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Conversation avec Amartya Sen, économiste, prix Nobel pour l’économie en 1998 pour ses travaux sur la famine, sur la théorie du développement humain, sur l’économie du bien-être, sur les mécanismes fondamentaux de la pauvreté et sur le libéralisme politique. De 1998 à 2004, il a été le directeur du Trinity college à l’université de Cambridge devenant ainsi le premier universitaire asiatique à diriger un des collèges de l’université. Amartya Sen est aussi partie prenante dans le débat sur la mondialisation. Il est le président honoraire de l’ONG Oxfam. Parmi ses nombreuses contributions sur l’économie du développement, Amartya Sen a fait des études sur les inégalités entre les hommes et les femmes. Il est aujourd’hui professeur à l’université américaine Harvard. Auteur de nombreux essais, livres traduits en plus de trente langues, dont «L’économie est une science morale?», Paris, La Découverte, 2004; «Rationalité et liberté en économie», Paris,Odile Jacob, 2005; «La Démocratie des autres : pourquoi la liberté n’est pas une invention de l’Occident», Paris, Payot, 2005;«L’Inde. Histoire, culture et identité» et «Identité et violence», toujours aux éditions Odile Jacob, Paris, 2007. Le dialogue avec le prix Nobel a eu lieu à Milan pendant les journées d’étude sur l’économie coopérative, au mois de février 2009.

Antonio Torrenzano. Le gaz à effet de serre, il est un problème ouvert que l’Humanité a avec son propre avenir. Nous en voyions déjà les conséquences: augmentations très élevées de température pendant les mois d’été, des inondations désastreuses, longues périodes de sécheresse dans certaines régions de l’Afrique ou de l’Asie, le progressif dégel des glaciers. Pourquoi une économie verte est-elle nécessaire ?

Amartya Sen. C’est un devoir que nous ne pouvons plus renvoyer. La défense de la planète est une exigence pour la sauvegarde de l’humanité. Ce sujet autant que la pauvreté concerne tout le monde. Et tous les pays doivent aller au-delà de leurs intérêts pour contribuer à l’amélioration de la santé de la planète. Agir maintenant, il nous pourrait d’apporter au moins trois types d’avantage. Les investissements pour une économie verte peuvent être une stimulation pour aider les pays développés vers un nouveau système, les mêmes peuvent donner aussi une très haute contribution à l’expansion de l’économie des pays pauvres. Troisième avantage : les populations des pays en voie de développement en vivant dans le même monde unique ils amélioreraient leurs conditions de vie. La sauvegarde du milieu local par des mesures d’adaptation peut augmenter la qualité de la vie des habitants qui vivent dans les pays en voie de développement.

Antonio Torrenzano. Dans un ancien entretien toujours sur l’urgence d’une révolution verte, l’ancien secrétaire des Nations Unies Kofi Annan a-t-il affirmé: « protéger l’environnement coûte cher. Ne rien faire coûtera beaucoup plus cher». La communauté occidentale a-t-elle compris cette urgence ?

Amartya Sen. Les économies des pays développés doivent faire face à leurs responsabilités dans la réduction des émissions. Le monde occidental a vécu sur le mirage de l’autocontrôle des marchés et même de la Nature. En réduisant la surveillance et le rôle de la vigilance sur la finance et sur la production industrielle, on a construit une bombe à l’horlogerie prête à éclater. La communauté internationale se trouve à présent avec l’obligation de réécrire de nouvelles règles, car il ne s’agit plus d’un simple cours cyclique de récession économique.

Antonio Torrenzano. Un nouveau capitalisme vert ? J’espère qu’il ne sera pas un autre oxymore.

Amartya Sen. Je suis très sceptique quand j’entends parler de nouveau capitalisme. En réalité, je ne sais pas combien d’utilité a aujourd’hui le terme capitalisme. Je crois que nous avons la nécessité d’un nouvel équilibre entre institutions financières et comme les institutions internationales pourront garantir ce nouvel équilibre économique fondé sur principes d’équité et redistribution de la richesse vers tous.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Alain Touraine, sociologue, écrivain,directeur d’études à l’École des Hautes Études en sciences sociales de Paris. Alain Touraine est docteur honoris causa des Universités de Cochabamba (1984), Genève (1988), Montréal (1990), Louvain-la-Neuve (1992), La Paz (1995), Bologne (1995), Mexico (1996), Santiago (1996), Québec (1997), Córdoba (Argentine, 2000). Auteur des nombreux essais traduits dans plusieurs langues diplomatiques, il vient de publier «Penser autrement» (éditions Fayard, 2007) et «Si la gauche veut des idées» avec Ségolène Royal aux éditions Grasset. Le dialogue a eu lieu dans la ville de Turin pendant le festival «Biennale Democrazia», au mois d’avril 2009.

