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Depuis le début de la crise financière mondiale au mois de septembre 2008 par la faillite de la banque Leheman Brothers, le G-20 a été perçu comme le forum le plus efficace pour diriger les efforts mondiaux visant à contenir la crise et à atténuer ses répercussions. Les dirigeants du G-20 se sont réunis avant de Toronto à trois occasions pour stabiliser le système financier, pour coordonner les lignes d’action économiques nationales afin de guider l’économie mondiale vers la reprise, et pour assurer que les institutions financières internationales reposent sur des bases consistantes et qu’elles possèdent les ressources nécessaires. Les causes de cette crise financière sont désormais assez bien identifiées et peuvent se résumer aux excès de l’endettement, à la dilution des risques, à la complexité des produits financiers et à l’insuffisance de la régulation. Mais, cette chronologie pour avoir une vision encore plus mondiale devrait-elle inclure aussi les aspects énergétiques, alimentaires, environnementaux et les répercussions produites dans le pays sous-développé. Les instruments utilisés pour résorber la crise ont été multiples : nationalisations temporaires, injection de liquidités, garanties de la puissance publique et protection renforcée des déposants. Mais jusqu’à aujourd’hui, la partie n’est pas encore gagnée !

Le premier Sommet des dirigeants du G-20 s’est tenu à Washington, les 14 et 15 novembre 2008. Le Sommet du G-20 sur les marchés financiers et l’économie mondiale a donné naissance au Plan d’action du G-20 qui présente des mesures visant à stabiliser l’économie mondiale et à prévenir d’autres crises ultérieures. Les dirigeants du G-20 ont souligné l’importance cruciale de rejeter le protectionnisme et ont présenté des plans de relance coordonnés. Dans leur ensemble, ces mesures ont constitué la plus importante initiative de stimulation budgétaire et monétaire et le plus vaste déroulement prévu de soutien du secteur financier des Temps modernes.

Les dirigeants se sont réunis une deuxième fois à Londres, les 1er et 2 avril 2009. Dans le cadre du Sommet de Londres, les dirigeants ont poursuivi le travail qu’ils avaient commencé à Washington et ont annoncé une contribution sans précédent de 1,1 billion de dollars américains afin de rétablir le crédit, la croissance et les emplois dans l’économie mondiale. Cet engagement comprenait un apport de 750 milliards de dollars pour le Fonds monétaire international, de 100 milliards de dollars en prêts supplémentaires pour les banques multilatérales de développement, ainsi que de 250 milliards de dollars pour appuyer le financement du commerce. Seulement après les sommets de Washington et Londres, la communauté internationale a enfin décidé dans un monde globalisé des logiques de coordination sur divers plans : au plan monétaire par l’action concertée des banques centrales sur les taux d’intérêt et l’injection de liquidités; au plan politique par des plans concertés et des initiatives lancées en vue de renouveler les règles du système financier international. La régulation de la finance est donc une question technique, mais aussi, et surtout, stratégique et politique. Cette coordination à la fois réelle et fragile reste encore insuffisante dans deux domaines : pour ce qui concerne les normes prudentielles et pour ce qui concerne les normes comptables.

Pour donner suite aux mesures adoptées à Londres, les dirigeants du G-20 se sont réunis une troisième fois, à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre 2009. Le Sommet de Pittsburgh a permis seulement de désigner le G-20 à titre de principale enceinte pour la coopération économique internationale, conférant ainsi au Groupe le mandat de poursuivre son travail après la présente crise économique. Mais à Pittsburgh, ce qui n’était pas encore connu ils étaient : les conséquences tangibles sur l’économie réelle comme la baisse de la croissance et augmentation du chômage; l’impact sur les finances publiques et les répercussions sur le niveau d’endettement des États; la durée et l’ampleur de la crise. Sur la durée et l’ampleur de la crise, la question était la suivante : la récession se déroulera-t-elle uniquement en 2009 ou pourra-t-elle se prolonger en 2010 ? À Pittsburgh, les dirigeants ont convenu enfin de se rencontrer de nouveau au Canada et en Corée en 2010. Les principales déclarations du G20 de Pittsburgh peuvent s’analyser en recommandations, décisions et sujets non abordés. Pour ce qui concerne les décisions, le G20 devient l’instance de régulation économique et financière alors que le G8 ne traitera plus que des questions politiques et militaires. La réforme des quotes-parts du FMI (transfert de 5% des droits de vote) se fera au bénéfice de la Chine, de la Turquie et de la Corée. La charte du Conseil de stabilité financière a été adoptée par la réunion de Pittsburgh et le CSF devient l’instance clé de la régulation financière internationale.

Mais, entre la fin de l’année 2009 et le milieu de l’année 2010, la crise de la finance privée se convertit en gonflement de la dette publique et en crise sociale. La crise grecque de mai 2010 est plus grave que celle de 2008 parce qu’elle concerne d’abord la solvabilité des États et non pas uniquement celle des banques ou l’endettement privé. La nouvelle question qui se pose à la communauté internationale est donc : un État très endetté peut-il créer de la croissance et de l’emploi et ne pas ruiner les politiques sociales déjà fragiles ? Le sommet canadien du G20 devra non seulement donner suite aux engagements pris lors des réunions précédentes, mais répondre à ces nouvelles incertitudes.

