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Conversation avec Alain Touraine, sociologue, écrivain, professeur, directeur d’études à l’École des Hautes Études en sciences sociales de Paris. Alain Touraine est docteur honoris causa des Universités de Cochabamba (1984), Genève (1988), Montréal (1990), Louvain-la-Neuve (1992), La Paz (1995), Bologne (1995), Mexico (1996), Santiago (1996), Québec (1997), Córdoba (Argentine, 2000). Auteur des nombreux essais traduits dans plusieurs langues diplomatiques, il vient de publier «Penser autrement» (éditions Fayard, 2007) et «Si la gauche veut des idées» avec Ségolène Royal aux éditions Grasset. Le dialogue a eu lieu dans la ville de Turin pendant le festival «Biennale Democrazia», le 23 avril 2009.

Antonio Torrenzano. Pouvons-nous analyser cette phase comme une situation de transition pendant laquelle les nombreux acteurs (institutions internationales, États occidentaux, entreprises) feront tout ce qu’il est possible pour retrouver l’équilibre ?

Alain Touraine. Il y aura des changements significatifs de l’ordre mondial et cette crise va peut-être contribuer à les accentuer. Les États-Unis resteront un acteur important, mais ils ne pourront plus reconquérir leur position dominante relativement à la multiplication des centres de pouvoir : la Chine, le Brésil, l’Inde. L’avenir sera la somme du nombre incalculable d’actions, mais il est impossible de le prévoir.

Antonio Torrenzano. La crise, était-elle prévisible ?

Alain Touraine. La crise était prévisible. La communauté internationale ne pouvait anticiper ni le moment précis, ni son ampleur. Cette situation a été exacerbée par le fanatisme du marché libéral qui a démantelé les régulations existantes. L’affaiblissement de ces vérifications a produit cette situation. C’est la fin d’une certaine époque de libéralisation financière et la crise que nous vivons correspond aussi à la fin d’un cycle politique. Cette crise a été aussi le résultat de la non prise en compte des risques.

Antonio Torrenzano. Les économistes appellent les risques: externalités. Est-ce que ces externalités peuvent mettre en danger la démocratie ?

Alain Touraine. Le plus urgent, aujourd’hui, c’est de redonner à la société de nouveaux moyens de se reconnaître et de se représenter. Une société divisée en castes n’est plus une démocratie. C’est une tâche difficile, car les instruments à notre disposition ont été approfondis dans le contexte d’un modèle qui s’est épuisé sous nos yeux. De quelle démocratie pourrions-nous discuter sans une égalité des ressources ou une égalité de possibilités ?

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Axel Honneth, écrivain, sociologue, directeur de l’École des hautes études en sciences sociales de Francfort, où il a succédé à Jürgen Habermas. Auteur de nombreux essais, il publie ses premiers articles dans les années 1970 et un de ses écrits, il est consacré à Jürgen Habermas. En 1980, Axel Honneth deviendra l’assistant de Habermas auprès de l’Institut de recherche sociale de Francfort, institut que le sociologue dirige depuis le 2001. Le dialogue avec le professeur a eu lieu à Francfort auprès de l’école de recherche sociale.

Antonio Torrenzano. La mondialisation a produit de nombreux risques pour toutes les sociétés de la planète. L’exemple contemporain est la crise financière et économique qui est en train de modifier pas seulement les marchés financiers, mais aussi le paysage de nos sociétés occidentales. Comment, alors, faudra-t-il repenser notre système ?

Axel Honneth. La crise est déjà le monde d’hier. La nouvelle question est de savoir comment contrebalancer ces tendances pathogènes que la mondialisation ne fait qu’accroître. L’autre question, c’est comme récupérer les idéaux d’émancipation de l’individu dont au cours des trois dernières décennies ils ont été détournés au profit de l’idéologie managériale de la performance économique. On peut à cet égard parler de régression morale. Les solutions cependant ne parviendront pas du côté d’une restauration des communautés politiques nationales. Des solutions ne pourront se manifester que dans le cadre d’une Europe forte. Cette approche, elle me paraît la plus féconde.

Antonio Torrenzano. Une nouvelle idée de démocratie et de société.

