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Conversation avec Niall Ferguson, historien, écrivain, professeur d’histoire contemporaine auprès de l’université de Harvard. Auteur de nombreux essais d’histoire économique, il a publié récemment son dernier livre «The ascent of money. A financial history of the world». Le dialogue a eu lieu en Suisse, dans le village de Klosters à la fin du mois de janvier 2009.

Antonio Torrenzano. Croyez-vous que la grave crise économique, elle pourra engendrer de nouveaux conflits et d’aiguiser ceux-ci déjà existants ?

Niall Ferguson. Toutes les crises ont produit dans notre passé une intensification de conflits armés, de conflits économiques et de conflits sociaux parmi tous les états de la communauté internationale. Les événements des années 1930 et les faits historiques des années 1970 ont produit, par exemple, une instabilité mondiale porteuse de nombreux et graves conflits intérieurs et internationaux. Je crois donc qu’une intensification de l’instabilité internationale elle pourra se produire aussi dans notre présent contemporain. Ils doivent, toutefois, encore émerger de nombreux et d’autres problèmes qu’ils sont encore cachés dans les bilans financiers des banques commerciales américaines et internationales.

Antonio Torrenzano. Vous affirmez que la situation économique pourra-t-elle encore nous réserver d’autres surprises ?

Niall Ferguson. La crise financière a effacé le modèle précédent sur lequel la communauté internationale occidentale a vécu ses derniers dix ans sans se préoccuper d’effectuer les corrections quand il fallait les faire. Le modèle de l’économie mondiale avant la récession, il avait été Chine plus États-Unis. C’est-à-dire,l’économie chinoise elle produisait et elle épargnait tandis que l’économie américaine elle dissipait en vivant sur ses dettes . Encore, l’économie chinoise offrait de prêts monétaires tandis que l’économie américaine les utilisait. Le système a fonctionné dans cette manière pendant les derniers sept ans,mais avec la game over le jeu est terminé.

Antonio Torrenzano. Comment les Pays émergents jugent-ils cette situation?

Niall Ferguson. Les Pays émergents manifestent une très grande désillusion vers celui que les experts appellent Washington consensus. Je crois aussi que le Sommet du G-8 ne soit plus utile et il faudra trouver très vite un nouvel instrument de concertation économique internationale. Nous avons besoin de mesures plus incisives pour rétablir la confiance. Le conflit présent, il se joue tout entièrement entre Pays créditeurs et Pays débiteurs.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Gilles Kepel, politologue, analyste de politique internationale, directeur de la chaire Moyen-Orient méditerranée et du programme doctoral Monde musulman à Sciences Po-Paris. Auteur de nombreux essais, traduits dans plusieurs langues étrangères dont son dernier livre «Terreur et martyre. Relever le défi de civilisation», Paris, aux éditions Flammarion, 2008. Il dirige la collection «Proche Orient» aux Presses universitaires de France. Le dialogue a eu lieu à Paris au mois de janvier 2009 près de l’Institut d’études politiques.

Antonio Torrenzano. Quelles seront-elles les priorités en politique étrangère pour la 44e administration américaine ?

Gilles Kepel. Le défi le plus important de la 44e administration américaine, il sera sûrement la politique internationale. C’est-à-dire, les États-Unis devront rétablir le dialogue avec le monde musulman. Un dialogue qui devra se fonder sur le respect réciproque et un nouvel intérêt. Les premières déclarations du Président Barack Obama confirment cette priorité. En effet, aucun Président américain, il ne s’était exprimé par ces expressions. La ligne politique qui se manifeste par les déclarations du président est claire: pour les États-Unis s’ouvre une nouvelle phase. Une phase de dialogue vers toute la communauté internationale et vers ses alliés.

Antonio Torrenzano. Est-ce que la présidence de Barack Obama pourra récupérer un dialogue constructif avec le monde musulman ?

Giles Kepel. Le monde musulman a déjà cueilli cette nouvelle phase. Les relations avec la communauté musulmane s’étaient détériorées avec les attentats du 11 septembre 2001 et avec le conflit irakien de l’administration de George W. Bush. En revanche, le monde musulman devient pour la 44e administration d’une particulière importance.

Antonio Torrenzano. Quelle influence aura-t-elle la crise économique mondiale sur la politique interne et étrangère USA ?

Gilles Kepel. La récession économique mondiale doit entrer encore dans sa phase la plus aiguë. La phase aiguë de la crise durera au moins pour deux ans, mais il est important de tout de suite acheminer une révision mondiale des règles de vérification sur l’économie financière et des règles qui garantissent l’économie réelle par rapport aux désastres monétaires .

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Emmanuel Todd, historien, démographe, petit-fils de l’écrivain Paul Nizan et le fils du journaliste Olivier Todd. Auteur de nombreux essais comme «La chute finale», en 1976 où il y prédit la décomposition de la sphère soviétique, il a travaillé pour une longue période au service littéraire du quotidien Le Monde. En 1995, il écrit une note titrée «Aux origines du malaise politique français ». Cette analyse, effectuée pour la Fondation Saint-Simon, le fait connaître des médias, qui lui attribuent alors la paternité de l’expression de fracture sociale. En 2002, il publie l’essai «Après l’empire. Essai sur la décomposition du système américain» dans lequel il y a une réflexion sur la puissance déclinante des États-Unis, leur effondrement économique et stratégique, leur incapacité à s’affirmer comme seule superpuissance dans toute la communauté internationale. Cet essai est l’occasion pour Todd d’anticiper la crise financière de septembre 2008, en s’interrogeant : qu’est-ce que c’est que cette économie dans laquelle les services financiers, l’assurance et l’immobilier ont progressé deux fois plus vite que l’industrie entre 1994 et 2000 ? Emmanuel Todd est régulièrement interrogé par les médias au sujet de la vie politique française ou internationale. Le dialogue avec l’auteur a eu lieu à Venise au mois de décembre 2008 pendant un séminaire organisé par l’institut culturel français de Venise en Italie.