Antonio Torrenzano

 

* Un remerciement particulier au photoreporter John Vetterli pour l’image de la ville de Toronto.

 

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Le Canada accueillera le quatrième Sommet des dirigeants du G-20, les 26 et 27 juin à Toronto. En 2008, au début de la crise financière née au cours de l’été 2007, les dirigeants du G-20 se sont réunis pour la première fois à Washington afin d’apporter une réponse coordonnée à la crise économique mondiale. Le Sommet de Washington a été suivi du Sommet de Londres (avril 2009), puis de celui de Pittsburgh (septembre 2009), dans le cadre duquel les dirigeants ont désigné les réunions économiques du G-20 comme le principal forum pour la coopération économique internationale.

Au cours de ces trois sommets, les dirigeants ont cherché à développer une réponse internationale coordonnée à la crise. Ils ont mis en œuvre un plan de relance afin de rétablir la confiance et se sont entendus sur les mesures à prendre pour resserrer la réglementation financière. Les dirigeants se sont aussi engagés à réformer les institutions financières internationales et ils ont convenu de faire la promotion des échanges commerciaux et de résister au protectionnisme.

Ce nouveau Sommet du G-20 à Toronto devra permettre aux dirigeants de donner suite à leurs engagements antérieurs et de poursuivre leurs efforts en vue de bâtir une économie mondiale plus sûre et moins instable. La réunion internationale à Toronto sera axée encore sur la crise économique mondiale qui depuis deux ans et demi n’est pas finie ainsi que sur la mise en œuvre des engagements pris lors des précédents sommets du G-20 tout en jetant les bases pour une croissance équilibrée.

Antonio Torrenzano

 

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L’histoire économique de ces trois ans, de la faillite de Lehman Brothers à la crise de l’euro, a vu une répétition des chocs économiques qui continuent à bouleverser la communauté internationale. Comment en est-on arrivé là ? La crise cessera-t-elle? Voilà, alors, une petite chronologie des événements sur ces temps de restrictions. Commençons.

Première phase. Cette première crise financière du XXI siècle, affirme Jacques Attalì, s’explique très largement par l’incapacité de la société américaine à fournir des salaires décents aux classes moyennes; elle les pousse alors à s’endetter pour financer l’achat de leur logement, entraînant une croissance de la valeur des patrimoines et de la production. Les subprimes, ces crédits immobiliers produits aux États-Unis entre 2003 et 2007, ont été en effet le déclencheur de la crise. De quoi s’agit-il ? Ce produit financier consiste à vendre à un emprunteur financièrement illettré un crédit dont les échéances augmentent très vite au fil du temps. Ses revenus lui permettent de payer les premières, mais pas les suivantes. Encore, les producteurs de ces crédits ne les gardaient pas dans leur bilan et les faisaient aussitôt transformer par les banques d’affaires de Wall Street en produits financiers vendus aux investisseurs institutionnels du monde entier comme produits d’investissement avec une bonne notation, un bon rendement. Les subprimes titrisés étaient ainsi en apparence très séduisants. Cette technique, apparue aux États-Unis dans la décennie 1980, a été appliquée d’abord aux crédits hypothécaires classiques, puis aux flux générés par les cartes de crédit, puis pratiquement à tous les types de délai de paiement. Cette technique crée aux États-Unis, elle s’est développée sans freins, sans de limites, sans de vérifications dans le monde entier. Première sonnette d’alarme ? À fin de l’année 2006 et début de l’an 2007 par les premiers bruits et l’augmentation de taux de défaut des subprimes produits et titrisés parmi l’année 2003 et l’année 2006. Ce premier signal est suivi au mois d’août 2007 par un inconvénient généralisé du marché interbancaire. Inconvénient intervenu dans tous les pays d’Europe au même moment et peu remarqué par l’opinion publique en vacances estivales. C’était le premier indice d’une grave crise de confiance. Dans la même année, mais dans cette occasion en automne, les marchés de tous les crédits titrisés subissent une nouvelle augmentation de défaut et un premier sinistre de taille limitée se produit en Grande-Bretagne près de la banque Nothern Rock. Banque commerciale que le gouvernement britannique sauva par une nationalisation immédiate.

Deuxième étape. Au début de l’année 2008, sous l’effet de la récession des économies, les risques de crédit montent fortement provoquant l’écroulement de tous les produits financiers à base de crédits titrisés. La communauté économique internationale découvre aussi les premières faillites des principaux opérateurs de ce marché. Des banques commerciales comme Bear Stern, Merrill Lynch, elles sont sauvées par d’autres banques plus robustes. Les principaux assureurs spécialisés dans ce secteur doivent être recapitalisés par leurs actionnaires. La société d’assurance AIG, qui avait été très active dans ce secteur, elle est sauvée par une aide monétaire du gouvernement américain. Mais, c’est la faillite de Lehman Brothers qui jette le monde dans la panique. À partir de ce moment, la crise des subprimes dégénère en crise bancaire. La panique gagne, les banques cessent d’accorder du crédit, l’économie est au bord de l’asphyxie. Le système avait perdu presque toutes les boussoles qui avaient gouverné le monde d’avant-hier. La belle époque bancaire des années 2000/2007 était terminée. L’économiste et philosophe Frédéric Lordon sur cette absurde situation affirmera : «La finance de marché a eu la propriété à faire voir dans une longue période les résultats catastrophiques d’une situation où tous les agents sont simultanément laissés libres de poursuivre frénétiquement leurs intérêts… Et si même des catastrophes de cette magnitude ne parviennent pas à dessiller l’escouade des experts, on se demande quel degré de convulsion il faudra atteindre pour obtenir d’eux le premier doute ». La communauté internationale s’interroge vers où aller. Quelle nouvelle direction prendre par quel genre de boussole ?

