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Samir Amin, économiste, écrivain, professeur d’économie du développement, président du Forum du Tiers-Monde (http://www.forumtiersmonde.net), directeur éditorial de la collection « Alternatives » auprès de la maison d’édition l’Harmattan (http://www.editions-harmattan.fr). Samir Amin enseigne l’économie aux universités de Poitiers, Paris et Dakar. Il a beaucoup publié sur le droit, la société civile, le socialisme, le colonialisme et le développement, particulièrement en Afrique et dans le monde arabe et islamique.Théoricien de l’altermondialisme, il est moins connu pour ses recherches sur les formes précapitalistes des pays colonisés, notamment africains. Il a travaillé de 1957 à 1960 dans l’administration égyptienne du développement économique et il a été de 1960 à 1963 conseiller du gouvernement du Mali, puis directeur de l’Institut africain de développement économique et de la planification. Il dirige actuellement le bureau africain du Forum du Tiers-Monde à Dakar.

Auteur de nombreux essais dont « L’Égypte nassérien» en 1964, « L’économie du Maghreb » en 1966, « L’impérialisme et le développement inégal » et « La nation arabe » en 1976, « La Méditerranée dans le système mondial » en 1988, « Les enjeux stratégiques en Méditerranée » en 1991, « L’Ethnie à l’assaut des nations » en 1994, « L’hégémonisme des États-Unis et l’effacement du projet européen ». « Sur la crise : Sortir de la crise du capitalisme ou sortir du capitalisme en crise », éditions le Temps des cerises en 2009, « La loi de la valeur mondialisée» en 2011 et « Monde arabe : le printemps des peuples ? » toujours aux éditions Le Temps des cerises en 2011. Ce carnet numérique a déjà dialogué avec le professeur Samir Amin dans plusieurs occasions en publiant la première conversation au mois de novembre 2007 et le deuxième dialogue au mois de février 2011. Un particulier remerciement au Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (site numérique http://www.codesria.org) qui a réalisé l’entretien pendant sa XIIIe assemblée générale en 2011.

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Pour poser la question d’un vrai droit à alimentation, il faut dépasser la simple considération du quotidien pour aborder une nouvelle vision des décisions internationales à ce sujet. La faim est non seulement l’une des principales cause de la pauvreté, mais également l’un de ses principaux effets. Les répercussions de la faim vont bien au-delà des morts qu’elle engendre. Car la faim entraîne des coûts économiques considérables pour les individus, les familles et d’entières sociétés. Les sociétés où la faim est omniprésente voient leur croissance économique gravement compromise, alors qu’il s’agit d’un élément indispensable à une réduction durable de la pauvreté. Ces effets de la faim montrent que c’est dans les zones rurales que se gagnera ou se perdra la bataille contre la pauvreté. Sans une nouvelle vision, rien de bon ni de consistant ne pourra être réalisé dans la longue marche vers une situation nouvelle.

La faim est encore notre scandale contemporain et les individus qui souffrent de cette pénible situation ils sont les exclus de cette économie mondialisée. Cet écart se creuse de plus en plus aujourd’hui. Ces espaces d’exclusion prennent de multiples formes, que ce soit des pays entiers en proie à la famine ou des régions dans certains continents par exemple l’Afrique subsaharienne ou la Corne de l’Afrique. Ils sont à la fois des espaces géographiques, mais aussi des espaces sociaux où la pauvreté, l’exclusion, la marginalité deviennent les lieux communs du même enfer. Comme l’a dit Nelson Mandela: « la pauvreté massive et l’horrible inégalité sont de terribles fléaux de notre temps ».

L’État du Niger – par exemple – pour pouvoir rééchelonner sa dette, a dû accepter d’abolir son Office national vétérinaire. L’abolition a ouvert le marché nigérien aux vaccins et médicaments vendus, beaucoup plus cher, par les multinationales. Incapables de les acheter, les éleveurs ont vu dépérir leurs troupeaux. La liste de ces cas est longue et s’allonge chaque jour. La crise s’incarne donc dans l’économie locale, mais elle est aussi une faillite de l’économie mondiale. Malgré plus d’un siècle de développement et de théories sur le développement, des auteurs et des analystes en arrivent à la conclusion de l’impasse et même de l’échec du système. Échec du développement et de son inadéquation à répondre aux problèmes criants qui existent sur la planète. Les Pays moins avancés bénéficiaires restent toujours des PMA. Le Burkina Faso reste toujours le Burkina Faso et la province du Yatenga reste encore une zone déshéritée. «Ces échecs globaux répétés – il soutient Serge Latouche – n’empêchent pas le fonctionnement du mythe […] Pourtant, l’échec global de l’aide est une conséquence nécessaire de la logique de la modernité occidentale ».

