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Conversation avec Louis Chauvel, écrivain, sociologue près de l’Observatoire sociologique du changement, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris et à l’Université de Genève, spécialisé dans l’analyse des structures sociales et du changement par génération. Il développe une lecture comparée des formes de stratification sociale et les changements de l’État-providence dans le cadre de ses recherches à l’Observatoire français des conjonctures économiques et à l’Observatoire sociologique du Changement. Ancien élève de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE), Louis Chauvel a publié une cinquantaine d’articles scientifiques. Il est membre de l’Institut universitaire de France et du conseil scientifique de l’Observatoire des inégalités. Auteur de nombreux essais dont «Le Destin des générations. Structure sociale et cohortes en France au XXe siècle», Presses universitaires de France, Paris, 2002;« Les Classes moyennes à la dérive», Paris, éditions Seuil, 2006. Le dialogue a eu lieu dans la ville de Genève.

Antonio Torrenzano. Pourquoi cette désaffection des électeurs européens sur l’avenir de l’Europe ?

Louis Chauvel. Nous avons cru jusqu’à présent qu’il existait une identité européenne partagée et que grâce à cela nous allions pouvoir faire une Europe politique. Il faut inverser les termes : le contraire doit être fait. Si nous ne trouvons pas le moyen de constituer une identité européenne, nous allons voir imploser le projet européen. La construction d’une identité européenne doit donc être le préalable, et non pas le présupposé, de tout projet européen. Aujourd’hui, l’Europe est un continent fragmenté, marqué par des diversités internes fondamentales. Nous continuons de penser l’Europe au travers de l’idée d’Europe occidentale, alors que l’Europe est maintenant toute autre chose. Il y a trois décennies, l’Europe était avant tout un club de nations égalitaires, sinon riches en tout cas de nations qui n’étaient pas pauvres, partageant les mêmes données de base du point de vue socio-économique. L’Europe des quinze était un groupe de pays marqués par un rapport inter-décile de 4, c’est-à-dire un groupe au sein duquel l’écart entre le dixième le plus pauvre et le plus riche était de 1 à 4. L’Europe des 25 a changé de visage : le rapport inter-décile de l’Europe des 25, au taux de change habituel, est maintenant de 8. Cela pose des questions importantes qui n’ont été abordées pour l’instant ni du point de vue politique, ni du point de vue sociologique : nous n’avons plus de théorie de l’Europe. L’ensemble que l’Europe constitue aujourd’hui et elle pourrait constituer demain n’a pas été pensé dans toutes ses dimensions.

Antonio Torrenzano. Nombreux essais montrent que la consistance de l’identité européenne subjective est loin d’être évidente. Pourquoi selon vous?

Louis Chauvel. L’opposition entre Europe objective et Europe subjective est un deuxième aspect de cette schizophrénie. Nombreux d’auteurs, ils nous ont montré qu’en matière de solidarité, l’Europe est marquée par un fondement fait de caractéristiques communes qui dépassent les différences. Il existe ainsi un certain nombre de substrats communs entre les systèmes sociaux européens, d’un point de vue objectif. Mais quand on s’intéresse à la construction des valeurs, du subjectif, des différences de visions du monde, nous sommes confrontés à des difficultés fondamentales. Le défi central de la construction européenne est aujourd’hui celui de la constitution d’un demos européen. Les élites culturelles sont presque unanimement favorables au projet de construction européenne. Le problème est que le reste de la population ne suit plus mécaniquement dans cette direction. Ce reste de la population représente-t-il le tiers, 40%, 50% de l’électorat ? Nous ne le savons pas. Nous ne savons pas à quel niveau le mécontentement qu’il exprime s’arrêtera, mais le défi, auquel nous devons faire face, est que nous sommes de plus en plus seuls dans notre enthousiasme européen, bien plus seuls qu’à l’époque du Club des six.

Antonio Torrenzano. La construction d’une identité européenne doit donc être le préalable, et non pas le présupposé, du projet européen. Mais, comment la crise financière, le chômage, la stagnation économique pourront-ils déstabiliser cette construction ?