Troisième phase. Les États occidentaux s’endettent hors de proportion pour sauver leurs banques et relancer l’économie. Les finances publiques jouent dans ce contexte un rôle de pompier pour éteindre l’incendie. Entre la fin de l’année 2008 et le milieu de l’année 2009, la crise de la finance privée se convertit en gonflement de la dette publique et en crise sociale. Dans les pays occidentaux, le chômage grimpe très vite avec un taux à deux chiffres, mais les Bourses stimulées par le nouvel afflux d’argent public et par des taux d’intérêt quasi nuls reprennent leurs affaires quotidiennes.

Quatrième étape. L’attaque spéculative sur la dette souveraine des pays de l’Europe est à présent la dernière phase de cette chronologie. L’attaque, il a commencé par la révélation du maquillage du déficit public grec effectué avec l’aide de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs. Le 3 mai 2010, les ministres des Finances de la zone euro adoptent un plan d’aide à la Grèce de 110 milliards d’euros. La semaine suivante, dans la nuit du 9 au 10 mai, les mêmes adoptent un fond de 750 milliards d’euros en ayant comme objectif celui de protéger la monnaie unique contre de nouvelles attaques par la spéculation financière internationale et interdire un possible effet domino aux autres États de l’UE. « La crise, affirme Pierre Rimbert, elle a fait découvrir la fragilité d’une construction qui, depuis son origine, repose sur un pari : l’union douanière et monétaire entraînera l’union politique et populaire ».

Antonio Torrenzano

 

 

* Bibliographie électronique.

– Benoit Coeuré (sous la direction de), « Le monde a-t-il encore besoin de la finance ? », les cahiers du Cercle des économistes, Paris, éditions PUF, 2010.

– Bertrand Jacquillat (sous la direction de), « 1929-2009 : Récession (s) ? Rupture (s) ? Dépression (s) ? », les cahiers du Cercle des économistes, Paris, éditions PUF, 2009. Le Cercle des économistes réunit trente économistes qui ont le souci d’associer réflexion théorique et pratique de l’action.

– Jacques Attalì, « Survivre aux crises », Paris, éditions Fayard, 2010.

– Jacques Attalì, « La crise et après ? », Paris, éditions Fayard, 2009.

– Roger-Pol Droit et François Henrot, « Le Banquier et le Philosophe », Paris, éditions Plon, 2010.

 

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Conversation avec Amartya Sen, économiste, prix Nobel pour l’économie en 1998 pour ses travaux sur la famine, sur la théorie du développement humain, sur l’économie du bien-être, sur les mécanismes fondamentaux de la pauvreté et sur le libéralisme politique, il est aujourd’hui professeur à l’université américaine d’Harvard. De 1998 au 2004, il a été professeur et directeur du Trinity college à l’université de Cambridge. Il est le président honoraire de l’ONG Oxfam. Parmi ses nombreuses contributions sur l’économie du développement, Amartya Sen a fait des études sur les inégalités entre les hommes et les femmes.Auteur de nombreux essais, de livres traduits en plus de trente langues, dont «L’économie est une science morale?», Paris, La Découverte, 2004; «Rationalité et liberté en économie», Paris,Odile Jacob, 2005; «La Démocratie des autres : pourquoi la liberté n’est pas une invention de l’Occident», Paris, Payot, 2005;«L’Inde. Histoire, culture et identité» et «Identité et violence», toujours aux éditions Odile Jacob, Paris, 2007. Le dialogue avec le prix Nobel, il a eu lieu à Rome pendant le Forum sur l’innovation de l’Administration publique italienne, au mois de mai 2010.

Antonio Torrenzano. Comment jugez-vous la spéculation financière contre la monnaie européenne ?

Amartya Sen. J’ai été toujours sceptique vers l’euro parce que la monnaie européenne est née sans une vraie intégration des politiques fiscales dans tous les Pays membres. Et maintenant, ces questions sont en train d’émerger. À l’Europe, je le souligne de nouveau, elle sert désormais une vraie intégration fiscale et politique. Je crois que les gouvernements UE ils sont en train d’adopter de mesures sévères,mais il ne faut pas penser seulement aux comptes, il faut aussi penser au bien-être des individus. Si les mesures sont trop restrictives, on empêche la croissance.

Antonio Torrenzano. Croyez-vous qu’il ne faut pas penser seulement au simple modèle économique des revenus ?

Amartya Sen. Nous avons besoin d’une nouvelle analyse différente de la situation contemporaine, d’un nouveau modèle économique. Il ne faut pas penser seulement aux comptes, mais aussi au bien-être des individus. Il faut comprendre qu’une réduction d’une dépense publique peut être plus ou moins nuisible pour la liberté humaine de chaque individu et pour sa dignité. Depuis le mois de septembre 2008, les gouvernements du monde occidental se sont occupés plus du sauvetage de banques que des nombreux individus sans travail. Inutile cacher la réalité : nous sommes en train de vivre dans une autre période difficile. On pourrait parler d’un nouveau tsunami de l’économie qui s’est abattu cette fois sur l’Europe. Tsunami qu’il était vraiment difficile de prévoir il y a six mois.