Comment pourra-t-on dépasser cet échec ? Comment pourra-t-on améliorer le niveau de vie de trois milliards d’hommes et de femmes qui vivent à présent à la campagne et beaucoup d’entre eux dans une extrême pauvreté ? Le développement rural a-t-il encore d’importance ? Pour Ignacy Sachs, économiste et sociologue à l’École des Hautes Études en sciences sociales de Paris, le développement rural a encore d’importance pour trois raisons. Premièrement, l’ère de l’industrialisation comme nous l’avons connu au XXe siècle est terminée; nous sommes entrés désormais dans une ère de désindustrialisation. Les industries de haute technologie créent difficilement de nouveaux emplois; l’agriculture et les contextes ruraux représentent encore 40,1 % du total de l’emploi dans le monde. En Asie du Sud-est et dans le Pacifique, par exemple, ce pourcentage est de 43,3%, en Asie de l’Est il est de 49,5%, en Asie du Sud de 61,2%. En Afrique au sud du Sahara de 63,6%. Deuxièmement, le potentiel pour un nouveau cycle de développement rural existe encore.

Il est nécessaire de cultiver plus de nourriture afin d’assurer le respect universel au droit de l’alimentation. Le défi est que le développement rural devienne socialement participatif, durable pour l’environnement en promouvant une agriculture à petite échelle paysanne et bien modernisée. Le développement rural a un effet multiplicateur sur le reste de l’économie. Un rapport de la Banque mondiale sur l’Amérique latine et les Caraïbes indiquait que la population rurale représentait environ 42% de la population totale, alors que les statistiques officielles indiquaient 24%, et qu’une augmentation de 1% du PIB agricole correspondait à 0,12% de la croissance de la production non agricole (rapport de la Banque Mondiale, « Beyond the city. The Rural Contribution to Development », Washington, 2004). Troisièmement, dans le domaine de l’agriculture, l’écart de productivité entre les techniques modernes et traditionnelles est réellement très important et peut atteindre dans des cas extrêmes un rapport de 500 à 1, ou même de 1000 à 1. En d’autres termes, le danger est d’annihiler la majorité des cultivateurs traditionnels si les politiques agricoles sont laissées à l’interaction libre des forces du marché.

Qu’arriverait-il à ces milliards d’êtres humains, dont la plupart sont déjà les pauvres parmi les pauvres sans un nouveau développement rural ? Pour l’économiste Samir Amin, au mieux un tiers d’entre eux pourrait être absorbé par les villes selon l’hypothèse irréaliste d’un taux annuel stable de croissance industrielle de 7% au cours des 50 prochaines années. Les deux autres tiers gonfleraient encore une fois les bidonvilles à la recherche de leur survie. « La question agraire – affirme Samir Amin – est plus que jamais au centre des défis majeurs que l’humanité devra affronter durant le 21e siècle. Les réponses qui seront données à cette question forgeront de manière décisive le cours de l’histoire de ce siècle ». Il n’y a pas beaucoup de temps pour faire que la pauvreté n’entre plus dans l’Histoire.

Antonio Torrenzano

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Conversation avec Rasmata Kabre, économiste, coordonnatrice de la fondation pour la promotion des droits des femmes au Burkina-Faso, vice-présidente de l’ONG BPW (Business and professional women) dans la capitale Ouagadougou. La conversation avec Rasmata Kabre a eu lieu à Rimini pendant la 42e édition des journées internationales d’étude de la Fondation Pio Manzù.

