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Caro Aldo,

comme nombreux de ma génération, j’étais à l’école le matin du 9 mai 1978 et j’avais 12 ans. Nos cours scolaires vinrent interrompus et nous nous réunîmes tous autour du bureau de notre enseignant pour écouter les nouvelles à la radio. Le mois de mai 1978, pour ma génération, il ne sera pas rappelé pour les quarante ans de 68 en Italie, mais pour ta disparition et la mort de Raffaele Iozzino, de Oreste Leonardi, de Giulio Rivera, Francesco Zizzi et Domenico Ricci, agents de police assassinés au mois mars 1978 dans la rue Via Fani. J’ai pitié et peine pour les assassins, mais ni haine ni rancune. Pitié, seulement de la pitié ! Comme individus, en revanche, j’essaie honte pour les nombreuses omissions des institutions italiennes et étrangères, qui ont empêché le travail de la magistrature italienne à découvrir toute la vérité.

Comme nombreux de ma génération, la Démocratie est l’unique horizon pour toutes les communautés des vivants, le dialogue le seul moyen pour comprendre les autres, les droits humains un point de repère absolu, la négation de toutes violences une condition pas négociable.

Que reste-t-il, Aldo? Qu’est-ce qu’il reste? Ils restent tes idées, la modernité de tes leçons universitaires, ta vision sur la centralité de l’Homme. Il reste en nous la recherche continue de l’humanité dans tous nos rapports sociaux. L’attention et la défense de la personne humaine, de sa dignité, de l’idée de justice, de vérité, de liberté. Il reste la certitude de ces valeurs.

À conjuguer rigoureusement laïcité et foi, à conjuguer la recherche dans les sciences humaines et sociales et les effets concrets dans la société, l’action sociale à la défense de tous les intérêts collectifs, au refus qu’une société démocratique peut justifier la peine de mort. Parce que la peine de mort est une honte inimaginable pour une démocratie sociale et politique.

À avoir toujours la vision d’une École, d’une Éducation nationale en mouvement et corps vivant de la société. D’être des sujets engagés dans l’enseignement,des sujets qui se sont déshabillés de leurs intérêts particuliers parce qu’ils ont mis à disposition de la collectivité et des nouvelles générations leur intelligence, leur volonté, leur initiative, leur capacité de choix. À nous faire toujours rappeler qu’un fonctionnaire public satisfait non seulement les intérêts d’autrui, mais quotidiennement il déroule une mission sociale. À ne pas oublier d’être inutiles servi sumus. De rester toujours inquiets, car qui croit, il sera toujours un inquiet à la recherche de l’absolu.

Pour ma génération, Aldo Moro est encore vivant. On meurt quand on évite une passion, quand on commence à préférer le noir ou le blanc sans distinguer toutes les tonalités du gris. On meurt quand on ne distingue plus l’ensemble d’émotions… justement celles qui font briller les yeux, celles qui font devenir un simple bâillement en souri, celles qui font battre le coeur devant à la faute et aux sentiments. On meurt quand on commence à abandonner un ouvrage avant du commencer, qui ne pose pas de question sur des sujets qui ne connaissent pas, qui ne répond pas sur un sujet qui connait bien. On meurt quand un homme devient esclave de l’habitude, en répétant chaque jour les mêmes parcours. On meurt, quand un individu ne risque plus à poursuivre un rêve.On meurt, quand une personne n’attache plus de la valeur à la parole que nous permet de vivre et de nous émouvoir. On meurt, quand une communauté n’attache plus de la valeur à la noblesse de tout individu, à sa gentillesse, à sa dignité.

Ils sont passés trente ans de ta disparition et pour ma génération tu es encore avec nous, mais la mélancolie de ton absence est identique à celle du 9 mai 1978.

 

Antonio Torrenzano.

 

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Conversation avec Khaled Hosseini, médecin, écrivain, né à Kabul en 1965, fils d’un agent diplomatique et d’une enseignante. Dans l’année 1980, il quitte son Pays en obtenant le droit d’asile avec sa famille aux États-Unis, dans la ville de Saint José en Californie. L’entretien a eu lieu à Milan où l’écrivain il se trouvait pour participer à la présentation du film de son premier roman.

Antonio Torrenzano.Devant le symbole désespérant de la situation en Afghanistan, quoi faire à votre avis ?

Khaled Hosseini. J’ai été récemment à Kabul, même si dans les derniers ans, la violence dans la Capitale est grandie. Je me suis senti plus tranquille dans le nord de l’Afghanistan qu’à Kabul. Je crois qu’après vingt ans de guerre, le Pays n’a eu aucun gagnant et que la grande défaite retombe encore une fois sur la population civile qui vit dans la misère, dans l’incertitude et projet pour l’avenir. En outre, la communauté internationale n’a pas réussi encore à arrêter le narcotrafic, vu que 90% de l’opium et de l’héroïne ils sont produits en Afghanistan. Il sert un effort civique pour changer mon pays. Le pays est en guerre depuis vingt ans et, maintenant, il faut avoir un vrai ouvrage à construire, un plan de reconstruction et de pacification. Dans cette période, je suis en train de collaborer avec l’agence UNHCR des Nations unies pour d’actions qui prévoient la reconstruction de villages et surtout d’écoles parce que le 70% de la population afghane est encore analphabète et elle n’a pas d’accès à une éducation proportionnée.