Antonio Torrenzano. Gestionnaires de « hedge funds », firmes de « private equity », promoteurs de fonds d’infrastructure, de nombreux professionnels de la finance ont connu depuis le début du XXI siècle, et jusqu’à la crise, un évident âge d’or. Comment définiriez-vous la spéculation financière ?

Amartya Sen. Des individus qui tâchent de faire de l’argent sans se préoccuper des effets sociaux que leurs actions produisent. Des hommes sans éthique qui gagnent de l’argent à grande vitesse parce que notre marché financier est encore sans de mesures sévères et restrictives. Ce marché sans règles lui offre l’occasion favorable. Les problèmes naissent pour tout le monde quand ils assument de risques extrêmes et dangereux pour toute la communauté humaine. Et quand cela arrive, le désastre est aussi de nature morale : il y a un manque de règles, c’est clair .

Antonio Torrenzano

 

 

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Conversation avec Jacques Attalì, ancien conseiller de François Mitterrand puis président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, il dirige actuellement PlaNet. Professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine, à l’École polytechnique et à l’École des ponts et chaussées. En 1970, âgé de 27 ans, il devient auditeur au Conseil d’État. En 1972, il publie ses deux premiers livres sur « l’analyse économique de la vie politique et modèle politique » pour lesquels il obtient un prix de l’Académie des sciences. Son étroite collaboration avec François Mitterrand commence en décembre 1973. En 1981, celui-ci, qui vient d’être élu président de la République, le nomme conseiller spécial à son arrivée au palais de l’Élysée, et l’installe dans l’ancien bureau des aides de camp qui jouxte le bureau présidentiel. Dès lors, Jacques Attali rédige, chaque soir, des notes à l’attention du président sur l’économie, la culture, la politique ou le dernier livre qu’il a lu ou parcouru. Le président lui confie également le rôle de « sherpa » (représentant personnel d’un chef d’État) pour les sommets du G7 du 1982. En 1990, lors du second septennat de François Mitterrand, Jacques Attali abandonne la politique et quitte l’Élysée. Il participe à la création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) à Londres et en devient le premier président. Il avait lancé l’idée de cette institution en 1989, peu avant la chute du mur de Berlin, pour soutenir la reconstruction des pays de l’Europe de l’Est. Apôtre de la constitution de l’établissement d’un gouvernement mondial, il a un discours tentant à démontrer comme incontournable le maintien de la démocratie par la constitution d’un nouvel ordre mondial. Il pense que l’économie régulée par une institution financière mondiale peut être une solution à la crise financière émergeant en 2008. Auteur de nombreux essais et romans dont «300 décisions pour changer la France», Paris, XO Éditions, 2008; « La crise, et après ? », Paris, Éditions Fayard, 2008 ; « Le sens des choses », Paris, Éditions Robert Laffont, 2009;« Survivre aux crises » et «Une brève histoire de l’avenir » aux Éditions Fayard en 2009. La conversation a eu lieu auprès de l’université de Padoue pendant un séminaire économique au mois d’avril 2010.Le séminaire a été organisé par la Fondation Cassa di Risparmio di Rovigo avec le titre :”Liberare la crescita per il futuro”.  

Antonio Torrenzano. Comment jugez-vous la spéculation financière contre la monnaie européenne ?

Jacques Attalì. L’Europe s’est rendu compte de la gravité de la situation et du danger financiers qui menace sa monnaie européenne. Jusqu’à quand nous n’aurons pas un ministre des finances européennes qu’il puisse contrôler les impôts ou jusqu’à quand la Banque centrale n’aura pas de ministres qu’ils puissent exercer une surveillance proportionnée, je suis convaincu que l’euro sera une monnaie fragile. Il n’est depuis deux ans que nous concluons rien. Nous avons organisé de sommets G-20 qu’ils ne sont pas servis. Nous avons annoncé de choses qu’elles n’ont pas été réalisées. La peur de prendre décisions nous nous paralyse. C’est pour ça que de problèmes explosent. En origine, il s’agissait d’une crise liée aux « subprimes américains », qu’elle serait due coûter environs 10 milliards de dollars. On n’est pas intervenu et la crise est devenue mondiale et elle est ainsi retombée sur la dette publique de chaque pays. Les banques internationales continuent à spéculer. Le système reste encore complètement dans les mains de la finance internationale. Rien n’est changé.

Antonio Torrenzano. Et à cet endettement des entreprises, il faut encore ajouter celui des États, qui n’est pas moindre. Les chiffres donnent le vertige: 9000 milliards d’euros de dette publique pour les Pays de la zone euro et la Grande-Bretagne, c’est-à-dire les quatre cinquièmes du produit national brut cumulé de ces Pays.

Jacques Attalì. En effet, l’endettement des États s’est littéralement envolé sous l’effet de la crise par la diminution de leurs recettes fiscales et les dépenses de stimulation qu’ils ont dû engager. Les dettes privées de banques se sont reversées sur la dette publique des États. Depuis la crise de la banque Lehman Brothers, la communauté internationale a choisi de reverser ces pertes financières de marché sur la dette publique des États et tout le monde a accepté ce corollaire. Nous avons encore accepté qu’à payer ils fussent des imposés de demain pour de dettes d’aujourd’hui contractées par autres. Ceux-ci ont été les principales fautes.