Antonio Torrenzano. Les récoltes céréalières mondiales des dernières années ont été élevées, et en même temps le nombre d’affamés a continué à augmenter. Entre 2000 et 2011, le prix du blé, du maïs et du riz sur le marché mondial a connu, en tenant compte de l’inflation, une hausse moyenne de 150%. Depuis le début du XXI siècle, les marchés de matières premières ( des métaux jusqu‘au pétrole en passant par le blé, le maïs et le soja) sont devenus de biens économiques appréciés par les investisseurs en capital. L‘augmentation de la population mondiale et la croissance économique internationale s’accompagnent d’une demande continue de matières premières ; le commerce de matières premières est donc une activité très lucrative. Les fonds de pension, les assurances, les fondations et un grand nombre d‘investisseurs individuels ont ainsi investi plus de 600 milliards de dollars dans les marchés financiers de matières premières. Existe-t-il une corrélation entre ces deux évolutions ? Un secteur financier débridé nuirait-il à la vie et à la santé des populations les plus pauvres en faisant augmenter les prix des matières premières ?

Rasmata Kabre. Je trouve troublant qu’à une époque où la nourriture est partout très abondante, où les rendements agricoles sont plus élevés que jamais, presque 925 millions d’individus n’aient pas assez à manger. L’Organisation des Nations Unies estime que presque un milliard d’individus souffraient de la faim en 2011. Ce chiffre demeure supérieur au niveau d’avant les crises alimentaire et économique de 2008. Ce chiffre est toutefois supérieur à ceux de la période du Sommet mondial de l’Alimentation de 1996, lorsque les dirigeants mondiaux convinrent de réduire de moitié le nombre d’affamés. Tout cela a des conséquences durables sur leur santé et les prive de perspectives d’avenir. Au cours de la seule année 2010, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 30 % et au moins 40 millions de personnes de plus ont sombré dans la pauvreté absolue. L’absence de mécanismes appropriés pour affronter les événements bouleversants ou protéger les populations les plus vulnérables de leurs effets se traduit par une recrudescence de la faim aujourd’hui. L’Afrique de l’Ouest continue à être victime d’une insécurité alimentaire et une malnutrition croissantes dans plusieurs pays où le pourcentage de personnes sous-alimentées demeure le plus élevé, avec 30 pour cent en 2010. Quand les populations sont obligées de consacrer 80 % de leurs revenus à l’alimentation, au lieu de seulement 20 % comme dans les riches pays industrialisés, les hausses de prix des céréales, du pain et d’autres aliments de base représentent une menace existentielle.

Antonio Torrenzano. Quel est l’impact de la malnutrition dans votre Pays ?

Rasmata Kabre. La pauvreté dans mon Pays fait vivre presque 44% de la population dans une situation de misère et les femmes sont les premières victimes. Les femmes – j’ajouterais – sont des victimes silencieuses. La situation de la pauvreté extrême au Burkina Faso, c’est une blessure ouverte. Une souffrance immense. La malnutrition et les maladies qui en découlent représentent encore la principale cause de mortalité dans mon Pays. Notre association suggère depuis longtemps aussi que, si les femmes tiraient profit des moyens nécessaires pour être plus productifs dans le secteur alimentaire, on pourrait enregistrer une augmentation de rendement allant jusqu’à 30%. Lorsqu’on dialogue du système alimentaire, la question de l’égalité se pose à chaque instant. Si la dynamique des forces du marché a généré une situation dans laquelle 15% des habitants de la planète souffrent de la faim, c’est que l’on s’est trompé quelque part. L’économie devrait être au service des individus et non l’inverse.

Antonio Torrenzano. Depuis le 2006, vous avez créé à Ouagadougou une ONG pour aider les femmes avec graves problèmes économico-sociaux.

Rasmata Kabre. Les femmes de mon Pays souffrent de manière disproportionnée cette condition. L’association a pris en main la défense de toutes les femmes exclues du tissu social et économique de mon Pays. Toutefois, nous nous battons pour la réalisation de tous les objectifs du Millénaire convenus au plan international, mais aussi pour l’égalité des genres retenue vitale pour la lutte contre la pauvreté extrême de toutes les femmes au Burkina Faso.

 Antonio Torrenzano

 – Bibliographie électronique.