Antonio Torrenzano. Pourquoi êtes-vous pessimiste sur la 44e Administration américaine du président Barack Obama ? Pourquoi vos perplexités ?

Emmanuel Todd. Avec le Président Barack Obama resurgit le visage d’une Amérique optimiste et dynamique. Une Amérique civilisée, avec une politique étrangère plus raisonnable, qui aspire à se retirer d’Irak, qui ne veut pas déclarer la guerre à l’Iran. Dans la situation contemporaine de déroutes financière et morale, et compte tenu de la responsabilité inouïe de l’Amérique dans le désordre du monde, le Président Barack Obama va permettre aux proaméricains des pays occidentaux de dire que l’Amérique est redevenue merveilleuse. Avec Bush, on a eu le pire des présidents. Mais, Barack Obama est un homme politique américain et il est entouré de personnalités issues de l’établissement démocrate, voilà mes perplexités.

Antonio Torrenzano. Comment jugez-vous à présent la situation économique, industrielle et de l’innovation technologique aux États-Unis ?

Emmanuel Todd. Si on compare ce qu’étaient les États-Unis en 1945 à aujourd’hui, il serait étonnant d’affirmer qu’il ne reste rien de leur puissance industrielle et technologique. Mais alors qu’ils étaient excédentaires dans tous les domaines, ils enregistrent aujourd’hui un déficit commercial de presque 800 milliards de dollars. La vitesse de régression est hallucinante, et elle n’épargnera pas l’informatique : l’Inde va bientôt porter l’estocade. La situation économique ne changera pas en 2009-2010: elle devrait même se dégrader encore. La question est maintenant de savoir comment, avec l’arrêt de la mécanique des subprimes, on va donner aux Américains les moyens financiers de continuer à vivre. Or les difficultés américaines vont bien au-delà d’une brève période. L’ouragan Katrina avait en 2005 constitué un premier moment de vérité. On a compris tout à coup que les Américains ne disposaient pas d’assez d’argent pour reconstruire leurs villes ou protéger la communauté qui vivait là-bas. Je pense aussi que le conflit au Caucase a contribué, au cours de l’été dernier, à précipiter la crise financière. Il sera en ce sens très intéressant de suivre l’évolution de l’opinion dans les oligarchies financières occidentales.

Antonio Torrenzano. Et dans le domaine militaire ?

Emmanuel Todd. Dans le domaine militaire, le monde est déjà multipolaire. L’incertitude et la complexité tiennent aux illusions que les États-Unis sont encore une hyperpuissance. Ils sont un peu comme les Russes, au moment de l’effondrement du communisme. Il n’y aura plus d’empire américain. Le monde est trop vaste, trop divers, trop dynamique pour accepter la prédominance d’une seule puissance. Les États-Unis restent une grande nation dont la puissance a été incontestable, mais dont le déclin relatif est irréversible. L’entrée en guerre contre l’Irak et la rupture de la paix mondiale ont représenté, de ce point de vue, une étape décisive. Elle redeviendra une grande puissance parmi d’autres.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Paul Berman, analyste et politologue près du World Policy Institute, professeur en science de la politique à la New York university, journaliste. Auteur de nombreux essais, traduits en différentes langues diplomatiques, il a écrit récemment son dernier livre titré «Terror and liberalism». La conversation a été développée par appel téléphonique le 21 janvier 2009.

Antonio Torrenzano. Le Président Barack Obama a toujours été un homme doué d’un très haut pragmatisme. Cette vertu l’a prouvée pendant sa campagne électorale, mais surtout dans la phase de transition de la 43e administration américaine à la 44e administration, c’est-à-dire la sienne.

Paul Berman. Le président a toujours eu un très fort sens de la solution, une très forte aptitude à trouver la meilleure réponse à chacun de problèmes. Il identifie dans une manière naturelle les problèmes, il recueille les différentes idées et puis il trouve les meilleures solutions. Il interprète lucidement le pendule temporel de la société américaine et le pendule s’est déplacé vers le pragmatisme et la résolution urgente et concrète des problèmes. Je crois que le président Barack Obama se reportera pendant son administration à l’ancien président Franklin Delano Roosevelt. Dans les jours précédents à son installation à la Maison Blanche, le Président nous a fait savoir d’avoir réfléchi longuement sur l’essai «The defining moment», de Jonathan Alter. Dans ce livre, Janathan Alter raconte comme Franklin Delano Roosevelt une fois élu, il n’avait pas d’idée sur comme affronter la grave crise du 1929. Franklin Delano Roosevelt fit beaucoup de tentatives et seulement en 1933, il devina la juste solution pour soulever l’économie américaine. Comme Franklin Delano Roosevelt, Barack Obama a demandé à nombreux de leaders de son parti, différents économistes, nombreux d’experts de savoir leurs points de vue en répétant toujours la même affirmation: “donnez-moi des idées valides, des nouvelles idées et ces idées deviendront les miennes”. Tout cela, il signifie avoir et posséder une vision et une approche pragmatiques, être ouvert à la possibilité de changer d’opinion et de s’entendre avec ses adversaires.

