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Conversation avec Jean-Luc Nancy, philosophe, écrivain, professeur de philosophie à l’Université Marc Bloch de Strasbourg, auparavant aux Universités de Berlin et de Californie. Il a été membre du Conseil national des universités, section philosophie. Par ailleurs, il est membre du conseil éditorial de l’Espace Maurice Blanchot. Auteur de nombreux essais traduits dans plusieurs langues étrangères, il a publié entre autres :« La création du monde ou la mondialisation » et «La pensée dérobée» aux éditions Galilée ; «L’expérience de la liberté » et «Impératif catégorique »aux éditions Flammarion; « Sur le commerce des pensées », illustrations de Jean Le Gac, Paris, Galilée, 2005; « Juste impossible », Paris, Bayard, 2007, « Vérité de la démocratie », Paris, Galilée, 2008.« Démocratie, dans quel état ? », avec Giorgio Agamben, Alain Badiou, Daniel Bensaïd, Wendy Brown, Jacques Rancière, Kristin Ross et Slavoj Žižek, Paris, édition La Fabrique, 2009. Le dialogue a eu lieu à Modène pendant le festival international de la philosophie sur la fortune, organisé par la Fondation San Carlo, au mois de septembre 2010.

Antonio Torrenzano. Panique financière, crise économique, crises politiques, guerres et conflits, violations de droits humains, pauvreté … et les listes seraient encore plus longs. Ces crises, pourtant, ils sont en train de bouleverser la communauté occidentale depuis le 2008. Dans ces deux dernières années, la communauté occidentale est en train de gérer plusieurs cauchemars qui ne sont pas encore terminés. L’ancien avatar de la fortune et non celle de la clairvoyance, utilisé dans les années passées par plusieurs individus de la finance et des hommes politiques, il me semble maintenant néfaste.

Jean-Luc Nancy. La fortune est bonne ou mauvaise. Elle est riche ou pauvre, heureuse ou malheureuse. Elle est indifférente au bien et au mal. Elle n’est même rien d’autre que cette indifférence et la distribution aveugle des heurs et des malheurs. C’est-à-dire, selon l’origine du mot, ce qui est de bon ou de mauvais augure, ce qui s’annonce comme faste ou néfaste. Lorsqu’on organise une rencontre comme celle-ci, comme toutes les rencontres qui sont organisées précisément en vue de la rencontre, on monte une sorte de dispositif pour se donner la chance d’une rencontre, de plusieurs rencontres, contacts de pensées et de corps entre lesquels on souhaite qu’il « se passe » quelque chose ou que quelque chose « arrive ». Quelque chose de cet accueil est inscrit çà ou là dans les langues, lorsque le grec tukhè désigne d’abord, dans l’histoire de la langue, la rencontre ou l’occasion favorable, comme le font aussi le latin fortuna (audaces fortuna juvat…) et le français chance. Les langues ne se laissent pas ainsi réduire. Elles ne sont ni psychologiques ni idéologiques. Les langues ne croient pas à l’attente de sens : elles sont précisément le lieu où on peut apprendre l’infini carrousel des significations et l’éternelle échappée du sens. N’est-ce pas ce que fait la poésie, et n’est-ce pas parce que les langues parlent au-delà de nos demandes de signification qu’elles sont capables de poésie – non seulement capables, mais incessamment, obstinément poussées vers la poésie. C’est pourquoi le poème de Valéry nous dit : « Patience, patience. Patience dans l’azur ».

Antonio Torrenzano. La patience pour Valéry signifie savoir attendre, savoir rester vigilants, savoir demeurer sur place en état de disponibilité.

