<iframe width=”560″ height=”415″ src=”//www.youtube.com/embed/gb1VpT8nJKM” frameborder=”0″ allowfullscreen></iframe>
Histoire
Mais qu’est-ce qui rendait Mandela si spécial ?
L’auteur de ce témoignage, Bryan Pearson, un Sud-Africain, a été correspondant de l’AFP en Afrique du Sud de 1990 à 1999. Il a, à ce titre, suivi le parcours de Nelson Mandela depuis sa sortie de prison jusqu’à son départ du pouvoir.
À part, bien sûr, le fait d’avoir croupi vingt-sept ans dans les geôles de l’apartheid et d’en avoir émergé sans la moindre rancune. À part son insistance pour que la «réconciliation» soit au centre d’une commission de vérité constituée pour soigner les plaies infligées à l’Afrique du Sud par des décennies de haine raciale. À part son apparition sur le terrain de la finale de la Coupe du monde de rugby en 1995, un maillot des Springboks sur les épaules, courageux appel au pays pour qu’il s’unisse derrière une équipe sud-africaine composée en grande majorité de Blancs. Et à part son départ de la présidence de l’Afrique du Sud au terme de son premier mandat, contrairement à tant de dirigeants dans le monde qui, une fois qu’ils ont goûté au pouvoir, s’accrochent à lui jusqu’à ce qu’il les détruise ou jusqu’à ce qu’ils détruisent les pays qu’ils gouvernent. Voilà les qualités les plus connues du héros de la lutte contre l’apartheid.
Mais pour les journalistes qui ont eu la chance de suivre son remarquable parcours, depuis sa sortie de prison en 1990, pendant les années de transition jusqu’aux premières élections présidentielles multiraciales de 1994 et jusqu’à ce jour de 1999 où —trop tôt pour certains— il tira sa révérence, Nelson Mandela était plus que cela. Beaucoup plus que cela. Il n’était pas un politicien comme les autres. Couvrir «l’histoire Mandela» vous marquait pour la vie. Il nous incitait tous à devenir de meilleurs êtres humains ou, plus exactement, à reconnaître les vertus de la réconciliation à une époque où les Sud-Africains, blancs ou noirs, subissaient encore les stigmates de l’apartheid.
J’assiste à un meeting de campagne dans la township d’Alexandra, dans la banlieue de Johannesburg. La tension est extrême. Mandela prend la parole devant une foule imprégnée de sentiments anti-Blancs après un énième massacre de Noirs attribué à la «Troisième force» —des barbouzes blancs qui cherchent à torpiller par la violence le processus de démantèlement de l’apartheid. Et puis, brusquement, il s’arrête de parler. Il montre du doigt une femme blanche qui se tient debout parmi les participants, un peu en retrait. «Cette femme, là-bas», dit-il avec un large sourire, «Elle m’a sauvé la vie».
Il l’invite à monter sur scène et l’embrasse chaleureusement. Il raconte qu’en 1988, alors qu’il était incarcéré dans la prison de Pollsmoor, près du Cap, il avait été hospitalisé après avoir attrapé la tuberculose et que c’était cette femme, une infirmière, qui l’avait soigné. Mandela réussissait à renverser l’humeur de la foule. Les grondements vengeurs se taisent, noyés sous les murmures d’approbation. Il y a aussi ce jour où Mandela, devenu président de l’Afrique du Sud, accueille une réunion de la Communauté de développement d’Afrique australe. Pratiquement tous les chefs d’État et de gouvernement de la région sont là. Depuis le matin, les journalistes attendent une conférence de presse qui n’arrive pas. Une reporter radio, très agitée, doit s’éclipser en milieu d’après-midi pour récupérer son fils à l’école, en priant pour que la conférence de presse ne démarre pas pendant son absence.
Heureusement pour elle, elle revient juste à temps, accompagnée de son gamin dont la «chemise Madiba» tranche avec les costumes stricts de l’assistance. En entrant dans la salle avec les autres dirigeants, Mandela remarque l’enfant. Sans hésiter, il se dirige vers lui, lui serre la main et lui dit : «Bien le bonjour. Comme c’est gentil d’avoir pris le temps de venir parmi nous malgré votre emploi du temps chargé!» Le gamin rayonne, sa mère aussi. Les journalistes sont enchantés et les présidents et premiers ministres ont l’air de bien s’amuser.