Antonio Torrenzano. Une manière d’agir, je dirais complètement différent, respect à ses deux derniers prédécesseurs: George W. Bush et Bill Clinton.

Paul Berman. Les deux derniers présidents, George W. Bush et Bill Clinton ont porté à la Maison Blanche leurs idées et leurs choix idéologiques. Clinton, par exemple, sur l’économie; George W. Bush sur la sûreté nationale. Les deux anciens présidents, ils étaient la projection de la génération des baby-booms et ils avaient une vision de la société américaine complètement différente de celle-là qui est la société des États-Unis contemporaine. Le peuple américain en votant pour Barack Obama, il a voulu dépasser cette opposition idéologique parmi le parti démocratique et le parti républicain. Avec l’élection de Barack Obama à président des États-Unis le pays devient pragmatique et ouvert à plusieurs choix et solutions.

Antonio Torrenzano. Quels seront-ils, alors, les possibles choix pragmatiques sur le dossier Iran et sur le terrorisme international ?

Paul Berman. Le Président a déjà affirmé dans dans sa communication au Sénat, que le Département d’État Américain et l’administration entière affronteront ces deux problèmes en cherchant de nouvelles solutions et de nouveaux alliés, mais en n’oubliant pas la défense des intérêts des États-Unis.Hillary Clinton à en outre affirmé qu’elle tentera le dialogue avec l’Iran, mais que Téhéran ne devra jamais posséder d’armes atomiques. De possibles politiques contre le terrorisme international seraient celles de créer une nouvelle alliance entre tous les États de la communauté internationale pour endiguer cette menace. Le président Obama pourrait-il tenter une nouvelle alliance comme celle-là déjà développée par Bill Clinton dans la région des Balkans contre Milosevic ?

Antonio Torrenzano. Comment seront-ils, selon vous, les nouveaux rapports diplomatiques entre USA et Union Européenne ?

Paul Berman. L’Europe et les États-Unis ont un ordre du jour très concret sur lequel travailler ensemble.Reprise économique, développement des énergies alternatives, combat contre la prolifération nucléaire, stabilisation de l’Afghanistan, ils me semblent déjà problèmes très urgents qui ont une urgente nécessité de solutions partagées.

Antonio Torrenzano

 

*Un spécial remerciement au fotoreporter Angel Grievous pour l’image du professeur Paul Berman.

 

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Conversation avec Larry Sabato, 56 ans, politologue, professeur de science de la politique et directeur du Center of Politics de l’université de la Virginie. Le professeur Larry Sabato est un des analystes politiques le plus écoutés à l’intérieur de son Pays et avec lui nous avons analysé les scénarios que l’Administration Obama devra affronter. La conversation s’est déroulée par appel téléphonique avant le 20 janvier 2009.

Antonio Torrenzano. Je commencerais cette conversation en dialoguant tout de suite sur la profonde crise économique qui serre les États-Unis, mais aussi le reste des pays occidentaux. Qu’est-ce que vous pensez qu’il fera le Président Barack Obama ? Qu’est-ce que vous pensez, de plus, pour ce qui concerne le secteur énergétique, sur un développement rapide des sources alternatives au pétrole?

Larry Sabato. Le plan exécutif pour une solide reprise économique des États-Unis, il sera pour le Président Barack Obama, le texte fondamental qui lui servira pour gouverner dans les prochaines années. Le président doit tenir présente la situation extraordinaire et négative dans laquelle il se trouve son Pays. Les États-Unis ont une dette d’environs de 10 trillions de dollars. La 44e administration américaine commence la gestion du Pays avec une dette nationale de 13 trillions de dollars et, dans ces conditions, beaucoup de travaux planifiés et énoncés pendant la campagne électorale, ils seront destinés de rester tels jusqu’à quand il y aura de nouvelles conditions économiques. Le Président fera ce qu’il pourra avec les moyens à sa disposition. Moyens limités par la dette! Le président Barack Obama est porteur d’idées qu’ils visent à innover radicalement la société américaine, mais il sert du temps et la récession économique n’aide pas la 44e administration américaine. Le pari de réduire la dépendance américaine du pétrole je crois qu’il est un objectif politique de long terme. Je ne crois pas que le Président Barack Obama Obama réussira à concrétiser cette étude dans son premier mandat politique.

Antonio Torrenzano. La romancière Toni Morrison a expliqué que ce ne fut pas par affinité racial qu’elle s’engagea pour Barack Obama, mais mue par la conviction que le Président était un poète. En effet, le 44e Président américain a le meilleur art rhétorique après John Kennedy et Ronald Reagan. Dans cette phase de forte crise économique, combien sera-t-il important ?