Antonio Torrenzano.Est-ce que votre activité d’écrivain peut être une feuille de route pour l’humanité souffrante d’un peuple?

Khaled Hosseini. Je crois, que dans cette période historique, il soit fondamental raconter avec certitude l’Afghanistan, insister par un témoignage direct . Parce qu’aussi l’action d’expliquer, de raconter, de sensibiliser, il sert aux droits humains. Comment discuter de l’avenir quand le risque d’être assassiné, harcelé,menacé, le risque de disparaître est-il encore très haut ? Comment penser à l’avenir si le risque de voir notre conjoint ou nos enfants être à leur tour menacé en raison de notre activité ? Le risque enfin, si l’on a échappé au pire, est de perdre confiance en soi et d’abandonner la défense des droits humains… Ce qui est précisément l’objectif de la violence. En Afghanistan, la violence est encore bien réelle.

Antonio Torrenzano. À travers un cerf-volant, une anecdote, peut-on raconter une grande histoire?

Khaled Hosseini. L’Afghanistan ne peut pas être raconté si on n’est pas né dans cet endroit. Les montagnes afghanes, par exemple, si tu ne les parcours pas, si tu ne les escalades pas, tu ne peux pas les raconter. À travers un petit épisode, je raconte une grande histoire, parce que l’histoire racontée par d’expériences personnelles, souvenirs, une anecdote de la vie d’un homme, d’un village, elle peut beaucoup plus expliquer. Une petite expérience personnelle explique mieux et, de manière plus incisive, vingt ans de guerre. Elle peut raconter l’humanité souffrante d’un peuple. Pour moi, il a été un cerf-volant. Moi-même, quand j’étais un enfant, j’ai eu un cerf-volant et j’y jouais dans le même quartier de Kabul où il se déroule l’histoire de mon premier roman. Le film, comme dans le roman, il raconte un angle différent de l’Afghanistan, une histoire d’une famille semblable et identique à une histoire quelconque.

 

Antonio Torrenzano.

 

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Conversation avec Lester R. Brown, un des pionniers du développement durable. Il a fondé, puis présidé pendant 26 ans le World Watch Institute. Il a ensuite fondé en 2001 l’Earth Policy Institute, organisme de recherche interdisciplinaire basé à Washington DC,qui dirige comme Président.Lester R. Brown a reçu d’innombrables prix et distinctions, dont le Prix pour l’Environnement des Nations Unies en 1987, la Médaille d’Or de la Nature du World Wide Fund en 1989 et le Prix Planète Bleue pour en 1994. Plus récemment, il a reçu en Italie la Médaille du Président de la Republique et le Prix Borgström décerné par la Royal Swedish Academy of Agriculture and Forestry. Écrivain, il a écrit de nombreux livres, traduits en plus de 40 langues. Le dialogue a eu lieu près de la Fondation Pio Manzù à Rimini pendant la XXIXe édition des journées internationales d’études.Site numérique de l’Earth Policy Institute, http// www.earth-policy.org

Antonio Torrenzano. L’eau est-elle devenue une ressource rare ?

Lester Brown. Vous devez penser à la Terre comme à une fondation philanthropique, qui possède un capital naturel de base. Cette fondation pourrait distribuer de donations à l’infini au pacte de gérer avec attention sa richesse de base. Celui que nous sommes en train de faire avec notre planète, c’est le contraire. Je crois que les États n’ont pas encore compris que leurs gestions des ressources naturelles, c’est un désastre. Je n’entends pas parler de toutes les ressources naturelles, mais je voudrais m’arrêter sur l’exploitation des ressources hydriques parce que nous sommes en train de sous-estimer les effets qu’ils auront sur l’économie mondiale. L’irrigation représente le secteur de la grande consommation mondial d’eau : 70% de l’eau utilisée dans le monde finit sur les terrains cultivés, 20% est destiné à l’industrie et 10% est utilisé pour la consommation domestique. Ce qui arrive aux réserves hydriques,il influence les réserves alimentaires et je rappelle que la Chine, l’Inde, les États-Unis sont en train d’abuser amplement de cette ressource.

Francesca Soli. Pouvez nous expliquer comme les réserves hydriques influencent les réserves alimentaires ?

Lester Brown. Chaque année, des agriculteurs américains manquent d’eau et ils sont contraints à revenir aux anciens systèmes d’irrigation avec des récoltes réduites de la moitié comme objectif économique final. La Chine a le même problème. Pour produire une tonne de grain, qu’il vaut à la limite 200 dollars, ils servent 1.000 tonne d’eau. Le développement industriel chinois est en train d’adsorber, en outre, plus de ressources hydriques que la même agriculture avec des déséquilibres entre les deux secteurs industriels. Mais, il existe un autre problème pour l’urgence hydrique qui dérive par la mondialisation du commerce international des céréales. Aujourd’hui, au titre d’exemple,dans le monde, les marchés d’importation de céréales qu’ils sont en train de grandir plus rapidement, ce sont l’Afrique du Nord et les pays du Moyen-Orient. Ces pays, ils sont en train de forcer leurs limites d’une croissance hydrique équilibrée, car la demande croissante hydrique des villes vient satisfaite en soustrayant de l’eau à l’agriculture. La quantité d’eau, qu’il faudrait avoir à disposition pour produire les céréales importées, il correspondait en 2002 au débit annuel du fleuve Nil . Donc, en voulant représenter la grandeur contemporaine du déficit hydrique de cette région de la planète, nous pouvons imaginer un fleuve de céréales qui coule à travers toute la zone géographique du Moyen-Orient. J’ai fait ce petit exemple pour montrer que quand on importe une tonne de grain, de fait, il est comme si on importait mille tonnes d’eau.