Il en allait toujours ainsi. Nous étions émerveillés en voyant Mandela s’adapter sans difficulté à son nouveau rôle d’homme d’État d’envergure mondiale. Nous étions émus lorsque, de temps en temps, il laissait entrevoir son côté humain. Pendant son divorce, il avait confié publiquement que la femme qu’il aimait si profondément, Winnie, n’avait pas passé une seule nuit avec lui depuis sa sortie de prison. L’activiste Strini Moodley, incarcéré à Robben Island, raconte que Mandela avait toujours une photo de Winnie avec lui dans sa cellule. Un jour, Moodley demande à emprunter l’image pour réaliser un croquis. «Tu peux l’avoir pendant la journée, mais la nuit elle revient avec moi», lui répond Mandela.
Pendant la campagne électorale, Nelson Mandela n’oubliait jamais de demander aux journalistes s’ils avaient bien dormi et s’ils avaient bien pris leur petit-déjeuner. Il connaissait beaucoup de reporters et de photographes par leur nom. Il s’arrêtait souvent pour bavarder avec eux, en commençant toujours par un: «Comme c’est bon de vous revoir !» Un des moments les plus emblématiques de ses efforts permanents pour réconcilier les Sud-Africains fut sa visite à Betsie Verwoerd, la veuve de l’architecte de l’apartheid Hendrik Verwoerd, l’homme qui l’avait, de fait, envoyé en prison. C’est sous Verwoerd, premier ministre de 1958 jusqu’à son assassinat en 1966, que le «Congrès national africain» (ANC) et le «Parti communiste» avaient été mis hors la loi. Contraint à la clandestinité, Mandela avait été arrêté et condamné à la prison à vie, en 1964, pour «actes de sabotage» et «complot en vue de renverser le gouvernement ».
Le «Thé avec Betsie» se déroula au domicile de cette dernière, dans une enclave blanche connue sous le nom d’Orania, au nord-est du Cap, en août 1995. Mme Verwoerd, alors âgée de 94 ans, n’a jamais révélé grand-chose sur cette rencontre, se contentant de dire qu’elle était contente que le président lui ait rendu visite. Sa petite-fille, Elizabeth, s’était avérée moins accueillante, affirmant qu’elle aurait préféré que Mandela devienne «le président d’un pays voisin». Mandela était digne. Il était généreux. Il devait affirmer plus tard qu’il avait été reçu à Orania «comme à Soweto», la gigantesque township noire de Johannesburg dont il est le héros. Toujours prêt à rappeler qu’il s’inscrivait dans la lignée de nombreux dirigeants sud-africains, il avait posé pour les photographes au pied d’une statue de Verwoerd haute d’environ 1,80 m. «Vous avez érigé une bien petite statue pour cet homme», avait-il même dit aux résidents d’Orania en prenant un air déçu.
Quelques mois plus tôt, le 27 avril 1994, les journalistes s’étaient massés dans une école près de Durban où Mandela devait voter lors des premières élections multiraciales à avoir lieu dans le pays. Je me souviens avoir pensé : est-ce que tout cela est bien réel ? Est-ce que Mandela est bien en train de voter ? Est-ce que l’apartheid est vraiment en train de se terminer ? Oui, c’était bien le cas. Dans un bref discours, Mandela avait salué l’aube d’une «Nouvelle Afrique du Sud où tous les Sud-Africains sont égaux ». Puis il avait déposé son bulletin dans l’urne et, rayonnant sous le soleil matinal, il avait souri. Un long sourire. Un sourire heureux. Le genre de sourire qui, on le sent, n’est pas destiné aux caméras. Le genre de sourire qui vient du très profond de l’âme. Et dans le cas de Mandela, d’une âme d’une grande rareté, et d’une grande sagesse.
Bryan Pearson.
Nelson Mandela : son investiture présidentielle, le 10 mai 1994.
<iframe width=”580″ height=”460″ src=”//www.youtube.com/embed/xZ9KlXCkb2s” frameborder=”0″ allowfullscreen></iframe>
Le 27 avril 1994, Nelson Mandela est élu et devient le premier président noir de l’Afrique du Sud, avec 62,2 % des choix.
« Le temps est venu de panser nos blessures. Le moment est venu de réduire les abîmes qui nous séparent. Le temps de la construction approche. Nous avons enfin accompli notre émancipation politique. Nous nous engageons à libérer tout notre peuple de l’état permanent d’esclavage à la pauvreté, à la privation, à la souffrance, à la discrimination liée au sexe ou à toute autre discrimination. Nous avons réussi à franchir le dernier pas vers la liberté dans des conditions de paix relative. Nous nous engageons à construire une paix durable, juste et totale. Nous avons triomphé dans notre effort pour insuffler l’espoir dans le cœur de millions de nos concitoyens. Nous prenons l’engagement de bâtir une société dans laquelle tous les Sud-Africains, blancs ou noirs, pourront marcher la tête haute sans aucune crainte au fond de leur cœur, assurés de leur droit inaliénable à la dignité humaine – une nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et avec le monde. Le soleil ne se couchera jamais sur une réussite humaine si glorieuse».
