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La réunion internationale du G20 de Toronto de samedi et dimanche 26 et 27 juin, elle devra aborder principalement deux priorités : le maintien d’une action concertée par rapport à la crise mondiale et la réforme du système financier international. À présent, le seul corollaire dont tous les acteurs internationaux se sont déclaré d’être d’accord est qu’une meilleure coordination des politiques nationales et une plus grande cohérence à l’échelle internationale sont nécessaires. Cette coordination est nécessaire pas seulement pour intervenir en temps de crise, mais aussi pour assurer la croissance mondiale et la stabilité financière en général. Le monde a besoin d’une finance régulée qui remplit de façon efficace les fonctions clés de l’activité financière. La régulation de la finance est donc, une question technique, mais aussi stratégique et politique. Les États du G20 réunis à Pittsburgh les 24 et 25 septembre 2009 n’ont que partiellement clarifié les principes de régulation de la finance internationale. La réunion internationale de Pittsburgh a produit nombreuses recommandations et décisions, mais de nombreux sujets n’ont pas été abordés.

Les sujets non abordés à Pittsburgh sont par exemple : la question sur les déséquilibres des balances courantes entre pays, au-delà d’une mission d’évaluation confiée au Fond monétaire international; la question sur la modification des règles commerciales pour y intégrer les écarts de droits sociaux et environnementaux entre les pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC); la question sur les paradis réglementaires, au-delà des paradis fiscaux; l’engagement très faible sur les normes comptables, sur les normes prudentielles contracycliques à présent inexistantes, ou sur la titrisation. Le sommet de Pittsburgh n’a pas traité tout à fait la question sur la gestion planétaire des ressources naturelles. Le sommet américain a traité de façon incomplète la réforme des institutions multilatérales et de leur mandat et dans une manière fragmentaire le dossier sur les agences de notation qui devra être mieux contrôlées par une inscription auprès des régulateurs de chaque pays et l’adoption d’un code de conduite de l’Organisation internationale des commissions de valeur. Si des progrès ont été réalisés, la communauté internationale est encore loin d’un cadre complet de régulation économique et financière au plan mondial. Au-delà de ce consensus apparent et des discussions très intenses, le débat n’a encore rien produit à ces sujets. Le sommet G20 de Toronto pourra-t-il donner une accélération à ces réformes ?

Mais, la rencontre canadienne s’ouvrira à la fin de la semaine avec de nouvelles inquiétudes : la crise de la dette publique en Europe, la chute de la monnaie unique, les incertitudes sur le moteur économique américain, les discussions sur la croissance et la relance de l’économie mondiale, la possibilité de convaincre la Chine de contribuer à la sortie de crise par la réévaluation de sa monnaie. Sur ce dernier point, la Chine a déjà annoncé l’abandon du lien fixe du yuan avec le dollar en ouvrant la voie à une appréciation limitée de sa monnaie. Les doutes restent, au contraire, nombreux sur la question des plans de relance. La vision américaine est totalement keynésienne, c’est-à-dire maintenir avant que la reprise mondiale ne soit établie, toutes les mesures nationales adoptées depuis le début de la crise en 2008. Cette vision a été ultérieurement clarifiée par la dernière lettre que le président Barack Obama a adressée aux membres du G20, mais dans une manière particulière à l’Europe. Les États-Unis s’inquiètent de l’effet que pourraient avoir les mesures européennes d’austérité sur la croissance. Mesures prises par les 27 États membres de l’UE au mois de juin. Aussi sur ce point donc, l’opposition entre l’Europe et les États-Unis n’a jamais été aussi grande. Sur cette question, la réunion de Toronto pourra-t-elle remédier ? Par quels moyens ? Ceux déjà adoptés ou des nouveaux ? Malgré une augmentation de la croissance depuis le début de l’année, la reprise mondiale a donné jusqu’aujourd’hui des signes inquiétants de fragilité. La communauté internationale se trouve à présent dans un carrefour névralgique pour la construction d’une nouvelle architecture de l’économie mondiale. Le sommet de Toronto pourra-t-il produire des avancées réelles ? Le consensus théorique montré par la communauté internationale dans les « G » de Washington à Pittsburgh deviendra-t-il pratique ?