Larry Sabato. Je suis d’accord avec vous sur l’art rhétorique du Président Barack Obama, après John Kennedy et Ronald Reagan, il a la meilleure prose. C’est un instrument, qui lui servira beaucoup pour communiquer avec le peuple, pour motiver et pour unir les Américains à regarder l’avenir. Le président Barack Obama, dans l’immédiat, il devra demander beaucoup de sacrifices à ses citoyens et il devra demander, en outre, beaucoup de patience et de force pour affronter de nombreuses difficultés.

Antonio Torrenzano. Professeur, en revanche, pour ce qui concerne la politique étrangère, croyez-vous que le dialogue avec l’Iran il pourra commencer ?

Larry Sabato. Le dialogue ne commencera pas bientôt. Nous aurons plutôt une phase d’arrêt dans la guerre froide entre les États-Unis et l’Iran qu’il pourra, dans le terme moyen, porter à un dialogue concret et nouveau. Cette phase d’interrègne est disséminée, cependant, de risques où il peut arriver de tout.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Daniel Pennac, écrivain, professeur de langue française. Prix Renaudot en 2007 avec son dernier roman «Chagrin d’école», aux éditions Gallimard. Le dialogue a été développé dans deux reprises : dans la ville de Mantoue auprès du «festival della letteratura» pendant le mois de séptembre 2008, à Milan près la fondation Feltrinelli.

Antonio Torrenzano. Comment expliquez-vous la crise de l’école secondaire dans presque tout l’occident démocratique? Alain Touraine, par exemple,recommande de passer d’une école du devoir à une école du sujet .

Daniel Pennac. Quand j’ai commencé à enseigner en 1969, j’entendais déjà dans la salle de professeurs mes collègues décréter dans une manière unanime:le niveau se baisse. Ce refrain sur l’abaissement du niveau d’apprentissage des garçons et des jeunes filles, il trahit un autre malaise: l’incapacité de notre société de dépasser la reproduction de l’élite de la part de soi-même. Mais, aujourd’hui, la vraie difficulté d’enseigner concerne aussi d’autres aspects : le conflit permanent, par exemple, entre les désirs et des besoins des nouvelles générations. Nos fils grandissent dans une société de marketing, dont du matin au soir, elle cherche de taquiner leurs désirs superficiels : consommer toujours de plus, changer de marques, désirer le dernier pull-over de cachemire. En revanche, la mission d’un professeur consiste à s’adresser à leurs besoins fondamentaux: penser, lire,écrire, compter, raisonner. Mais comment enseigner, comment rendre curieuse cette génération qu’un marketing et une publicité effrénée fait vivre dans un embarras permanent entre désirs et besoins?

Antonio Torrenzano. Dans votre dernier roman «Chagrin d’école», vous racontez votre parcours tourmenté comme étudiant. Votre expérience personnelle, combien a-t-elle été utile quand vous êtes devenu enseignant ? Avez-vous obtenu une connaissance supplémentaire pour mieux comprendre les élèves en difficulté ?

Daniel Pennac. Oui, je pense que mon expérience d’étudiant réfractaire m’a donné une connaissance supplémentaire. Qu’est-ce que j’entends pour connaissance supplémentaire? C’est de connaître la nature de ce qu’un étudiant ou une étudiante sentent quand ils sont en difficulté. Cette connaissance, je la considère comme absolument indispensable si on veut enseigner à tout le monde et si on choisit le métier d’enseignant. Le devoir d’un professeur, il est celui de faire avancer toute la classe et pas seulement dix élèves. Je trouve, alors, cette connaissance absolument indispensable. Le roman «Chagrin d’école» n’est pas un livre sur l’école, mais sur la douleur de ne pas comprendre. Moi aussi, j’ai été un étudiant en difficulté et le livre parle de la souffrance de l’enfant que, déjà de petit, sens cette douleur particulière de ne pas comprendre et d’avoir de difficultés dans l’acquisition de savoirs . Cet étudiant, il ne comprend pas sa présence dans la classe autant que les buts didactiques de l’institution scolaire dont il tâchera de s’échapper. Cette douleur provoque dans l’étudiant ou l’étudiante un manque d’estime permanente. Et, un adolescent manqué, il se sent privé d’avenir, prisonnier d’une éternité présente.

Antonio Torrenzano. Par delà nos différences d‘âge, de sexe, de conditions sociales, nous sommes tous et toutes générés par un système familial et un système scolaire. Famille et École sont des générateurs d’impulsions. Toutes deux, affirme le pédagogue Patrick Traube, se reconnaissent dans une commune osmose avec les flux et reflux qui agitent la société, dans une commune sensibilité aux turbulences et soubresauts qui la travaillent. Famille et École font la société. Et, vous n’avez jamais été tendre vers les absences éducatives et culturelles des parents.

Daniel Pennac. J’aimerais vous raconter le circonstance d’un Père de mon élève qu’il était venu chez mon établissement scolaire pour se plaindre de l’insuffisante maturité du Fils et… que le jour suivant, je l’ai croisé sur un trottoir au centre ville, habillé de manières impeccables, mais sur une patinette ! Cette histoire, elle me semble symptomatique d’une société dans laquelle trop souvent ils disparaissent les frontières entre parents et fils. Parents et fils qui sont unis par le même infantilisme à la consommation. La facilité de certains enfants de maîtriser, mieux que les adultes, le fonctionnement de gadgets électroniques à la mode, c’est seulement une pseudo-maturité. La nouvelle génération numérique a fait perdre à leurs parents le sens de l’éducation et de l’amour à donner. Les adultes sont, en outre, beaucoup de fois absents dans l’éducation de leurs fils et incapables à donner de réponses certaines et conformes. Je ne fais pas l’avocat de l’austérité, mais je déplore l’infantilisme des certains adultes, d’un certain marketing permanent ou d’une certaine publicité.