Mon Père Nelson Mandela et l’avenir de mon Pays. Conversation avec Makaziwe Mandela.
Nous publions à nouveau la conversation avec Makaziwe Mandela, 59 ans, économiste, anthropologue, président de l’entreprise Industrial Development Group qui travaille dans le secteur pétrolifère et minier de son pays. Le dialogue avait été déjà publié au mois de juillet 2010 sur ce carnet numérique. La rencontre avec la fille de Nelson Mandela avait eu lieu à Milano Marittima en Italie à la fin du mois de mai 2010 pendant le gala international Mima Show où Makaziwe Mandela avait été invitée en qualité de conférencière.
Makaziwe Mandela est la fille du prix Nobel Nelson Mandela et de sa première femme Evelyn Ntoko Mase. Avant d’être nommée présidente auprès de l’Industrial Development Group, elle avait travaillé près de la Development Bank of Southern Africa où elle s’était occupée du financement des actions industrielles pour des entrepreneurs femmes et de lignes d’action vers l’éducation des nouvelles générations. En 2007, Makaziwe Mandela a reçu l’International Businesswoman of The Year.
Antonio Torrenzano. Votre Père Nelson Mandela a sacrifié toute sa vie pour la destinée de son Pays. J’aimerais commencer ce dialogue en discutant du rôle de votre papa dans l’histoire de l’Afrique du Sud.
Makaziwe Mandela. Quand mon père il commença sa clandestinité, j’avais seulement six ans. J’étais une fillette et je le rencontrais en catimini. Je suis grandie sans lui et sans comprendre pendant mon enfance parce que mon Père Nelson, il était en clandestinité. Seulement après, j’ai appris qu’il signifiait s’opposer à la ségrégation raciale, se battre pour la pleine égalité et les droits civils de tous les individus de l’Afrique du Sud. Mon Père Nelson Mandela il a changé l’histoire de mon pays. Il a mis fin à une époque dont les noirs vivaient ségrégués sans avoir ni droits civils ni liberté ni l’espoir d’un avenir différent.
Antonio Torrenzano. Dans votre pays, vous êtes considérée un point de repère. Quels sont-ils les nouveaux défis auxquels l’Afrique devra faire face ?
Makaziwe Mandela. En Afrique, il y a beaucoup de jeunes femmes avec une consistante expérience internationale. Ces jeunes femmes sont prêtes à donner une nouvelle contribution politique au continent entier. Les nouvelles générations des femmes africaines sont indispensables au développement de l’Afrique. Cependant, ce patrimoine féminin il se disperse rapidement parce qu’il n’a pas du soutien nécessaire. Je pense que la vision féminine est indispensable à présent parce que l’intuition féminine est plus clairvoyante et anticipatrice de besoins de l’Afrique au XXIe siècle.
Antonio Torrenzano. Croyez-vous que de l’évolution du statut politique de la femme dépendra l’avenir du continent ?
Makaziwe Mandela. Le nouveau défi sera de faire participer plus les femmes aux processus de décision politique et de gouvernance. Les femmes ont cette capacité que je définis un talent multiple. C’est-à-dire elles réussissent à conjuguer carrière, engagement politique, maternité et famille en même temps et sans jamais perdre la vision générale de l’Histoire. La conscience du rôle des femmes en Afrique est en train d’évoluer dans un sens qui permet d’être relativement optimiste. Dans la réalité quotidienne, les femmes africaines fournissent au total les deux tiers du travail humain. Sans elles, la survie des sociétés africaines ne serait pas assurée. Il n’y aura pas d’évolution décisive en Afrique sans l’évolution du statut politique de la femme.
Antonio Torrenzano
Nelson Mandela : son discours du 10 octobre 1993 pour le prix Nobel de la Paix.
<iframe width=”580″ height=”440″ src=”//www.youtube.com/embed/AO1y1n-XSVs” frameborder=”0″ allowfullscreen></iframe>
Nelson Mandela et le président sud-africain Frederik de Klerk reçoivent le prix Nobel de la Paix en 1993 pour l’abolition de l’Apartheid de juillet 1991. Pendant son discours à l’hôtel de ville d’Oslo, Nelson Mandela rend hommage à Martin Luther King.