Louis Chauvel. Le chômage, la crise économique mondiale et les conséquences de 25 ans de stagnation économique, sont des échecs européens qui cristallisent de plus en plus un euroscepticisme communicatif, qui n’est pas toujours attribué à l’intégration européenne, mais que cette intégration ne semble pas pouvoir endiguer. Le décalage est même croissant entre des discours institutionnels communicationnels dont l’enthousiasme va culminant et les réalités auxquelles font face les populations. Cet écart sape aux yeux de la majorité la crédibilité du projet européen. La stratégie de Lisbonne devait faire de l’Europe le continent le plus compétitif au monde en 2010, or la crise économique mondiale, le chômage de masse dans presque tous les pays d’Europe ne donnent pas le sentiment que l’Europe de 2010 sera le continent le plus compétitif de la planète. Que dire alors à ce peuple européen qui est en attente de réponses à ses problèmes ?

Antonio Torrenzano

 

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Quels seront les défis à court et moyen terme de la prochaine législature 2009-2014 ? Le Parlement devra travailler tout de suite sur la crise économique et financière. Tous les événements survenus au cours de ces derniers mois ont montré des carences à la portée de l’évaluation des marchés et du contrôle. La réglementation et la surveillance des marchés financiers seront le premier problème que l’organe législatif de Strasbourg devra analyser. La lutte contre la crise sur les marchés financiers est, donc, cruciale.

Le deuxième problème sera l’environnement et le changement climatique. Même si le Parlement européen ne peut pas mesurer qu’à très long terme le résultat de sa nouvelle action pour la lutte contre le changement climatique, le temps qui reste pour agir est très limité et le prix de l’inaction sera chaque jour plus élevé. Une lutte déterminée et en temps utile pour l’environnement sera un investissement économique à long terme. Un autre défi concerne le dialogue interculturel. Le dialogue entre les cultures, mais aussi des actions sur les droits de l’Homme.

Le grand défi politique auquel les nouveaux députés seront, en revanche, confrontés, c’est plus que jamais la mise en œuvre du Traité de Lisbonne pour une Union européenne capable d’agir. Un défi qui devra dépasser les frontières nationales et les intérêts nationaux des 27 États membres. Pour renforcer la démocratie, il sera nécessaire que le Parlement assume son rôle de colégislateur, de façon active. Mais, pour réussir dans cet objectif, le parlement européen et les parlements nationaux ne devront pas être en concurrence entre eux. La question que se pose naturellement à ces sujets (Traité de Lisbonne et rôle de colégislateur), c’est de savoir si cette nouvelle assemblée réussira dans l’objectif de trouver une responsabilité commune avec les autres institutions de l’UE. Les défis de la prochaine législature sont déjà de problèmes concrets d’aujourd’hui.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Aziliz Gouez, chercheuse, écrivaine. Diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris, titulaire d’un DEA en anthropologie politique auprès de l’EHESS de Paris et d’un doctorat en anthropologie culturelle à New York, elle est actuellement chargée d’études près du centre de recherche Notre Europe. Avant de rejoindre Notre Europe, Aziliz Gouez a travaillé à la permanence parlementaire de Tulle, en Corrèze, tout en effectuant des recherches sur les mécanismes du don, les échanges matériels et symboliques qui lient élus et électeurs dans la politique locale française. De 2003 à 2004, elle a été ingénieure d’études au CNRS, projets Cultpat, « Cultural Patterns of the European Enlargement ».

Antonio Torrenzano. Pourquoi cette désaffection des électeurs européens aux urnes sur l’avenir de l’Europe ?

Aziliz Gouez. Cette problématique est liée au parcours d’affiliation de certains États membre à l’Union européenne que pour les citoyens est vécu comme un parcours à un objet politique non identifié. La plupart des intellectuels qui se penchent sur la question (Jürgen Habermas, Jean-Marc Ferry, Etienne Balibar ) s’accordent pour dire que l’appartenance à l’Union européenne ne peut être pensée à partir des mêmes catégories que celles de l’appartenance nationale. Habermas notamment développe une théorie du patriotisme constitutionnel, d’un patriotisme au-delà des nationalismes qui a un grand écho dans la sphère des spécialistes de l’Union européenne.