Jean-Luc Nancy. Oui, la patience consiste à savoir attendre non pas au sens où l’attente est demande d’aboutissement, et en cela inévitable impatience, mais au sens où elle est manière de demeurer sur place en état de disponibilité. « Sur place », ici, c’est « l’azur ». Dans le poème, intitulé Palme, cet azur peut être référé au ciel entrevu à travers les feuilles d’un palmier vues du sol. Pour notre lecture, l’azur est le lieu vide et ouvert – ce lieu qui ne hante pas seulement Mallarmé, mais qui étend sur nous toute la hantise du ciel, c’est-à-dire de l’espace infini, du « bleu adorable » de Hölderlin, cet autre poète. Le ciel, c’est ce qui se sépare essentiellement de la terre. Sa séparation ouvre l’écart à toutes les lois du monde, à toutes leurs nécessités, leurs sens, leurs accomplissements. Le ciel n’est rien, aucun lieu, mais seulement cet écart ouvert et infini.C’est là ou bien c’est de là que peuvent venir des rencontres inouïes et à vrai dire inaudibles. Toutes renvoient d’une manière ou d’une autre à l’infini. Ce sont les rencontres ou les occasions, les fortunes, les heurs que nous nommons chances en comprenant par là ce qui s’offre à être saisi, ce qu’il est opportun de savoir accueillir. Être chanceux signifie le plus souvent être favorisé par un sort particulier, voire par une magie bienfaisante. Cette signification reconduit la chance au pur automaton et à toutes les computations. Mais la tukhè et la chance disent autre chose : elles disent la capacité à les accueillir. Essentiellement, elles désignent une puissance passive – une dunamis tou pathein, pour parler encore Aristote – qui donne l’occasion à l’élan d’une puissance active. Ainsi la rencontre de quelqu’un ou celle d’une situation, d’un imprévu, d’une contrariété même, voire d’une maladie ou d’un malheur. Aucune transfiguration ici de la peine en bonheur, mais un «savoir recevoir » qui peut faire chance dans la malchance. Sans consolation, sans résolution, sans sublimation.

Antonio Torrenzano

 

 

 

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Dans une « démocratie parfaite », le système politique, le système financier et le système économique sont trois éléments inséparables. Les trois systèmes interagissent quotidiennement entre eux et, dans une gestion politique saine, s’équilibrent eux-mêmes compensant les erreurs de l’un et bénéficiant du succès de l’autre. Depuis le mois de septembre 2008 à aujourd’hui, paniques financières, récession économique, crises politiques et crises diplomatiques sont en train de bouleverser la communauté occidentale et de miner définitivement sa crédibilité. 

Les crises politiques et diplomatiques ne sont pas nouvelles dans nos démocraties occidentales autant que les paniques financières et les récessions économiques dans notre capitalisme.  Mais, depuis le mois de septembre 2008 à aujourd’hui, les trois systèmes ont produit une série innombrable de dommages et effets négatifs dont nous ne connaissons pas encore le montant final ni le bilan entier. Chaque Pays avant la mondialisation avait toujours géré à sa manière ses systèmes politique, économique et militaire. Chacun d’eux possédait ses élites qui étaient chargées d’en assurer le fonctionnement. Mais, dans l’ère de la mondialisation, selon la théorie du chaos d’Edward Lorenz : « le battement d’ailes d’un papillon au Brésil, il peut provoquer une tornade au Texas ». De la dernière panique financière en 2008 aux dernières révélations Wikileaks, ces éléments imprévus montrent encore une fois que la mondialisation est elle-même un accélérateur de crise.

Mais, il y a encore d’autres coïncidences très ironiques ! La crise financière en 2008, commencée aux États-Unis elle est devenue une crise économique mondiale. Les révélations des télégrammes de la diplomatie américaine par le site Wikileaks, commencées toujours aux États-Unis, ils risquent de provoquer une possible crise planétaire de légitimité de l’Administration américaine et de miner les mêmes relations diplomatiques entre les membres de l’OTAN. Depuis deux années, nous vivons donc une crise économique mondiale et une crise diplomatique globale qu’elles me semblent étroitement liées à cause de plusieurs raisons complémentaires. Premièrement, de façon qualitative, la crise économique s’est propagée au-delà des limites pour le comportement de l’élite financière américaine, qui a profité des complexités du système légal pour s’enrichir à la place des actionnaires et des clients, vis-à-vis desquels ils étaient supposés être responsables. Deuxièmement, toujours de façon qualitative, les révélations Wikileaks soulignent que l’élite politique américaine est responsable d’une opacité et d’intérêts qui ne sont pas sûrement d’idéaux très élevés d’une «démocratie parfaite». Un exemple ? L’affaire d’espionnage aux fonctionnaires ONU et au même secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-Moon voulu de l’ancienne Administration du président George W. Bush,mais aussi de l’Administration américaine du président Barack Obama. 