Antonio Torrenzano.Je voudrais revenir avec vous sur la période qui s’est ouverte au milieu des années soixante-dix jusqu’à la chute du mur de Berlin. Quelle est votre analyse ?

Alain Touraine. Cette période avait commencé avec la crise du pétrole, autrement dit après un déplacement massif de ressources venues du Japon et de l’Europe occidentale en direction des pays pétroliers, qui placèrent leurs réserves dans des banques de New York afin de générer des intérêts, ce qui témoignait déjà d’une forme de globalisation de l’économie. Depuis un tiers de siècle au moins, malgré l’agressivité du camp soviétique au début de la période, le monde occidental a pris une avance considérable dans presque tous les secteurs de la vie industrielle et économique, où les États-Unis ont acquis une position de plus en plus dominante. Une vision économique de l’histoire s’est alors imposée, conférant de plus en plus d’importance aux facteurs économiques et technologiques du changement social. La mondialisation des marchés, la croissance des entreprises transnationales, la formation de réseaux (networks) dont Manuel Castells a bien souligné l’importance capitale, et la nouvelle efficacité d’un système financier capable de transmettre les informations en temps réel, la diffusion par les mass media, par la publicité et par les entreprises elles-mêmes de biens culturels de masse le plus souvent américains, tous ces faits, maintenant bien connus de tous, ont créé cette globalisation caractérisée à la fois, aux yeux de nombre d’analystes, par un élargissement rapide de la participation aux échanges internationaux et par l’emprise d’un grand capitalisme dont les centres de décision sont le plus souvent américains. Pourtant, dès le début, la société civile souligna l’impossibilité d’une généralisation de ce modèle, et rapidement des protestataires se manifestèrent dans toutes les parties du monde,tandis que se multipliaient les soulèvements contre les États-Unis. Plus récemment, les graves conséquences de la crise financière et de la crise économique, elles ont accentué la défiance à l’égard des grandes entreprises qui sont apparues moins comme l’avant-garde de la modernisation que comme les agents d’une spéculation effrénée, ou comme des sources d’enrichissement direct pour leurs dirigeants.

Antonio Torrenzano. L’élément de la mondialisation de l’économie, en termes historiques, afin de pouvoir comprendre les effets de la désagrégation dès nos sociétés contemporaines.

Alain Touraine. Si le thème de la globalisation a acquis une importance politique centrale, c’est pour une raison qui n’est pas économique, mais idéologique : ceux qui ont chanté le plus fort la gloire de la globalisation ont en effet voulu imposer l’idée qu’aucun mode de régulation sociale ou politique d’une économie mondialisée n’était plus ni possible ni souhaitable, puisque l’économie se situait à un niveau mondial et qu’il n’existait pas d’autorité capable d’imposer des limitations à l’activité économique à ce niveau-là. L’idée même de globalisation portait en effet en elle la volonté de construire un capitalisme ultime, libéré de toute influence extérieure, exerçant son pouvoir sur l’ensemble de la société. C’est cette idéologie d’un capitalisme sans limites qui a suscité tant d’enthousiasme et tant de contestation. Malgré ces résistances, le nouveau «mode de modernisation», fondé sur la libre entreprise et le rôle central du marché dans l’allocation des ressources, s’est vite installé partout. Ces rapides indications nous permettent de dégager les principales implications culturelles et sociales de la mondialisation.

Antonio Torrenzano. Quelles sont-elles, alors selon vous, les principales implications culturelles et sociales ?