Antonio Torrenzano

 

 

 

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Depuis le début de la crise financière mondiale au mois de septembre 2008 par la faillite de la banque Leheman Brothers, le G-20 a été perçu comme le forum le plus efficace pour diriger les efforts mondiaux visant à contenir la crise et à atténuer ses répercussions. Les dirigeants du G-20 se sont réunis avant de Toronto à trois occasions pour stabiliser le système financier, pour coordonner les lignes d’action économiques nationales afin de guider l’économie mondiale vers la reprise, et pour assurer que les institutions financières internationales reposent sur des bases consistantes et qu’elles possèdent les ressources nécessaires. Les causes de cette crise financière sont désormais assez bien identifiées et peuvent se résumer aux excès de l’endettement, à la dilution des risques, à la complexité des produits financiers et à l’insuffisance de la régulation. Mais, cette chronologie pour avoir une vision encore plus mondiale devrait-elle inclure aussi les aspects énergétiques, alimentaires, environnementaux et les répercussions produites dans le pays sous-développé. Les instruments utilisés pour résorber la crise ont été multiples : nationalisations temporaires, injection de liquidités, garanties de la puissance publique et protection renforcée des déposants. Mais jusqu’à aujourd’hui, la partie n’est pas encore gagnée !

Le premier Sommet des dirigeants du G-20 s’est tenu à Washington, les 14 et 15 novembre 2008. Le Sommet du G-20 sur les marchés financiers et l’économie mondiale a donné naissance au Plan d’action du G-20 qui présente des mesures visant à stabiliser l’économie mondiale et à prévenir d’autres crises ultérieures. Les dirigeants du G-20 ont souligné l’importance cruciale de rejeter le protectionnisme et ont présenté des plans de relance coordonnés. Dans leur ensemble, ces mesures ont constitué la plus importante initiative de stimulation budgétaire et monétaire et le plus vaste déroulement prévu de soutien du secteur financier des Temps modernes.

Les dirigeants se sont réunis une deuxième fois à Londres, les 1er et 2 avril 2009. Dans le cadre du Sommet de Londres, les dirigeants ont poursuivi le travail qu’ils avaient commencé à Washington et ont annoncé une contribution sans précédent de 1,1 billion de dollars américains afin de rétablir le crédit, la croissance et les emplois dans l’économie mondiale. Cet engagement comprenait un apport de 750 milliards de dollars pour le Fonds monétaire international, de 100 milliards de dollars en prêts supplémentaires pour les banques multilatérales de développement, ainsi que de 250 milliards de dollars pour appuyer le financement du commerce. Seulement après les sommets de Washington et Londres, la communauté internationale a enfin décidé dans un monde globalisé des logiques de coordination sur divers plans : au plan monétaire par l’action concertée des banques centrales sur les taux d’intérêt et l’injection de liquidités; au plan politique par des plans concertés et des initiatives lancées en vue de renouveler les règles du système financier international. La régulation de la finance est donc une question technique, mais aussi, et surtout, stratégique et politique. Cette coordination à la fois réelle et fragile reste encore insuffisante dans deux domaines : pour ce qui concerne les normes prudentielles et pour ce qui concerne les normes comptables.

Pour donner suite aux mesures adoptées à Londres, les dirigeants du G-20 se sont réunis une troisième fois, à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre 2009. Le Sommet de Pittsburgh a permis seulement de désigner le G-20 à titre de principale enceinte pour la coopération économique internationale, conférant ainsi au Groupe le mandat de poursuivre son travail après la présente crise économique. Mais à Pittsburgh, ce qui n’était pas encore connu ils étaient : les conséquences tangibles sur l’économie réelle comme la baisse de la croissance et augmentation du chômage; l’impact sur les finances publiques et les répercussions sur le niveau d’endettement des États; la durée et l’ampleur de la crise. Sur la durée et l’ampleur de la crise, la question était la suivante : la récession se déroulera-t-elle uniquement en 2009 ou pourra-t-elle se prolonger en 2010 ? À Pittsburgh, les dirigeants ont convenu enfin de se rencontrer de nouveau au Canada et en Corée en 2010. Les principales déclarations du G20 de Pittsburgh peuvent s’analyser en recommandations, décisions et sujets non abordés. Pour ce qui concerne les décisions, le G20 devient l’instance de régulation économique et financière alors que le G8 ne traitera plus que des questions politiques et militaires. La réforme des quotes-parts du FMI (transfert de 5% des droits de vote) se fera au bénéfice de la Chine, de la Turquie et de la Corée. La charte du Conseil de stabilité financière a été adoptée par la réunion de Pittsburgh et le CSF devient l’instance clé de la régulation financière internationale.