Axel Honneth. L’énorme pression néolibérale, elle a contraint les individus à se penser comme des produits et de se vendre en permanence. Mes recherches consistent, en revanche, à réfléchir sur les contours qui devraient prendre les sociétés pour assurer à ses membres des conditions d’une vie digne d’être vécue. Une société dans laquelle chacun devrait pouvoir devenir ce qu’il souhaite être sans passer par l’expérience douloureuse du mépris ou du déni de la reconnaissance. À l’heure de la mondialisation, l’évolution prise par le capitalisme s’oriente de fait dans une direction où les conditions du respect et de l’estime de nous-mêmes risquent d’être considérablement réduites.

Antonio Torrenzano. Pouvez-vous nous expliquer la notion de « lutte pour la reconnaissance » ? Encore, dans cette époque de crise, quelles nouvelles formes sociales devrons-nous mettre prendre pour la défense de l’individu ?

Axel Honneth. Votre deuxième question est une des questions majeures de notre époque. Quelle forme devra prendre une nouvelle culture morale et politique, elle est la question clé de cette situation contemporaine. Dans mes recherches, je distingue trois sphères de reconnaissance, auxquelles correspondent trois types de relations de l’individu avec soi-même. La première est la sphère de l’amour qui touche les liens affectifs unissant une personne à un groupe. La deuxième sphère est politique : c’est parce qu’un individu est reconnu comme un sujet universel, porteur de droits et de devoirs, qu’il peut comprendre ses actes comme une manifestation de sa propre autonomie. La troisième sphère est la considération sociale. Les individus pour se rapporter de manière positive avec les autres sujets, ils doivent jouir d’une considération sociale. Cette troisième sphère est indispensable à l’acquisition de l’estime de soi. Sphère que j’appelle le sentiment de sa propre valeur. Si l’une de ces trois formes de reconnaissance est annulée, l’outrage sera vécu comme une disgrâce qui pourra ruiner l’entière identité de l’individu.

Antonio Torrenzano

 

 

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Conversation avec Tommaso Padoa-Schioppa, économiste, ancien ministre des Finances du gouvernement italien après avoir été membre du directoire de la Banque centrale européenne. Il a été conseiller de l’Institut pour les affaires internationales de Rome. Précédemment, il a été directeur général pour l’Économie et les Affaires financières de la Commission Européenne (1979-1983), directeur général adjoint de la Banque d’Italie (1984-1997) et président de la «Commissione Nazionale per la Società e la Borsa» (1997-1998). Il a été nommé professeur honorifique en économie à l’Université Johann Wolfgang Goethe de Francfort-sur-le-Main. Le 3 octobre 2007, Tommaso Padoa-Schioppa, a été élu président du directoire du Fonds monétaire international (FMI). Tommaso Padoa-Schioppa est par ailleurs membre du think tank «Notre Europe». Auteur de nombreux essais, dont son dernier livre «La veduta corta. Conversazione con Beda Romano sul Grande Crollo della finanza», Bologne, éditions Il Mulino, 2009. Le dialogue a eu lieu à Turin à la fin du mois d’avril pendant un séminaire organisé par l’association sans but lucratif «Notre Europe» au palais Carignano et dans la ville de Rome.

Antonio Torrenzano. Pourquoi la crise est-elle arrivée ?

Tommaso Padoa-Schioppa. Cette crise n’est pas conjoncturelle. Cette crise, c’est un virage parce qu’avec elle termine un cycle économique. Les causes de cette catastrophe sont essentiellement quatre: une croissance économique fondée sur la consommation et sur la dette surtout aux États-Unis, l’idée incorrecte que les marchés financiers ils pouvaient se régler tous seuls, le déséquilibre entre un marché mondial et des politiques économiques qui sont restées nationales. La communauté internationale a eu une vision de l’avenir pas clairvoyant. Quand la crise est arrivée, la correction a été dramatique et les effets brutaux. Celle-ci a été la crise d’un modèle de croissance sans formation d’épargne, de consommation par le crédit des autres, d’accumulation de la dette.

Antonio Torrenzano. La main invisible et les vertus du marché autorégulé ont-ils montré leurs mérites ?