Alain Touraine. La plus manifeste est la formation d’une société de masse dans laquelle les mêmes produits matériels et culturels circulent dans des pays de niveaux de vie et de traditions culturelles très variés. Le premier d’entre eux est l’influence culturelle exercée par les grandes entreprises de consommation et de loisirs : Hollywood est bien l’usine à rêves du monde entier. Mais on constatera aussi qu’elle ne fait pas disparaître pour autant les productions circonscrites à un lieu. Car on assiste, d’un autre côté, à la diversification de la consommation dans les pays les plus riches. À New York, Londres ou Paris, il y a plus de restaurants étrangers qu’autrefois, et l’on peut y voir davantage de films en provenance d’autres pays du monde. Enfin, on assiste aussi à une résurgence de formes de vie sociale et culturelle traditionnelles ou nourries par la volonté de sauver une culture régionale ou nationale menacée. Mais partout, comme un effet de ces tendances opposées s’accélère le déclin des formes de vie sociale et politique traditionnelles et de la gestion nationale de l’industrialisation.

Antonio Torrenzano. Pouvons-nous analyser cette phase comme une situation de transition pendant laquelle les nombreux acteurs (institutions internationales, États occidentaux) feront tout ce qu’il est possible pour retrouver l’équilibre ?

Alain Touraine. Le plus urgent, aujourd’hui, c’est de redonner à la société de nouveaux moyens de se reconnaître et de se représenter. Une société divisée en castes n’est plus une démocratie. De quelle démocratie pourrions-nous discuter sans une égalité des ressources ou une égalité de possibilités ?

Antonio Torrenzano

 

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Le développement d’une nouvelle société dite de l’information a vu émerger dans ces dernières années une nouvelle génération Internet, baptisée aussi «génération Y», c’est-à-dire un groupe de presque 13 millions d’individus âgés de 15 à 29 ans. Ce mot un peu obscur désigne en réalité les nouvelles générations nourries à l’informatique en réseaux et pétries de culture Web 2.0, que d’ici à dix ans ils deviendront les nouvelles ressources humaines du marché du travail et ils feront entrer dans les entreprises leurs nouveaux modes de communication et d’organisation. Même l’école devra revoir ses méthodes. Pour Manuel Castells, le monde du travail et le monde de l’éducation devront nécessairement s’adapter à cette nouvelle culture. 

Un défi qui posera nombreux de problèmes aux employeurs afin d’intégrer la génération Y dans leurs entreprises sans créer un choc des cultures et des générations. Comment faire alors évoluer les organisations de travail afin de tirer la  « génération Y » avec tout leur potentiel dans la nouvelle société européenne ? Quelles sont leurs attentes en matière de vie professionnelle et qui sont finalement ces « Y » qui pourraient bien gérer le monde de demain ? Les nouvelles technologies vont-elles trop vite ?   

C’est la question qui se pose la XXXV édition de la conférence internationale de la Fondation Pio Manzù à Rimini du 23 au 25 octobre 2009. Nombreux les sociologues, les économistes, les professeurs de l’école secondaire et d’université du Continent européen, de l’Afrique, de l’Amérique Latine, des États-Unis qui débattront sur ce sujet. Les débats s’interrogeront sur comment les adolescents utilisent les outils numériques à leur disposition et quelles réponses multidisciplinaires développer pour que la diversité culturelle entre les générations puisse être effacée. Parmi les invités qui dialogueront à ce sujet, il y a  Michel Fize, sociologue au CNRS, Richard Descoings, directeur de l’Institut Sciences Po de Paris, Manuel Castells, Martin Hirsh, Haut Commissaire à la Solidarieté contre la Pauvreté, Maria Novak, Onyeka Obasi, président de l’association Friend of Africa International, Frank Furedi de l’université de Kent, Mafalda Stasi de l’université Paris VI, Giandomenico Picco ancien sous-secrétaire aux Nations Unies, Guillaume Borie, président du Parlement européen des Jeunes.   

Ouverts à un large public, les débats sur le numérique et les natifs digitaux seront une occasion de réflexion et d’analyse sur le temps présent. Pour suivre les journées du débat, la consultation en ligne est accessible au suivant adresse http://www.piomanzu.org 

Antonio Torrenzano 

 

Bibliographie Net sur les «natifs numériques» avec leur langage et leur mode de fonctionnement, consulter en ligne le mémorandum à l’adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Natif_numérique.

*Anne-Caroline Paucot, «Comprendre la génération Internet», Maxima éditions, Paris,2007.