Mais, entre la fin de l’année 2009 et le milieu de l’année 2010, la crise de la finance privée se convertit en gonflement de la dette publique et en crise sociale. La crise grecque de mai 2010 est plus grave que celle de 2008 parce qu’elle concerne d’abord la solvabilité des États et non pas uniquement celle des banques ou l’endettement privé. La nouvelle question qui se pose à la communauté internationale est donc : un État très endetté peut-il créer de la croissance et de l’emploi et ne pas ruiner les politiques sociales déjà fragiles ? Le sommet canadien du G20 devra non seulement donner suite aux engagements pris lors des réunions précédentes, mais répondre à ces nouvelles incertitudes.

Antonio Torrenzano

 

* Un remerciement particulier au photoreporter John Vetterli pour l’image de la ville de Toronto.

 

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Le Canada accueillera le quatrième Sommet des dirigeants du G-20, les 26 et 27 juin à Toronto. En 2008, au début de la crise financière née au cours de l’été 2007, les dirigeants du G-20 se sont réunis pour la première fois à Washington afin d’apporter une réponse coordonnée à la crise économique mondiale. Le Sommet de Washington a été suivi du Sommet de Londres (avril 2009), puis de celui de Pittsburgh (septembre 2009), dans le cadre duquel les dirigeants ont désigné les réunions économiques du G-20 comme le principal forum pour la coopération économique internationale.

Au cours de ces trois sommets, les dirigeants ont cherché à développer une réponse internationale coordonnée à la crise. Ils ont mis en œuvre un plan de relance afin de rétablir la confiance et se sont entendus sur les mesures à prendre pour resserrer la réglementation financière. Les dirigeants se sont aussi engagés à réformer les institutions financières internationales et ils ont convenu de faire la promotion des échanges commerciaux et de résister au protectionnisme.

Ce nouveau Sommet du G-20 à Toronto devra permettre aux dirigeants de donner suite à leurs engagements antérieurs et de poursuivre leurs efforts en vue de bâtir une économie mondiale plus sûre et moins instable. La réunion internationale à Toronto sera axée encore sur la crise économique mondiale qui depuis deux ans et demi n’est pas finie ainsi que sur la mise en œuvre des engagements pris lors des précédents sommets du G-20 tout en jetant les bases pour une croissance équilibrée.

Antonio Torrenzano

 

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L’histoire économique de ces trois ans, de la faillite de Lehman Brothers à la crise de l’euro, a vu une répétition des chocs économiques qui continuent à bouleverser la communauté internationale. Comment en est-on arrivé là ? La crise cessera-t-elle? Voilà, alors, une petite chronologie des événements sur ces temps de restrictions. Commençons.

Première phase. Cette première crise financière du XXI siècle, affirme Jacques Attalì, s’explique très largement par l’incapacité de la société américaine à fournir des salaires décents aux classes moyennes; elle les pousse alors à s’endetter pour financer l’achat de leur logement, entraînant une croissance de la valeur des patrimoines et de la production. Les subprimes, ces crédits immobiliers produits aux États-Unis entre 2003 et 2007, ont été en effet le déclencheur de la crise. De quoi s’agit-il ? Ce produit financier consiste à vendre à un emprunteur financièrement illettré un crédit dont les échéances augmentent très vite au fil du temps. Ses revenus lui permettent de payer les premières, mais pas les suivantes. Encore, les producteurs de ces crédits ne les gardaient pas dans leur bilan et les faisaient aussitôt transformer par les banques d’affaires de Wall Street en produits financiers vendus aux investisseurs institutionnels du monde entier comme produits d’investissement avec une bonne notation, un bon rendement. Les subprimes titrisés étaient ainsi en apparence très séduisants. Cette technique, apparue aux États-Unis dans la décennie 1980, a été appliquée d’abord aux crédits hypothécaires classiques, puis aux flux générés par les cartes de crédit, puis pratiquement à tous les types de délai de paiement. Cette technique crée aux États-Unis, elle s’est développée sans freins, sans de limites, sans de vérifications dans le monde entier. Première sonnette d’alarme ? À fin de l’année 2006 et début de l’an 2007 par les premiers bruits et l’augmentation de taux de défaut des subprimes produits et titrisés parmi l’année 2003 et l’année 2006. Ce premier signal est suivi au mois d’août 2007 par un inconvénient généralisé du marché interbancaire. Inconvénient intervenu dans tous les pays d’Europe au même moment et peu remarqué par l’opinion publique en vacances estivales. C’était le premier indice d’une grave crise de confiance. Dans la même année, mais dans cette occasion en automne, les marchés de tous les crédits titrisés subissent une nouvelle augmentation de défaut et un premier sinistre de taille limitée se produit en Grande-Bretagne près de la banque Nothern Rock. Banque commerciale que le gouvernement britannique sauva par une nationalisation immédiate.