Cette situation imposerait en effet de la discipline et une très forte moralisation. Les crises politiques – il a affirmé dans un article récent le professeur George Friedman – apparaissent lorsque les téméraires semblent profiter des crises qu’ils ont eux-mêmes causées, tandis que le reste de la société soutient le poids de leur inconscience. Qu’est-ce qu’on s’attend la société civile de sa part ? Je crois de nouvelles limites à ces comportements qui sont très embarrassants. Parce que si toutes les valeurs se valent – il écrivait Claude Lévi-Strauss – le cannibalisme n’est qu’une affaire de goût .

Antonio Torrenzano

 

** Un remerciement particulier à l’artiste et dessinateur Patrick Chappatte pour l’illustration. 

 

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Le site web Wikileaks commence ses activités sur la Toile en 2006. Dans l’année 2006, l’équipe dans son profil affirme que le but du groupe est celui de divulguer de documents réservés sur les gouvernements autoritaires des Pays de l’Afrique et de l’Asie. Le nom Wikileaks dérive d’un nom composé par deux paroles : « Wiki » en se référant à l’encyclopédie ouverte et collaborative sur la Toile et la parole « Leaks » que signifie taupe. Le modèle historique auquel s’inspire le site numérique, il est celui des «Pentagon Papers». Les Pentagon Papers étaient des documents réservés qu’en 1971 montrèrent les arrière-scènes de la guerre au Vietnam et ils en accélérèrent plus rapidement la fin.

La philosophie Wikileaks, comme il affirmait l’équipe, c’était la collaboration et l’anonymat entre les différents activistes. Le serveur principal du site web était hébergé en Suède dans la ville de Stockholm, mais le site disposait et il dispose encore d’un réseau de serveurs informatiques situés dans beaucoup d’endroits de la planète. Wikileaks a déclaré toujours d’avoir eu une équipe de cinq personnes qui travaillaient à temps plein et presque 1200 activistes occasionnels. Le site web soutient encore de disposer d’un budget annuel de presque 200.000 dollars et de recevoir cet argent comme de donations à travers le site numérique PayPal. Le site numérique PayPal, il a cependant suspendu le service de transfert de monnaie après la publication des télégrammes réservés que le corps diplomatique américain envoyait à son Département d’État à Washington.

Le premier dossier qui procure une certaine notoriété au site, c’est la publication au mois de février 2008 de documents qui dénoncent la Banque Suisse Julius Baer de favoriser l’évasion fiscale aux États-Unis. L’action juridique produite par l’institut de crédit suisse ne produit pas cependant de résultats concrets. La deuxième publication de documents secrets arrive au mois de juin 2010 en ayant comme objet les mauvais traitements et les violations des droits humains par les troupes américaines dans la guerre en Iraq et, en particulier manière, le meurtre d’un journaliste de l’agence de presse Reuters à Bagdad. Le dossier était titré «Colateral Murder». Dans la même année, mais au mois de juillet 2010, le site divulgue un nouveau dossier sur la guerre en Afghanistan. La taupe de ces deux derniers dossiers, c’était l’analyste militaire américaine Bradley Manning. Le militaire a été déjà arrêté pour avoir soustrait documents réservés dans les archives du pentagone et avoir révélé à l’extérieur de renseignements secrets. Le militaire maintenant il est détenu dans une base au Koweït.

Il faut encore rappeler que Wikileaks a reçu nombreux de prix journalistiques. En 2008, le «New Media Award » de l’hebdomadaire britannique The Economist. Dans l’année 2009, le siège anglais d’Amnesty International l’a récompensé pour le dossier sur les violations de droits humains de la police au Kenya. Le 19 novembre 2009, le journal The National écrivait : «Wikileaks a probablement produit dans sa brève vie plus exclusivités du Washington Post dans les derniers 30 ans ». Au mois de mai 2010, un autre quotidien américain le New York Daily News couronne encore une fois le site comme meilleur média numérique qui a changé la manière de faire journalisme. Jusqu’à l’année 2010, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont été les principaux mécènes, mais jusqu’à la publication de dossiers sur l’Iraq et sur l’Afghanistan. Après ces dossiers, comme nous avons déjà remarqué, ces États veulent arrêter Julian Assange qui est devenu un fugitif.

Après cette brève synthèse, les doutes demeurent nombreux autant que différentes questions. Par exemple, comment une petite équipe formée par cinq individus a-t-elle géré un site avec de très hauts numéros de dossiers ? Est-ce qu’un budget annuel de 200.000 dollars est suffisant pour un tel travail ? Dernièr doute: comment a-t-il pu un simple groupe d’activistes mettre en crise l’ancienne superpuissance américaine ? Dans l’épigraphe de son dernier roman « Our Kind of Traitor », l’écrivain John Le Carré affirme: «Les Princes haïssent les traîtres, même s’ils aiment la trahison ».

