humanité par ce scandale d’aujourd’hui, il est alors d’ordre économique et technique, mais plus encore d’ordre éthico et politique. C’est une affaire de solidarité vécue et de développement authentique autant que de progrès matériel.

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Au dernier sommet du G20 à Los Cabos, lors de la réunion internationale, les pays membres se sont engagés à renforcer leurs efforts pour combattre la famine dans le monde. Plusieurs ONG avaient rappelé les dirigeants du G20 à profiter du sommet pour s’intéresser aux crises oubliées qui frappent les populations les plus pauvres dans le monde et pas seulement aux problèmes de l’occident. Dans une manière particulière, les ONG soulignaient la nécessité urgente d’encourager une croissance qui pouvait inclure tout le monde en portant à l’attention du sommet les effets pervers de l’insécurité alimentaire, de la faim et de toutes les crises qui ne sont presque jamais discutées au G20, mais qui sont au coeur de la vie de milliards des individus.

Pourquoi la faim et la pauvreté restent-elles encore un scandale dans certains pays du Nord et du Sud de la planète et dont on parle trop peu ? Pourquoi la famine frappe-t-elle encore nombreuses régions ou parfois des nations entières ? Le dernier rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation (FAO) montre que 925 millions de personnes souffrent de faim ou de malnutrition et un enfant en meurt toutes les cinq minutes. Le rapport FAO souligne encore qu’en dépit des progrès technologiques et de la croissance dans ces dernières années, il y a aujourd’hui en valeur absolue autant d’affamés dans notre planète qu’il y a quinze ans.

Chaque année, la faim tue plus de personnes que le sida, le paludisme et la tuberculose tout réunis ensemble. Un tiers des décès chez les enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement est lié à la malnutrition. Les mille premiers jours de vie pour un bébé qui nait dans les régions affamées, ils constituent une période critique pour lutter contre la malnutrition. Une bonne alimentation pendant cette période les protègerait contre les retards de croissance mentale et physique. La faim constitue donc le premier risque sanitaire dans le monde. Dans son dernier rapport, la FAO a aussi identifié une possible géographie de ce scandale oublié par la communauté internationale. Plus de la moitié de la population souffrant de la faim dans le monde vit dans la région Asie et Pacifique. Un peu plus d’un quart de la population touchée par ce problème vit en Afrique. Dans le continent africain par exemple, le nombre de personnes sous-alimentées se trouve pour un 25 % en Afrique Centrale et pour un 12% en Afrique de l’Est, mais aussi certains pays du Proche et Moyen-Orient. En Somalie par exemple, il est très facile de constater une étroite corrélation entre la carte des zones affamées et celle des régions du pays somalien frappé par la guerre civile.

Le paradoxe est qu’il ne s’agit pas d’une insuffisance globale de la quantité de nourriture produite, mais plutôt d’un problème d’instabilité politique dans certaines régions et de spéculation économique et financière. « La terre a suffisamment de ressources pour nourrir 12 milliards d’êtres humains – souligne l’ancien rapporteur ONU Jean Ziegler –, mais les enfants qui meurent sont les victimes de décisions commerciales meurtrières». Dans cette dernière décennie, la terre comme bien économique a été de plus en plus accaparée par des intérêts économiques à de simples fins spéculatives. Résultat : dans plusieurs régions du sud de la planète, les familles paysannes ont été les premières victimes. L’accaparement des meilleures terres arables par de grandes sociétés transcontinentales est un des nouveaux facteurs du scandale de la faim autant que le dumping agricole. En 2011, en Afrique par exemple, ils ont été achetés 41 millions d’hectares de terres par des capitaux étrangers. Des terres qui serviront surtout à cultiver des denrées destinées à l’exportation. Le dumping agricole, en revanche, consiste à larguer les surplus alimentaires des pays européens et américains sur les marchés du sud en mettant en jeu la souveraineté alimentaire des États les plus pauvres. On retrouve sur ces marchés des poulets, des fruits ou des légumes européens ou américains, de moitié moins cher que des produits locaux. Devant de tels bas prix, les agriculteurs locaux n’ont aucune chance de survivre.