Tommaso Padoa-Schioppa. L’idée incorrecte a été que les marchés financiers pouvaient se régler de manière autonome. Mais nous avons eu aussi d’autres causes: comme, par exemple, la réduction des temps de production industrielle, des temps de transport, la rapide obsolescence des biens économiques. Encore le renoncement de la politique qui a accroché ses sorts au cours des marchés financiers et des sondages. Ces dynamiques n’étaient pas correctes, mais elles se sont prolongées pour une longue période de temps. De façon que, quand la crise est arrivée, les corrections ont été pénibles.

Antonio Torrenzano. La presse internationale soutient que l’Union européenne dans cette période elle soit faible, car elle manque d’une vraie vision politique. Est-ce que vous êtes de la même idée ?

Tommaso Padoa-Schioppa. J’ai lu cette thèse prédominante, mais je ne suis pas du même avis. À l’Europe unie, manque du coeur et un vrai esprit commun. Les 27 Pays membres sont encore très divisés sur beaucoup de questions. Dans cette période historique, je crois qu’une clairvoyante Europe pourrait être un modèle à suivre pour toute la communauté internationale. L’Union européenne a besoin plus de clairvoyance vers l’avenir et devenir un point de repère pour les autres sujets du système international.

Antonio Torrenzano. Après cette première période de crise économie, le prochain risque sera-t-il celui d’une lourde inflation ?

Tommaso Padoa-Schioppa. Le risque est possible pour l’excès de liquidité monétaire. Actuellement, la récession bloque les prix, mais à cette période pourrait suivre une inflation qui rendrait tout le monde plus pauvre.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Jacques Delors, ancien économiste à la banque de France, ancien ministre de l’Économie, des Finances et du Budget de 1981 à 1984, il a été le président de la Commission européenne de 1985 à 1995. Il est président fondateur et membre du conseil d’administration du think tank Notre Europe, ainsi que membre d’honneur de l’Institut Aspen France et membre honoraire du Club de Rome. Il est enfin président du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) depuis 2000. Auteur de nombreux essais dont «Mémoires»,Paris, éditions Plon, 2004 et «Investir dans le social», aux éditions Odile Jacob, 2009.Le dialogue a eu lieu à Paris à la fin du mois d’avril 2009.

Antonio Torrenzano. La mondialisation a-t-elle augmenté l’inégalité ? Cette longue période de récession économique contribuera-t-elle à consolider les différences entre classes sociales ?

Jacques Delors. La mondialisation a augmenté l’inégalité. Il suffit d’observer les disparités de salaire entre les différentes classes sociales; les disparités entre les générations, les disparités entre femme et homme ou d’origine. La distribution de la richesse reste une utopie pendant que l’inégalité se transmet d’une génération à l’autre. La crise actuelle expulsera du monde du travail beaucoup de personnes et beaucoup d’individus qualifiés avec une perte d’expériences incalculables. Et cette perte ne pourra plus être soutenue seulement par l’État national. Pourquoi ? Parce que l’évolution démographique et l’augmentation des risques réduisent les effets de l’État providence et la dépense sociale présente n’est pas plus apte à réduire ces risques. Si à ces phénomènes sociaux macro-économiques, nous ajoutons la révolution de la structure familière (femmes et hommes singles, divorces, familles mono parentales) nous pouvons comprendre alors comme il est nécessaire repenser la fonction de l’intervention publique pour ce qui concerne la cohésion sociale.

Antonio Torrenzano. Est-ce que vous pouvez me faire un exemple ?

Jacques Delors. Je pense aux lignes d’action pour d’éducation permanente de l’ancien premier ministre Tony Blair ou le projet nommé flexisecurity, ligne d’action déjà expérimentée dans différents Pays de l’Europe du Nord qui a produit des résultats excellents. Les fonctions d’une nouvelle prévoyance sociale d’un État moderne devraient donc devenir la prévention et de nouvelles politiques de soutien au nouveau modèle de famille.

Antonio Torrenzano. L’Europe pourrait-elle contribuer à la construction d’un nouveau modèle social ? Croyez-vous nécessaire une relation plus étreinte entre politique monétaire et politiques économiques à l’intérieur de l’UE ?