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) offre désormais un accès libre et gratuit à FAOSTAT, ses archives centrales de statistiques qui constituent la plus vaste base de données mondiale sur l’alimentation, l’agriculture et la faim. FAOSTAT, accessible en anglais, en espagnol et en français, permet aux utilisateurs de sélectionner et d’organiser les informations statistiques en tableaux et diagrammes en fonction de leurs exigences, et de les télécharger en format Excel. Les archives remontent à 1961. Source : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=22386&Cr=agriculture&Cr1

 – Un remerciement particulier au photoreporter Riccardo Gallini de la Fondation Pio Manzù (http://www.piomanzu.org) pour l’image de Rasmata Kabre.

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Conversation avec Jean Ziegler, sociologue, essayiste, professeur à l’université de la Sorbonne à Paris, ancien rapporteur spécial auprès de l’ONU sur la question du droit à l’alimentation dans le monde de 2000 à 2008. Il est à présent membre du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Il a été professeur de sociologie à l’université de Genève jusqu’au 2002 et il a été le premier dirigeant de la communauté d’Emmaüs genevoise après avoir rencontré l’Abbé Pierre à Paris en 1952. Il est Chevalier des arts et des lettres de la République française, Médaille d’or du Président de la République italienne. Docteur honoris causa de l’université de Mons, de l’université Paris VIII et de l’université de Savoie. Jean Ziegler est auteur de nombreux ouvrages traduits dans plusieurs langues étrangères dans lesquels il analyse notamment les questions liées à la faim et à l’agriculture mondiale. Nous rappelons : « Les Seigneurs du crime : les nouvelles mafias contre la démocratie », Paris, éditions du Seuil, 1998; «La Faim dans le monde expliqué à mon fils », Paris, toujours aux éditions du Seuil, 1999 (réédité en 2011); « Les Nouveaux Maîtres du monde et ceux qui leur résistent », Paris, éditions Fayard, 2002; «Le Droit à l’alimentation », Paris, éditions Fayard, 2003;« L’Empire de la honte », Paris, éditions Fayard, 2005; « La Haine de l’Occident », Paris, Albin Michel, 2008 (Prix littéraire des droits de l’homme); «Destruction massive. Géopolitique de la faim », Paris, Le Seuil, 2011. Le dialogue a eu lieu à plusieurs reprises dans la ville de Rimini en Italie près de la Fondation Pio Manzù et dans la ville de Genève.

Antonio Torrenzano. Le diagnostic de la situation alimentaire mondiale est très préoccupant : la FAO estime que deux milliards d’individus souffrent de la faim ou de carences alimentaires sévères. La cause réside-t-elle dans le manque de nourriture ?

Jean Ziegler. Le rapport annuel de la FAO estime que l’agriculture mondiale pourrait aujourd’hui nourrir normalement 12 milliards d’humains, presque le double de l’humanité. Mais chaque jour sur la planète presque 100.000 individus meurent de faim ou par ses conséquences immédiates. Tous les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim, tous les quatre minutes quelqu’un perd la vue pour carence de vitamine A. Un enfant qui meurt de faim est assassiné; il n’est pas la victime d’une loi de la nature. Le même rapport nous souligne qu’aujourd’hui l’humanité pourrait s’alimenter sans problème et garantir à chaque individu une quantité de nourriture équivalente de 2700 calories par jour pour douze milliards d’êtres humains. Mais la situation est différente : il n’y a aucune fatalité. Je suis en train de prendre seulement la faim en examen, mais je pourrais aussi analyser la grave situation des 2,2 milliards d’individus qui n’accèdent pas à l’eau ou des indicateurs de l’Organisation mondiale de la santé sur les grandes épidémies: du paludisme au choléra, sans parler du sida. Je trouve que la situation contemporaine est un gigantesque insuccès.

Antonio Torrenzano. Le défi posé à toute l’humanité par ce scandale d’aujourd’hui est-il alors d’ordre économique et financier ?