Antonio Torrenzano. Pour être un excellent professeur, quel secret faut-il posséder?

Daniel Pennac. L’amour. Mais, attention:il ne s’agit pas de rendre sentimental le rapport pédagogique. Ce que j’appelle amour, il est un cocktail fait de passion pour la discipline enseignée, un très haut plaisir de la transmettre, une bienveillante curiosité vers la jeunesse et leurs aspirations toujours nouvelles. Ces trois ingrédients, ils me semblent indispensables au métier de l’enseignant.

Antonio Torrenzano

 

* Un spécial remerciement à l’Artiste italienne Giovanna Magnani pour l’aquarelle, titré “vorrei incontrarti”,dont sa peinture bride dans la lumière la poussière magique de chaque récit.

 

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Dialogue avec Alain Touraine, sociologue, écrivain, professeur, directeur d’études à l’École des Hautes Études en sciences sociales de Paris. Alain Touraine est docteur honoris causa des Universités de Cochabamba (1984), Genève (1988), Montréal (1990), Louvain-la-Neuve (1992), La Paz (1995), Bologne (1995), Mexico (1996), Santiago (1996), Québec (1997), Córdoba (Argentine, 2000). Auteur des nombreux essais traduits dans plusieurs langues diplomatiques, il vient de publier «Penser autrement» (éditions Fayard, 2007) et «Si la gauche veut des idées» avec Ségolène Royal aux éditions Grasset. Le dialogue a eu lieu dans la ville d’Assise pendant le séminaire: « I cittadini, le loro individualità, i loro contributi al rinnovamento».

Antonio Torrenzano. Qui sont les lycéens européens du XXI siècle?

Alain Touraine. Ils sont des garçons et des jeunes filles animées par de grandes idées, aspirations, envie de nouveau. Sociologiquement, les lycéens sont la nouvelle génération qui a un 50% de mener le Continent européen vers nouveau objectif et un 50% de rester aux marges de cette société. Par leur action, la société civile et politique a découvert les problèmes de l’instruction à l’ère du XXI siècle. Les lycéens demandent de communiquer dans une manière nouvelle avec leurs professeurs, ils demandent c’est-à-dire que l’école devient plus attentive aux nouveaux défis de la société. L’enseignement est en France, et il reste, aristocrate. En haut, nous avons les grandes écoles, les plus nobles et les plus inaccessibles; puis, la préparation professionnelle, les médecins, les avocats, les professeurs. En bas, l’enseignement technique: chose qui est paradoxale pour une société qu’on définit industrielle. En France, l’école n’aime pas l’industrie et elle impose un modèle unique, ce de l’employé dirigeant au détriment de la formation des techniciens. Il est urgent de diminuer les distances sociales et, donc, de remplacer la hiérarchie des formations par la diversification des chemins éducatifs offerts à chaque niveau.

Antonio Torrenzano. Quel est-il, le rôle de l’enseignement et de l’école dans cette phase historique de début siècle?

Alain Touraine. Il doit apporter des solutions concrètes à des problèmes concrets. Deux choses sont à se faire tout de suite à l’école: il faut la recréer et organiser nouvelles relations entre les professeurs et les étudiants. De l’autre côté, il faut rétablir la relation entre l’école et l’emploi. Le devoir de l’école est de dévoiler, de rendre visible ce que les médias ils cachent. L’école doit fournir à la politique de nouveaux instruments parce que les citoyens peuvent devenir la nouvelle classe dirigeante. L’école doit contribuer à faire manifester leur passion, la sensibilité civile.Sensibilité porteuse de nouvelles instances, de nouveaux droits: contributions uniques au renouvellement de la démocratie. La crise financière du mois d’octobre 2008 a fermé un cycle historique. L’élite du profit et de la Bourse, de la publicité et des affaires, il a raté et produit une grande catastrophe. Historiquement, c’est toujours arrivé ainsi : que les dominants ne soient pas renversés par les dominés, mais par l’énormité de leur ambition et de leurs mensonges. Heureusement, nos nouvelles générations sont infiniment plus vitales et dynamiques des classes dirigeantes européennes. Je l’affirme comme spécialiste, mais aussi comme citoyen: nous devons rénover la politique en commençant par les aspirations de citoyens en faisant attention à tout ce qui se développe dans nos sociétés civiles .

Antonio Torrenzano. Pour ce qui concerne la crise financière, propre, l’Europe a endigué la catastrophe financière.