Jacques Delors. L’Europe a perdu sa vision idéale de l’avenir. Aujourd’hui, la politique européenne est encore réglée par les États nationaux. Quand les choses vont très mal ou quand les décisions prises ne satisfont pas les intérêts nationaux des pays membres, les 27 États accusent Bruxelles. Ou,encore, quand les États membres découvrent la cohésion entre eux seulement dans les moments de crise. Comme économiste, j’ai toujours soutenu une relation plus étreinte entre politique monétaire et politique économique. Aujourd’hui, je pense que l’Union européenne est comme une belle voiture avec un moteur qui ne fonctionne pas.

Antonio Torrenzano. Les décisions prises au sommet de Londres par la communauté internationale sont-elles révolutionnaires ?

Jacques Delors. Je ne crois pas aux rêves. Les décisions, prises à Londres, nous indiquent qu’elles chercheront à construire un nouvel équilibre entre le marché et la réglementation de celui-ci. Il faut, cependant, repenser un nouveau modèle de développement social soutenable. La crise pousse les gouvernements à la simple gestion du présent, à la pure gestion du quotidien pour la peur de l’opinion publique et de possibles sondages négatifs.

Antonio Torrenzano. Pourquoi selon vous ?

Jacques Delors. Parce que nous vivons dans une dimension de pragmatisme médiatique qui regarde peu à l’avenir.

Antonio Torrenzano

 

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Chaque crise financière a, d’une façon ou d’une autre, toujours transformé l’économie et la société dans laquelle celle-ci s’était produite. Historiquement ces changements, ils ont souvent été codifiés par une nouvelle réglementation ou par de nouvelles législations nationales ou internationales ad hoc. Jusqu’à aujourd’hui, ce bouleversement nous indique que la communauté internationale se trouve confrontée à une crise du système capitaliste, une crise de la mondialisation libérale, une crise de l’Europe qui ne sait pas encore lequel ce sera son nouveau rôle dans la prochaine société mondiale.

Cette cristalline réalité, après la réunion du G20 à Washington, le sommet G20 de Londres et les Assemblées de printemps des deux institutions mondiales de l’économie FMI et Banque mondiale, a-t-elle été complètement comprise ? La communauté internationale trouvera-t-elle les solutions à ce triple problème ? La communauté internationale voudra-t-elle vraiment s’engager dans le but de les trouver ?

Après plusieurs années de domination de l’économie sur la politique et après plusieurs années de mépris des règles des marchés financiers, le rêve idéologique d’une perfection du marché qui pouvait se réglementaire il est terminé. La main invisible et les vertus du marché autorégulé (le marché qui doit s’occuper du marché), n’ont pas montré leur efficacité ni leurs mérites. Au contraire, toutes les institutions financières privées se sont précipitées vers les pouvoirs publics pour communiquer le désir de leur recapitalisation ou leur nationalisation de fait. Donc, sera-t-il suffisant de moraliser le système ? Combien de temps la société civile devra-t-elle attendre un «global legal standard» ?

On ne doit pas perdre de vue, encore, que cette crise est aussi une crise de la mondialisation libérale. Mondialisation libérale qui a appauvri l’idée de démocratie, car elle soutenait l’absence de règles, de transparence, l’absence de vérifications, l’absence de légalité. Absence de légalité que la catastrophe financière a mise en évidence à travers l’asymétrie entre la croissance d’un capitalisme illégal et l’absence d’institutions internationales apte à le contrarier ou à en balancer l’influence et son vorace pouvoir. Avant cette dernière crise, ce capitalisme illégal avait déjà été à l’origine des crises mexicaines en 1995, de la crise asiatique en 1997, de la crise russe en 1998, de la crise argentine en 2001.

Comme Ralph Dahrendorf et Amartya Sen ont affirmé dans les pages de ce carnet numérique, aujourd’hui nous nous trouvons devant à un concept vide de démocratie et un principe vide d’égalité d’opportunités. Si, comme le disait Hannah Arendt, la politique repose sur la pluralité humaine et sur l’agir ensemble. La démocratie contemporaine n’est plus donc l’expression privilégiée. La mondialisation jusqu’à présent n’a pas offert une chance unique de donner à la démocratie une nouvelle dimension: celle de la défense de l’identité, de la diversité et du pluralisme. Cette mondialisation encore n’a pas eu une dimension véritablement universelle : celle d’une communauté mondiale qui aurait eu en commun la diversité et la liberté en partage. La tâche n’est pas simple! Mais, vouloir démocratiser la mondialisation, c’est faire le pari qu’une réappropriation du processus est possible. C’est également faire le pari qu’un consensus mondial peut être atteint sur un certain nombre des questions qu’elle nous pose au regard de nos choix collectifs. Pourquoi la communauté internationale, alors, n’a-t-elle pas exercé dans ces derniers quinze ans un effort de prospective ? L’avenir n’émerge pas du néant et les avenirs possibles dont nous parlons s’enracinent dans le présent.