Deuxième étape. Au début de l’année 2008, sous l’effet de la récession des économies, les risques de crédit montent fortement provoquant l’écroulement de tous les produits financiers à base de crédits titrisés. La communauté économique internationale découvre aussi les premières faillites des principaux opérateurs de ce marché. Des banques commerciales comme Bear Stern, Merrill Lynch, elles sont sauvées par d’autres banques plus robustes. Les principaux assureurs spécialisés dans ce secteur doivent être recapitalisés par leurs actionnaires. La société d’assurance AIG, qui avait été très active dans ce secteur, elle est sauvée par une aide monétaire du gouvernement américain. Mais, c’est la faillite de Lehman Brothers qui jette le monde dans la panique. À partir de ce moment, la crise des subprimes dégénère en crise bancaire. La panique gagne, les banques cessent d’accorder du crédit, l’économie est au bord de l’asphyxie. Le système avait perdu presque toutes les boussoles qui avaient gouverné le monde d’avant-hier. La belle époque bancaire des années 2000/2007 était terminée. L’économiste et philosophe Frédéric Lordon sur cette absurde situation affirmera : «La finance de marché a eu la propriété à faire voir dans une longue période les résultats catastrophiques d’une situation où tous les agents sont simultanément laissés libres de poursuivre frénétiquement leurs intérêts… Et si même des catastrophes de cette magnitude ne parviennent pas à dessiller l’escouade des experts, on se demande quel degré de convulsion il faudra atteindre pour obtenir d’eux le premier doute ». La communauté internationale s’interroge vers où aller. Quelle nouvelle direction prendre par quel genre de boussole ?

Troisième phase. Les États occidentaux s’endettent hors de proportion pour sauver leurs banques et relancer l’économie. Les finances publiques jouent dans ce contexte un rôle de pompier pour éteindre l’incendie. Entre la fin de l’année 2008 et le milieu de l’année 2009, la crise de la finance privée se convertit en gonflement de la dette publique et en crise sociale. Dans les pays occidentaux, le chômage grimpe très vite avec un taux à deux chiffres, mais les Bourses stimulées par le nouvel afflux d’argent public et par des taux d’intérêt quasi nuls reprennent leurs affaires quotidiennes.

Quatrième étape. L’attaque spéculative sur la dette souveraine des pays de l’Europe est à présent la dernière phase de cette chronologie. L’attaque, il a commencé par la révélation du maquillage du déficit public grec effectué avec l’aide de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs. Le 3 mai 2010, les ministres des Finances de la zone euro adoptent un plan d’aide à la Grèce de 110 milliards d’euros. La semaine suivante, dans la nuit du 9 au 10 mai, les mêmes adoptent un fond de 750 milliards d’euros en ayant comme objectif celui de protéger la monnaie unique contre de nouvelles attaques par la spéculation financière internationale et interdire un possible effet domino aux autres États de l’UE. « La crise, affirme Pierre Rimbert, elle a fait découvrir la fragilité d’une construction qui, depuis son origine, repose sur un pari : l’union douanière et monétaire entraînera l’union politique et populaire ».

Antonio Torrenzano

 

 

* Bibliographie électronique.

– Benoit Coeuré (sous la direction de), « Le monde a-t-il encore besoin de la finance ? », les cahiers du Cercle des économistes, Paris, éditions PUF, 2010.

– Bertrand Jacquillat (sous la direction de), « 1929-2009 : Récession (s) ? Rupture (s) ? Dépression (s) ? », les cahiers du Cercle des économistes, Paris, éditions PUF, 2009. Le Cercle des économistes réunit trente économistes qui ont le souci d’associer réflexion théorique et pratique de l’action.

– Jacques Attalì, « Survivre aux crises », Paris, éditions Fayard, 2010.

– Jacques Attalì, « La crise et après ? », Paris, éditions Fayard, 2009.

– Roger-Pol Droit et François Henrot, « Le Banquier et le Philosophe », Paris, éditions Plon, 2010.

 

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Conversation avec Amartya Sen, économiste, prix Nobel pour l’économie en 1998 pour ses travaux sur la famine, sur la théorie du développement humain, sur l’économie du bien-être, sur les mécanismes fondamentaux de la pauvreté et sur le libéralisme politique, il est aujourd’hui professeur à l’université américaine d’Harvard. De 1998 au 2004, il a été professeur et directeur du Trinity college à l’université de Cambridge. Il est le président honoraire de l’ONG Oxfam. Parmi ses nombreuses contributions sur l’économie du développement, Amartya Sen a fait des études sur les inégalités entre les hommes et les femmes.Auteur de nombreux essais, de livres traduits en plus de trente langues, dont «L’économie est une science morale?», Paris, La Découverte, 2004; «Rationalité et liberté en économie», Paris,Odile Jacob, 2005; «La Démocratie des autres : pourquoi la liberté n’est pas une invention de l’Occident», Paris, Payot, 2005;«L’Inde. Histoire, culture et identité» et «Identité et violence», toujours aux éditions Odile Jacob, Paris, 2007. Le dialogue avec le prix Nobel, il a eu lieu à Rome pendant le Forum sur l’innovation de l’Administration publique italienne, au mois de mai 2010.