Antonio Torrenzano. Est-ce que les conflits futurs pourront être combattus pour la pénurie des ressources hydriques ?

Lester Brown. J’aimerais continuer par des exemples. Commercer par titres financiers, dénommés futures, sur le grain, dans un certain sens, il signifie commercer par des titres financiers de l’eau. Différents pays sont en train d’égaliser le propre bilan hydrique à travers le commerce international des céréales. Les conflits futurs pourront être vraiment combattus pour la pénurie d’eau et pour les ressources hydriques. Je voudrais dire quelques mots sur l’appauvrissement des nappes aquifères. Nombreuses nappes aquifères, elles sont renouvelables, mais pas toutes. L’épuisement des nappes aquifères est devenu réel, depuis quand nous avons à disposition de pompes électriques pour l’approvisionnement hydrique. L’aspect inquiétant de telle extraction, c’est l’énorme exploitation de la ressource hydrique. Qu’est-ce qu’il arrivera quand la population à nourrir augmentera et les ressources alimentaires produites par l’eau, elles ne seront plus suffisantes ? L’eau est ensuite le nouveau problème, mais ce problème nous sera indiqué par l’aggravation des prix du secteur alimentaire, comme j’ai déjà expliqué dans mes réponses précédentes. En 1995, j’ai écrit un essai, titré «Who will feed China», où j’expliquais que 1 milliard et 300 millions d’individus, presque dans l’année 2015, auraient eu besoin d’environ 50 ou 60 millions de tonnes de céréales pour se nourrir. Soixante millions de tonnes de grain sont une quantité supérieure à celle exportée du Canada à ce moment. Qu’est-ce qu’il arrivera? Les prix des céréales augmenteront sur l’entier marché mondial, tout le monde constatera une forte augmentation des prix, mais aussi de nourriture et d’eau en moins pour tous. Il se vérifiera une nouvelle et inédite situation géopolitique, jamais vérifiée dans l’histoire précédente avec des conséquences dont aujourd’hui je n’ai pas de réponses.

Francesca Soli.

Antonio Torrenzano.

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Le lecteur constatera que, au-delà des références aux événements immédiats au début de l’année 2007, les questions posées pendant les conversations et les réflexions menées par les maîtres à penser n’ont pas perdu de leur actualité, car elles transcendent les contingences du quotidien. Les analyses faites et les réponses apportées ne sont évidemment ni exhaustives, ni définitives. Elles ont cependant semblé suffisamment novatrices et susceptibles d’ouvrir sur d’autres débats ce carnet virtuel pour la prochaine année.

Le privilège intellectuel de nous journalistes, je crois qu’il est le privilège de poser de questions. En n’oubliant jamais de s’interroger comme individus sur le changement. De poser questions épineuses, tragiques,irrévérencieuses que le monde sollicite afin de raconter plus mondes possible, plus humanité possible. J’ai fini de lire dans ces jours deux livres, pour quelques vers antithétiques, mais complémentaires en même temps. Le dernier petit essai de Tvetan Todorov,”la littérature en péril”, publié chez la maison Flammarion et l’essai de Vito Mancuso, “l’anima e il suo destino” (en langue italienne et pas encore traduit en langue française), publié chez la maison d’édition italienne Raffaello Cortina. Tvetan Todorov affirme que la littérature est en train de perdre sa fin authentique,c’est-à-dire la connaissance de l’homme.Une littérature et une critique qui se disjoignent de l’humanité qu’elles doivent représenter, ou souligner dans l’oeuvre même, ils deviennent alors simples jeux formels . Au célèbre dogme de Mallarmé:le monde existe pour aborder à un livre; Todorov oppose l’idée qu’un livre, pour être vraiment livre, il doive comprendre, contenir, reconnaître plus humanité possible, plus monde possible. Et le critique littéraire? Pour Tvetan Todorov, un connaisseur de l’être humain. Parce que, si pour celui qui écrit l’objet est la condition humaine; qui lit et interprète la littérature, c’est-à-dire le critique, il sera deux fois un spécialiste et un connaisseur d’humanité. Le travail de Todorov m’a plu. Todorov lance une interprétation inactuelle dans ce temps présent, celle d’une destination civile et communautaire de la critique littéraire, d’une sollicitation de la raison au sens kantien contre les vanités et les multiples inhumanités de notre période historique. Une critique littéraire qui s’indigne, qu’il se range pour la vérité en opposition à une certaine école de pensée, selon laquelle l’auteur, la réalité, le style sont un pur fétiche et, que l’interprétation du texte, ce n’est qu’une modalité formelle.