Dans cet effort de prospective, les États nationaux ne réussiront plus à remplir ce vide. Les États nationaux n’ont pas épuisé leur fonction, mais le vrai défi sera la construction d’une nouvelle dimension politique transnationale. L’idée kantienne d’un nouvel ordre juridique international est aujourd’hui plus que jamais actuelle aux États-Unis, mais il ne me semble pas pour l’Europe. Europe unie née de l’idée kantienne!

L’Union européenne apparaît aujourd’hui très faible, prisonnière de leaderships politiques myopes, fragmentée par de nombreuses politiques économiques choisies des 27 États membres. La crise, en revanche, pouvait être l’occasion pour de nouvelles politiques communes sur la cohésion sociale, le secteur financier, la politique fiscale. La crise encore pouvait être l’occasion d’une réinvention de la politique qui prend acte de la limite de la centralité nationale en acceptant la perte du contrôle illusoire sur la société. Les États membres de l’UE, au contraire, ont choisi de dissimuler la réalité et maintenir l’illusion de la capacité de gestion. Sans prospective, les conséquences politiques et sociales se feront très vite sentir.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Olivier Blanchard, économiste, néo-keynésiens, spécialiste de l’économie du travail, ancien professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il est depuis le 1er septembre 2008, chef économiste au Fonds monétaire international. Il a été membre du Conseil d’analyse économique auprès de l’ancien Premier ministre français, Lionel Jospin. Le professeur est membre du Conseil de l’organisation Econometric society et de l’American Academy of arts and sciences. Il a aussi été vice-président de l’association d’économistes en Amérique du Nord (American economic association) et il a agi à titre de conseiller économique pour plusieurs pays et organismes nationaux et internationaux. Auteurs de nombreux essais, dont «Macroeconomics», aux éditions Prentice Hall, 1997; « The economics of post communist transition», édition Oxford university press, 1997. Le dialogue a eu à Milan, auprès de l’université Bocconi au mois d’octobre 2008, où l’économiste a participé à une rencontre du National Bureau of economic research.

Antonio Torrenzano. Qu’est-ce que la crise nous a enseigné ? Avons-nous besoin d’un nouveau Breton Wood ?

Olivier Blanchard. La crise, elle nous a enseigné l’importance d’avoir une coordination entre institutions économiques pour avoir un système cohérent. Le Fond monétaire international ne veut pas être le régulateur du monde, ce n’est pas son devoir. Il peut, en revanche, aider les autorités nationales à structurer les vérifications et éviter de normatives contradictoires. Le premier ministre Gordon Brown, il a demandé pendant la réunion du G20 à Londres, une institution apte à avertir le système économique international des risques d’ordre mondial et celui-ci est notre devoir de base. Nous analysons de manière continue les différents États pour les avertir des risques qui leur courent. Le Fond monétaire international rendra ses analyses encore plus visibles afin de souligner pas seulement les dangers qui courent les Pays, mais aussi ceux-là au niveau systémique mondial.

Antonio Torrenzano. Qu’est-ce qu’il fera le Fond monétaire international dans cette phase ?

Olivier Blanchard. Dans cette phase, nous devons analyser quoi il n’a pas fonctionné, établir des issues afin d’éviter que la crise puisse se répéter, définir de nouvelles mesures de surveillance. Au Fond monétaire international, la communauté internationale a demandé d’étudier la leçon de cette crise et nous sommes en train de le faire. Certainement, nous devons repenser les rapports entre institutions internationales et gouvernements. Si vous me demandez, si nous avons besoin d’une nouvelle conférence de Breton Woods: ma réponse est négative. Breton Woods s’occupa de créer un système d’échanges fixes après la Seconde Guerre mondiale,mais tout ça a été un engagement différent respect à la situation contemporaine.

