La première décennie du XXI siècle commença dans la nuit de l’an 2000, pendant laquelle à tout le monde il fut expliqué que le réseau internet aurait été avalé dans le « Bug Y2K » qu’il aurait enterré dans un trou noir tous les micro-ordinateurs. Dix ans plus tard, la même humanité survécu au millenium bug, elle aurait vécu une nouvelle saison d’incertitude et de panique par une autre formule : la H1/N1, plus simplement connue comme grippe porcine. Les années 2000, donc, elles commencèrent par la peur du bogue informatique qui devait causer des pannes gigantesques et elles terminèrent avec la crainte d’une pandémie de grippe.
Entre les deux événements, il y a eu la tragédie des attentats terroristes du 11 septembre, les lettres contenant l’anthrax, deux krachs boursiers, la guerre en Irak, la destruction de la Nouvelle-Orléans, le tsunami en Asie, la catastrophe et effondrement de l’économie mondiale, l’évolution de changements climatiques de manière irréversibles. La première décennie du XXI siècle a été une décennie d’incertitudes, de tragédies vraies et imprévues, de fausses tragédies annoncées et jamais arrivées, de saturation économique de tout l’espace disponible en sens général et en sens le plus abstrait possible. Rarement, au cours de l’histoire de l’humanité, il est apparu aussi urgent qu’aujourd’hui d’interroger notre passé afin qu’il nous dise encore une fois qui nous sommes et où nous allons. Par exemple, comment devrons-nous analyser la saturation de l’espace vierge, la saturation de la planète par nos déchets, la saturation des nos désirs ?
Si ! La saturation des nos désirs par la publicité ou le storytelling, cette forme moderne, insidieuse et inédite de contrôle des esprits pour l’amour du bien-être. Encore, une montée d’oxymores et un rapprochement des mots qui associent nombreuses réalités contradictoires. La montée des oxymores comme développement durable, flexisécurité ou encore par exemple 4×4 urbain – il affirme le philosophe Bertrand Méheust dans son dernier essai « La politique de l’oxymore » – constitue un des faits marquants et révélateurs de la société contemporaine, particulièrement occidentale dans cette première décennie. « Selon l’utilisation que l’on en fait, il soutient encore Bertrand Méheust, l’oxymore peut être une force d’équilibration ou de formatage. Aujourd’hui, son emploi de masse par la propagande commerciale ou politique tend à révéler le plus souvent la seconde catégorie. Toutes les sociétés sont traversées par de conflits, par de grands contrastes, qui cherchent leur équilibre, leur synthèse ou leur hybridation dans des figures imaginaires et, de ce fait, l’oxymore, en tant qu’il est le lieu d’expression et/ou de résolution de ces tensions, est au coeur des mécanismes de régulation de la culture. Quand elle produit des oxymores, la société libérale semble donc à première vue poursuivre un processus universel ». Au contraire, dans ce temps présent les oxymores sont utilisés « par la propagande publicitaire et la communication pour légitimer le mensonge raisonné et comme moteur de la vie sociale ».
Dans quelle manière ? « Ses théoriciens – il affirme encore Bertrand Méheust – ont lié l’avenir à une croissance infinie dans un monde fini. À l’instantanéité de la Bourse. Ils vantent le risque et l’initiative individuelle, mais prônent par ailleurs le risque zéro. S’ils revenaient aujourd’hui, Alexis de Tocqueville ou Michel Foucault découvriraient que leurs analyses sont en train de se réaliser. Ils verraient se déchainer le règne de la quantité et le nihilisme occidental. Mais ils seraient effrayés peut-être d’avoir eu à ce point raison. »
Antonio Torrenzano
** Bibliographie électronique.
Bertrand MÉHEUST , « La politique de l’oxymore. Comment ceux qui nous gouvernent nous masquent la realité du monde » , Paris, éditions La Découverte, 2009.
Philippe PIGNARRE, Isabelle STENGERS, « La sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoutement », Paris, éditions La Découverte, 2007.
Hans JONAS, « Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique», Paris, édition Flammarion, 1999.