Antonio Torrenzano. Comment jugez-vous la spéculation financière contre la monnaie européenne ?

Amartya Sen. J’ai été toujours sceptique vers l’euro parce que la monnaie européenne est née sans une vraie intégration des politiques fiscales dans tous les Pays membres. Et maintenant, ces questions sont en train d’émerger. À l’Europe, je le souligne de nouveau, elle sert désormais une vraie intégration fiscale et politique. Je crois que les gouvernements UE ils sont en train d’adopter de mesures sévères,mais il ne faut pas penser seulement aux comptes, il faut aussi penser au bien-être des individus. Si les mesures sont trop restrictives, on empêche la croissance.

Antonio Torrenzano. Croyez-vous qu’il ne faut pas penser seulement au simple modèle économique des revenus ?

Amartya Sen. Nous avons besoin d’une nouvelle analyse différente de la situation contemporaine, d’un nouveau modèle économique. Il ne faut pas penser seulement aux comptes, mais aussi au bien-être des individus. Il faut comprendre qu’une réduction d’une dépense publique peut être plus ou moins nuisible pour la liberté humaine de chaque individu et pour sa dignité. Depuis le mois de septembre 2008, les gouvernements du monde occidental se sont occupés plus du sauvetage de banques que des nombreux individus sans travail. Inutile cacher la réalité : nous sommes en train de vivre dans une autre période difficile. On pourrait parler d’un nouveau tsunami de l’économie qui s’est abattu cette fois sur l’Europe. Tsunami qu’il était vraiment difficile de prévoir il y a six mois.

Antonio Torrenzano. Gestionnaires de « hedge funds », firmes de « private equity », promoteurs de fonds d’infrastructure, de nombreux professionnels de la finance ont connu depuis le début du XXI siècle, et jusqu’à la crise, un évident âge d’or. Comment définiriez-vous la spéculation financière ?

Amartya Sen. Des individus qui tâchent de faire de l’argent sans se préoccuper des effets sociaux que leurs actions produisent. Des hommes sans éthique qui gagnent de l’argent à grande vitesse parce que notre marché financier est encore sans de mesures sévères et restrictives. Ce marché sans règles lui offre l’occasion favorable. Les problèmes naissent pour tout le monde quand ils assument de risques extrêmes et dangereux pour toute la communauté humaine. Et quand cela arrive, le désastre est aussi de nature morale : il y a un manque de règles, c’est clair .

Antonio Torrenzano

 

 

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Conversation avec Jacques Attalì, ancien conseiller de François Mitterrand puis président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, il dirige actuellement PlaNet. Professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine, à l’École polytechnique et à l’École des ponts et chaussées. En 1970, âgé de 27 ans, il devient auditeur au Conseil d’État. En 1972, il publie ses deux premiers livres sur « l’analyse économique de la vie politique et modèle politique » pour lesquels il obtient un prix de l’Académie des sciences. Son étroite collaboration avec François Mitterrand commence en décembre 1973. En 1981, celui-ci, qui vient d’être élu président de la République, le nomme conseiller spécial à son arrivée au palais de l’Élysée, et l’installe dans l’ancien bureau des aides de camp qui jouxte le bureau présidentiel. Dès lors, Jacques Attali rédige, chaque soir, des notes à l’attention du président sur l’économie, la culture, la politique ou le dernier livre qu’il a lu ou parcouru. Le président lui confie également le rôle de « sherpa » (représentant personnel d’un chef d’État) pour les sommets du G7 du 1982. En 1990, lors du second septennat de François Mitterrand, Jacques Attali abandonne la politique et quitte l’Élysée. Il participe à la création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) à Londres et en devient le premier président. Il avait lancé l’idée de cette institution en 1989, peu avant la chute du mur de Berlin, pour soutenir la reconstruction des pays de l’Europe de l’Est. Apôtre de la constitution de l’établissement d’un gouvernement mondial, il a un discours tentant à démontrer comme incontournable le maintien de la démocratie par la constitution d’un nouvel ordre mondial. Il pense que l’économie régulée par une institution financière mondiale peut être une solution à la crise financière émergeant en 2008. Auteur de nombreux essais et romans dont «300 décisions pour changer la France», Paris, XO Éditions, 2008; « La crise, et après ? », Paris, Éditions Fayard, 2008 ; « Le sens des choses », Paris, Éditions Robert Laffont, 2009;« Survivre aux crises » et «Une brève histoire de l’avenir » aux Éditions Fayard en 2009. La conversation a eu lieu auprès de l’université de Padoue pendant un séminaire économique au mois d’avril 2010.Le séminaire a été organisé par la Fondation Cassa di Risparmio di Rovigo avec le titre :”Liberare la crescita per il futuro”.  