Antonio Torrenzano. Les individus ont-ils encore confiance dans le système financier ?

Olivier Blanchard. Les consommateurs sont effrayés: les familles dépensent moins et les entreprises ont cessé d’investir. Pour cette raison, nous pourrions avoir une récession plus profonde de celle-là que nous avions prévu. Si nous ne réussissons pas à rétablir la confiance, la reprise économique pourrait plus tard arriver. La crise, dans cette circonstance, peut être bien gérée. L’architecture de mesures réalisée dans la plus grande partie des Pays avancés n’est pas encore parfaite, mais je suis optimiste. Il faudra encore travailler sur certains détails, mais tous les gouvernements se sont engagés à prendre les solutions qu’ils ont discutées à Londres.

Antonio Torrenzano. Le pire est-il encore à venir ?

Olivier Blanchard. Je m’attends encore des moments difficiles, mais j’espère que la situation pourra lentement améliorer .

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Ulrich Beck, écrivain, sociologue, professeur de sociologie à l’université de Munich. Dans La Société du risque, Ulrich Beck constate un changement dans la configuration de la société, en raison du développement industriel et technologique, où la question centrale est désormais la répartition du risque pour tous les individus. Auteur de nombreux essais, traduit dans différentes langues européennes, dont «La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité», Paris, éditions Aubier, 2001;«Qu’est-ce que le cosmopolitisme ?», Paris, Éditions Aubier, 2006; «Pouvoir et contre-pouvoir à l’ére de la mondialisation», 2003. «La vérité des autres. Une vision cosmopolitique de l’altérité» aux éditions de l’aube, en 2004 et avec Edgar Grande, «Pour un empire européen», Paris, éditions Flammarion, 2007. Ulrich Beck a exprimé encore dans ses livres, ses positions en faveur d’un État supranational et d’un Parlement mondial. Le dialogue a eu lieu à l’université de Milan, au mois de février 2009.

Antonio Torrenzano. J’aimerais discuter avec vous de la crise du welfare state et du problème du chômage. Dans cette situation d’incertitude, les individus ont peur et ils vivent leur propre rapport avec l’avenir de manière négative.

Ulrich Beck. Le chômage est un problème énorme dans le monde entier. En Europe, aujourd’hui, un troisième de la population, il vit plus dans une condition de travail flexible et dans un état d’insécurité. Les individus doivent prendre conscience de ces incertitudes et les États devront repenser l’entier monde du travail. Malheureusement, il ne peut plus être mis au pair d’autres droits fondamentaux des citoyens comme le droit à l’assistance médicale ou à la retraite.Un effet reel, c’est que la démocratie puisse devenir plus faible. À moins que les citoyens ne viennent pas bien éduqués aux nouveaux défis et aux principaux risques auxquels quotidiennement ils sont sujets. Les citoyens sont en train de perdre, peut-être, la possibilité de participer et de faire entendre la propre voix à l’intérieur de l’arène politique.

Antonio Torrenzano.Pourquoi vos recherches et analyses, ils vous ont conduit sur le phénomène mondial du risque?

Ulrich Beck. Ma théorie repose sur une simple réflexion. La production des richesses est désormais intimement liée à une production de risques, comme l’exemple de la crise financière et la récession économique nous illustre. Cela pose un problème de justice sociale: si une partie seulement de la société profite de certaines richesses, ce pillage frappe toutes les classes sociales en traversant les frontières de l’entière planète. En 1986, quand j’ai commencé mes recherches, la mondialisation du risque n’était pas encore évidente. J’ai alors voulu reformuler ma théorie en identifiant plusieurs catégories de risques, en me concentrant surtout les risques transnationaux. Mes analyses consistent à anticiper les conséquences de catastrophes volontaires qui rendent une action politique nécessaire. Mais, j’exerce seulement mon travail de chercheur. Je ne suis pas un magicien, mais le système international présent est en crise et la communauté mondiale doit être prête à réagir à la situation contemporaine. Pour ce motif, je ne crois pas que nous aurons un avenir rose.