Antonio Torrenzano. Mais, bien au-delà de cette sphère de spécialistes, les citoyens européens ont-ils acquis une conscience diffuse sur la production législative des institutions communautaires dans les aspects les plus concrets de leur vie quotidienne ?

Aziliz Gouez. Les Européens ne connaissent pas bien le fonctionnement des institutions communautaires, ils ne parlent pas la langue de Lisbonne. À cet égard, les efforts pour stimuler et informer la conscience européenne de leurs concitoyens, déployés par les institutions UE, ils rencontrent un succès très atténué. L’une des initiatives importantes de la Commission en ce sens consiste dans les politiques structurelles. Elles visent, pour parler le langage de Bruxelles, à réintroduire du « bottom-up » dans l’architecture communautaire. Il s’agit, au nom de la solidarité entre régions riches et pauvres de financer le rattrapage de ces dernières, mais aussi d’amener les élus locaux et régionaux à participer à la construction de l’Europe.

Antonio Torrenzano. L’esprit européen est-il en déclin? La crise économique, a-t-elle paradoxalement augmentée et concentrée sur la Nation et sur l’État que sur l’Europe les réflexions politiques ?

Aziliz Gouez. La prise de conscience des mutations extrêmement importantes induites par la globalisation se caractérise par une résurgence du thème du déclin, qui revient comme un serpent de mer depuis 1918. L’Europe se trouve aujourd’hui en position de fragilité dans un contexte de mutation des équilibres globaux à la faveur de puissances émergentes. Les réflexions sur la globalisation ont ravivé les interrogations sur la spécificité européenne. Cette question n’a jamais été facile à résoudre, étant donné la vocation universelle de la culture européenne revendiquée par de nombreux penseurs. L’une des conséquences les plus inquiétantes de la globalisation telle qu’elle affecte les sociétés européennes consiste dans les nouvelles formes d’inégalités qu’elle crée entre citoyens européens. Pour les habitants les plus riches, les barrières sont aplanies, alors que les frontières sont peu à peu démantelées pour laisser passer les distractions, le capital et la finance du monde. Pour les autres, ceux qui subissent passivement tous les bouleversements, ceux qui sont cloués à la localité et ne peuvent se déplacer, l’espace est bien réel et les enferme peu à peu.

Antonio Torrenzano

 

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L’abstention électorale a été le principal protagoniste de ces élections européennes. Dans les 27 États membres, quasi le 42% d’électeurs il ne s’est pas rendu aux urnes. L’élection du Parlement européen 2009, qui devait être le plus important test électoral de l’organisation internationale régionale à 27 États, risque de se révéler une masochiste auto délégitimation de la même Union.

De ce test électoral, il est évident qu’aujourd’hui l’esprit européen soit en déclin et que les 27 États membres continuent à percevoir l’organisation de Bruxelles seulement par les deux anciens modèles historiques : celui de l’État-nation et celui d’un guichet bancaire duquel prélever de l’argent pour les propres politiques nationales. Croire à l’avenir a toujours signifié pour l’Europe imaginer son devenir comme la réalisation d’un but historique et, supposer aussi, que chaque avance était porteuse d’amélioration. Cette logique intérieure a toujours consenti au Continent jusqu’à hier de donner, un sens a son histoire sans postuler le besoin d’une providence. Actuellement, cet état de projet est en crise. La situation contemporaine peut être donc ainsi théorisée : il y a une progressive d’idéalisation de l’esprit européen au service d’une rationalisation du phénomène.