Antonio Torrenzano. Est-ce que l’Europe a perdu son ancien esprit de regarder à l’avenir ? L’Europe, il me semble aujourd’hui plus à un musée qu’à un laboratoire de nouvelles idées, parce qu’avec ses coûts de production trop élevés, sa gouvernance trop complexe et sa population stagnante, elle ne peut plus espérer d’être un pivot dans le XXI siècle. Si vous en doutez, il suffit de regarder ce qui s’est passé au Sommet de Copenhague. L’énergie déployée par les dirigeants européens n’a abouti à rien.

Jacques Attalì. Le continent européen ne fait pas assez d’innovation. Par exemple, il n’y a pas d’innovation dans le rapport entre l’université et les usines. Il n’y a pas d’innovation dans le système de l’éducation et jusqu’à aujourd’hui l’Europe ne prend pas de décisions pour développer sa croissance dans le domaine européen. Sur l’éducation, il y a un discours très général qu’on répète depuis 20 ans, 25 ans, de colloque en colloque, sur lequel les nouvelles technologies sont un facteur essentiel de développement de l’éducation. Bien sûr, il y a des ordinateurs dans beaucoup de classes, bien sûr il y a des cours par la télévision à travers le monde, bien sûr il y a beaucoup de progrès qui ont été faits dans simplement l’usage de nouvelles technologies dans l’éducation. Mais, en réalité ce n’est pas du tout du progrès technique en matière d’éducation, c’est de l’introduction des technologies extérieures pour communiquer des méthodes traditionnelles d’enseignement. Bien sûr, il y a de grands pédagogues, il y a de grandes recherches depuis Piaget et bien d’autres sur les méthodes d’enseignement, mais en réalité si on regarde bien le progrès en matière d’éducation, de technologie d’éducation sont nuls. À l’Europe, elle manque une nouvelle manière d’analyser son temps présent et les nouvelles situations qui arrivent. Sans une nouvelle manière de regarder l’avenir, pour l’Europe resteront des paroles vaines. La possible réponse pour réduire la dette est la croissance et dans l’attente qu’on revient à grandir, il faut éviter la catastrophe.

Antonio Torrenzano

 

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La crise de l’Euro vécue à travers de la crise grecque a suscité beaucoup de questions. Cette dernière crise financière a montré par exemple à quel point les économies des pays de l’Union Europénne sont étroitement liées et en particulier celles de la zone de la monnaie unique. L’Euro avait perdu 19% de sa valeur depuis décembre 2009 et tout cela avait commencé au moment où il était apparu évident le risque que la Grèce était dans l’incapacité d’honorer ses dettes.

Conformément au traité de Lisbonne (article 122.2), « lorsqu’un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l’Union à l’État membre concerné », le 3 mai 2010, les ministres des Finances de la zone euro ont adopté un plan d’aide à la Grèce de 110 milliards d’euros. La semaine suivante, dans la nuit du 9 au 10 mai, les mêmes ont adopté un fond de 750 milliards d’euros en ayant comme objectif celui de protéger la monnaie unique contre de nouvelles attaques par la spéculation financière internationale et interdire un possible effet domino aux autres États de l’UE.

Le chiffre de 750 milliards d’euros, c’est le montant total du dispositif adopté par les ministres des Finances de l’Union européenne pour faire face au risque de contagion de la crise grecque. Un mécanisme qui devrait aider les pays en difficulté à régler leur dette. Ce dispositif financier, communautaire et intergouvernemental en même temps, se compose par deux volets : A) la création d’un fonds communautaire de soutien pour la zone euro (60 milliards d’euros); B) l’octroi de prêts de la part des États membres les plus solides financièrement (440 milliards d’euros maximums). À ce fond européen de soutien de 500 milliards d’euros, ils pourront s’ajouter 250 milliards d’euros du Fond monétaire international, pour une somme globale de 750 milliards d’euros. En contrepartie pour le nouveau dispositif adopté , les dirigeants de la zone euro se sont engagés à réduire par des lignes d’action concrètes leurs déficits publics. Première question : ce dispositif déjà prévu pour trois ans ouvrira-t-il le chemin vers l’institutionnalisation d’un véritable fonds monétaire européen ?

Mais, la crise grecque a mis en lumière aussi certains dysfonctionnements de l’Union européenne par rapport non seulement à la gestion de sa monnaie unique. Par exemple, l’harmonisation d’une politique fiscale égale dans tous les 27 pays membres et une vraie politique économique commune. La décision de vérifier les budgets nationaux par la Commission européenne pourrait être un autre petit signe sur lequel réfléchir autant que la responsabilité de tous les acteurs économiques et sociaux pour dessiner des budgets nationaux plus économes, des systèmes sociaux et de retraites équilibrées. Mais, d’autant plus que toutes ces lignes d’action soient définitivement négociées autour d’une table européenne unique. Si l’Union européenne vérifiait les budgets de 27 pays membres, cela ne serait pas pour dire à un État membre de réduire son budget à un endroit et de l’augmenter à un autre, mais le but serait d’éviter qu’une nouvelle circonstance comme celle de la Grèce ne puisse plus se proposer. Sur ces grands objectifs communs, pourquoi est-il ainsi difficile de se mettre d’accord ?