Antonio Torrenzano

 

 

Un remerciement particulier à l’artiste et dessinateur suédois Olle Johansson pour l’illustration. Son site numérique : http://www.tecknar-olle.se

 

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À Leurs Excellences.

Les Chefs d’État ou de Gouvernement.

À l’aube de ce siècle nouveau, le Sommet des Nations Unies sur le climat sera l’occasion historique de rassembler les plus hautes instances politiques à la sauvegarde de la planète. La Terre souffre. Notre Terre mère ne souffre que trop et déjà les signes sont annoncés. Notre mère Terre gronde et demain elle rugira de colère. Ce réchauffement a sans doute des raisons géophysiques et humaines, naturelles et culturelles. Mais la brume de notre pensée empêche de discerner le sens des politiques écologiques suivies. Le réchauffement accéléré en est responsable et nous sommes à cet égard, comme citoyens de la planète, dans les plus grandes expectatives.

Excellences, vous avez l’occasion historique à Copenhague de construire un autre modèle et de rendre hommage à la planète où nous vivons tous. Dans le Nord, comme dans le Sud, comme en Occident, comme en Orient, il faut que la conscience de tous devienne une conscience écologique. L’homme n’est pas venu sur Terre pour domestiquer la Nature, mais pour s’y intégrer en la respectant. Il y a une force spirituelle que la Nature nous envoie par le bleu du Ciel, dans la corolle des fleurs éphémères, la fragilité et la beauté des fleurs, dans la force d’un arbre d’olivier qui regarde avec sa force constructive et tenace à l’éternité.

Pour le peuple Inuit, le souffle du vent peut, dans ses ondes sonores, être interprété comme un message de l’au-delà, du pays des morts. Nous trouvons aussi comme notre éclaireur les paroles prononcées en 1854 du chef Amérindien Seattle devant l’assemblée des tribus d’Amérique du nord en réponse au président de l’époque G.Cleveland:

«Nous savons que l’homme blanc ne comprend pas nos moeurs. Une parcelle de Terre ressemble pour lui à la suivante, car c’est un étranger qui arrive dans la nuit et prend à la Terre ce dont il a besoin. La Terre n’est pas sa soeur, mais son ennemi, et lorsqu’il la conquise, il va plus loin. Il abandonne la tombe de ses aïeux, et cela ne le tracasse pas. Il enlève la Terre à ses enfants et cela ne le tracasse pas. La tombe de ses aïeux et le patrimoine de ses enfants tombent dans l’oubli. Il traite sa mère la Terre , et son frère le Ciel, comme des choses à acheter, piller, vendre comme les moutons ou les perles brillantes. Son appétit dévorera la Terre et ne laissera derrière lui qu’un désert.

Je ne sais pas. Nos moeurs sont différentes des vôtres. La vue de vos villes fait mal aux yeux de l’homme rouge. Mais peut-être est-ce parce que l’homme rouge est un sauvage et ne comprend pas. Il n’y a pas d’endroit possible dans les villes de l’homme blanc. Pas d’endroit pour entendre les feuilles se dérouler au printemps ou le froissement des ailes d’un insecte. Mais peut-être est-ce parce que je suis un sauvage et je ne comprends pas. Le vacarme semble seulement insulter les oreilles. Et quel intérêt y a-t-il à vivre si l’homme ne peut entendre le cri solitaire de l’engoulevent ou les palabres des grenouilles autour d’un étang la nuit ? Je suis un homme rouge et ne comprends pas.