*Jacques Vauthier, «La génération Internet», Eska éditions, Paris, 2006.

*Aurore Gorius , « La génération Internet a soif de mobilité », Le Point, 18.09.2008

*Benoît Hopquin, « Cadres, la comédie du bonheur. Pour les jeunes, ‘‘la vraie vie est ailleurs’’», Le Monde, 18.09.08

*Almudena Coral, « La oportunidad de la generacion Y », El Pais, 13.07.2008.*Ollivier Daniel, Tanguy Catherine, « Génération Y : mode d’emploi, intégrez les jeunes dans l’entreprise. », De Boeck éditions, Paris, 2008.

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Le dernier rapport de la Commission européenne sur la compétitivité numérique en Europe révèle que le secteur a réalisé de sérieux progrès au sein de l’UE au cours des cinq dernières années. Plus de la moitié des Européens (le 56%) utilisent désormais le réseau net de manière constante et le 80 % des individus le fait avec une connexion rapide.

Le rapport juge essentiel de continuer à investir sur l’économie numérique pour que l’UE «puisse durablement se remettre de la crise économique. L’économie numérique européenne, a déclaré le porte-parole de la société de l’information de la Commission européenne, dispose d’un formidable potentiel, mais pour que cet avantage se traduise en croissance durable et en nouveaux emplois, les institutions nationales doivent montrer la voie à suivre en adoptant des stratégies coordonnées pour faire tomber les possibles obstacles ».

«Nous devons poursuivre dans cette direction, a toujours affirmé l’attache de presse, pour qu’une nouvelle génération d’Européens reste compétitive dans les enjeux mondiaux. Ces jeunes utilisent désormais intensivement l’internet et sont également des consommateurs très exigeants. Pour que le potentiel économique de ces natifs du numérique s’exprime pleinement, nous devons faire en sorte que l’accès aux contenus numériques soit à la fois aisé et équitable». Pour Bruxelles, ces générations numériques représentent un potentiel important pour la croissance du continent. Ces jeunes, affirme-t-il le rapport, ils sont âgés de 16 à 24 ans et le 73 % d’entre eux utilise régulièrement tous les services numériques pour créer et partager du contenu.

Le rapport de la Commission sur l’économie numérique est la première étape de la nouvelle stratégie européenne pour ce qui concerne les TIC que la Commission a l’intention de présenter en 2010 dans le cadre de la prochaine agenda de Lisbonne. Pour la consultation en ligne du mémorandum, il est accessible au suivant adresse: http://ec.europa.eu/information_society/eeurope/i2010/pc_post-i2010/index_en.htm

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Stefano Zamagni, économiste, professeur à l’université de Bologne, membre de la Pontificale Académie pour les sciences sociales auprès de l’État du Vatican. Auteur des nombreux essais dont La cooperazione, Bologna, editions Il Mulino, 2008; avec l’économiste et prix Nobel Amartya Sen «Markets, money and history. Essays in honor of Sir John Hicks», Cambridge (UK), Cambridge University Press, 2008; «L’economia del bene comune», Roma, Città Nuova, 2007; «Time in Economic Theory», Aldershot, Elgar, 2004. Le dialogue a eu lieu à Reggio Emilia, au mois de septembre 2009, pendant le 1er festival franciscain.

Antonio Torrenzano. Sa sainteté Benoit XVI a affirmé dans sa dernière encyclique «Caritas in veritate» que l’humanité mondialisée a besoin de règles et de valeurs.

Stefano Zamagni. J’espère que le capitalisme occidental ne continuera plus à exclure l’économie solidaire et ses valeurs: c’est-à-dire, ceux de la gratuité et de la charité. Si le capitalisme libéral continue à ignorer ces valeurs, celui-ci sera destiné à imploser. La crise dans laquelle est tombée la planète ou les nombreuses injustices qu’ils serrent les individus du Nord et du Sud du monde, ils soulignent déjà cette faillite. Sa Sainteté Benoit XVI dans sa dernière encyclique indique un modèle précis auquel regarder : l’utilité sociale et le respect de la dignité de chaque individu. Des valeurs très différentes par rapport à la maximisation du profit et à la capacité de rendement à l’intérieur des usines. À ce propos, nous avons déjà des exemples concrets : l’économie sociale, le monde des organisations sans but lucratif, les coopératives. L’activité économique et sociale de ces sujets indique déjà cette direction. Une réalité qu’aujourd’hui en Europe pèse le 10 % du Pib européen et il occupe le 6 % de la main-d’oeuvre.