Vito Mancuso, philosophe et professeur de théologie moderne et contemporaine près de la faculté de philosophie de l’Université San Raffaele de Milan, il écrit de l’âme et de sa destinée. L’âme… la chose la plus éthérée, pas facile à raconter dont beaucoup de monde joint à douter qu’elle existe. Pourtant, de l’autre côté, c’est la chose plus forte,parce qu’elle est forte comme la vie, comme l’honnête, comme la vérité. Mais sans âme chaque individu aurait-il pu posséder l’émotion ou la passion? Mystère de l’attirance. Autre mystère,plus impénétrable,celui de l’appartenance et de la fidélité. L’esprit est l’émotion de l’intelligence qui s’établit en son et il produit la musique immortelle des concerts de Mozart;l’esprit est l’émotion de l’intelligence qui s’établit en couleur et il produit les ciels étoilés et les champs de Van Gogh; l’esprit est l’émotion de l’intelligence pour l’ordre et la symétrie du monde qui s’établit dans la recherche scientifique et qu’il fit parler Albert Einstein de “l’admiration extasiée des lois de la nature”;l’esprit est l’émotion de l’intelligence qui s’établit en philosophie et il produit la justice parfaite de l’impératif catégorique kantien. L’esprit est encore la pointe de l’âme: l’intelligence qui veut, la volonté qui pense, l’intégralité de l’expérience humaine. C’est-à-dire la totale consécration de l’homme à quelque chose de plus grand que soi. Les romantiques utilisent le terme coeur, le terme grec energheia,c’est-à-dire le souffle vital, la passion. Comment faire, alors, pour retourner à une clairvoyance solidaire?

Antonio Torrenzano.

 

 

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Conversation avec Andrea Riccardi, fondateur de la communauté Sant’Egidio,romain de naissance, professeur d’histoire du catholicisme, il incarne le nouveau profil du laïc servant l’Église, à la tête d’un mouvement atypique, s’inspirant d’un humanisme pragmatique et d’une spiritualité œcuménique, héritage de mai 1968 et du Vatican II. La communauté Sant’Egidio associe ostensiblement prière, apostolat et bénévolat caritatif dans les champs les plus divers: prestation de repas, prise en charge des personnes âgées, des handicapés, des drogués, des malades du sida ou des immigrés en quête de papiers, d’emploi ou de logis.La communauté née à Rome,s’est développée d’abord dans toute l’Italie, puis dans le reste de l’Europe et, enfin,sur tous les continents. Présent aujourd’hui dans quelque soixante pays, leur mouvement mobilise presque trente mille personnes. La communauté Sant’Egidio partie de Rome, elle s’est éparpillée dans le monde en une myriade de petites communautés, surgies spontanément, dans les milieux les plus variés (urbain, rural, universitaire), souvent dans la mouvance du catholicisme, mais aussi d’autres religions, se portant audacieusement au cœur des conflits, raciaux, sociaux politiques religieux, avec un souci constant d’universalisme, d’ouverture, d’œcuménisme. Le dialogue a eu lieu à Paris auprès de l’UNESCO pendant la présentation du dernier essai du professeur, “vivre ensemble”.

Antonio Torrenzano. Comment vivre ensemble? Je pense au frère Roger de Taizé qui affirmait: “La voie? Parler au coeur de l’homme”.

Andrea Riccardi. La certitude de devoir vivre ensemble, elle doit être cultivée par le dialogue. C’est ainsi que nous travaillons depuis des années à ce rapprochement entre mondes religieux et cultures, en tissant un réseau d’échanges et d’amitié entre hommes et femmes de confessions différentes. Par la connaissance revient la sympathie. Malgré beaucoup d’épisodes douloureux, on retrouve la paix inscrite au plus profond de la grande tradition religieuse du monde. Le dialogue suscite la sympathie, conduit à la cohabitation, et tarit les sources de conflits. Le dialogue entre les religions et l’humanisme laïc, partie intégrante de la civilisation contemporaine, est une école de tolérance et rappelle la signification des valeurs. Le manque de tolérance interdit toute sympathie réciproque: cette méfiance, ce mépris, ces préjugés, qui semblent d’inévitables héritages du passé, deviennent alors un terrain favorable au développement de dangereuses passions. La différence, on ne peut pas la réduire par des conflits. Nous ne croyons pas à une conciliation à l’amiable, à un relativisme à bon marché, à la création en laboratoire de vérités toutes faites, bonnes pour tous. Nous connaissons les profondes différences. Mieux, en contemplant parmi nous toutes ces différences religieuses, nous en comprenons la leçon: il n’y a rien dans ce monde, ni même une religion, qui peut être hégémonique. Pas une culture, pas un pays, pas une civilisation, pas une religion, pas une idéologie: ils ne peuvent pas être hégémoniques. Notre monde, malgré la globalisation, est profondément pluriel. Nous sommes nombreux et différents.Notre monde a donc besoin du réalisme du dialogue, comme d’un art de faire la paix et de vivre ensemble.Le Président de la République du Mozambique, Armando Emilio Guebuza, a eu le courage du dialogue pour faire sortir son pays d’une guerre civile qui l’étranglait. Le Mozambique nous offre une leçon sur la valeur de l’art du dialogue pour construire la paix. Mais il nous offre aussi une leçon sur la capacité de collaborer avec tous afin de réaliser une vie meilleure pour son peuple. Le dialogue c’est la reconnaissance des diversités. Ce n’est pas toujours facile et parfois douloureux à accepter. Il y a donc deux voies: la voie de la folie qui veut plier les diversités et les combattre ou celle de la sagesse, c’est-à-dire, les accueillir dans une vision large et pacifiée du monde. Souvent, les terribles simplificateurs nous montrent un monde réduit aux chocs de civilisation et religion. Mais ce n’est pas ainsi. Nous sommes tous liés en profondeur, même si différents. Un tissu métis, culturel et spirituel, nous enlace tous, même si différenciés par nos identités. Être soi-même, fidèles à sa foi, ne contredit pas la recherche du dialogue. Le dialogue entre les croyants est nécessaire, tout comme celui entre croyants et humanistes. Un grand écrivain français, laïque, né en Algérie, Albert Camus, disait à des religieux chrétiens lors d’un entretien: “le monde a besoin de vrai dialogue. Le contraire du dialogue, c’est du mensonge comme le silence et, il y n’a pas d’autres dialogues possibles que celui entre gens qui restent ce qu’ils sont et qui parlent sincèrement “. Le dialogue réclame que les croyants soient de vrais croyants. Il faut parler avec courage au coeur des hommes et des femmes: il faut parler de la sainteté de la paix et de la malédiction du mépris et de la haine. Haine et mépris labourent sur le terrain où poussent les graines de violence.