Jean Ziegler. La finance depuis longtemps continue de spéculer sur les marchés alimentaires. Les prix des trois aliments de base : maïs, blé et riz qui couvrent 75% de la consommation mondiale, ils ont littéralement explosé. La hausse des prix est en train d’étrangler les 1,7 milliards d’individus extrêmement pauvres vivant dans les bidonvilles de la planète. Individus qui doivent s’assurer leur minimum vital avec moins de 1,25 dollar par jour. La finance internationale gouverne désormais le marché agricole mondial et elle devient jour après jour avide. Marché agricole mondial dominé par une dizaine de sociétés transcontinentales extrêmement puissantes, qui décident chaque jour le prix des aliments de base. La multinationale Cargill par exemple a géré l’an dernier 26,8% de tout le blé commercialisé dans le monde. En revanche, la multinationale Louis Dreyfus gère 31% de tout le commerce du riz. Ces firmes dirigent les prix et les volumes des aliments de base à négocier. La situation est la même pour les autres, c’est-à-dire Monsanto et Syngenta qui dominent le marché mondial et donc la productivité des paysans. Les dix firmes dominent 85% des biens alimentaires commercialisés dans le monde. Sociétés extrêmement puissantes qui par leurs diktats peuvent mettre à genoux aussi les politiques des États nationaux.

Antonio Torrenzano. Une privatisation du monde où le pouvoir territorial de l’État-nation est presque mort par une mondialisation économique. On pourrait discuter longtemps des bienfaits et des méfaits de cette mondialisation, mais je crois que c’est la misère qui domine.

Jean Ziegler. L’Occident mène une politique suicidaire et il reste sourd et aveugle aux revendications du sud de la planète. La faim dans cette région du monde augmente d’une façon vertigineuse en faisant devenir ces Pays encore plus vulnérables et dépendants. Les racines de la faim sont structurelles, économiques, financières. La terre a suffisamment de ressources pour nourrir 12 milliards d’êtres humains. La faim reste la cause de mortalité la plus importante dans le monde. C’est une mort lente des plus atroces et ce scandale est dû à l’homme.

Antonio Torrenzano

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Le diagnostic de la situation alimentaire mondiale est très préoccupant : la FAO estime que deux milliards d’individus souffrent de la faim ou de carences alimentaires sévères. Cette situation est aggravée par l’augmentation des prix des denrées alimentaires et par de nouvelles contraintes posées aux systèmes agraires : changements climatiques, spéculation financière, concurrence avec les biocarburants. La cause réside-t-elle dans le manque de nourriture ? Absolument non. La planète pourrait fournir à chacun sa ration alimentaire. Il est généralement admis que les ressources de la planète globalement considérées peuvent nourrir tous ses habitants; en effet, les aliments disponibles par habitant au plan mondial se sont accrus de 18% environ au cours des dernières années. Le défi posé à toute l’humanité par ce scandale d’aujourd’hui, il est alors d’ordre économique et technique, mais plus encore d’ordre éthico et politique. C’est une affaire de solidarité vécue et de développement authentique autant que de progrès matériel.

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Au dernier sommet du G20 à Los Cabos, lors de la réunion internationale, les pays membres se sont engagés à renforcer leurs efforts pour combattre la famine dans le monde. Plusieurs ONG avaient rappelé les dirigeants du G20 à profiter du sommet pour s’intéresser aux crises oubliées qui frappent les populations les plus pauvres dans le monde et pas seulement aux problèmes de l’occident. Dans une manière particulière, les ONG soulignaient la nécessité urgente d’encourager une croissance qui pouvait inclure tout le monde en portant à l’attention du sommet les effets pervers de l’insécurité alimentaire, de la faim et de toutes les crises qui ne sont presque jamais discutées au G20, mais qui sont au coeur de la vie de milliards des individus.

Pourquoi la faim et la pauvreté restent-elles encore un scandale dans certains pays du Nord et du Sud de la planète et dont on parle trop peu ? Pourquoi la famine frappe-t-elle encore nombreuses régions ou parfois des nations entières ? Le dernier rapport de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation (FAO) montre que 925 millions de personnes souffrent de faim ou de malnutrition et un enfant en meurt toutes les cinq minutes. Le rapport FAO souligne encore qu’en dépit des progrès technologiques et de la croissance dans ces dernières années, il y a aujourd’hui en valeur absolue autant d’affamés dans notre planète qu’il y a quinze ans.