Antonio Torrenzano. Comment jugez-vous la spéculation financière contre la monnaie européenne ?

Jacques Attalì. L’Europe s’est rendu compte de la gravité de la situation et du danger financiers qui menace sa monnaie européenne. Jusqu’à quand nous n’aurons pas un ministre des finances européennes qu’il puisse contrôler les impôts ou jusqu’à quand la Banque centrale n’aura pas de ministres qu’ils puissent exercer une surveillance proportionnée, je suis convaincu que l’euro sera une monnaie fragile. Il n’est depuis deux ans que nous concluons rien. Nous avons organisé de sommets G-20 qu’ils ne sont pas servis. Nous avons annoncé de choses qu’elles n’ont pas été réalisées. La peur de prendre décisions nous nous paralyse. C’est pour ça que de problèmes explosent. En origine, il s’agissait d’une crise liée aux « subprimes américains », qu’elle serait due coûter environs 10 milliards de dollars. On n’est pas intervenu et la crise est devenue mondiale et elle est ainsi retombée sur la dette publique de chaque pays. Les banques internationales continuent à spéculer. Le système reste encore complètement dans les mains de la finance internationale. Rien n’est changé.

Antonio Torrenzano. Et à cet endettement des entreprises, il faut encore ajouter celui des États, qui n’est pas moindre. Les chiffres donnent le vertige: 9000 milliards d’euros de dette publique pour les Pays de la zone euro et la Grande-Bretagne, c’est-à-dire les quatre cinquièmes du produit national brut cumulé de ces Pays.

Jacques Attalì. En effet, l’endettement des États s’est littéralement envolé sous l’effet de la crise par la diminution de leurs recettes fiscales et les dépenses de stimulation qu’ils ont dû engager. Les dettes privées de banques se sont reversées sur la dette publique des États. Depuis la crise de la banque Lehman Brothers, la communauté internationale a choisi de reverser ces pertes financières de marché sur la dette publique des États et tout le monde a accepté ce corollaire. Nous avons encore accepté qu’à payer ils fussent des imposés de demain pour de dettes d’aujourd’hui contractées par autres. Ceux-ci ont été les principales fautes.

Antonio Torrenzano. Est-ce que l’Europe a perdu son ancien esprit de regarder à l’avenir ? L’Europe, il me semble aujourd’hui plus à un musée qu’à un laboratoire de nouvelles idées, parce qu’avec ses coûts de production trop élevés, sa gouvernance trop complexe et sa population stagnante, elle ne peut plus espérer d’être un pivot dans le XXI siècle. Si vous en doutez, il suffit de regarder ce qui s’est passé au Sommet de Copenhague. L’énergie déployée par les dirigeants européens n’a abouti à rien.

Jacques Attalì. Le continent européen ne fait pas assez d’innovation. Par exemple, il n’y a pas d’innovation dans le rapport entre l’université et les usines. Il n’y a pas d’innovation dans le système de l’éducation et jusqu’à aujourd’hui l’Europe ne prend pas de décisions pour développer sa croissance dans le domaine européen. Sur l’éducation, il y a un discours très général qu’on répète depuis 20 ans, 25 ans, de colloque en colloque, sur lequel les nouvelles technologies sont un facteur essentiel de développement de l’éducation. Bien sûr, il y a des ordinateurs dans beaucoup de classes, bien sûr il y a des cours par la télévision à travers le monde, bien sûr il y a beaucoup de progrès qui ont été faits dans simplement l’usage de nouvelles technologies dans l’éducation. Mais, en réalité ce n’est pas du tout du progrès technique en matière d’éducation, c’est de l’introduction des technologies extérieures pour communiquer des méthodes traditionnelles d’enseignement. Bien sûr, il y a de grands pédagogues, il y a de grandes recherches depuis Piaget et bien d’autres sur les méthodes d’enseignement, mais en réalité si on regarde bien le progrès en matière d’éducation, de technologie d’éducation sont nuls. À l’Europe, elle manque une nouvelle manière d’analyser son temps présent et les nouvelles situations qui arrivent. Sans une nouvelle manière de regarder l’avenir, pour l’Europe resteront des paroles vaines. La possible réponse pour réduire la dette est la croissance et dans l’attente qu’on revient à grandir, il faut éviter la catastrophe.