Alain Touraine. Tout ceci c’est vrai, mais il est vrai aussi que la politique européenne s’est de plus en plus révélée contradictoire et dépourvue d’une position commune entre tous les pays membres. De l’entrée de la Grande-Bretagne, l’Europe a perdu son aspiration sociale. L’Europe est devenue un engrenage de la mondialisation et le technicisme de Bruxelles il a été mis au service d’une révolution liberiste silencieuse. Nous ne sommes indépendants en rien. Tout ça, il est paradoxal pour un continent habité de presque 350 millions de personnes, avec une économie entre les premières de la planète. Les États-Unis, en ce moment décisif et critique, ils ont réussi à élire Barack Obama. Ici chez nous en Europe, ils sont vingt ans qu’un leader digne de ce nom il ne se voit pas. Le niveau de la classe politique européenne est désarmant. Quel leader européen peut-il se présenter aux électeurs pour critiquer le marché qu’il a loué jusqu’au jour avant la crise financière ? Sur ce ballottement, ils pèsent évidemment aussi de fautes historiques, parmi lesquels un certain marxisme survécu pour longtemps. Mais aussi le choix d’épouser dans une manière pas critique l’éthique du marché en laissant la défense de l’État aux mouvements nationalistes. On doit recommencer de l’intelligence et du vécu de chaque citoyen, par sa créativité porteuse de sensibilité civile. Le nouveau terrain de la politique doit redémarrer par la créativité et les aspirations de chaque citoyen. Dans le sentiment diffus que la limitation de la liberté de l’autre, aussi dans un angle caché de la planète, il soit une attaque potentielle à la liberté de soi-même.

Antonio Torrenzano. J’ai de doutes sur comme on puisse concrétiser en pratique ces nécessités.

Alain Touraine. Tout ceci arrive parce que l’Académie, l’Université et l’État, comme nous les connaissons, ils sont le fruit d’un monde au déclin, sorti de la révolution industrielle de moitié du 1800. Notre devoir d’intellectuels, il est d’arrêter ce déclin. De déconstruire le langage dont nous nous servons, de renouveler les schémas désuets d’analyse de la société qui cachent la réalité. De rendre de la visibilité et de la dignité aux gens ordinaires et à leurs instances infinies en encourageant la libération d’énergie parce qu’ils les organisent dans une nouvelle société.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Jacques Attalì, écrivain, économiste, ancien conseiller de François Mitterand, puis président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Il dirige à présent PlaNet Finance et il a présidé la Commission pour la libération de la croissance française. Il a publié de nombreux essais et romans. La conversation a eu lieu dans plusieurs reprises : à Milan auprès du Forum sur l’innovation 2008 et au mois d’octobre 2008 à Paris, auprès de l’Organisation internationale UNESCO des Nations Unies.

Antonio Torrenzano. J’aimerais commencer cette nouvelle conversation sur l’éducation avec vous après la rencontre de Milan, par la même question que j’ai posée à Edgar Morin: comment expliquez-vous la crise de l’école secondaire dans presque tout l’occident démocratique ?

Jacques Attalì. Je voudrais dire qu’aujourd’hui il me semble qu’une des grandes lacunes, une des grandes révolutions à accomplir c’est de considérer l’éducation aussi importante que la santé. À priori, la santé et l’éducation sont les deux grands secteurs fondateurs de la puissance publique, mais personne ne discute de l’importance de se soigner tout au long de la vie, personne ne discute de l’importance de financer la santé pour tous, tout le monde discute de la question de financer l’éducation pour tous. Alors, d’abord il y a des parallèles dans leur réalité, à titre individuel sans éducation on meurt socialement comme sans santé on meurt physiquement. Et même, non seulement on meurt socialement sans éducation, mais on meurt physiquement parce que l’on ne trouve pas d’activités, de travail et on a faim. Deuxièmement, on peut dire que la santé, la maladie sont une chose beaucoup plus dangereuse que l’ignorance parce que la maladie est contagieuse ; et bien, l’ignorance est aussi une maladie contagieuse. L’ignorance est une maladie contagieuse qui entraîne dans nos sociétés la dictature, la barbarie et le comportement désastreux. Il est clair aujourd’hui qu’il faut arriver à concevoir l’ignorance comme une maladie et l’éducation comme une forme de santé. Les deux secteurs sont parallèles, mais l’un est plus maltraité que l’autre et on n’a pas compris encore globalement que l’éducation mérite d’être traitée comme une forme de santé sociale, l’ignorance comme une forme de maladie et c’est pourquoi aujourd’hui l’éducation est un formidable échec collectif comparé au formidable succès collectif du progrès en matière de santé.

Antonio Torrenzano. Se former tout au long de la vie, comme on se soigne tout au long de sa vie…

Jacques Attalì. L’éducation tout au long de la vie doit être une éducation multiple. Je voudrais défendre ici l’idée que se former est une activité socialement utile. Se former est une activité socialement utile qui mérite rémunérations et je pense que c’est la révolution très profonde qu’il faut penser pour régler le problème de l’éducation pour tous. Comme je disais tout à l’heure que l’éducation et le travail sont des formes qui vont être de plus en plus interdépendantes, il faut considérer que se former est un travail et non pas un service qu’on reçoit. Se former est un travail qui est utile évidemment à celui qui le reçoit comme le fait de se soigner et qui est utile à la société parce que l’ignorance est dangereuse et parce qu’une collectivité qui est de plus haut niveau n’améliore le niveau de vie pas seulement de celui qui est formé, mais de sa collectivité. On arrivera à une éducation pour tous tout au long de la vie que si l’on change radicalement de paradigme et si l’on arrive à penser que se former est une activité socialement utile méritant une rémunération comme se soigner est une activité socialement utile méritant la continuation de la rémunération. C’est une inversion radicale par rapport au mode de penser dominant de plus en plus qui consiste à dire que les jeunes doivent emprunter pour payer leurs études ou que l’ensemble du système éducatif doit être financé seulement par ceux qui en bénéficient. Je considère au contraire que se former est une activité socialement utile et qu’il faut organiser le financement de l’éducation comme on organise le financement de la santé.