Chaque année, la faim tue plus de personnes que le sida, le paludisme et la tuberculose tout réunis ensemble. Un tiers des décès chez les enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement est lié à la malnutrition. Les mille premiers jours de vie pour un bébé qui nait dans les régions affamées, ils constituent une période critique pour lutter contre la malnutrition. Une bonne alimentation pendant cette période les protègerait contre les retards de croissance mentale et physique. La faim constitue donc le premier risque sanitaire dans le monde. Dans son dernier rapport, la FAO a aussi identifié une possible géographie de ce scandale oublié par la communauté internationale. Plus de la moitié de la population souffrant de la faim dans le monde vit dans la région Asie et Pacifique. Un peu plus d’un quart de la population touchée par ce problème vit en Afrique. Dans le continent africain par exemple, le nombre de personnes sous-alimentées se trouve pour un 25 % en Afrique Centrale et pour un 12% en Afrique de l’Est, mais aussi certains pays du Proche et Moyen-Orient. En Somalie par exemple, il est très facile de constater une étroite corrélation entre la carte des zones affamées et celle des régions du pays somalien frappé par la guerre civile.

Le paradoxe est qu’il ne s’agit pas d’une insuffisance globale de la quantité de nourriture produite, mais plutôt d’un problème d’instabilité politique dans certaines régions et de spéculation économique et financière. « La terre a suffisamment de ressources pour nourrir 12 milliards d’êtres humains – souligne l’ancien rapporteur ONU Jean Ziegler –, mais les enfants qui meurent sont les victimes de décisions commerciales meurtrières». Dans cette dernière décennie, la terre comme bien économique a été de plus en plus accaparée par des intérêts économiques à de simples fins spéculatives. Résultat : dans plusieurs régions du sud de la planète, les familles paysannes ont été les premières victimes. L’accaparement des meilleures terres arables par de grandes sociétés transcontinentales est un des nouveaux facteurs du scandale de la faim autant que le dumping agricole. En 2011, en Afrique par exemple, ils ont été achetés 41 millions d’hectares de terres par des capitaux étrangers. Des terres qui serviront surtout à cultiver des denrées destinées à l’exportation. Le dumping agricole, en revanche, consiste à larguer les surplus alimentaires des pays européens et américains sur les marchés du sud en mettant en jeu la souveraineté alimentaire des États les plus pauvres. On retrouve sur ces marchés des poulets, des fruits ou des légumes européens ou américains, de moitié moins cher que des produits locaux. Devant de tels bas prix, les agriculteurs locaux n’ont aucune chance de survivre.

Enfin, la spéculation boursière sur les denrées alimentaires. Depuis 2008, la spéculation boursière sur les denrées de base, comme le blé, le maïs et le riz, qui constituent 75 % de l’alimentation mondiale, a fait flamber le prix de ces aliments. Trente-six mois après, le prix du maïs a augmenté de 93% avec le pire résultat que des millions de personnes se sont retrouvées incapables de nourrir leur famille. « La spéculation sur les denrées – ajoute encore l’ancien rapporteur ONU Jean Ziegler – est une pratique effroyable. Il suffirait de peu pour mettre fin à la spéculation sur les aliments de base: il n’y a qu’à l’interdire». Mais le désastre reste persistant, le scandale invisible. Chaque nuit, une personne sur sept sur la Terre se couche ainsi le ventre vide… pour combien de temps encore ?

Antonio Torrenzano

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Les chefs d’État et de gouvernement des pays du G20 ont renouvelé à Los Cabos leur engagement à travailler ensemble à la prospérité de la planète. La réunion a vu des tensions entre les États-Unis et les Pays du BRIC vers l’Europe pour ce qui concerne la crise de la zone euro.

Le communiqué diplomatique final affirme : « Nous nous engageons à adopter les mesures nécessaires pour renforcer la demande, soutenir la croissance mondiale et restaurer la confiance. Une croissance forte, durable et équilibrée reste la priorité numéro un du G20, car elle engendre une création d’emplois plus importante et accroît le bien-être des peuples dans le monde entier. Si les conditions économiques devaient se détériorer de façon significative, les pays ayant des marges de manoeuvre budgétaires se tiennent prêts à coordonner et à mettre en oeuvre des actions budgétaires discrétionnaires pour soutenir la demande intérieure, comme il convient. » Pour ce qui concerne la demande : « Nous saluons les progrès accomplis par les pays avec un excédent important des comptes courants en vue d’augmenter la demande intérieure et les mesures entreprises par les pays au déficit des comptes courants important pour augmenter l’épargne ».