« Qu’il ne soit jamais dit par les générations futures que l’indifférence, le cynisme et l’égoïsme nous ont empêchés d’être à la hauteur des idéaux humanistes. Que chacune de nos aspirations prouve que Martin Luther King avait raison, quand il disait que l’humanité ne peut plus être tragiquement liée à la nuit sans étoiles, du racisme et de la guerre. Que les efforts de tous prouvent qu’il n’était pas un simple rêveur quand il parlait de la beauté de la véritable fraternité et de la paix, plus précieux que les diamants en argent ou en or ».
Nelson Mandela : quelle leçon pour les dirigeants de la communauté internationale ?
Nelson Rohihlahla Mandela, le militant antiapartheid obstiné, le prisonnier politique le plus célèbre du monde, le premier président noir de l’Afrique du Sud, est parti. À 95 ans, la nuit du 5 décembre 2013. Absent de la scène politique déjà depuis plusieurs années, Mandela faisait l’objet d’un véritable culte qui dépassait largement les frontières de son pays. Nelson, il «nous a appris à vivre ensemble», a déclaré l’archevêque Desmond Tutu, un autre héros de la lutte antiapartheid.
Après vingt-sept années d’emprisonnement dans des conditions souvent très dures, Mandela est relâché le 11 février 1990, et il soutient la réconciliation et la négociation avec le gouvernement du président Frederik de Klerk. Lorsqu’il fait ses premiers pas, le 11 février 1990 à 16 h 15, hors de la prison Victor Verster de Paarl à une cinquantaine de kilomètres du Cap, Nelson Mandela est un vieux prisonnier politique, mais déjà une icône de la lutte antiapartheid. Une icône politique qui incarne le combat pour l’émancipation des Noirs d’Afrique du Sud. En 1993, il reçoit avec ce dernier le prix Nobel de la paix pour avoir conjointement et pacifiquement mis fin au régime d’apartheid et jeté les bases d’une nouvelle Afrique du Sud démocratique. Le 27 avril 1994, Nelson Mandela est élu président de sa nation. Pour la première fois, à la tête de l’Afrique du Sud, un Président Noir dirige l’État sud-africain.
Le 10 mai 1994, pendant son discours d’investiture présidentielle, il affirme : « De l’expérience d’un désastre humain inouï qui a duré beaucoup trop longtemps, doit naître une société dont toute l’humanité sera fière […]. Nous comprenons bien qu’il n’y a pas de voie facile vers la liberté. Nous savons bien que nul d’entre nous agissant seul ne peut obtenir la réussite. Nous devons donc agir ensemble en tant que peuple uni, pour la réconciliation nationale, pour la construction de la nation, pour la naissance d’un nouveau monde. Que la justice soit présente pour tous ! Que la paix soit là pour tous ! Que le travail, le pain, l’eau et le sel soient à la disposition de tous! Que chacun sache cela, car tant le corps que l’esprit et l’âme ont été libérés pour leur plein épanouissement ! Que jamais, au grand jamais ce beau pays ne subisse l’oppression de l’un par l’autre et ne souffre l’indignité d’être le pestiféré du monde. Que règne la liberté ! Le soleil ne se couchera jamais sur une réussite humaine si glorieuse».
Nelson Mandela restera dans l’Histoire pour avoir négocié avec le gouvernement de l’apartheid une transition pacifique vers une démocratie multiraciale. Et pour avoir épargné à son peuple une guerre civile raciale qui au début des années 1990 apparaissait difficilement évitable.
Antonio Torrenzano
Sur la liberté dans les terres de l’oppression. Conversation avec André Glucksmann.
La conversation avec André Glucksmann a eu lieu à Rimini pendant la XXXe édition des journées internationales d’études sur “Islands without an archipelago. Economies,the masses,nation states in search of a new sovereignty” organisées par le centre de recherche Pio Manzù.
Antonio Torrenzano. Pourquoi soutenez-vous que le premier droit de chaque homme, il est ce de s’opposer contre l’inhumanité de sa condition?