Antonio Torrenzano

 

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La crise de l’Euro vécue à travers de la crise grecque a suscité beaucoup de questions. Cette dernière crise financière a montré par exemple à quel point les économies des pays de l’Union Europénne sont étroitement liées et en particulier celles de la zone de la monnaie unique. L’Euro avait perdu 19% de sa valeur depuis décembre 2009 et tout cela avait commencé au moment où il était apparu évident le risque que la Grèce était dans l’incapacité d’honorer ses dettes.

Conformément au traité de Lisbonne (article 122.2), « lorsqu’un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l’Union à l’État membre concerné », le 3 mai 2010, les ministres des Finances de la zone euro ont adopté un plan d’aide à la Grèce de 110 milliards d’euros. La semaine suivante, dans la nuit du 9 au 10 mai, les mêmes ont adopté un fond de 750 milliards d’euros en ayant comme objectif celui de protéger la monnaie unique contre de nouvelles attaques par la spéculation financière internationale et interdire un possible effet domino aux autres États de l’UE.

Le chiffre de 750 milliards d’euros, c’est le montant total du dispositif adopté par les ministres des Finances de l’Union européenne pour faire face au risque de contagion de la crise grecque. Un mécanisme qui devrait aider les pays en difficulté à régler leur dette. Ce dispositif financier, communautaire et intergouvernemental en même temps, se compose par deux volets : A) la création d’un fonds communautaire de soutien pour la zone euro (60 milliards d’euros); B) l’octroi de prêts de la part des États membres les plus solides financièrement (440 milliards d’euros maximums). À ce fond européen de soutien de 500 milliards d’euros, ils pourront s’ajouter 250 milliards d’euros du Fond monétaire international, pour une somme globale de 750 milliards d’euros. En contrepartie pour le nouveau dispositif adopté , les dirigeants de la zone euro se sont engagés à réduire par des lignes d’action concrètes leurs déficits publics. Première question : ce dispositif déjà prévu pour trois ans ouvrira-t-il le chemin vers l’institutionnalisation d’un véritable fonds monétaire européen ?

Mais, la crise grecque a mis en lumière aussi certains dysfonctionnements de l’Union européenne par rapport non seulement à la gestion de sa monnaie unique. Par exemple, l’harmonisation d’une politique fiscale égale dans tous les 27 pays membres et une vraie politique économique commune. La décision de vérifier les budgets nationaux par la Commission européenne pourrait être un autre petit signe sur lequel réfléchir autant que la responsabilité de tous les acteurs économiques et sociaux pour dessiner des budgets nationaux plus économes, des systèmes sociaux et de retraites équilibrées. Mais, d’autant plus que toutes ces lignes d’action soient définitivement négociées autour d’une table européenne unique. Si l’Union européenne vérifiait les budgets de 27 pays membres, cela ne serait pas pour dire à un État membre de réduire son budget à un endroit et de l’augmenter à un autre, mais le but serait d’éviter qu’une nouvelle circonstance comme celle de la Grèce ne puisse plus se proposer. Sur ces grands objectifs communs, pourquoi est-il ainsi difficile de se mettre d’accord ?

La gravité de la situation ne doit pas être sous-estimée. La crise financière contemporaine commencée en 2007 par les subprimes américains, elle est devenue une crise de l’endettement public. Il culmine à 78,7% dans la zone Euro, c’est-à-dire qu’un petit européen qui nait aujourd’hui doit déjà 21,585 euros. Les chiffres donnent le vertige : 9000 milliards d’euros de dette publique pour les Pays de la zone euro et la Grande-Bretagne, c’est-à-dire les quatre cinquièmes du produit national brut cumulé de ces Pays. Cet endettement tue la recherche, l’innovation, la compétitivité sur les autres marchés internationaux et il affaiblit en général l’économie du continent. Pour survivre dans la concurrence multipolaire, préserver ce modèle historique unique et laboratoire d’idées, l’Europe saura-t-elle faire des efforts ?