Enfin, la spéculation boursière sur les denrées alimentaires. Depuis 2008, la spéculation boursière sur les denrées de base, comme le blé, le maïs et le riz, qui constituent 75 % de l’alimentation mondiale, a fait flamber le prix de ces aliments. Trente-six mois après, le prix du maïs a augmenté de 93% avec le pire résultat que des millions de personnes se sont retrouvées incapables de nourrir leur famille. « La spéculation sur les denrées – ajoute encore l’ancien rapporteur ONU Jean Ziegler – est une pratique effroyable. Il suffirait de peu pour mettre fin à la spéculation sur les aliments de base: il n’y a qu’à l’interdire». Mais le désastre reste persistant, le scandale invisible. Chaque nuit, une personne sur sept sur la Terre se couche ainsi le ventre vide… pour combien de temps encore ?

Antonio Torrenzano

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<iframe frameborder=”0″ width=”496″ height=”286″ src=”http://www.dailymotion.com/embed/video/xcaikw”></iframe><br /><a href=”http://www.dailymotion.com/video/xcaikw_alain-touraine-sortir-de-la-crise-l_news” target=”_blank”>Alain Touraine – Sortir de la crise. Les Ernest</a> <i>di <a href=”http://www.dailymotion.com/les_ernest” target=”_blank”>les_ernest</a></i>

Le monde est en train de vivre de profonds changements. Changements pas seulement financiers et économiques, mais aussi politiques, sociaux et institutionnels. Est-il urgent de réinventer un nouveau modèle de croissance ? Est-il urgent de mettre fin aux inégalités et à la pauvreté qui rongent le lien social? Est-il urgent de renouer un fort idéalisme pour redonner du sens à la vie ?

Le sociologue Alain Touraine, directeur d’études à l’EHESS, prix Prince des Asturies en 2010, nous donne ses réflexions et ses points de vue pendant le colloque tenu près de l’École Normale Supérieure.

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Pierre Rosanvallon, historien, écrivain, professeur au Collège de France. Ses recherches portent principalement sur l’histoire de la démocratie, sur le modèle politique français, sur le rôle de l’État et la question de la justice sociale dans la société contemporaine. Il occupe depuis 2001 la chaire d’histoire moderne et contemporaine au Collège de France et il est également directeur d’études près de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris.

Auteur de nombreux essais traduits dans plusieurs langues étrangères dont «La crise de l’État-providence »,Paris, édition Seuil, 1981; « Misère de l’économie », Seuil, 1983; « L’État en France de 1789 à nos jours »,Paris, Le Seuil, L’Univers historique, 1998; « Le Sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France», Paris, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 1992; « Le Nouvel Âge des inégalités» avec Jean-Paul Fitoussi, Paris, Le Seuil, 1996 ; «La nouvelle question sociale. Repenser l’État-providence », Paris, éditions du Seuil, 1995; « Le Peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France», Gallimard, Bibliothèque des histoires, 1998 ; « Pour une histoire conceptuelle du politique », Paris, éditions du Seuil, 2003; « La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance »,Paris, éditions du Seuil, 2006 ; « La Légitimité démocratique. Impartialité, réflexivité, proximité », Paris, éditions du Seuil, 2008 et « La Société des égaux » en 2011.

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Conversation avec Serge Latouche, économiste et philosophe, professeur émérite à l’Université Paris Sud, spécialiste de l’épistémologie des sciences sociales, défenseur de la décroissance soutenable. Il est l’auteur de nombreux ouvrages traduits en plusieurs langues étrangères dont «Le pari de la décroissance», Paris, éditions Fayard, 2007; «Survivre au développement», Paris,2004; «Décoloniser l’imaginaire», Paris, éditions Paragon, 2003; «La Déraison de la raison économique», Paris, éditions Albin Michel, 2001. Avec Antonio Torrenzano, «Immaginare il nuovo. Mutamenti sociali, globalizzazione, interdipendenza Nord-Sud», Turin, L’Harmattan, 2000 (essai en langue italienne). Avec Alain Caillé, Marc Humbert et Patrick Viveret, « De la convivialité. Dialogues sur la société conviviale à venir », Paris, éditions la découverte, 2011. Le dialogue a eu lieu à Reggio Émilia en plusieurs reprises dans l’année 2011.

Antonio Torrenzano. Nous sommes dans une période de crise planétaire et nous ne savons ce qui en sortira. Le processus de mondialisation a porté à l’hégémonie de l’économie, du profit et des échanges. On pourrait discuter longtemps des bienfaits et des méfaits de cette mondialisation, je crois que c’est la misère qui domine. Pourquoi l’économie libérale et la finance internationale ont-elles fait disparaitre l’action politique?