L’Indien préfère le son doux du vent s’élançant au-dessus de la face d’un étang, et l’odeur du vent lui-même, lavé par la pluie de midi ou parfumé par le pin pignon. L’air est précieux à l’homme rouge, car toutes choses partagent le même souffle, la bête, l’arbre, l’homme, ils partagent tous le même souffle. L’homme blanc ne semble pas remarquer l’air qu’il respire. Comme un homme qui met plusieurs jours à expirer, il est insensible à la puanteur. Mais si nous vous vendons notre Terre, vous devez vous rappeler que l’air nous est précieux, que l’air partage son esprit avec tout ce qu’il fait vivre. Le vent qui a donné à notre grand-père son premier souffle a aussi reçu son dernier soupir. Et si nous vous vendons notre Terre, vous devez la garder à part et la respecter, comme un endroit ou l’homme blanc peut aller goûter le vent adouci par les fleurs des prés. Comment pouvez-vous acheter ou vendre le Ciel, la chaleur de la Terre ? L’idée nous paraît étrange. Si nous ne possédons pas la fraîcheur de l’air et le miroitement de l’eau, comment est-ce que vous pouvez les acheter ? Chaque parcelle de cette Terre est sacrée pour mon Peuple.Chaque aiguille de pin luisant, chaque rive sableuse, chaque lambeau de brume dans les bois sombres, chaque clairière et chaque bourdonnement d’insecte sont sacrés dans le souvenir et l’expérience de mon peuple. La sève qui coule des arbres transporte les souvenirs de l’homme rouge. Les morts des hommes blancs oublient le pays de leur naissance lorsqu’ils vont se promener parmi les étoiles. Nos morts n’oublient jamais cette Terre magnifique, car elle est la mère de l’homme rouge. Nous sommes une partie de la Terre, et elle fait partie de nous.

Les fleurs parfumées sont nos soeurs, le cerf, le cheval, le grand aigle, ce sont nos frères. Les crêtes rocheuses, les sucs dans les prés, la chaleur du poney et l’homme tous appartiennent à la même famille. Aussi lorsque le grand chef de Washington envoie dire qu’il veut acheter notre Terre. Le grand chef envoie dire qu’il nous réservera un endroit de façon que nous puissions vivre confortablement entre nous. Il sera notre père et nous serons ses enfants. Nous considérerons donc votre offre d’acheter notre Terre. Mais ce ne sera pas facile. Car cette Terre est sacrée. Cette eau scintillante qui coule dans les ruisseaux et les rivières n’est pas seulement de l’eau, mais le sang de nos ancêtres. Si nous vous vendons de la Terre, vous devez vous rappeler qu’elle est sacrée et que chaque reflet spectral dans l’eau claire des lacs parle d’évènements et de souvenirs de la vie de mon peuple. Le murmure de l’eau est la voix du père de mon père. Les rivières sont nos soeurs, elles étanchent notre soif. Les rivières portent nos canoés et nourrissent nos enfants.

Si nous vous vendons notre Terre, vous devez désormais vous rappeler, et l’enseigner à vos enfants, que les rivières soient nos soeurs et les vôtres, et vous devez désormais montrer pour les rivières la tendresse que vous montreriez pour une soeur. Nous considérerons donc votre offre d’acheter notre Terre. Mais si nous décidons de l’accepter, j’y mettrai une condition : l’homme blanc devra traiter les bêtes de cette Terre comme ses frères. Je suis une personne et je ne connais pas d’autre façon de vivre. J’ai vu un millier de bisons pourrissant sur la prairie, abandonnés par l’homme blanc qui les avait abattus d’un train qui passait.

Je suis une personne et je ne comprends pas comment le cheval de fer fumant peut-être plus important que le bison que nous tuons que pour subsister. Qu’est-ce que l’homme sans les bêtes ? Si toutes les bêtes disparaissaient, l’homme mourrait d’une grande solitude d’esprit. Car ce qui arrive aux bêtes arrive bientôt à l’homme. Toutes les choses se tiennent. Vous devez apprendre à vos enfants que le sol qu’ils foulent est fait des cendres de nos aïeux. Pour qu’ils respectent la Terre, dites à vos enfants qu’elle est enrichie par les vies de notre race.

Enseignez à vos enfants tout ce que nous avons enseigné aux nôtres, que la terre est notre mère. Tout ce qui arrive à la Terre arrive aux fils de la Terre. Si les hommes crachent sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes. Nous savons au moins ceci : la Terre n’appartient pas à l’homme, l’homme appartient à la Terre. Cela, nous le savons. Toutes choses se tiennent comme le sang unit une famille. Toutes choses se tiennent. Tout ce qui arrive à la Terre arrive aux fils de la Terre. Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la terre, il le fait à lui-même […] ».