Antonio Torrenzano. Les nouvelles technologies sont-elles un facteur important dans le développement de l’éducation ?

Jacques Attalì. Bien sûr, il y a un discours très général qu’on répète depuis 20 ans, 25 ans, de colloque en colloque, sur lequel les nouvelles technologies sont un facteur essentiel de développement de l’éducation. Bien sûr, il y a des ordinateurs dans beaucoup de classes, bien sûr il y a des cours par la télévision à travers le monde, bien sûr il y a beaucoup de progrès qui ont été faits dans simplement l’usage de nouvelles technologies dans l’éducation. Mais, en réalité, ce n’est pas du tout du progrès technique en matière d’éducation c’est de l’introduction des technologies extérieures pour communiquer des méthodes traditionnelles d’enseignement. Bien sûr, il y a de grands pédagogues, il y a de grandes recherches depuis Piaget et bien d’autres sur les méthodes d’enseignement, mais en réalité si on regarde bien le progrès en matière d’éducation, de technologie d’éducation sont nuls.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Edgar Morin, écrivain,sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS. Edgar Morin est docteur honoris causa de plusieurs universités à travers le monde dont de l’université de Natal, Université de Porto Alegre et Université de Joa Pessoa au Brésil. Son travail a exercé et il continue à exercer une forte influence sur la réflexion contemporaine, notamment dans le monde méditerranéen et en Amérique latine. Il a créé et préside l’Association pour la pensée complexe (APC). Il est membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence. Il soutient, depuis sa création en 2001, le fonds associatif Non-Violence XXI. Auteur de nombreux essais, traduits dans plusieurs langues étrangères, nous rappelons les derniers: «Éduquer pour l’ère planétaire, la pensée complexe comme méthode d’apprentissage dans l’erreur et l’incertitude humaine» (avec Raul Motta, Émilio-Roger Ciurana), Balland,2003; «Université, quel avenir?» (avec Alfredo Pena-Vega), Paris, éditions Charles Léopold Mayer, 2003; «Pour entrer dans le XXIe siècle», réédition de Pour sortir du XXe siècle publié en 1981, éditions Le Seuil, 2004; «L’an I de l’ère écologique» (avec la collaboration de Nicolas Hulot), Paris, Tallandier, 2007; «Vers L’abîme», Paris, L’Herme, 2007. Le dialogue a eu lieu à Rome au mois de janvier 2008 et à Paris au mois de septembre 2008.

Antonio Torrenzano. Comment l’école devrait-elle éduquer les nouvelles générations à l’ère planétaire ?

Edgar Morin. L’école n’enseigne pas comment affronter l’incertitude ou vivre dans une époque mondiale. L’école offre une fragmentation de savoirs qui tuent la curiosité. Je vous fais un exemple. Il y a quelque temps en France, il était de mode la sémiotique. Les professeurs de langue française ne faisaient plus lire des textes : Racine, Voltaire, Molière, Pascal. Ils prenaient quelques pages des textes et ils les analysaient par la méthode sémiotique. Le résultat ? Les jeunes qui aimaient lire, après ce parcours didactique, ils ne voulaient plus lire. L’école n’a pas d’âme. L’Émile de Rousseau dit: je veux apprendre à vivre. L’école manque, en outre, de passion. Sans passion, nous ne pouvons pas transmettre aux garçons et aux jeunes filles ni de savoirs ni la curiosité du futur . Enseigner est une mission. Une mission laïque, comme aussi d’autres métiers: le médecin, l’infirmier, le magistrat.

Antonio Torrenzano. Comment expliquez-vous la crise de l’école secondaire dans presque tout l’occident démocratique ?

Edgar Morin. La crise de l’école secondaire parcourt presque tout l’ouest démocratique. Cette crise est si violente et elle a la même intensité dans tous les Pays du continent européen. Elle est différente seulement dans la manière dont chaque nation et culture décline la façon de l’affronter et de la résoudre. Une crise de ce genre n’a pas précédents: plus virulente du 1968. Nous sommes en train de vivre une crise profonde et, dans les moments de crise, les adolescents sont les plus faibles engrenages de la société. Aujourd’hui, je constate que la situation est plus grave respect au passé. Le nihilisme du présent a produit un manque de sens de l’avenir. La crise de la société occidentale n’a jamais été si aiguë. Cette situation est comparable à un fort état décadent et les jeunes, ils subissent plus que d’autres ce manque d’avenir. L’école, toute seule, elle ne suffit pas. Le problème est multidimensionnel et l’école devrait enseigner l’histoire et les cultures de tous. De qui est né au Kabul, à Palerme, à Paris, à Helsinki, à Pékin. Il faut que l’histoire mondiale soit unie aux histoires locales. Les jeunes sont égaux dans le monde entier : ils sont des êtres humains faits de biologie, de curiosité intellectuelle, de poésie. Il faut espérer dans une nouvelle renaissance, une redécouverte humaniste des valeurs du monde entier. Les jeunes de cette génération n’ont pas de certitude; devant à eux, il existe seulement le chômage. Et personne, il ne répond pas à leurs questions.