La gravité de la situation ne doit pas être sous-estimée. La crise financière contemporaine commencée en 2007 par les subprimes américains, elle est devenue une crise de l’endettement public. Il culmine à 78,7% dans la zone Euro, c’est-à-dire qu’un petit européen qui nait aujourd’hui doit déjà 21,585 euros. Les chiffres donnent le vertige : 9000 milliards d’euros de dette publique pour les Pays de la zone euro et la Grande-Bretagne, c’est-à-dire les quatre cinquièmes du produit national brut cumulé de ces Pays. Cet endettement tue la recherche, l’innovation, la compétitivité sur les autres marchés internationaux et il affaiblit en général l’économie du continent. Pour survivre dans la concurrence multipolaire, préserver ce modèle historique unique et laboratoire d’idées, l’Europe saura-t-elle faire des efforts ?

Antonio Torrenzano

 

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al_gore_image_02.1272516079.jpgConversation avec Albert Arnold Gore, écrivain, ancien vice-président des États-Unis pendant le mandat présidentiel de Bill Clinton de 1993 à 2001, prix Nobel pour la paix en 2007. Il commence sa carrière politique en 1976, en étant candidat à la Chambre des représentants, dans la quatrième circonscription du Tennessee. À la Chambre des représentants comme au Sénat, Al Gore se fait remarquer par ses connaissances très pointues dans les domaines de la défense, des nouvelles technologies et de l’environnement. À la vice-présidence pendant le mandat politique de Bill Clinton, il est considéré comme l’un des vice-présidents les plus influents et les plus actifs de l’Histoire de son Pays. En 2007, il est lauréat, avec le GIEC, du Prix Nobel de la paix pour « leurs efforts afin de mettre en place et diffuser une meilleure compréhension du changement climatique causé par l’homme ». Comme essayiste, il a publié nombreux essais, traduits dans plusieurs langues étrangères, dont « Sauver la planète terre : l’Écologie et l’Esprit humain », publié en 1992; «Pour un gouvernement responsable » en 1995; « The Assaut on Reason » en 2007 ; « Our Choice » en 2009. Al Gore est aujourd’hui le président et un des cofondateurs de la chaîne télévisée américaine « Current TV» . La chaine télévisée lancée le 1er août 2005, elle est destinée à un public jeune et internaute. Il est membre du comité de direction d’Apple et conseiller officieux du moteur de recherche Google. La conversation avec Al Gore a eu lieu dans la ville italienne de Pérouse pendant le «Festival international de Journalisme», du 21 au 25 avril 2010. À Pérouse, le samedi 24 avril 2010 auprès du Theatre Morlacchi, pendant une conférence ensemble à l’écrivain italien Roberto Saviano, le prix Nobel Al Gore a répondu à plusieurs questions posées par les journalistes et le public participant.

Antonio Torrenzano. Avec le volcan Eyjafjallajokul, le monde a découvert une nouvelle émergence celle de « réfugiés volcaniques » qui s’ajoutent aux millions de « réfugiés climatiques » des anciennes catastrophes.

Al Gore. Réfugiés climatiques, réfugiés volcaniques: les conséquences se constatent tout autour de la planète ; le problème est diffus et il déstabilise les systèmes politiques. Les causes de catastrophes et leurs effets sont devenus plus rapides et nous n’avons pas la rapidité à gérer ces nouveaux faits marquants. La communauté internationale a encore la perception erronée qu’elle a tout son temps pour agir. La crise climatique par exemple est une menace concrète pour la réalité d’aujourd’hui. Et elle dégénèrera en catastrophe si nous n’agissons pas tout de suite. Les conséquences catastrophiques menacent l’avenir de notre civilisation sur la planète .

Antonio Torrenzano. Le gaz à effet de serre, il est un problème ouvert que l’Humanité a avec son propre avenir. Nous en voyions déjà les conséquences: augmentations très élevées de température pendant les mois d’été, des inondations désastreuses, longues périodes de sécheresse dans certaines régions de l’Afrique ou de l’Asie, le progressif dégel des glaciers. Pourquoi une économie verte est-elle nécessaire ?

Al Gore. Nous sommes en face de la plus grande menace pour notre civilisation. L’augmentation des émissions de CO2 se constate dans tous les coins de la planète, de la Chine aux États-Unis. Du Brésil à l’Europe. Ces émissions ont le même effet: elles attrapent la chaleur du soleil, provoquent la fonte des glaces, font monter le niveau de la mer, engendrent des tempêtes toujours plus fortes, des inondations, des sécheresses, des incendies gigantesques. Sa nature mondiale revendique une solution globale. La défense de la planète est une exigence pour la sauvegarde de l’Humanité. Si le problème devient trop grand, nous risquerons de ne pas être capables de le résoudre.

Antonio Torrenzano. Vous êtes le président et un des cofondateurs de la chaîne télévisée américaine « Current TV», lancée le 1er août 2005.Vous êtes aussi membre du comité de direction d’Apple et conseiller officieux du moteur de recherche Google. L’opinion publique peut-elle jouer un rôle important dans le changement ? Le Réseau net peut-il avoir la même importance ?