Serge Latouche.Le triomphe de la société de marché comme instance autonome a fait évanouir les velléités de pluralisme ainsi que la disparition du politique. Ce fondamentalisme économique, intégralement présent déjà chez Adam Smith, s’impose enfin sans rivaux parce qu’il correspond le mieux à l’esprit du temps. La mondialisation de l’économie, ainsi comme je la définis par le mot économicisationdu monde, émancipe totalement la mégamachine techno-économique. Autrement dit, celle-ci absorbe presque intégralement le politique. Cette situation entraîne à terme l’effondrement de la société civile auquel nous assistons. L’expertise remplace la citoyenneté, la technocratie se substitue silencieusement et insidieusement à la démocratie. Il n’y a plus d’enjeux, parce qu’il n’y a tout simplement plus de valeurs à débattre. Le triomphe du marché, n’est que le triomphe du « tout marché ». Il s’agit du dernier avatar d’une très longue histoire mondiale.Toutefois, la mondialisation de l’économie ne se réalise pleinement qu’avec l’achèvement de sa réciproque l’économicisation du monde, c’est-à-dire la transformation de tous les aspects de la vie en questions économiques, sinon en marchandises. Le politique, en particulier, se trouve totalement absorbé dans l’économique.

Antonio Torrenzano. Toutefois ce décalage entre une mondialisation réductrice, financière et spéculative et une véritable mondialité politique est-il un des problèmes du changement d’époque ?

Serge Latouche. La crise du politique se traduit par l’effondrement du social et donc, à terme de la société elle-même. Les responsables politiques, eux-mêmes, fonctionnent comme des rouages du mécanisme. Ils se font les exécutants de contraintes qui les dépassent. Les hommes politiques deviennent à leur insu des marionnettes dont les ficelles sont tirées par d’autres. La médiatisation de la politique accentue le phénomène de façon caricaturale. Mais, dans ces sociétés contemporaines, nous sommes tous des rouages d’une immense machine qui définit notre espace dans la société. Niveau de revenu, mode de consommation, travail ou chômage, ces aspects économiques de la vie ont pris un rang dominant et parfois exclusif. Le citoyen se définit avant tout par sa situation, son revenu, sa dépense. La vie est ainsi réduite à ces aspects économiques qu’il est inévitable que chacun de nous soit obsédé par les problèmes économiques.

Antonio Torrenzano. Patrick Viveret affirme que la crise n’est que la manifestation de trois grandes vagues de mutation nées après la chute du mur de Berlin. La première vague de mutation pourrait être caractérisée par l’insoutenable de ce qu’on pourrait appeler le modèle « dérégulation, competition à outrance, délocalisation ». Cette première vague est à l’origine de la crise. Elle est aussi à l’origine de l’augmentation des inégalités sociales et de la suivante statistique quasi obscène : trois personnes au monde peuvent avoir les revenus des 48 pays les plus pauvres, la fortune de 225 personnes équivaut à la somme des revenus individuels dérisoires de 2,5 milliards d’êtres humains. La deuxième vague : l’idée que le progrès économique pouvait entrainer du progrès social. Mais, cette idée a été un échec. Cette deuxième vague nous amène à la troisième, plus importante encore, c’est-à-dire la sortie d’un âge vers un changement d’époque.

Serge Latouche. Pour la pensée libérale, la société ouverte a été l’apothéose du marché. Les promesses de l’économie pour un monde de paix et de prospérité pour tous et pour chacun semblent plus lointaines que jamais. Plus l’imaginaire de la grande société du marché mondial devient planétaire, plus la discorde, la misère et l’exclusion semblent gagner du terrain. Les dysfonctionnements de toute nature du système mondial : chômage, exclusion, misère matérielle et plus encore morale, désastres écologiques, sont et seront de plus en plus insupportables. En attendant la grande implosion désormais prévisible, il s’agit de substituer à cet hybris l’affirmation d’une commune humanité comme cœur d’un nouveau projet politique; ce que j’appelle une société d’abondance frugale ou de la sobriété choisie.