Pour ce qui concerne les déséquilibres, les Pays membres du forum soulignent encore dans leur communiqué : « Nous maintenons notre engagement à réduire les déséquilibres en renforçant les finances publiques des pays avec des politiques saines et durables qui prennent en compte les évolutions de la conjoncture économique ». En revanche, ils affirment sur le commerce international : «Nous nous engageons fermement en faveur de l’ouverture aux échanges et aux investissements, de l’expansion des marchés et de la résistance au protectionnisme sous toutes ses formes, qui sont des conditions nécessaires en vue d’une reprise économique durable, de la création d’emplois et du développement ». Les Pays du G20 toujours sur le commerce international déclarent encore qu’ils sont fortement préoccupés par les risques croissants de protectionnisme dans le monde. La déclaration finale continue en affirmant «Nous confirmons notre engagement visant à maintenir jusqu’à la fin 2014 le moratoire sur l’adoption de mesures susceptibles d’avoir un impact sur le commerce et les investissements. Nous annulerons – ils ajoutent – toute mesure protectionniste qui serait adoptée, si elle n’est pas conforme aux normes de l’OMC ».

Les pays du G20 se sont engagés, lors du sommet , à renforcer leurs efforts pour combattre la famine dans le monde. La prochaine réunion du G20, sous la présidence de la Russie, se déroulera à Saint-Pétersbourg les 5 et 6 septembre 2013.

Antonio Torrenzano

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Une croissance forte et durable unie à des efforts concrets pour la création de nouvel emploi représenterait la priorité de ce sommet du G20 en voie de déroulement à Los Cabos. Les dirigeants des pays membres du G20 se diraient prêts à prendre « toutes les mesures nécessaires pour maintenir l’intégrité et la stabilité de leur zone », selon le projet de déclaration finale de ce sommet du G20.

Mesures nécessaires, affirmeraient les chefs d’État et de gouvernement, «pour maintenir l’engagement à réduire les déséquilibres en renforçant les finances publiques des pays par des politiques durables qui prennent en compte les évolutions de la conjoncture économique ».Croissance économique et efforts concrets l’emploi seraient donc les deux priorités que le forum de Los Cabos devrait souligner dans son communiqué final.

Le Fonds monétaire international, a annoncé la directrice générale du FMI, a obtenu 456 milliards de dollars, presque 360 milliards d’euros, de ressources supplémentaires pour lutter contre les effets de la crise de la zone euro sur l’économie mondiale. « Ces ressources seront mises à disposition de l’ensemble des membres du FMI, et non réservées à une région particulière (…) Cet effort montre l’engagement de la communauté internationale et du G20 pour prendre les mesures nécessaires afin de sauvegarder la stabilité financière mondiale ». La somme est supérieure à l’engagement pris au mois d’avril par les Pays membres du FMI. Les mêmes Pays émergents, regroupés au sein du groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), ont affirmé lundi le versement de ces fonds supplémentaires à l’organisation internationale monétaire.

 Antonio Torrenzano

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Les chefs d’État et de gouvernement du G20 se retrouvent aujourd’hui à Los Cabos pour leur première journée de travail et négociations. La station balnéaire mexicaine accueille cette année le forum économique sous la présidence de Felipe Calderon.

Le forum s’ouvrira dans un contexte difficile pour l’économie mondiale. Le sommet sera largement dominé par la crise de la zone euro autant que sur le ralentissement de la croissance mondiale. Ce sommet du G20 commence toutefois déjà avec une note d’optimisme : les résultats des élections législatives en Grèce di hier soir. Mais, l’obsession de la crise de l’euro ne devra pas faire oublier les autres questions économiques. Renforcer la croissance mondiale reste un point de repère sur lequel les chefs d’État et de gouvernement travailleront pendant la première séance des travaux. Les discussions devront produire de nouvelles lignes d’action pour préserver un rééquilibrage de la demande, élément primordial pour renforcer la croissance économique.

Le sommet devra toutefois donner des réponses à d’autres questions économiques au-delà de la situation européenne : par exemple la volatilité des prix alimentaires. Volatilité des prix alimentaires qui est à présent hors de toute possible vérification et qui devient une menace sérieuse pour les moyens de subsistance de milliards de personnes à travers le monde autant que la spéculation financière sur les matières premières.

Antonio Torrenzano