La situation catastrophique de la Corne de l’Afrique de ces deux derniers mois peut devenir une source de graves déséquilibres. Près de douze millions de personnes sont aux prises avec la sécheresse et l’insécurité alimentaire. La chute du Mur de Berlin en 1989 et l’apaisement des tensions est-ouest n’ont pas gagné la Corne de l’Afrique. Après l’échec de l’opération Onusom (1992-93) et le retrait des États-Unis, la communauté internationale a laissé la Somalie s’enfoncer dans une guerre civile espérant qu’elle serait restée circonscrite à la péninsule. Toutefois, dans le nouveau contexte international des années 2000, ce conflit régional de basse intensité a enflammé l’ensemble de la Corne de l’Afrique en produisant une instabilité continue, des guerres sanglantes, la mort de nombreux innocents entre lesquels de femmes et des enfants.
Après 20 ans de guerre civile, la Somalie – nation « culturellement » homogène – n’a pas retrouvé son unité à laquelle le Somaliland sécessionniste a renoncé. Curieusement, en revanche, Djibouti, l’Érythrée et l’Éthiopie, États multiculturels avec plusieurs langues, cultures et religions ont affermi, dans une manière unitaire ou bien fédérale, leur unité. La Somalie est l’épicentre de cette horrible famine, mais la crise alimentaire est régionale. Les Somaliens sont à bout. Les Nations Unies ont récemment déclaré que 10% des enfants de moins de 5 ans meurent chaque semaine en Somalie à cause de la famine. Toujours, l’organisation onusienne considère que 11,5 millions de personnes dans la région ont besoin d’aide alimentaire dans les prochains mois. Mais la situation politique et l’insécurité sur le terrain en Somalie sont en train de retarder l’assistance aux populations.
Au cours des vingt dernières années, les famines dans la Corne de l’Afrique ont fait, en trois occasions, irruption sur la scène politique mondiale. En Éthiopie en 1984-1985, au Sud-Soudan en décembre 1988, en Somalie en décembre 1992. Les organisations internationales affirment : «qu’il s’agit cette fois d’une combinaison entre une catastrophe naturelle et une catastrophe provoquée par l’intervention humaine. Il ne faut pas nier que l’ampleur de cette catastrophe résulte d’une grave sécheresse, l’année la plus sèche en six décennies, dans certaines parties de la région. Mais cette crise a été provoquée par l’homme et par la politique que par la nature ». À Mogadiscio, par exemple, la crise alimentaire est liée aux destructions causées par la guerre civile. Les vingt années, de chaos politiques qui ont suivi l’effondrement du régime du président Mohammed Siad Barre, ont empêché les paysans de cultiver leurs sols et d’acheminer leur production. Mais toutes les mesures pour stabiliser la situation en Somalie ne sont pas réalisables sans une amélioration de la situation géopolitique de la région de la Corne.
Combattre la famine est un devoir moral, mais aussi une nécessité politique. Car il n’y aura pas de sécurité durable sans la résolution du conflit somalien qui persiste depuis trop de temps.
Antonio Torrenzano
* Un spécial remerciement à la photoreportère Paula Nelson pour l’image.