Al Gore. Le réseau Internet a ouvert nouvelles perspectives. Le monde de l’édition (presse écrite) et plus généralement de la publication est à la veille d’une transformation radicale.Le réseau net est l’antidote pour renforcer l’engagement des citoyens pour qu’ils pressent les parlementaires de servir les intérêts publics. La Toile est en train de définir les nouveaux modes de communication et nos habitudes. Dans ces dernières années, par exemple, mon succès est provenu de mes sociétés dans l’Internet et dans les médias. Je pense, qui est important pour chacun de nous, de changer nos habitudes et garder toujours un esprit curieux et clairvoyant.

Antonio Torrenzano

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Conversation avec Ulrich Beck, écrivain, sociologue, professeur de sociologie à l’université de Munich. Dans La Société du risque, Ulrich Beck constate un changement dans la configuration de la société, en raison du développement industriel et technologique, où la question centrale est désormais la répartition du risque pour tous les individus. Auteur de nombreux essais, traduit dans différentes langues européennes, dont «La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité», Paris, éditions Aubier, 2001;«Qu’est-ce que le cosmopolitisme ?», Paris, Éditions Aubier, 2006; «Pouvoir et contre-pouvoir à l’ère de la mondialisation», 2003. «La vérité des autres. Une vision cosmopolitique de l’altérité» aux éditions de l’aube, en 2004 et avec Edgar Grande, «Pour un empire européen», Paris, éditions Flammarion, 2007. Ulrich Beck a exprimé encore dans ses livres, ses positions en faveur d’un État supranational et d’un Parlement mondial. Le dialogue a eu lieu à l’université de Milan en 2009.

Antonio Torrenzano. « Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil – il a toujours affirmé le professeur Edward Norton Lorenz, père de la théorie du chaos – il peut déchaîner un ouragan au Texas ».

Ulrich Beck. Les risques globaux nous obligent à prendre en compte une autre vision de nous-mêmes et des autres. Ces risques encore nous obligent à prendre en compte une autre appréciation du monde. La gestion des risques est l’enjeu majeur de notre civilisation contemporaine. La production des richesses est désormais intimement liée à une production de risques, comme d’anciens exemples que la communauté internationale a déjà vécus : l’ouragan Katrina, le tsunami en Asie du Sud-Est ou les séismes un peu partout dans la planète.

Antonio Torrenzano.En 1986, vous parliez déjà d’une société contemporaine expose aux risques.Aujourd’hui, vivons-nous dans une société du risque ?

Ulrich Beck. À l’époque, la mondialisation du risque n’était pas encore perceptible. C’est pour cette raison que j’ai voulu reformuler ma théorie dans les années 2000 en identifiant plusieurs catégories de risques. Dans mes nouvelles recherches, j’ai identifié plusieurs catégories de risques: régionales et transnationales. Par exemple les catastrophes naturelles, les grands risques techniques résultant des nanotechnologies ou des technologies de l’information, le terrorisme. Dans tous les cas, l’enjeu consiste à anticiper les conséquences de catastrophes qui rendent une action politique nécessaire.

Antonio Torrenzano. La société contemporaine est-elle sur la voie d’une autre modernité ?

Ulrich Beck. Le système international contemporain est en train de vive une profonde crise. Pas seulement économique et sociale. Une profonde crise trop désinformée et trop sceptique sur la complexité du monde. La communauté mondiale doit être prête à réagir à la situation contemporaine. Pour ce motif, je ne crois pas que nous aurons un avenir rose.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Isabelle Stengers, écrivaine, chimiste, philosophe, professeur en philosophie des sciences à l’Université libre de Bruxelles. Fille de l’historien Jean Stengers, la philosophe est connue pour son premier ouvrage, «La Nouvelle Alliance» (1979), coécrite avec le Prix Nobel de chimie Ilya Prigogine. Elle s’est ensuite intéressée, en faisant appel entre autres aux théories de Michel Foucault et de Gilles Deleuze, à la critique de la prétention autoritaire de la science moderne. En 1990, elle a fondé avec Philippe Pignarre la maison d’édition Les Empêcheurs de penser en rond. Autrice de nombreux essais, publiés dans plusieurs langues étrangères, dont «La volonté de faire science. À propos de la psychanalyse», Paris, édition Les Empêcheurs de penser en rond, 1992; «L’invention des sciences modernes», Paris, édition La Découverte, 1993; «Sciences et pouvoirs. Faut-il en avoir peur? » Bruxelles, Labor, 1997 (réédition La Découverte); «La guerre des sciences aura-t-elle lieu? », Paris, édition Les Empêcheurs de penser en rond, 2001; «Au temps des catastrophes. Résister à la barbarie qui vient», Paris, La Découverte, 2008. Isabelle Stengers est autrice aussi de nombreux ouvrages en collaboration dont avec Ilya Prigogine,« La Nouvelle alliance. Métamorphose de la science», Paris, édition Gallimard, 1979; avec Léon Chertok, «Le cœur et la raison. L’hypnose en question de Lavoisier à Lacan», Paris, Payot, 1989 et «L’hypnose, blessure narcissique», Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 1990; avec Philippe Pignarre, «La Sorcellerie capitaliste», Paris, La Découverte, 2005. Le dialogue avec Isabelle Stengers a eu lieu à Rimini près de la Fondation Pio Manzù et dans la ville de Modène, près de la Fondation de recherche Collegio San Carlo.