Antonio Torrenzano. Pour apprendre, j’ai toujours pensé qu’il fallait le faire avec passion et respect vers mes étudiants. J’ai eu de la chance ou je me suis trompé ?

Edgar Morin. Il faut avoir beaucoup d’amour et passion. Ce n’est pas mon idée, je me réfère à Platon. Il faut réveiller dans les jeunes la curiosité, le sens de l’invention, l’étude par une méthode interdisciplinaire.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Umberto Galimberti, écrivain, professeur de philosophie de l’histoire et de psychologie dynamique auprès de l’université Cà Foscari de Venise, membre de l’International Association of analytical psychology, éditorialiste au quotidien italien «La Repubblica». Auteur de nombreux essais, traduits en allemand, espagnol, portugais, grec et japonais, dons nous rappelons : « Il tramonto dell’Occidente nella lettura di Heidegger e Jaspers (1975-1984)», « Il corpo» 1983, «Gli equivoci dell’anima» 1987, «Psiche e Techne. L’uomo nell’età della tecnica» 1999, «Le cose dell’amore» 2004, « La casa di psiche. Dalla psicoanalisi alla pratica filosofica» 2005, « L’ospite inquietante. Il nichilismo e i giovani» 2007 et la dernière publication « Il segreto della domanda. Intorno alle cose umane e divine» Rome, Apogeo éditions, 2007. Il est encore auteur du «Dictionnaire de psychologie» Milan, Utet éditions 1992. Le dialogue a eu lieu à Reggio Emilia et Venise auprès de l’université Cà Foscari.

Antonio Torrenzano. Pourquoi les nouvelles générations ont-elles peur de l’avenir ? L’école déroule-t-elle encore son vrai rôle ?

Umberto Galimberti. Les dernières générations ont devant le rien qui s’annonce. Ils vivent dans une absence de sollicitations, qui porte cette génération à s’enivrer par de fortes émotions, de musique et images violentes, de sensations synthétiques, mais artificielles. Même s’ils ne le savent pas, les jeunes vivent très mal leur temps présent. Les horizons sont opaques, leurs âmes sont dans un état de lassitude et leurs sentiments ne brûlent pas dans le coeur comme, par contre, il devrait arriver à cette période de la vie. Le problème est le nihilisme. Les valeurs se sont maintenant écroulées, voilà le problème. Attention, parce que les valeurs dont je parle avec vous, ils ne sont pas affirmés dans le sens spirituel ou moral. Le sens, que j’attribue ici à la parole, est le manque de cohésion sociale, de relations humaines, de reconnaissance de l’autre. Facteurs que notre société contemporaine a perdus au long de la rue. Nous vivons dans une sorte de solitude de masse, où l’avenir est impénétrable. Les nouvelles générations n’ont plus un parcours guidé de croissance émotive ni à l’école ni chez eux avec les parents. Quand l’école n’accroît pas l’émotion, mais seulement les données mnémoniques, les jeunes ne connaissent plus les sentiments. À la place du dialogue succède le geste, qui est un revenir aux origines. Dans le monde primitif, les gestes remplaçaient le conflit exercé avec les mots. Mais si les garçons ne connaissent plus de sentiments ni de mots, le geste finit d’être le seul élément agrégeant.

Antonio Torrenzano. Le nihilisme, dont parlez-vous dans vos derniers essais, est-il en train de priver les nouvelles générations des énergies nécessaires pour construire l’avenir ?

Umberto Galimberti. À la base du nihilisme des nouvelles générations, il y a l’absence de l’avenir. Avenir qu’ils ne voient pas. Futur qui n’attire plus, parce que l’avenir est au-delà de nulle part. Les parents, de leur côté, ils renoncent à leurs autorités et ils deviennent contractuels: si tu prends un bon vote, par exemple, nous te donnons la motocyclette. La situation devient très préoccupante. Les jeunes ne vont pas en avant, mais pour un mécanisme de logique infernale. À mes temps, l’avenir s’annonçait comme espoir; pour eux, le futur est décourageant. Ils devraient réussir à découvrir une ancienne pratique des Grecs: connaitre soi-même. C’est-à-dire ta spécificité, ta vertu, tes capacités uniques. L’ancien proverbe grec affirme que chacun de nous, il vient au monde avec un mandat précis, une fonction. Si chacun de nous réussit à trouver son mandat précis: chacun de nous atteindra son démon, son étoile polaire, son nord. Cet exemple, il fait comprendre l’idée d’eudaimonia, comme les Grecs disaient. C’est-à-dire notre bonheur, la bonne réalisation de notre démon.

Antonio Torrenzano. Mais la société contemporaine a-t-elle aussi la faute de barrer aux jeunes la possibilité de s’exprimer ?

Umberto Galimberti. Si la société réelle ne convoquait pas très bientôt les nouvelles générations à oser, à croire à l’avenir, à créer une nouvelle forme de vivre ensemble, à mettre à disposition de tous leur créativité, alors ils continueront à s’exprimer dans la société virtuelle. La croissance très rapide du Réseau Net, des carnets numériques, de toutes les nouvelles formes de culture électronique donnent une visibilité, une reconnaissance, une identité qu’aujourd’hui est barrée à eux dans l’espace social et politique de la réalité.

Antonio Torrenzano