Rationalisation du phénomène que la crise économique mondiale a paradoxalement augmentée et concentrée sur la Nation et sur l’État que sur l’Europe. La réflexion politique est donc actuellement concentrée davantage sur l’avenir de la Nation, son évolution, que sur les questions européennes. Il faut en tenir compte, car derrière ces débats, il y a la question de l’État providence d’un côté et la question de l’individualisme contemporain de l’autre. L’Europe existe plus aux yeux des Américains ou des Asiatiques qu’à ceux des mêmes Européens. Ces derniers devraient alors exiger quoi, les autres remarquent quand ils parlent de l’Europe.

Comme observateur, je remarque qu’aujourd’hui il manque une nouvelle vision, un nouveau projet idéal de perfection humaine et sociale propre de l’histoire et de la tradition européenne. Carlo Azelio Ciampi, ancien président de la République italienne, a-t-il affirmé dans ces jours que cet idéal de perfection soit ineffaçable et qu’une civilisation comme la nôtre doit transformer encore une fois ces aspirations dans un ouvrage à expérimenter .

Antonio Torrenzano

 

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Le Parlement européen dispose d’un pouvoir de décision égal à celui du Conseil des ministres des 27 Gouvernements de l’UE. Le même possède également de larges pouvoirs budgétaires et exerce une surveillance démocratique sur toutes les institutions de l’Europe unie.

Pour ce qui concerne le pouvoir législatif, le Parlement exerce une action de «codécision». Il signifie qu’il partage le pouvoir avec le Conseil des ministres. Dans les domaines de la politique de l’environnement, du transport, de la protection des consommateurs et de tous les sujets réglementant le marché intérieur, le Parlement européen a le pouvoir d’accepter, de modifier ou de rejeter les directives ou les règlements proposés par la Commission européenne. Pendant cette législature, par exemple, le Parlement a rejeté certaines propositions de directives concernant la libéralisation des services portuaires et les brevets des logiciels. Son deuxième pouvoir est celui de la «consultation». Sur certaines questions, par exemple la fiscalité, la politique industrielle, la politique agricole, le Parlement européen ne donne qu’un avis consultatif. Néanmoins, même dans cette circonstance, les amendements du Parlement influencent souvent les résultats finaux des discussions au Conseil. Le troisième pouvoir, c’est celui de l’approbation . C’est-à-dire que tous les accords exigent le feu vert du Parlement, qui, s’il ne peut modifier le texte, peut le rejeter. Cette procédure de l‘avis conforme s’applique à l’adhésion des nouveaux États membres et à la conclusion des accords d’association avec les pays non membres de l’Union européenne. Ainsi, un élargissement de l’Union européenne ne peut intervenir que si l’Assemblée est d’accord.

Le Parlement exerce encore des «pouvoirs budgétaires» et un «pouvoir de surveillance». L’Assemblée ensemble avec le Conseil a la responsabilité d’établir le budget annuel de l’Union. Les députés ont le dernier mot sur plus de la moitié du budget de l’UE et ils décident des dépenses dans les domaines des Fonds régionaux et sociaux, de l’énergie, de la recherche, du transport, de l’aide au développement, de l’environnement, de l’enseignement et de la culture.

Pour ce qui concerne, en revanche, le pouvoir de contrôle, l’Assemblée de Strasbourg exerce des «pouvoirs de nomination» en jouant un rôle clé dans l’investiture de la Commission européenne. Les députés doivent approuver la nomination du président de la Commission. Les 27 États membres désignent ensuite des commissaires qui devront être auditionnés par les députés avant le vote final du Parlement européen qui portera sur l’ensemble du collège. L’Assemblée organise également des auditions pour le président et les membres du conseil exécutif de la Banque centrale européenne ainsi que pour les membres de la Cour des comptes européenne. Tandis que, dans l’exercice du «contrôle budgétaire», Le Parlement est responsable de la vérification des dépenses de l’Union sur une base permanente, et décide d’octroyer la décharge (ou de libérer les comptes) à toutes les institutions de l’UE pour l’exécution du budget. Les questions parlementaires, écrites ou orales, représentent enfin un autre moyen de superviser et de vérifier les autres institutions de l’UE. Les questions peuvent être présentées lors des sessions plénières et donner lieu à un débat avec les représentants de la Commission et du Conseil invités à fournir des réponses.