A.T. Nous en tant qu’européens, sommes-nous en mesure de représenter encore quelque chose sur la scène du monde? L’Union Européenne vit un passage politique très délicat, la même politique révèle un renoncement à l’insignifiance avec le résultat que sur la scène d’un monde globalisé, plusieurs fois, nous sommes absents.

Andrea Riccardi. Il y a dans notre monde contemporain un besoin incroyable d’Europe! Oui, un grand besoin d’Europe! Il y en a besoin sur les frontières de la paix. Au Proche-Orient. En Afrique. Il y en a besoin comme présence culturelle capable d’une médiation dans une mondialisation qui aplatit tout. Notre Europe, à travers son histoire complexe, a la capacité de créer une civilisation où marché et solidarité sociale vont de pair; elle a la capacité de mettre ensemble les racines religieuses avec la laïcité; elle maintient le pluralisme linguistique par la “traduisibilité” des cultures et des langues; elle a des ressources précieuses pour ceux qui croient encore dans l’humanisme. L’Union Européenne, alors, veut dire paix. Paix entre les européens qui ont lutté entre eux pendant des siècles, spécialement pendant deux guerres mondiales qui ont ensanglanté le continent et dévoré avec la Shoa, le peuple juif et d’autres groupes européens. Paix entre les européens, mais elle veut dire paix aussi pour les non européens: c’est-à-dire un message qui va au-delà de nos frontières. La Paix est une richesse que les classes dirigeantes n’évaluent pas toujours à long terme, en dehors du débat politique quotidien éphémère et épuisant. Mais qu’avons-nous fait de cette paix? C’est une question qui me pèse, surtout après avoir vu s’évanouir la grande occasion de la fin de la guerre froide sans ouvrir une saison de paix, donnant lieu au contraire à la prolifération de conflits et à une nouvelle considération de la guerre. C’est une question qui m’habite depuis que j’ai vu comment la Communauté de Sant’Egidio (je pense en particulier au processus qui a mis fin au conflit du Mozambique avec son million de morts) a pu expérimenter que la paix est possible et n’est pas une utopie de rêveurs.

A.T. Et notre confrontation avec les cultures proches à nos frontières?

Andrea Riccardi. Il faut reparcourir les frontières de l’altérité en Europe. Les frontières avec l’orient orthodoxe, intérieur comme la Grèce, mais extérieur, comme la Russie. Sans cet Orient, il n’y a pas d’Europe parce qu’elle est dans un état d’asphyxie. Et, pour continuer, comment ne pas réfléchir sur les frontières de l’altérité avec l’Islam? On doit le faire devant le risque d’une rhétorique de l’affrontement et d’une réalité d’antipathie de masse et de terrorisme. Cette Europe, ne doit-elle pas avoir une stratégie de dialogue avec l’islam intérieur et surtout extérieur, avec la religion qui est en train de devenir la plus grande religion du monde? J’arrive enfin aux frontières de l’altérité de la pauvreté: l’Afrique, à laquelle beaucoup de pays européens ont tourné le dos. Le continent africain est réduit à présent à simple terrain de guerres et du SIDA. L’engagement pour libérer l’Afrique de la fin du futur est un banc d’essai primaire pour la civilisation européenne. L’émigration nous le dit chaque jour. Émigration qui n’est pas une question de frontières, mais l’expression d’une perte de confiance des Africains en leurs pays et le début d’une grande invasion, comme Jean-Baptiste Duroselle écrivait lucidement il y a des années. Devant ces frontières de l’altérité (il pourrait y en avoir d’autres),je mesure les réticences européennes. L’Europe a une histoire de projection universelle marquée par l’impérialisme et le colonialisme dont nous sommes touchés au vif par les erreurs du passé. Mais est-ce que cela veut dire renoncer à l’universel? Dans un monde globalisé, peut-on renoncer paradoxalement à l’universel?

Antonio Torrenzano. Quel avenir… au-delà de nulle part?