Antonio Torrenzano. Après l’assemblée générale des Nations Unies, après le sommet de Pittsburgh, la communauté internationale a-t-elle compris l’urgence d’un nouveau système de rapports internationaux ?

Stefano Zamagni. Je crois qu’il y ait encore au moins trois propositions concrètes à développer au-delà de celle-là formulées par les vingt Chefs d’État et de gouvernement à Pittsburgh: ajouter au Conseil de sûreté des Nations Unies un organisme similaire qui s’occupe de problèmes l’eau, de la nourriture et de la santé pour tous les individus. Si nous avions déjà été cet organisme en mesure de fonctionner, nous n’aurions pas eu encore des individus morts pour la faim ou les spéculations financières sur les grains de l’année 2007. La deuxième proposition est celle de créer d’autres deux Agences techniques mondiales pour ce qui concerne les migrations humaines et l’environnement. Dans ces deux domaines, ils servent tutelles, règles, vérifications et sanctions. La troisième et dernière proposition concrète est celle de faire travailler à côté de l’assemblée des Nations Unies une autre assemblée formée par des ONG, des fondations, des institutions de l’économie solidaire. Non pour discuter à l’infini, mais pour décider et pour gouverner les procès urgents avec solutions rapides et définitives.

Antonio Torrenzano. Pour le marché du travail est un moment critique. Où va-t-on ?

Stefano Zamagni. Sa sainteté Benôit XVI s’est rendu compte que la logique de la maximisation du profit est en train de porter la société occidentale à l’affirmation du mythe de la capacité de rendement contre la dignité de l’Homme. L’individu non plus efficace économiquement, il devient marginal. À ce propos, je rappelle un des derniers discours prononcés par Jean Paul II, au mois de novembre 2004, dans lequel Pape Karol Woytila soulignait que : «la logique de la maximisation du profit et la théorie de l’efficacité managériale sont inhumaines autant que celle contre la race, la religion ou la maladie ».

Antonio Torrenzano

 

 

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Conversation avec Mario Monti, économiste, professeur d’économie et management, président de l’université Bocconi de Milan depuis le 1994. En 1994, il a été nommé à la Commission européenne en qualité de commissaire pour les secteurs « marché intérieur, services financiers et intégration, droits de douane et taxes ». Quatre ans plus tard, dans son deuxième mandat, sous la présidence de Romano Prodi, il a été commissaire responsable de la concurrence jusqu’à l’année 2004. Il a été aussi membre de différentes institutions de l’État italien, dont celle du Ministère du Trésor pour ce qui concerne le système du crédit. À présent, il est membre du groupe de réflexion «Europe 2020-2030», fondé par le Conseil européen et présidé par l’espagnol Felipe Gonzales et membre du think tank européen Bruegel fondé en 2005. Le dialogue a eu lieu à plusieurs reprises dans les villes de Bologne pendant un séminaire près de l’université américaine Johns Hopkins au mois de mai, à Rome au mois de septembre et à Milan près de l’université Bocconi pendant un autre séminaire au mois d’octobre 2009.

Antonio Torrenzano. Après l’assemblée générale des Nations Unies, après le sommet de Pittsburgh, la communauté internationale a-t-elle compris l’urgence d’un nouveau système de rapports internationaux ?

Mario Monti. Je constate à présent qu’il y a des phénomènes d’intégration régionale comme l’Union européenne où il transparaît la conscience que les États ne sont pas plus aptes à exercer leur souveraineté sur toutes les questions devant à la mondialisation. Au-delà de l’Union européenne, je note qu’aussi le G20 a la même orientation. La communauté internationale travaille pour qu’une institution mondiale ait une vraie autorité et la capacité de décision politique sur sujets qui concernent désormais tous les individus de la planète. La crise a fait percevoir à une grande multitude d’individus que l’ancien système financier était sans des règles et surveillance. L’opinion publique a compris ce qu’elle ne voyait pas avant. La crise est devenue alors l’exemple qui a fait comprendre les pervers mécanismes du système. La récession économique nous a montré au contraire que l’économie de marché ne peut pas être soutenable par l’ancienne vision. Maintenant, nous devons affronter tout de suite les problèmes inhérents aux extrêmes inégalités.