Antonio Torrenzano

 

 

* Un spécial remerciement au service de presse du Parlement européen pour la documentation fournie.

 

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Conversation avec Marc Abélès, écrivain, anthropologue, professeur à EHESS, Paris, directeur du Laboratoire d’Anthropologie des Institutions et des Organisations Sociales-LAIOS/CNRS. Normalien, Marc Abélès a consacré ses premiers travaux aux pratiques politiques d’une société d’Éthiopie méridionale (Ochollo) sous la direction de Claude Lévi-Strauss. Il entre ensuite au CNRS et il devient membre du Laboratoire d’Anthropologie sociale où il poursuit ses recherches en anthropologie politique. Parallèlement, il s’intéresse à la vie politique en Bourgogne (Jours tranquilles en 89, 1989), aux rituels de François Mitterrand (Anthropologie de l’État, 1990) ou plus récemment à l’Assemblée nationale (Un ethnologue à l’Assemblée, 2000). Ses dernières investigations ont porté sur les « nouveaux riches » de la Silicon Valley et sur les nouveaux pouvoirs à l’ère de la globalisation (Politique de la survie, 2006). Le dialogue a eu lieu dans la ville italienne de Siena, en Toscane.

Antonio Torrenzano. Comment pouvons-nous analyser la question de l’identité européenne dans ce contexte historique ?

Marc Abélès. L’appartenance européenne est désormais largement intégrée dans nos représentations,mais la période contemporaine se caractérise par la montée de nouvelles incertitudes. Comme les autres habitants de la planète, les Européens sont pris dans ce système de flux qui caractérise la mondialisation. Dans le contexte des profondes transformations que subissent nos économies et nos sociétés, se fait jour une forme d’angoisse concernant l’avenir. Nous assistons à une véritable angoisse anthropologique, qui se manifeste depuis une dizaine d’années par la montée en puissance de l’insécurisation. Dans ces conditions, différents problèmes émergent. Le premier, c’est que face à cet état de précarisation, face à cette insécurité, face à ces angoisses, les individus ont le sentiment de n’avoir plus de références, au sens où ils pourraient se référer à l’action d’un collectif qui serait représentatif de la cohésion de la société, et qui serait en mesure de régler ces questions. Un énorme déficit semble aujourd’hui se faire jour sur ce plan-là. La tendance est d’aller chercher ailleurs,notamment dans des espaces qui ne sont plus des espaces politiques nationaux. Le problème est que ceux qui sont en charge de ces questions nous renvoient à un discours d’harmonie sociale, un discours de convivance. Les individus s’interrogent sur leur survivance et on leur répond sur le mode de la convivance. Le champ politique se trouve donc envahi par une interrogation lancinante concernant l’incertitude et les menaces que recèle l’avenir.élès.

Antonio Torrenzano. L’incertitude réveille-t-elle une angoisse anthropologique?

Marc Abélès. Oui, l’incertitude réveille une angoisse anthropologique ayant trait à la pérennité d’une humanité perçue comme précaire en raison même des dangers qu’elle génère tant pour la nature que pour la culture. On peut considérer comme très symptomatiques le consensus entourant aujourd’hui le principe de précaution, et le fait que ce qui relevait jusqu’alors du débat de société ait pris une place centrale dans la controverse proprement politique. On l’a vu en France lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen, avec l’impact qu’a eu la menace diffuse représentée par l’élargissement, qui s’est condensé en une image caricaturale celle du plombier polonais à l’affût des emplois. Face à l’inconnu, le réflexe consiste, pas à s’abstenir, mais à prendre les devants. Le non français au référendum de mai 2005, par exemple, il peut ainsi être qualifié de vote de précaution. Comme le principe du même nom, il se fonde sur une prise en considération des conséquences négatives de l’action susceptible d’être entreprise. En langage aristotélicien, cela donne un syllogisme du type : si je vote au profit du Traité, il y a un risque que se produise une conséquence négative ; or toute conséquence négative doit être évitée ; donc je ne vote pas ce texte. La démocratie fonctionne désormais dans l’horizon de la survivance, le mandat implicite confié par les citoyens à leurs mandataires consistant à maîtriser au mieux les risques induits par l’action politique. Dans ce contexte, toute initiative de nature à susciter des turbulences apparaît comme intempestive et ne peut que rencontrer le désaveu des gouvernés.