Andrea Riccardi. Il y n’a pas un dogme, pas de formule scientiste ou idéologique pour indiquer cette voie d’avenir : un humanisme de paix, une civilisation où on vit ensemble dans la diversité. Rien et personne ne peut unifier : ni par la force, ni par l’économie, ni par la puissance culturelle. Tout découle d’une convergence convaincue dans la liberté. La liberté, celle de chacun et des groupes, est une réalité inviolable. Un grand spécialiste de l’Islam, le tunisien Mohammed Talbi, a écrit : “quand se brisent les stylos, ne restent que les couteaux“. L’aventure de la liberté ne nous effraye pas, parce que nous savons que les croyants sont porteurs d’une force spirituelle d’amour et de miséricorde. Long est le chemin de la composition des différences. Mais c’est la voie de la paix. Il y n’a pas d’humanité sans paix, c’est la paix qui rend humain ce monde. La paix est le nom du destin commun des hommes et des peuples. C’est ce que nous disent les grandes traditions religieuses. C’est ce que nous suggère aussi une réflexion raisonnable sur l’Histoire. Nous espérons, mais il y a nombreux sourds et beaucoup de fois la voix est basse.

Antonio Torrenzano

 

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Giacchino Lanza Tomasi, est le fils adoptif de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, musicien,surintendant du Théatre San Carlo de Naples, directeur artistique pour la section musique classique du Festival international de Taormina Arte, ancien directeur de l’Institut culturel de langue italienne à New York auprès de l’ambassade d’Italie aux Nations Unies. La conversation qui a eu lieu à Taormine au mois d’aout, le dialogue cherche de faire le point sur l’écrivain Giuseppe Tomasi di Lampedusa à cinquante ans de sa mort.

 

Antonio Torrenzano.La nouvelle édition italienne du Guépard de Giuseppe Tomasi de Lampedusa est précédé par votre nouvelle introduction qui résume les complexes adversités de l’édition du roman. Dans la première partie de la préface,vous évoquez-le tourmenté parcours du livre avec les deux moments clé:le refus de la publication d’Elio Vittorini par la maison d’édition Mondadori et les éditions Einaudi et la sortie posthume en 1958 chez la maison Feltrinelli.Mais vous introduisez aussi une série de matériels utiles à la compréhension du personnage Giuseppe Tomasi de Lampedusa: comme les notes personnelles du prince, vergés sur son carnet ou les lettres à ses amis.

 

Giacchino Lanza Tomasi. Giuseppe Tomasi di Lampedusa commence à écrire son roman après le mois juin de 1955 et il termine la première rédaction à la fin de 1956.Le roman ne naissait pas au hasard, mais il était le fruit d’une expérience autobiographique de mon père, durée toute la vie.Le projet initial était raconter la journée d’un prince sicilien en 1860.Comme il affirmait:“les 24 heures d’un Prince sicilien vécu avant le jour du débarquement de Garibaldi”. Plus tard il se rendue conte que cette organisation du livre était limitative et il a décidée de raconter une période historique plus longue depuis 1860 au 1885 avec la mort du prince. Puis avec la mort réelle de son arrière-grand-père arrivée en 1910. Tomasi di Lampedusa présenta le premier chapitre au mois de mars du 1956 à son cousin Lucio Piccolo et d’autres amis. Les autres chapitres furent terminés l’an suivant dans le mois de mars 1957. La rédaction du manuscrit fut fait sur de grands cahiers formés protocole.Farncesco Orlando, étudiant et ami de Tomasi di Lampedusa,sous dictée, il tapa à la machine la première rédaction en quatre copies qu’il envoya à l’édition Mondadori et Einaudi. Dans une lettre à Guido Laiolo du 7 juin 1956, l’écrivain communique que:“le roman est composé par cinq longs chapitres,trois épisodes ils se déroulent en 1860,le quatrième en 1883,le dernier et l’épilogue en 1910, où il montre la désagrégation progressive de l’aristocratie.Le protagoniste, c’est moi-même et le personnage de Tancredi est mon fils adoptif Gioacchino”. Dans une lettre suivante toujours à Guido Laiolo, du 2 janvier 1957, l’écrivain affirme:ce n’est pas un roman historique.Le protagoniste Don Fabrizio exprimecomplètement mes idées.Le Guépard est l’aristocratie vue de l’intérieur sans complaisances, mais aussi sans intentions narratives comme De Roberto”.Cependant, il y avait un sixième chapitre, resté pas achevé,titré Le Canzoniere de la Maison Salina. J’ai retrouvé ce chapitre inachevé à la maison de Giuseppe Bianchieri, petit-fils du prince et frère de l’ambassadeur Boris Bianchieri à Rome. Le chapitre était conservé dans une enveloppe avec l’inscription: “matérielle autour du Guépard”. Le chapitre prévoyait 17 sonnets, mais Giuseppe Tomasi di Lampedusa, avant sa mort, avait écrit seulement deux sonnets, une ode et une introduction.

 

A.T. Est-ce que comment vous décririez votre père adoptif? Francesco Orlando décrit Giuseppe Tomasi di Lampedusa comme un intellectuel qui converse dans une manière claire et concrète.Un esprit pénétrant et charmant pour ses interlocuteurs, intellectuel subtil à résoudre les petits embarras dans tous les rapports humains. Ils mélangeaient en mesure différente savoirs raffinés,désenchantement sénile, pessimisme aristocratique et formation positiviste.