Antonio Torrenzano. Notre planète est-elle chatouilleuse ?

Isabelle Stengers. Notre planète est chatouilleuse, ce n’est pas une Bonne Mère et nous sommes capables de susciter des réactions de sa part qui peuvent signifier la disparition des ressources sur lesquelles nous comptons pour vivre. Nos sociétés exploitent et détruisent sans penser. Nos sociétés exploitent pour des bénéfices à court terme sans prendre en compte les conséquences. Je ne suis pas une écologiste vert profond. Quand je pense à notre planète, je ne pense pas à une bonne nature, mais à un monde évidemment redoutable, devant lequel il faut apprendre à se déplacer avec prudence.

Antonio Torrenzano. Pourquoi l’évolution humaine contemporaine a-t-elle été incohérente vers notre planète ?

Isabelle Stengers. Je ne suis pas une catastrophiste fanatique, mais nos évolutions sont compliquées et parfois incohérentes. Ce qui me fait peur, ce sont les gens qui semblent penser que ceux qui ont la chance de s’en tirer à peu près pourront vivre impunément à côté de ceux qui se sentent sans perspective, sans espoir. Nous allons vers un avenir de la planète extrêmement agité et nous n’apercevons pas cet avenir. Je n’essaie pas de faire une théorie des catastrophes. Non plus d’être catastrophiste au sens : nous avons mérité les catastrophes qui viennent. Ce qui m’intéresse, c’est cette sensibilité que nous devons retrouver et apprendre encore une fois.

Antonio Torrenzano. Le monde contemporain a-t-il oublié l’ancien principe de précaution ?

Isabelle Stengers. Selon moi, le principe de précaution, c’est l’idée de faire attention. Dans notre société ceux qui disent faites attention sont considérés des oiseaux de mauvais augure. Les partisans du principe de précaution n’ont jamais parlé de risque zéro, mais de prise en considération active des conséquences. En plus, le principe de précaution tel qu’il existe aujourd’hui est d’un restrictif extraordinaire: les seuls risques à prendre en compte sont les risques graves et irréversibles pour l’environnement et pour la santé. Et les désastres sociaux, les inégalités ? Est-ce que nous devons les considérer comme graves et irréversibles ou pas ? J’observe enfin que les mesures prises en cas de risque grave, elles ont été toujours proportionnées à la perception non du risque, mais du droit de l’investisseur.

Antonio Torrenzano

 

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Un volcan du nom imprononçable, inconnu à la plus grande parti d’individus jusqu’au au mois d’avril, il a changé pour quelques jours nos habitudes de vie quotidienne. Et… sans épargner personne : de familles prêtes à partir pour les vacances, des hommes politiques attendus à des rencontres internationales, des champions du sport bloqués dans les états où ils avaient rivalisé. Vols annulés, passagers bloqués à l’étranger ou obligés de reporter leur départ. La paralysie du ciel européen provoquée par Eyjafjallajokul a plongé des dizaines de milliers de personnes dans le désarroi.

Qu’est-ce qu’ils avaient en commune l’éruption du volcan Eyjafjallajokul en Islande avec Madrid où il se déroulait la réunion des 27 ministres économiques de l’Union Européenne, les gardiens des trésors continentaux ? Qu’est-ce qu’ils avaient en commune encore l’éruption du volcan en Islande avec le saumon norvégien, la rose kényane, le téléphone mobile coréen ? En apparence de rien, mais notre société du risque zéro elle s’est encore une fois montrée vulnérable et infiniment petite devant à un simple rhume de notre planète.

Le volcanologue Alain Bernard a expliqué l’origine de ce nuage de cendres dans plusieurs entretiens affirmant : « la rencontre entre du magma haute température et la glace, ça fait des explosions de vapeur et c’est ça qui engendre une activité qui est plus explosive et qui génère des cendres volcaniques faites de débris de silicate, du magma qui refroidit et qui est projeté à six kilomètres ou huit kilomètres de haut dans l’atmosphère » .

Tout le monde a souffert de la paralysie du ciel. Tout le monde a découvert un nouveau terme celui de « réfugiés volcaniques ». Mais, il y a aussi des victimes collatérales du nuage du volcan Eyjafjallajokul : les produits industriels restés en rade à l’autre bout du monde faute d’avoir pu voyager dans les soutes des avions. Notre monde contemporain pour quelques jours a arrêté de courir. « Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil – il a toujours affirmé Edward Norton Lorenz, le professeur de la théorie du chaos – il peut déchaîner un ouragan au Texas ».

 

Antonio Torrenzano

 

Bibliografie Électronique.

– François Walter, « Catastrophes. Une Histoire culturelle (XVIe – XXIe siècle) », Paris, éditions du Seuil, 2008.

– Gabriel Wackermann, « La Géographie des risques dans le monde », Paris, Ellipses éditions, 2004.

Kevin Rozario, « The Culture of calamity : Disaster and the Making of Modern America », Chicago, Chicago university press, 2007.

– Valérie November, « Les territoires du risque : le risque comme objet de réflexion géographique», Bern- New York, P. Lang éditions, 2002.

– Trevor Palmer, « Perilous Planet Earth : Catastrophes and Catastrophism through the Ages », Cambridge, Cambridge university press, 2003.