Antonio Torrenzano. Vous affirmez, donc, que la problématique de la survivance oriente aujourd’hui nos préoccupations et nos choix en remodelant l’espace public.

Marc Abélès. La question identitaire se pose désormais sur fond d’insécurité. Chacun sait aujourd’hui que l’innovation est vectrice, même à son corps défendant, de risques. Tout est entrepris pour les minimiser, mais ce faisant le sentiment d’insécurité augmente. L’Europe comme idée s’inscrivait dans un idéal de lendemains meilleurs. Aujourd’hui, l’Europe est toujours en construction, mais le contexte culturel mondial a changé. C’en est fini de la recherche de nouveaux modèles ou d’utopies mobilisatrices. Il n’y a pas à s’étonner si les représentants des pouvoirs publics ont de plus en plus de difficultés à se faire entendre de leurs concitoyens. Il ne s’agit plus tant de promouvoir tel ou tel modèle de société plus ou moins apte à assurer des relations équilibrées entre les êtres. Ce qui importe désormais c’est de réaliser l’harmonie des humains avec leur avenir, et le défi est bien plus difficile à relever. Ce n’est plus tant la nouveauté et l’amélioration qui sont recherchées. Il ne s’agit pas de promouvoir le mieux, mais d’éviter le pire.

Antonio Torrenzano. L’Europe unie peut-elle encore mobiliser l’intérêt et la volonté de ses citoyens ?

Marc Abélès. En ce qui concerne la question de l’identité européenne, cette situation a pour conséquence une véritable disjonction entre les notions d’identité et d’identification. Si l’identité européenne ne fait pas problème pour la très grande majorité des gens, on ne saurait en dire autant de l’identification au projet européen. L’idée est communément admise que les ressortissants des pays membres de l’Union ont quelque chose en commun, pas toujours facilement définissable, mais qu’on s’accorde à considérer comme relevant de la culture et de l’histoire. En revanche, le passage est beaucoup plus difficile à franchir si nous opposons de l’identité à l’identification et qui suppose la mise en partage d’une citoyenneté commune ou d’un patriotisme postnational. Alors que la globalisation pose crûment la question de la survivance, les questions qui se posent, elles sont nombreuses: l’Europe, par exemple, peut-elle encore mobiliser l’intérêt et la volonté des citoyens ?

Antonio Torrenzano

 

* Un spécial remerciement au photoreporter Felipe Lavinz pour l’image de Marc Abélès.

 

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Les premières élections directes du Parlement européen se sont tenues exactement il y a 30 ans, en 1979. La décision et la loi sur les élections européennes au suffrage universel direct ont été signées à Bruxelles le 20 septembre 1976. Après chaque élargissement, des élections ont été organisées dans les nouveaux États membres afin de leur permettre d’élire leurs propres représentants au Parlement européen. C’était la circonstance pour la Grèce en 1981, pour le Portugal et l’Espagne en 1987, la Suède en 1995, l’Autriche et la Finlande en 1996, ainsi que pour la Bulgarie et la Roumanie en 2007.

Le taux de participation aux élections européennes depuis 1979 varie sensiblement d’un État membre à l’autre. Les taux de participation aux élections ont eu une tendance à diminuer, reflétant l’évolution générale à la baisse de la participation aux élections municipales et législatives dans la plupart des États membres. Toutefois, lors des dernières élections de 2004, une augmentation du taux de participation a été relevée dans cinq Pays membres pour lesquels le vote n’était pas obligatoire : Italie, Pays-Bas, Irlande, Royaume-Uni et Finlande.