 

Giacchino Lanza Tomasi. Un homme très cultivé que pour toute sa vie avait lu et voyagé en Europe. J’affirmerais sicilien dans le plus profond de son coeur,européen dans le plus profond de son esprit. Il parlait anglais,français et alemand.Il connaissait l’espagnol,lisait le russe.L’écrivain avait un esprit laïque, mais profondément intéressé aux sujets religieux.Une grande ampleur de vision historique unie à une perception aiguë de la réalité sociale et politique de l’Italie de cette époque-là et d’aujourd’hui. Un sens délicieux de l’humour. Plusieurs critiques ont affirmé et considéré Tomasi di Lampedusa un écrivain conservateur, mais lui il n’était pas comme ça.Il étudiait Marx,Croce,Gramsci, lisait Lenin et il croyait dans la Révolution française.Célébré comme écrivain de l’aristocratie, il avait toujours considéré la décapitation de Louis XVI :”la meilleure tête détachée de l’histoire.” Il était convaincu que l’histoire dût, de temps en temps, se remuer avec de formidables secousses.Je crois que Giuseppe Tomasi de Lampedusa dans ces écrits a toujours été au-dessus de l’histoire. L’histoire pour l’écrivain était un éternel s’écouler, toujours immuable où le pouvoir est toujours le meme: on change les noms, mais ne pas les manières. Même si la morale de changer pour ne pas changer,il était considérée par Tomasi di Lampedusa dégoûtante. Dans l’intimité, il était taciturne et réservé, il tendait à rester plus avec les choses qui avec les gens, c’était certainement un homme de secrets.Sa journée commençait très bientôt au matin.Il sortait de la maison, achetait le Corriere della Sera et le Giornale di Sicilia qui lisait au café en travaillant.Très intéressé à la politique internationale, il s’amusait à marquer les fautes de la pièce quotidienne. Par la littérature et par la politique, il tirait une leçon morale:comme on agit.La télévision ne lui plaisait pas.Je rappelle que quand une gigantesque télévision apparut dans la maison de son cher cousin Casimiro Piccolo, il décréta en disant:”avec cette fanfreluche on ne pourra converser plus jamais”. Il méprisait les personnes sans curiosité en nous poussant à regarder toujours ailleurs.

 

A.T. Est-ce que le personnage de Tancredi dans le roman a été inspiré à votre personne?

 

Giacchino Lanza Tomasi. Oui, le personnage de Tancredi c’est moi physiquement. Tomasi de Lampedusa pensait à moi quand il écrivait Tancredi. La partie du roman avec Tancredi qui poursuit Angélica dans les couloirs de Donnafugata fut inspirée à moi et à ma fiancée de cette époque là, M.lle Mirella Radice.En le 1953,Giuseppe Tomasi de Lampedusa pense faire quelque chose pour animer Palerme. Il est un homme de culture très haute et il a lu presque tout pour l’epoque.Et alors il prend à fréquenter un groupe de jeunes connus chez le baron Bebbuzzo Sgadari di Lo Monaco. Bebbuzzo était une personne originale d’aristocrate. Dans sa maison ils venaient reçus beaucoup d’intellectuels:Bacchelli, Berenson, Calvino. Auprès de l’ancienne maison Lo Monaco,Tomasi di Lampedusa connaît Francesco Orlando,Francesco Agnello, Antonio Pasqualino, moi-même et ma fiancée de l’époque Mirella Radice.À ce groupe de garçons et jeunes filles, Tomasi di Lampedusa commence à donner des leçons de littérature anglaise et littérature française.Les rencontres se déroulaient trois fois par semaine, près de la maison du Prince, en rue Butera à Palerme, à 18.00 heures. Le cours était tourné principalement à Francesco Orlando, alors jeune étudiant universitaire de 19 ans, inscrit à la deuxième année de la faculté de droit. Les autres garçons participaient occasionnellement, trois ou quatre fois par mois. Notre groupe était formé par dix personnes et ce groupe devint le nouveau point de repère du Prince di Lampedusa. Francesco Orlando deviendra son disciple, je serai adopté successivement. Les leçons de Tomasi de Lampedusa sont basées sur une expérience extraordinaire des textes. Il nous rappelait souvent:”ce que vous entendrez,ce n’est pas que la somme de mes souvenirs et de mes impressions de trente ans de lectures désordonnées passée à travers mon cerveau et marquée dans mon mémoire.Vous avez peu à espérer”. Les rencontres avec Tomasi di Lampedusa nous poussèrent à regarder ailleurs. Ailleurs comme le même affirmait avec sa métaphore: “un seau plein d’eau de mer n’est pas la mer. Pour connaître la mer il faut la sonder, la naviguer et en faillant faire naufrage. Mais tout cela sera réalisé par vous… j’espère seulement être une flèche indicatrice.”

 

Antonio Torrenzano

 

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Andrea Camilleri, écrivain,scénariste, metteur en scène et producteur pour le théâtre et la télévision, il a découvert dans l’écriture une passion tardive.Quelques uns de ses romans, écrits dans un savoureux mélange d’italien et sicilien, ont pour protagoniste principal une sorte de Maigret sicilien des années 1990 (le commissaire Montalbano). Depuis trois ans, il est best-seller absolu en Italie.La conversation a eu lieu au Port-Empedocle, ville natale de Camilleri.

Antonio Torrenzano. Est-ce que je voudrais commencer notre dialogue par vos souvenirs d’enfance.Quel type d’enfance avez vous vécu au Port-Empedocle?