André Glucksmann. La bataille pour les droits humains ne peut pas être fondée sur un idéal abstrait de l’homme ou de l’humanité. Au contraire, telle défense doit être motivée seulement par l’expérience de ce qui est inhumain. Je peux affirmer que l’universalité des droits de l’homme a du sens surtout dans l’universalité de l’inhumain. Voilà parce que les droits ne doivent pas servir à la construction d’un paradis en Terre, mais seul à combattre, bien que possible, l’enfer que nous y trouvons devant. Ce n’est pas l’idée d’un bien suprême qui mobilise les hommes, mais la résistance au mal. J’ai toujours été sans illusions et lointain de l’idéalisme présent dans la Déclaration des droits de l’homme. La même sensibilité vaut aussi pour d’autres personnes qui ont partagé avec moi cette idée: Bernard Kouchenr, Michel Foucault. Ces derniers avaient toujours critiqué chaque définition idéaliste ou métaphysique de l’homme. En conséquence, je n’ai jamais adhéré à la conception des droits de l’homme élaborée au XVIII et au XIX siècle qui postulait la promotion d’un simple idéal humain. Une telle perspective, il me semble trop colonial et je ne peux pas là absolument partager. En outre, devant à un idéal vague, les affronts et les menaces qui pèsent sur l’homme – c’est-à-dire les champs de torture nazis, les tortures, l’humiliation et les oppressions – ils m’apparaissaient comme réalités terriblement concrètes et universelles.
Antonio Torrenzano.Comment expliquez-vous les nombreuses faillites des processus de paix dans le continent africain ?
André Glucksmann. Les “peace builders” considèrent souvent le conflit armé comme un pur objet d’intervention. Ils ne considèrent presque jamais que les guerres sont en revanche un processus plus complexe. Ce processus se concentre sur la construction d’institutions principalement à niveau national et il ignore cependant les causes de fond de la violence soutenues sur le terrain. C’est une approche seulement technique! En outre, quand la communauté internationale montre sa disponibilité à traiter avec la violence endémique sur le terrain, il se concentre en général seulement sur les leviers nationaux ou internationaux de la violence sans analyser la vraie situation et les vrais rapports de force. Une raison de la faillite, dans la gestion de beaucoup de conflits dans le continent africain, est que l’attitude vers la paix a amplement négligé les changements d’organisation des sociétés locales. En plusieurs de régions de conflit, la diminution des compétences de l’État national et la création de mouvements rebelles et de milices, ils ont laissé marges d’action à la formation de nouveaux centres pas nationaux d’autorité qu’ils ont introduit nouvelles modalités de surveillance politique, social et économique.
Antonio Torrenzano. Dans les prochains cinquante ans, Michael Ignatieff soutient dans ses écrits, nous devons nous attendre de voir ultérieurement fragmenté le consentement moral qui soutint la Déclaration universelle des droits de l’homme du 1948. Pourquoi la mondialisation économique n’a-t-elle pas porté une globalisation morale ?
André Glucksmann. Notre premier droit est celui de combattre l’inhumain et de résister à l’oppression en obligeant le pouvoir à respecter l’homme. Ceci concerne la défense des libertés fondamentales qu’ils permettent le progrès démocratique. Chaque homme doit avoir toujours la possibilité de défendre sa propre dignité, n’en oubliant pas qu’il s’agit d’une possibilité toujours relative, possibilité devenue encore plus relative aujourd’hui dans les pays occidentaux.Le respect absolu des droits humains n’existe pas, aussi les pays démocratiques les piétinent. Mais une démocratie garantit toujours à ceux qui veulent faire respecter les droits, la possibilité de s’exprimer et se faire écouter de l’opinion publique. La démocratie n’est pas une réalité parfaite, mais une réalité dans laquelle il est possible de dénoncer qui viole les droits. Aujourd’hui, cette possibilité est étendue plus qu’au passé. Aux États-Unis, par exemple, les tortures sont dénoncées et il y aura des condamnations. Pendant la guerre de l’Algérie, la France a torturé sans problème et aucun militaire n’a jamais été jugé. Il y a encore des États qui utilisent dans une en manière foulée le sujet des droits de l’Homme. La Russie, par exemple, veut faire condamner les atrocités commises par les Américains dans les prisons iraquiennes, mais elle refuse chaque ingérence en Cecenie où les tortures sont une pratique normale depuis dix ans.
Antonio Torrenzano. Pensez-vous à Beslan ?
André Glucksmann. Je pense encore à Beslan, je pense encore aux violences systématiques qui arrivent en Cecenie, à la violence perpétrée sur les femmes, sur les enfants, sur les hommes. Je pense aux cent mille individus disparus dont il y a plus de nouvelles. Ces disparus ne comptent pas pour les chancelleries politiques. Est-ce que les dissidents n’ont jamais compté pour les gouvernements ? La situation peut certainement changer, nous pouvons encore trouver reliquats de moral qui encore hébergent dans beaucoup d’individus. Qu’est-ce que nous répondrons à nos fils quand ils nous revendiqueront quoi nous avons fait pour cette tragédie démesurée? Comment répondrons-nous ?
Antonio Torrenzano