Conversation avec Donald Kaberuka, économiste, septième président élu du groupe de la Banque africaine de Développement (BAD) depuis le 1er septembre 2005. En qualité de Président, Donald Kaberuka préside le conseil d’administration de la Banque africaine de développement et celui du Fonds africain de développement. La Banque africaine du développement a 77 membres et elle est une des cinq principales banques de développement dans le monde qui assiste les Pays dans la réalisation de leurs objectifs de développement. De 1997 à son élection à la tête de l’organisation économique internationale, il a été ministre des Finances et de la Planification économique du Rwanda et il est reconnu comme le principal architecte de la réussite du programme de reconstruction et de réforme économique de son pays, en situation de postconflit. Il a commencé et mis en oeuvre des réformes économiques dans les domaines fiscaux, monétaire et budgétaire, y compris l’indépendance de la Banque centrale. Ces réformes ont été couronnées par la reprise largement reconnue de l’économie du Rwanda et par une croissance économique soutenue. L’entretien a été développé auprès du Parlement européen au mois de septembre 2009 où le Président de la Banque africaine de développement a été en visite.
Antonio Torrenzano.Pendant votre visite auprès du Parlement européen, vous avez affirmé que l’Afrique a été durement touchée par la crise économique et qu’un milliard de personnes ne peuvent pas être ignorées. L’Afrique a en effet enregistré depuis des années, le début d’un décollage économique très perceptible. Mais avec la crise mondiale, je m’interroge sur l’avenir de ces succès économiques africains.
Donald Kaberuka. Cette crise est très mal tombée et qui affirmait que l’Afrique était découplée de la crise financière mondiale, il a affirmé une notion complètement fausse. Si vous regardez l’Histoire de l’Afrique de 40 dernières années, une grande part des problèmes économiques étaient générés par des facteurs internes au Continent africain. Cette crise est due, en revanche, à des facteurs totalement extérieurs. Les flux de capitaux, presque 54 milliards de dollars, qui sont en Afrique désormais plus élevés que l’aide étrangère au continent (50 milliards de dollars), ils ont commencé à diminuer. Ces flux de capitaux financent principalement les infrastructures et le secteur minier. Par la crise financière et puis économique, ces financements ont commencé à se retirer. Depuis septembre 2008, la bourse au Nigeria est tombée de 60% ; au Kenya de 40%. La solution donc devra venir de l’extérieur.
Antonio Torrenzano. J’ai toujours cru et, malheureusement, l’évolution de la conjoncture depuis un an a confirmé les craintes que l’on pouvait avoir : il n’y a pas de zone qui échappe aux conséquences de cette crise.
Donald Kaberuka. Nous avons mis un milliard de dollars sur la table pour éviter l’effondrement du commerce, ce qui représente une belle somme pour la Banque africaine de développement. Nous avons débloqué aussi un appui budgétaire supplémentaire. Il y a des régions en Afrique, notamment à l’est, où l’intégration régionale et le commerce ont augmenté de façon phénoménale au cours des dix dernières années. Et nous voyons que ce sont ces régions qui résistent le mieux à la crise. Cela n’est dû ni aux minéraux, ni au pétrole, mais aux réformes importantes et au développement d’un marché au niveau régional. L’enjeu pour nous est de maintenir le rythme des réformes et de l’intégration régionale.
Antonio Torrenzano. Pourquoi la diversification de l’économie africaine est-elle une question prioritaire de la stratégie de la banque africaine de développement ?
Donald Kaberuka. La diversification de l’économie africaine a été lente. L’Afrique ne peut être indéfiniment dépendante des matières premières. Nous devons investir dans les infrastructures, les compétences et soutenir le secteur privé. C’est au cœur de notre stratégie. C’est pour tout ça, par exemple, que nous avons consenti un prêt au Botswana pour qu’il réduise sa dépendance aux diamants. Par la même stratégie, nous avons aidé l’État de la Zambie à être moins dépendant du cuivre. Aujourd’hui, la plus grande partie du continent vit en paix. Maintenant, il faut créer de la confiance. En tant que banque, nous pensons que le meilleur moyen de le faire, c’est d’encourager les pays à coopérer en matière économique.
Antonio Torrenzano