Andrea Camilleri. Je suis né dans un village qu’il s’appelle Porto Empedocle, environ il y a 80 ans. Et, entre ma maison et la mer, il y avait seulement une file de petites maisons. La première fois qui m’est arrivé la possibilité de me déplacer pour quelque jour à l’intérieur de la Sicile, je ne réussissais pas au prendre le sommeil. À l’aube je me suis rendu compte qui m’était manqué la rumeur de la mer.La mer était dans ma jeunesse partout. Mon enfance a été splendide.J’étais fils unique, deux frères étaient morts premier de moi, donc on peut imaginer comme je venais traité. Mon père était un inspecteur général de la capitainerie du port et mes camarades étaient fils de pêcheurs et paysans. Je voulais être égal à eux et j’ai fait chaque genre de méchancetés comme une vraie charogne. Pour ça, je suis fini en collège.

A.T. Est-ce que la Sicile aide la production narrative? Il me semble encore que dans vos romans il n’ya pas la proverbiale loi du silence des Siciliens ?

Andrea Camilleri. Je crois que ce soit le climat. Gesulado Bufalino, Leonardo Sciascia, Luigi Pirandello ou Giuseppe Tomasi de Lampedusa sans l’humus sicilien quoi auraient-ils été ? Les Siciliens ne sont pas “omertosi”,il suffit seulement savoir décrypter leur manière de raisonner.

A.T. Pourquoi écrivez-vous en pétrissant l’italien et le sicilien?

Andrea Camilleri. Je raconte des histoires.Et celui-ci est la manière dans laquelle elles ont été racontées à moi. J’utilise le même usage pour les raconter à mes petits-enfants. J’ai toujours une vision double des choses. Si tu te sens sicilien et tu écris de la Sicile pendant que tu restes ailleurs, c’est comme rester en même temps en deux lieux. Et voilà qu’alors la réalité n’est pas plus vérité, mais une visionne de la réalité. Si même les physiciens y ils disent que le phénomène en soi n’est pas observable, parce qu’il change seulement pour le fait qui es en train de l’observer.La mer semble changer pas couleur, mais la couleur de l’eau elle ne change jamais.

A.T. Est-ce que j’aimerais comprendre quel est votre rapport entre la vie réelle, le savoir-vivre et l’écriture ?

Andrea Camilleri. À moi la contemplation de mon nombril vraiment ne m’intéresse pas. Si jamais,je préfère la contemplation du nombril d’une charmante femme. Je ne sais pas écrire si je n’entends pas la vie. J’écris dans mon bureau et dans mon bureau il ya la vie, pleine de choses. C’est le même lieu où mon petit-fils tient ses jeux.Une fois je me suis déclaré:mais un vrai écrivain ne vit pas en silence ? Et j’en me suis allé dans une maison à la campagne en Toscane. J’ai été trois jours à écouter le chant des petits oiseaux sans réussir à écrire une ligne. Puis j’ai téléphoné à ma fille, la plus jeune, et j’ai dit à elle:tu entends, envoie-moi tes fils. Mes petits-enfants sont arrivés, des casinisti terribles et, je suis enfin revenu à écrire.Ma femme, elle dit que plus qu’un écrivain je semble un envoyé de guerre.

A.T.Est-ce que comment vous construisez un personnage dans vos romans ?

Andrea Camilleri. Je viens de la tradition théâtrale. Quand je commence à étudier un personnage pour le mettre en scène,je cherche à imaginer comme il parle, il se promène, son caractère. À peu à peu, je lui donne une telle quantité de motivations et, toute déduite par sa manière de raisonner.À ce point je lui mets une veste,une chemise et le personnage commence à tourner pour la maison.Je procède de l’intérieur du personnage vers l’extérieur. Pour arriver enfin à l’entendre bavarder avec le rythme de son discours.

A.T. Le commissaire Montalbano a-t-il pris forme dans cette manière ?

Andrea Camilleri. Ma manière d’écrire est anarchique, je mets sur papier une stimulation et je ne sais pas que élaboration elle pourra avoir. Par le commissaire Montalbano et à travers de lui, je rêve de faire festins… vu que je ne peux pas manger. Pour le reste,je ne partage pas les idées de mon personnage.

Antonio Torrenzano. Est-ce que vous prenez des notes?

Andrea Camilleri. Non,absolument. Je suis en train de mentir ou mieux. Je les prends, mais seul quand je dois écrire quelque chose et je n’ai pas envie. Alors,il me clignote à peine une idée, je me la marque. Mais seul dans cette circonstance. Ils ne se trouveront jamais de note ni la première stesure de mes romans parce que, comme les meilleurs assassins, je ne laisse pas de trace.

Antonio Torrenzano

 

 

 

Bibliographie en langue française:
L’excursion à Tindari, éd. Fleuve noir, 2002; Pirandello:biographie de l’enfant échangé,éd. Flammarion, 2002;La démission de Montalbano, éd. Fleuve noir, 2001;La saison de la chasse, éd. Fayard, 2001;La voix du violon, éd. Fleuve noir, 2001;Le voleur de goûter, éd. Fleuve noir, 2000;La concession du téléphone, éd. Fayard, 1999;L’opéra de Vigàta,éd. Métailié, 1999;Un mois avec Montalbano, éd. Fleuve noir, 1999;La forme de l’eau, éd. Fleuve noir, 1998.