Antonio Torrenzano

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Conversation avec Shirin Ebadi, avocate iranienne, écrivaine, prix Nobel pour la paix en 2003. Shirin Ebadi a été la première Iranienne à recevoir ce prix. En 1974, elle fut la première femme à devenir juge en Iran et elle a enseigné droit à l’université de Téhéran en particulier pour la défense des droits des enfants et des femmes, mais elle est aussi connue pour prendre la défense des dissidents. Pour son action politique, elle a obtenu le prix Rafto en 2001 avant d’obtenir en 2003 le prix Nobel pour la paix. Trois ans plus tard, au mois de novembre 2006, elle a reçu du président français Jacques Chirac la Légion d’honneur. En mars 2010, la Mairie de Paris l’a faite citoyenne d’honneur de la Ville. Elle est aussi membre de la fondation PeaceJam. Autrice de nombreux essais, traduits dans plusieurs langues étrangères, dont « Iranienne et libre : mon combat pour la justice », avec Azadeh Moaveni, traduction de Laure Manceau, Paris, édition La Dècouverte, 2006; « La cage dorée », traduction de Joseph Antoine, Paris, édition l’Archipel, 20010. Le dialogue a eu lieu à dans la ville de Mantoue et dans la ville de Rimini, près de la fondation Pio Manzù.

Antonio Torrenzano. La première question que j’aimerais vous poser est-elle sur quel concept de justice dans le XXI siècle ?

Shirin Ebadi. L’idée de justice est un des piliers de droits fondamentaux de l’Humanité. Chaque individu devrait vivre dans un monde sans violence et sans injustice. Chaque individu devrait avoir ses droits garantis partout. Les autres deux piliers pour toute l’Humanité devraient être le droit à la paix et le droit à la démocratie. Sans justice, il n’y aura jamais de la paix durable et sans paix il n’y aura jamais de la vraie démocratie. Si toute société ne se basait pas sur les valeurs démocratiques, il existerait toujours le danger de l’effondrement et de la désintégration d’une communauté. La mondialisation économique, sans le vouloir, a tressé la destinée de chaque individu à ceux des autres. Nous ne pouvons plus penser que le monde soit juste pour quelqu’un et pas pour les autres. Les efforts d’aujourd’hui sont de rendre ce monde juste pour tous. Nombreux d’individus à présent ils n’exercent pas encore leurs droits fondamentaux.

Antonio Torrenzano. Sommes-nous dans une période où l’impotence de la politique a laissé de l’espace au libre arbitre de l’économie et de la finance internationale ? La communauté internationale a-t-elle compris ceux nouveaux enjeux ?

Shirin Ebadi. Toutes les civilisations sont sujettes à des évolutions. Plus chaque civilisation se dépasse, plus l’idée de justice se développe. Tous les individus dans cette période historique posent de nouvelles questions et ils veulent de nouvelles tutelles. Les nombreux événements au Proche-Orient, mais aussi dans l’Occident avec les protestations des nouvelles générations, ils soulignent à toute la communauté internationale une question fondamentale : une révolution morale est nécessaire. La pauvreté emprisonne encore en esclavage presque 800 millions d’individus dans le sud de la planète dont 400 millions sont des enfants. Nous sommes dans une situation critique et je trouve qu’effacer la pauvreté pourrait avoir d’impacts favorables pour tout le monde. Beaucoup d’individus ont perdu leur dignité et leurs Droits humains : je pense aux réfugiés, aux femmes, aux enfants, aux chômeurs dans les pays développés. Nous avons mis l’argent au-dessus de l’être humain, alors que nous devrions le remettre à notre service.

Antonio Torrenzano. Le capitalisme est omnivore, il capte le profit là où il est le plus important à un moment donné; il ne se contente pas de petits profits marginaux. Le capitalisme, depuis sa naissance dans la seconde moitié du XVIe siècle, s’est toujours nourri du différentiel de richesse entre un centre (où convergent les profits) et des périphéries de plus en plus appauvries.Quel monde voulons-nous construire ?

Shirin Ebadi. Dans plusieurs Pays de la planète, la pauvreté absolue est en train de modifier l’avenir de nombreux garçons et de nombreuses jeunes filles. La pauvreté tue et efface les rêves de millions d’individus depuis longtemps. Une pauvreté relative est en train de dévorer aussi l’occident après l’éclatement de cette longue crise économique. Mais, la pauvreté n’a pas été créée par les pauvres, mais par le système. Comme chaque être humain, chaque pauvre naît avec un potentiel énorme d’idées et de talent. Les nombreuses révoltes naissent de cette situation. Toutes ces revendications ne sont pas utopiques ni irréelles.Ces individus veulent simplement avoir un travail, un logement, une éducation, un droit à la santé et la liberté afin de projeter un possible avenir.

Antonio Torrenzano