Antonio Torrenzano. Et sur les questions éthiques ?

Mario Monti. Le débat sur les valeurs éthiques reste l’objectif prioritaire de cette nouvelle phase historique. À cause de cette crise, l’éthique est entrée diffusément dans presque tous les documents d’institutions et des banques. Ces institutions ont compris que l’éthique est à la base de chaque action et de chaque décision parce que les valeurs éthiques ne sont pas de règles extérieures à la finance ou plus en général au marché économique. Sur ces principes, tout le monde est en train de converger.

Antonio Torrenzano. Sa sainteté Benoit XVI a affirmé dans sa dernière encyclique «Caritas in veritate» que l’humanité mondialisée a besoin de règles et de valeurs.

Mario Monti. Je trouve très important que l’Église affirme que la dignité de l’homme en économie doit être défendue. Dans les dernières années avant la brutale circonstance du crack financier, nous avions assisté à deux situations contradictoires : d’une part l’élaboration de phénomènes exagérés dans le marché financier avec des actions sans aucune vérification ; de l’autre côté à une rapide croissance d’un volontariat diffus et de l’économie sociale. L’économie sociale s’est énormément développée dans ces dernières années et cette croissance nous indique qu’au-delà de «l’homo oeconomicus» il y a aussi un «Homme» qui veut vivre autrement.

Antonio Torrenzano

 

 

* Un particulier remerciement au Service audiovisuel de la Commission européenne pour l’image de Mario Monti.

 

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Il y a un an, la chute de la banque américaine Lehman Brothers venait tout juste de se produire. L’activité économique partout dans le monde commençait à tomber en chute libre et l’incertitude cédait le pas à la panique. Par rapport à la crise, les États de la communauté internationale ont uni leurs forces pour affronter les problèmes communs avec de nouvelles solutions avec un nouvel esprit de solidarité, mais concernant le chômage nous nous trouvons dans un moment critique.

L’histoire des crises précédentes démontre que l’impact sur le chômage est décalé par rapport à la reprise elle-même et les dernières prévisions confirment à ce titre le maintien d’un chômage élevé jusqu’en 2011 inclus. L’incertitude des chômeurs vers l’avenir est évidente. La dignité de chaque individu est blessée autant que la dignité de leurs familles. À présent, nous devons absolument saisir cette occasion pour repenser le monde d’après la crise pour ce qui concerne les marchés du travail. Marchés du travail qui sont pris en tenailles par la crise.

La crise n’est pas finie. La reprise sera très molle et la demande privée n’est pas encore suffisante pour s’entretenir d’elle-même. Sur le front de la demande, la consommation est encore timide surtout dans les pays où les bilans des ménages restent fragiles. Dans ce panorama, le manque de travail risque d’être tenace et, même si la croissance repart, il faudra du temps pour que l’emploi fasse la même chose. Les enjeux sont particulièrement élevés pour les pays européens et pour les pays de l’OCDE qui devraient doubler au cours des dix-huit prochains mois le taux en pourcentage de chômeurs.

La même organisation estime presque 50 millions de personnes tombées dans la misère à cause de la crise dans le continent européen. Compte tenu de l’insuffisance des anciens moyens de protection sociale à l’ère de la mondialisation, ce n’est pas seulement de hausse du chômage ou de baisse du pouvoir d’achat qu’il s’agisse ici, mais vraiment d’une question de vie ou de mort. Il est indispensable de mettre au point des stratégies de sortie crédibles aussi pour le marché du travail avant qu’il est trop tard pour les appliquer. Je pense encore qu’une autre société est possible et je reste par un intérêt commun à ceux qui envisagent un avenir différent. Mais l’expérience nous a montré – affirme Jean-François Kahn – que la seule autre société possible est celle qui émerge de la société existante et en fait germer les plus prometteuses semences. On espère !!!

Antonio Torrenzano

 

 

* Un particulier remerciement au photoreporter Claudia Dias pour l’image.