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Gina Bianchini, économiste, diplômée à l’université Standford, CEO et fondatrice avec Marc Andreessen du Réseau social Ning. L’approche architecturale de Ning, née par une idée de Marc Andreessen, père du navigateur Mosaic et de la société Netscape, est très différente de tous les autres réseaux sociaux comme Facebook ou Myspace. En effet, Ning a choisi non pas de créer un réseau social unique, mais plutôt une plate-forme permettant à tout le monde de créer son réseau social personnel autour d’une niche d’intérêts très spécifique. La société californienne propriétaire de Ning,basée à Palo Alto, a choisi de manière spéciale cet aspect: favoriser la création d’un très grand nombre de réseaux sociaux ciblés que chaque membre propriétaire de son réseau configure et oriente vers déterminés et spécifiques sujets d’intérêts. L’entretien avec Gina Bianchini a eu lieu en Suisse pendant le dernier World Economic Forum.

Antonio Torrenzano. Pourquoi Ning est-il différent des autres réseaux sociaux comme Facebook ou Myspace ?

Gina Bianchini. Le Réseau Ning est complémentaire à Facebook et à Myspace. Avec Facebook, tout le monde dialogue et il reste en contact avec les individus qu’il connaît déjà. La force de Myspace est la musique et d’une façon générale le monde du spectacle. Avec du Ning, en revanche, l’usager à la liberté de créer, de manière simple, son réseau social autour d’une niche d’intérêts très spécifique.

Antonio Torrenzano. La révolution numérique n’est pas une simple révolution technique, mais comparable à ce que fut l’apparition de l’alphabet ou à l’invention de l’imprimerie. La radio a employé presque 38 ans pour atteindre un accueil favorable de presque 50 millions d’auditeurs. À la télévision, ils ont été nécessaires seulement treize ans pour gagner la même ligne d’arrivée. Internet a employé au contraire seulement quatre ans pour rattraper les résultats de la radio et de la télévision, pendant qu’à l’iPod ils sont servis trois mois seuls pour arriver au même objectif. Selon vous, les Réseaux sociaux dans un futur très proche pourront-ils devenir plus populaires de la télévision ?

Gina Bianchini. Les deux médias ils ont des fonctions totalement différentes. Je crois qu’à présent chaque individu, chaque entreprise, mais aussi chaque institution publique doit apprendre à utiliser tous les moyens que les nouvelles technologies mettent à leur disposition en comprenant cependant la force et les limites que chaque moyen peut leur donner .

Antonio Torrenzano. La crise financière mondiale continue à causer des dégâts à travers le monde autant que la récession économique. Dans quelle mesure cette période économique incertaine influera-t-elle sur l’économie numérique? Votre collègue Tim O’Reilly pendant une conférence de presse a affirmé: «la crise économique ne fait pas qu’accélérer ce procès naturel et inévitable d’élimination des entreprises qui n’avaient pas un business consistant dans l’économie virtuelle».

Gina Bianchini. La crise existe, mais il nous offre l’opportunité de réfléchir sur la consolidation du Web 2.0. Nous sommes dans une phase de transition et cette longue tempête économique éliminera de nombreuses entreprises de l’économie non plus performantes. Une fois passée cette période nous retrouverons du temps pour nous poser encore une fois les questions qui comptent : c’est-à-dire comme et où nous pourrons appliquer les technologies et les techniques du web 2.0 pour résoudre les problèmes réels du monde.

Antonio Torrenzano. Quel est-elle la formule pour qu’un social network puisse avoir du succès ? Le professeur Derrick De Kerckhove, pendant un entretien à Milan il m’a répondu :«le partage, la recherche d’une majeure simplicité d’utilisation du Web et la rapidité par laquelle l’usager peut trouver ce qu’il cherche ».

Gina Bianchini. En dix secondes l’usager doit comprendre comme le réseau social fonctionne et à quoi il peut servir. Le seuil critique pour qu’un social network puisse avoir du succès ce sont les premiers 150 utilisateurs, après la plate-forme il grandira de manière exponentielle.

Antonio Torrenzano

*Un spécial remerciement à l’Université de Standford pour l’image de Gina Bianchini.

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Conversation avec Jean-Rémi Deleage, producteur de nouveaux médias pour la société I.Marginal. Cet entretien a été réalisé par Ghislaine Azémard, suite à la conférence que Jean-Rémi Deleage a donnée dans le cadre des Rencontres Médias du master Création et édition numérique de l’Université Paris 8. Réalisation et montage: Leden, Renan Mouren et Gilles Donnard.

 

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Conversation avec de Norbert Paquel, consultant CANOPE. Cet entretien a été réalisé par Ghislaine Azémard, suite à la conférence que Norbert Paquel a donnée dans le cadre des Rencontres Médias du master Création et Édition numériques de l’Université Paris 8. Réalisation et montage: Leden, Renan Mouren et Gilles Donnard.