Excellences, depuis des millénaires, les peuples de l’Afrique, les peuples Amérindiens, de l’Amazonie, les peuples autochtones d’Australie, eux, le savent. Et, ce n’est pas par hasard qu’ils résistent dans toutes les contrées du Monde. Il y a près d’eux comme un sens de l’Histoire jamais oubliée. Nous vous prions de retrouver ce sens, de rejoindre à Copenhague un accord international ambitieux et rendre hommage ainsi au Panthéon de l’Humanité.

Fabio Gualtieri

Claudio Poletti

Antonio Torrenzano

 

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Le mur de Berlin, symbole de la guerre froide, a partagé en deux l’Allemagne pendant plus d’un quart de siècle, du 13 août 1961 jusqu’à l’ouverture des frontières entre l’Ouest et l’Est de ce fameux 9 novembre 1989. Un événement que l’Institut National de l’Audiovisuel (http://www.ina.fr) a souhaité de commémorer en retrouvant en vidéos l’histoire de ce mur de la honte, depuis sa construction jusqu’à son effondrement.

La consultation en ligne du dossier sur la chute du mur de Berlin près du site numérique de l’Institut National de l’Audiovisuel, il est accessible au suivant adresse: http://www.ina.fr/histoire-et-conflits/grandes-dates/dossier/1424/chute-du-mur-de-berlin.20090331.fr

 

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Le 9 novembre 1989, les nombreuses générations qui avaient tissu leurs toiles de Penelope elles avaient du mal à comprendre ce qu’il était resté de leur Histoire. Le cauchemar de la guerre froide, des chars d’assaut, des murs, des divisions parmi les individus, ils s’évanouissaient pour toujours sans guerres civiles, sans conflits, sans circonstances brutales. L’effondrement du mur de Berlin abattait la dernière signalisation qu’il distinguait le désaccord entre les individus, entre les États, entre l’Ouest et l’Est.

L’effondrement du mur nous donnait de nouveaux lieux unifiés, des nouveaux États. Un Nouveau Monde, mais privé de sens et en même temps des nouveaux labyrinthes. Cette chute peluchée, cette évaporation du conflit Ouest/Est, cette dissolution rapide de 70 ans d’histoire du système communiste, ils laissaient aux sciences sociales d’instruments d’analyse pour de conflits qu’ils s’étaient liquéfiés et aucun nouveau moyen pour de nouveaux conflits qu’ils étaient en train de naître et pour lesquels n’avions pas encore de noms. Les fautes en politique étrangère des Administrations américaines des deux présidents George Bush et George W. Bush sont un exemple luisant autant que l’incapacité de l’Europe, à la limite de la lâcheté, pour ce qui concerne les conflits dans l’ex-Yougoslavie, les guerres du Caucase, la première guerre du Golfe, la guerre en Irak, la crise de l’ONU, la Corne de l’Afrique ou les nombreuses guerres civiles pour les ressources rares dans le Continent africain.

L’effondrement du mur laissait à la communauté internationale un nouvel espace unifié, mais vide. Mais pourquoi vide ? Pourquoi privé de sens comme Zaki Laidi le définissait dans son essai en 1994 ? Ces fautes dérivent de la désorientation, de la disproportion entre une richesse d’événements historiques et la pauvreté de moyens et de nouvelles idées en notre possession pour gérer la nouvelle ère. La toupie de l’Histoire a tourné ainsi rapidement et en sens autonome que nombreux de nous et même les actions des chancelleries, ne la comprirent pas. Sauf peut-être deux hommes: le prix Nobel pour la paix Willy Brandt et l’écrivain Ernesto Balducci que déjà au début des années 1980, dans leurs écrits (le Rapport Brandt sur le dialogue Nord/Sud du Monde et l’essai de Ernesto Balducci sur l’Homme planétaire), ils affirmaient que l’opposition Est/Ovest serait très bientôt devenue une collision Nord/Sud du monde. L’Histoire, dans le bien ou dans le mal, elle a toujours eu une infinie imagination.

Qu’est-ce qui a caractérisé alors le monde dans ces vingt ans de transition ? Qui a de la mémoire, il a du mal à comprendre ce qu’il est passé, mais surtout quoi est-il resté sur le châssis du XXe siècle. Ce nouvel horizon historique a produit des vertiges comme quand, il s’observe par le haut un ravin. Le XXe siècle par l’effondrement du mur disparaît dans le XXIe siècle en laissant de nombreux événements historiques sur lesquels nous n’avons encore ni noms ni étiquettes. Vingt ans se sont déjà écoulés et nul ne sait encore comment qualifier cette ère nouvelle dans laquelle nous sommes entrés.