 

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Conversation avec Richard Sennett, économiste, sociologue, professeur à l’université de New York et à la Londoin School of Economics, également romancier et musicien. Poussé vers la sociologie par Hannah Arendt, il reconnait l’influence de Michel Foucault sur son travail. Il est fondateur avec Susan Sontag et à Joseph Brodsky, auprès de l’université de New York de l’institut for the Humanities. Comme conseiller a travaillé pour l’UNESCO et il a été président de l’American Council on Work. Ses analyses conduisent dans un premier temps à la vie ouvrière en milieu urbain, abordent des questions d’architecture, puis élargissent son champ à l’étude de la corrosion du caractère induite par l’instabilité des parcours professionnels dans le capitalisme flexible. Il se fonde sur les récits de vie, notamment de travailleurs condamnés à la mobilité qui ne leur laissera pas la possibilité de nouer des liens durables. Il a pour épouse la sociologue Saskia Sassen. Richard Sennett est conseiller du Président des États-Unis Barack Obama. Auteur de nombreux essais traduit dans plusieurs langues étrangères, le professeur Richard Sennett s’est toujours intéressé de l’identité et des classes sociales dans la société moderne dont «Les Tyrannies de l’intimité», Paris, Seuil, 1979; «La Famille contre la ville : les classes moyennes de Chicago à l’ère industrielle 1872-1890, Paris, Encres édition, 1981 ; «Palais-Royal» , Albin Michel, 1988; «La Conscience de l’œil : urbanisme et société» , Verdier, 2000; «Le travail sans qualité : les conséquences humaines de la flexibilité», Albin Michel, 2000; «Respect de la dignité de l’homme dans un mode d’inégalité», Albin Michel, 2003. Hachette, 2005;« La culture du nouveau capitalisme», Paris, Albin Michel, 2006. Son nouveau livre en langue anglaise «The craftsman» a été publié en 2009 dans le marché éditorial anglo-saxon. Le dialogue a eu lieu à Modène pendant le festival international de la philosophie au mois de septembre 2009.

Antonio Torrenzano.Un an après le début de la crise, le monde en a-t-il tiré les enseignements?

Richard Sennett. Nous vivons dans une économie qui produit de la richesse, mais elle détruit en même temps les qualités de chaque individu, sa créativité et ses savoirs dans le monde du travail. Le capitalisme jusqu’à la crise, il a eu seulement intérêt pour un profit de brève période et il a produit de stratégies de court terme. Ce capitalisme ne s’est pas préoccupé de la formation des travailleurs dans la longue période ou de l’imagination et des améliorations que les mêmes travailleurs pouvaient apporter au système. Au contraire, le système a renversé ces énergies seulement sur de la main-d’oeuvre au bas coût dans les économies émergentes surtout en Chine et en Inde. Dans mon dernier livre que je viens de publier («The craftsman»), j’ai essayé de voir s’il existe encore cette dimension artisanale dans ce système. Dimension artisanale qui pousse chaque travailleur à désirer une exécution parfaite et gratifiante dans son activité.

Antonio Torrenzano. Dans les interviews développés avec les travailleurs américains et anglais, quelles sensations émergent-elles ?

Richard Sennett. Les travailleurs dans leurs interviews affirment qu’ils travaillent beaucoup et toujours sous pression, mais en même temps qu’ils perçoivent leurs activités vides, dépourvues de sens, sans qualité. Il n’y a plus dans cette économie de l’espace pour un travail bien fait. Les interviewés font partie de la classe moyenne, ils ne sont ni riches ni pauvres. Ils sont de techniques spécialisés, ils travaillent à Londres autant qu’à New York, ils s’occupent de communication, de publicité, d’économie numérique. Par rapport à la crise présente, ils sont très préoccupés évidemment de perdre leur travail. Pourtant, en même temps, ils essaient une sorte de soulagement pour le fait que le système qui les a opprimés et dominés pour beaucoup de temps, il a subi un événement historique bouleversant. Ils regardent leur avenir avec de la préoccupation,mais ils désireraient trouver un travail différent, plus stable. Ils désirent changer de route et se libérer de la pression. L’aspect le plus intéressant, dont je suis en train de m’occuper, c’est qu’ils voudraient devenir artisans et retrouver un sens de satisfaction et récompense dans leur travail.

Antonio Torrenzano. Réécrire les règles de la finance peut être un premier pas. Mais reformuler l’entier système capitaliste en ayant comme objectif la dignité de chaque individu il me semble encore une chimère.