Les élections européennes sont toujours, d’une manière générale, organisées conformément aux législations et traditions nationales. Il existe des règles communes pour toute l’UE qui disposent que les élections doivent être au suffrage universel direct ainsi que libres et à bulletin secret. Les membres du Parlement européen doivent être élus sur la base de la représentation proportionnelle. Mais il revient à l’État membre de décider d’un système de liste ouverte ou fermée.

Quand le vote se base sur un système de liste ouverte, les électeurs peuvent indiquer une préférence pour un ou plusieurs candidats sur la liste. C’est la circonstance par exemple en Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Finlande, Irlande, Italie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Slovaquie, Slovénie et Suède. Quand le vote se déroule selon un système de liste fermée, les partis politiques établissent l’ordre des candidats et les électeurs peuvent uniquement faire porter leur vote sur le parti, pas sur un candidat. C’est la situation en Estonie, France, Grèce, Hongrie, Espagne et Royaume-Uni.

Chaque Pays membre peut établir des circonscriptions électorales pour les élections européennes ou diviser ses propres circonscriptions d’une manière distincte. La plupart des États membres choisissent de prendre le pays entier comme une circonscription. Toutefois, la Belgique (divisée en quatre circonscriptions : région flamande, région wallonne, communauté germanophone et région bruxelloise) et la France (divisée en 8 régions électorales : Est, Ile de France, Massif central-Centre, Nord-ouest, Ouest, Outre-mer, Sud-est et Sud-ouest), en plus de l’Irlande, l’Italie, la Pologne et le Royaume-Uni, comprennent plusieurs circonscriptions ou zones électorales. La période pendant laquelle doivent se dérouler les élections est décidée au niveau européen, mais le jour exact de vote et les heures d’ouverture des bureaux de vote varient en fonction des lois électorales nationales.

Antonio Torrenzano

 

 

*Un spécial remerciement au service de presse du Parlement européen pour la documentation fournie.

 

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Conversation avec Romano Prodi, économiste, professeur d’économie industrielle à l’université de Bologne, ancien président de la Commission européenne. Parallèlement à l’enseignement universitaire, Romano Prodi a mené une intense activité de recherche qui s’est orientée sur «le développement des petites et moyennes entreprises des zones industrielles», « la politique de concurrence », « l’étude des relations entre État et marché », «le rôle central joué par les systèmes scolaires dans la promotion du développement économique et de la cohésion sociale»,«le processus d’intégration européenne» et, suite à la chute du mur de Berlin, la dynamique des différents « modèles de capitalisme.» Il a été professeur invité auprès de l’université Stanford en 1968 et près de l’université Harvard en 1974. Il a été le président de la Commission européenne du mois de septembre 1999 au 22 novembre 2004. Sous sa présidence il y a eu l’adoption de la monnaie unique, l’entrée de dix nouveaux pays au sein de l’Union le 1er mai 2004: Chypre, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et la Hongrie. La signature, à Rome le 29 octobre 2004, du traité établissant une Constitution pour l’Europe. Le dialogue a eu lieu à Bologne près du siège européen de l’université américaine Johns Hopkins pendant le séminaire nommé «L’Europe et la crise économique».

Antonio Torrenzano. J’aimerais commencer ce dialogue avec vous en discutant de l’Europe et sa position dans le monde. Depuis la chute de mur de Berlin, la physionomie de l’Europe a profondément changé. L’Union européenne englobe désormais 27 États membres marqués par différentes identités et différentes visions du futur. Un exemple ? Les Pays fondateurs de la Communauté européenne se réfèrent souvent à l’héritage culturel carolingien, tandis que les Pays slaves de l’Europe centrale et orientale, ils ont une attitude plus américanophile et émotionnelle. Si l’élargissement a représenté un événement important dans l’histoire récente du continent européen, les enjeux de ce processus restent encore considérables.