Tous ceux qui sur les décombres du mur – affirme Ignacio Ramonet – annoncèrent la naissance d’un nouvel ordre mondial se sont trompés. Les principales mutations provoquées, directement ou indirectement, par le séisme de 1989, elles ne permettent pas d’entrevoir un quelconque nouvel ordre. Au contraire, le monde est devenu plus dangereux, plus complexe. Complexité que la mondialisation a amplifiée. Et comme a affirmé Vaclav Havel dans les pages de ce carnet numérique : « nous sentons que tout est possible, mais que plus rien n’est certain ». Le défi de trouver une nouvelle imagination politique pour remédier aux injustices d’aujourd’hui et aux injustices survécu, il reste encore à un stade de projet.

Antonio Torrenzano

 

Bibliographie électronique.

*Un dossier électronique sur la chute du mur de Berlin a été réalisé par la Fondation Sciences Po de Paris. Il est accessible au suivant adresse http://bibliotheque.sciences-po.fr/fr/produits/bibliographies/1989/bibliographie.html

 

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Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989, devant les appareils des télévisions du monde entier, de jeunes Allemands de l’est et de l’ouest brisent le Mur de la honte qui divise Berlin depuis le 13 août 1961. L’effondrement du mur (3,60 mètres de haut, 160 kilomètres de long et 300 miradors) met fin à cinquante ans de séparation et d’antagonismes entre les deux parties de l’Allemagne, la République fédérale allemande (RFA) et la République démocratique allemande (RDA). Dans l’enthousiasme général, personne ne s’inquiète encore des lendemains difficiles de la réunification et nul ne sait encore comment qualifier cette ère nouvelle dans laquelle nous sommes entrés.

Les principales mutations provoquées par le séisme de 1989 ont été nombreuses : guerre du Golfe, explosion de l’URSS, conflits dans l’ex-Yougoslavie, guerres du Caucase, le 11 septembre 2001, la guerre en Irak, la guerre en Afghanistan, le terrorisme international. À tous ces bouleversements, nous devons encore ajouter les conflits anciens et endémiques, comme ceux du Proche-Orient et du Continent africain.

Il est plus difficile, mais encore plus nécessaire de définir ce qui oppose cette courte période, qu’on peut définir de manière théorique comme celle qui s’étend symboliquement de la chute du mur de Berlin en passant par la destruction des tours du World Trade Center jusqu’à la crise du capitalisme d’aujourd’hui. Nous avons découvert peu à peu dans ces vingt ans que les événements, les conflits politiques, les crises sociales qui se produisent près de nous sont commandés par des événements lointains. Les circonstances locales ne portent pas vraiment le sens des événements qui s’y déroulent, bien que la situation particulière ajoute un sens secondaire à des événements qui s’expliquent avant tout dans le domaine de la mondialisation.

Ce carnet numérique, vingt ans après l’effondrement du mur, tente donc de discerner les fractures et les principales mutations provoquées par le séisme de 1989 qui se dessinent à présent .

Antonio Torrenzano

 

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andree_glucksmann_image_03La conversation avec André Glucksmann a eu lieu à Rimini pendant la XXXe édition des journées internationales d’études sur “Islands without an archipelago. Economies,the masses,nation states in search of a new sovereignty” organisées par le centre de recherche Pio Manzù.

Antonio Torrenzano. Pourquoi soutenez-vous que le premier droit de chaque homme, il est ce de s’opposer contre l’inhumanité de sa condition?

André Glucksmann. La bataille pour les droits humains ne peut pas être fondée sur un idéal abstrait de l’homme ou de l’humanité. Au contraire, telle défense doit être motivée seulement par l’expérience de ce qui est inhumain. Je peux affirmer que l’universalité des droits de l’homme a du sens surtout dans l’universalité de l’inhumain. Voilà parce que les droits ne doivent pas servir à la construction d’un paradis en Terre, mais seul à combattre, bien que possible, l’enfer que nous y trouvons devant. Ce n’est pas l’idée d’un bien suprême qui mobilise les hommes, mais la résistance au mal. J’ai toujours été sans illusions et lointain de l’idéalisme présent dans la Déclaration des droits de l’homme. La même sensibilité vaut aussi pour d’autres personnes qui ont partagé avec moi cette idée: Bernard Kouchenr, Michel Foucault. Ces derniers avaient toujours critiqué chaque définition idéaliste ou métaphysique de l’homme. En conséquence, je n’ai jamais adhéré à la conception des droits de l’homme élaborée au XVIII et au XIX siècle qui postulait la promotion d’un simple idéal humain. Une telle perspective, il me semble trop colonial et je ne peux pas là absolument partager. En outre, devant à un idéal vague, les affronts et les menaces qui pèsent sur l’homme – c’est-à-dire les champs de torture nazis, les tortures, l’humiliation et les oppressions – ils m’apparaissaient comme réalités terriblement concrètes et universelles.