Richard Sennett. Nombreux économistes, ils ont raconté que le capitalisme mondialisé pouvait augmenter les possibilités de tous. Ce n’est pas vrai. À présent, je constate qu’une grande majorité d’individus se sent inutile, vidée, paupérisée des propres capacités. L’économie capitaliste que nous avons eue jusqu’à l’année passée a détruit le système de la rémunération, augmenté la discordance entre les revenus de dirigeants et celle de leurs subordonnés. C’est le drame de notre temps.

Antonio Torrenzano

 

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Au-delà de la déclaration politique finale consistante l’officialisation du G20 comme principal forum de coopération économique internationale, plusieurs questions restent encore sans réponse. La première: le G20 est une institution internationale sans statut, mais qui s’est réunie à trois reprises depuis novembre 2008 (Washington, Londres et Pittsburgh), avec de nombreux problèmes à régler pour ce qui concerne son organisation à l’intérieur. «C’est en 2010 que nous essaierons de discuter de la nouvelle architecture du G20», les dirigeants ont affirmé. Mais, quels pays devront-ils devenir membres? Encore à quelle fréquence devra-t-il se réunir le sommet ? Aux prochains sommets du G20, les économies émergentes participeront à la gouvernance mondiale, pourquoi les Pays en développement resteront-ils au dehors ?

D’autres questions pratiques restent en suspens: le G20 devrait-il comporter un secrétariat permanent de façon à assurer le suivi de ses travaux? Quel pouvoir aura-t-il ? Ses décisions auront-elles force de loi ? Comment ce forum économique international pourra-t-il faire respecter ces engagements vers les Pays membres ? Sur ces deux questions, le Fonds monétaire international, dont les décisions ont force de loi, gardera-t-il toutes ses prérogatives? À cette question, Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, ne cesse de le répéter.

Concernant le chômage, le pire est à venir. Mais de tout ça, la réunion n’a rien affirmé. L’expérience des crises précédentes démontre que l’impact sur le chômage est décalé par rapport à la reprise elle-même ; les dernières prévisions confirment à ce titre le maintien d’un chômage élevé jusqu’en 2011 inclus. L’Organisation internationale du travail (OIT) prévoit une augmentation du nombre de chômeurs de près de 59 millions d’ici la fin de l’année à travers le monde. Le chômage dans les pays de l’OCDE devrait globalement doubler au cours des dix-huit prochains mois et continuer d’augmenter, avec des taux à deux chiffres sur une grande partie de l’année 2011. Plus de 200 millions de travailleurs pourraient sombrer dans l’extrême pauvreté – surtout dans les pays en développement et dans les pays émergents, où les filets de sécurité sociale sont rares ou inexistants –, ce qui ferait monter le nombre total de travailleurs pauvres dans le monde à 1,4 milliard. Le chômage constitue aujourd’hui la principale menace à la reprise économique. Pourquoi alors la réunion de Pittsburgh n’a-t-elle pas pensé à organiser un sommet des ministres de l’Emploi du G20 à court terme consacré à l’impact sur l’emploi ? Pourquoi la réunion de Pittsburgh n’a-t-elle pas envisagé de créer un Groupe de travail sur l’emploi et adopter le Pacte mondial pour l’emploi, négocié par l’Organisation internationale du Travail des Nations Unies ?

Les marchés du travail sont pris en tenailles par la crise. Les taux de chômage ont continué d’augmenter et devraient atteindre des valeurs à deux chiffres dans l’ensemble des pays de l’OCDE d’ici la fin de l’année. Les jeunes, en particulier, sont frappés de plein fouet, avec des taux de chômage supérieurs à 20% dans plusieurs pays du G20. Les milliers de jeunes qui ont terminé leurs études l’été passé risquent fort d’être condamnés à l’inactivité. Compte tenu de la menace d’une crise prolongée de l’emploi, il faut définir d’urgence une stratégie de relance axée sur l’emploi et coordonnée à l’échelle internationale. Est-ce que le capitalisme occidental veut encore renverser ces énergies seulement sur de la main-d’oeuvre au bas coût dans les économies émergentes ? Si oui, pourquoi continuer alors de discuter de Droits Humains pour tous ?

Antonio Torrenzano