Romano Prodi. L’Europe a toutes les capacités pour pouvoir être entre les grands leaders de l’économie mondiale, mais elle n’exploite pas tout à fait ce rôle parce qu’elle n’a pas encore l’unité politique et une force commune qui pourrait avoir. Les Pays membres de l’organisation poursuivent encore une politique étrangère nationale qui rend moins efficace le travail de l’organisation dans le contexte mondial. L’Europe est fragile pour sa désunion politique,mais pas comme entité économique. Comme entité économique, au contraire, l’Europe a toujours été le Continent avec un PIB supérieur au PIB des États-Unis, un Continent avec de consistants échanges commerciaux et une surveillance de l’inflation sévère. L’Europe, donc, n’est pas inexistante, elle est fragile pour sa désunion politique.

Antonio Torrenzano. L’Europe, selon vous, comment a-t-elle réagi relativement à la crise financière et économique ? Croyez-vous nécessaire une relation plus étreinte entre politique monétaire et politique économique à l’intérieur de l’Union européenne ?

Romano Prodi. L’Europe a montré une capacité plurielle de réponse à la crise plutôt qu’unique et coordonnée. Ce sont les limites qui dérivent de ne pas avoir une gestion unitaire européenne de l’économie. Je pense, en outre, que la crise née aux États-Unis, elle peut durer plus longtemps dans notre Continent. Cette crise financière a montré à l’Europe qu’il faudra renforcer très bientôt les mécanismes de coordination pour pouvoir mieux répondre aux catastrophes de ce type.

Antonio Torrenzano. Qu’est-ce que la crise nous a enseigné ? Le pire est-il encore à venir ?

Romano Prodi. La crise, elle nous a enseigné l’importance d’avoir une coordination entre institutions économiques pour avoir un système cohérent. Dans chaque Pays du monde, il a été nécessaire de trouver de ressources financières pour réagir aux dommages de la crise, pour sauver les banques, les entreprises. C’est difficile affirmer que ce procès il est terminé. La restructuration de l’économie implique qu’un fort engagement financier, il soit soutenu par la communauté internationale. Je crois, presque inévitablement, que dans les prochaines années nombreuses de nations devra augmenter leurs charges fiscales pour faire face à la considérable augmentation de l’endettement public. Endettement public qui est servi pour contrarier les effets de la crise du mois de septembre 2008.

Antonio Torrenzano

 

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Les citoyens des 27 États de l’Union européenne seront appelés à élire leurs représentants au Parlement du 4 au 7 juin 2009. Cette septième élection européenne coïncidera avec le trentième anniversaire des élections européennes au suffrage universel. Les premières élections directes pour le Parlement européen se sont tenues il y a 30 ans, en 1979, et depuis lors, cinq élections européennes ont eu lieu. Avant cela, de 1958 à 1979, les députés étaient désignés par les Assemblées nationales des États membres et tous les membres du Parlement européen exerçaient un double mandat. Le Parlement européen est la seule assemblée parlementaire multinationale au monde élue au suffrage universel et la seule institution de l’Union européenne soumise, depuis juin 1979, au suffrage direct. Les élections de 2009 se dérouleront entre le 4 et le 7 juin, selon les pays.

En Belgique, en France, au Luxembourg et dans d’autres États membres : Allemagne, Autriche, Bulgarie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Lituanie, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie et Suède, les élections auront lieu le dimanche 7 juin. Certains Pays voteront, au contraire, dès le 4 juin : Royaume-Uni et Pays-Bas. Les élections se dérouleront le 5 juin pour l’Irlande. Les Chypriotes, les Lettons, les Maltais et les Slovaques iront aux urnes le 6 juin. Certains États membres organisent des élections sur deux journées : 6 et 7 juin pour l’Italie et les 5 et 6 juin pour la République tchèque. Plus de 375 millions d’électeurs, donc, ils seront appelés à élire leurs représentants pour les prochaines cinq années à venir : 736 députés européens en provenance des 27 États membres dont la France, par exemple, élira 72 députés.

Les bureaux de vote seront ouverts à des jours différents selon la tradition de chaque pays, mais les résultats des vingt-sept États membres ne seront dévoilés que le dimanche soir.

Antonio Torrenzano