Antonio Torrenzano.Comment expliquez-vous les nombreuses faillites des processus de paix dans le continent africain ?

André Glucksmann. Les “peace builders” considèrent souvent le conflit armé comme un pur objet d’intervention. Ils ne considèrent presque jamais que les guerres sont en revanche un processus plus complexe. Ce processus se concentre sur la construction d’institutions principalement à niveau national et il ignore cependant les causes de fond de la violence soutenues sur le terrain. C’est une approche seulement technique! En outre, quand la communauté internationale montre sa disponibilité à traiter avec la violence endémique sur le terrain, il se concentre en général seulement sur les leviers nationaux ou internationaux de la violence sans analyser la vraie situation et les vrais rapports de force. Une raison de la faillite, dans la gestion de beaucoup de conflits dans le continent africain, est que l’attitude vers la paix a amplement négligé les changements d’organisation des sociétés locales. En plusieurs de régions de conflit, la diminution des compétences de l’État national et la création de mouvements rebelles et de milices, ils ont laissé marges d’action à la formation de nouveaux centres pas nationaux d’autorité qu’ils ont introduit nouvelles modalités de surveillance politique, social et économique.

Antonio Torrenzano. Dans les prochains cinquante ans, Michael Ignatieff soutient dans ses écrits, nous devons nous attendre de voir ultérieurement fragmenté le consentement moral qui soutint la Déclaration universelle des droits de l’homme du 1948. Pourquoi la mondialisation économique n’a-t-elle pas porté une globalisation morale ?

André Glucksmann. Notre premier droit est celui de combattre l’inhumain et de résister à l’oppression en obligeant le pouvoir à respecter l’homme. Ceci concerne la défense des libertés fondamentales qu’ils permettent le progrès démocratique. Chaque homme doit avoir toujours la possibilité de défendre sa propre dignité, n’en oubliant pas qu’il s’agit d’une possibilité toujours relative, possibilité devenue encore plus relative aujourd’hui dans les pays occidentaux.Le respect absolu des droits humains n’existe pas, aussi les pays démocratiques les piétinent. Mais une démocratie garantit toujours à ceux qui veulent faire respecter les droits, la possibilité de s’exprimer et se faire écouter de l’opinion publique. La démocratie n’est pas une réalité parfaite, mais une réalité dans laquelle il est possible de dénoncer qui viole les droits. Aujourd’hui, cette possibilité est étendue plus qu’au passé. Aux États-Unis, par exemple, les tortures sont dénoncées et il y aura des condamnations. Pendant la guerre de l’Algérie, la France a torturé sans problème et aucun militaire n’a jamais été jugé. Il y a encore des États qui utilisent dans une en manière foulée le sujet des droits de l’Homme. La Russie, par exemple, veut faire condamner les atrocités commises par les Américains dans les prisons iraquiennes, mais elle refuse chaque ingérence en Cecenie où les tortures sont une pratique normale depuis dix ans.

Antonio Torrenzano. Pensez-vous à Beslan ?

André Glucksmann. Je pense encore à Beslan, je pense encore aux violences systématiques qui arrivent en Cecenie, à la violence perpétrée sur les femmes, sur les enfants, sur les hommes. Je pense aux cent mille individus disparus dont il y a plus de nouvelles. Ces disparus ne comptent pas pour les chancelleries politiques. Est-ce que les dissidents n’ont jamais compté pour les gouvernements ? La situation peut certainement changer, nous pouvons encore trouver reliquats de moral qui encore hébergent dans beaucoup d’individus. Qu’est-ce que nous répondrons à nos fils quand ils nous revendiqueront quoi nous avons fait pour cette tragédie démesurée? Comment répondrons-nous ?

Antonio Torrenzano