Antonio Torrenzano. Ce carnet numérique, au mois de mars 2009, a posé nombreuses questions à Zygmunt Bauman sur la mondialisation et sur la communauté internationale qui n’a pas un commun projet d’avenir. Mais, la situation contemporaine est-elle ainsi pire?

Ulrich Beck. Zygmunt Bauman n’est pas seulement un ami, c’est aussi l’un de grands sociologues de notre modernité. Prenez-vous, par exemple, le Réseau Net. Pour utiliser une métaphore: internet a remplacé le rôle qu’un temps ils avaient les rues. Je m’explique mieux, il y a vingt ans les gens manifestaient sur les rues. Aujourd’hui, elles manifestent par le Réseau Net dans le domaine transnational. Je crois que les risques contemporains sont imprévisibles et, en même temps, ambivalents. D’un côté, ils génèrent des catastrophes ; de l’autre, ils créent de nouvelles ouvertures sur le monde. Les nouveaux médias qui travaillent sur internet, en me refaisant à l’exemple précédent, ils sont devenus une plateforme fondamentale pour les différents intérêts articulaires et la vie démocratique. Nombreux maitres à penser affirmaient que plus rien ne pourrait naître. Mais à ces prévisions, je ne crois pas.

Antonio Torrenzano

 

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Les réunions de printemps 2009 entre le Fond monétaire international et la Banque mondiale commenceront ce week-end à Washington. L’assemblée du 25 et 26 avril se tient au lendemain du dernier rapport sur «les perspectives de l’économie mondiale» publié par le FMI et au lendemain de la réunion du G20 de Londres. Ces deux jours de réunions, ils seront cette année d’une vitale importance contre les pires effets de la crise économique mondiale. L’utilisation des 1000 milliards de dollars, mise à la disposition du FMI par les pays du G-20, elle figure également parmi les sujets à aborder autant que les investissements de protection sociale dans les secteurs de la santé et de l’éducation, en vue de protéger les populations les plus vulnérables des Pays en voie de développement. La Banque mondiale, en vue des réunions du 25 et 26 avril, a annoncé qu’elle prévoit tripler, à 12 milliards de dollars au cours des deux prochaines années, ses investissements dans les filets de sécurité et d’autres lignes d’action pour contraster les pires effets de la crise économique .

Chaque année, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international organisent deux réunions, l’Assemblée annuelle et la Réunion de printemps, afin de discuter de différents problèmes liés à la réduction de la pauvreté et au développement économique international, ainsi que d’évaluer le déroulement prévu des travaux des deux institutions. Ces rencontres, ils réunissent non seulement les ministres de 185 gouvernements, dont le Conseil des gouverneurs de la Banque et du FMI, mais également les représentants officiels des gouvernements, les représentants des agences donatrices et les dirigeants de la société civile.

Sur la crise économique et sur ses effets vers les populations les plus vulnérables des Pays émergents, Robert Zoellick, président du Groupe de la Banque mondiale, il a déclaré pendant sa conférence de presse du 21 avril qu’un monde qui n’apprend pas de l’Histoire est condamné à la répéter. Alors que la dernière réunion du G-20 était essentiellement consacrée aux questions financières, nous devons tirer des enseignements de l’histoire des crises passées, au cours desquelles les gouvernements, à court d’argent, ont réduit les programmes sociaux et ce qui a eu des conséquences catastrophiques pour les pauvres ». Dans la crise présente, on s’est surtout intéressé aux pays développés dont les habitants risquent de perdre leurs maisons, leurs actifs et leurs emplois. Ce sont des difficultés incontestables – a estimé Robert Zoellick – mais les personnes qui vivent dans les pays en développement ont bien moins de moyens de protection : elles n’ont pas d’épargne, pas d’assurance, pas d’allocations de chômage et souvent pas de nourriture. Nous ne devons pas laisser qu’une telle situation se reproduise ».

La persistance d’une conjoncture économique à risque, conjuguée à l’instabilité chronique des prix alimentaires, a enfin observé M.me Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale du Groupe de la Banque mondiale, signifie que pour les populations pauvres la crise alimentaire n’est pas prête à se terminer. La décision de renforcer ce mécanisme permettra à la Banque de disposer des moyens nécessaires pour continuer à intervenir rapidement en faveur des pays.

Antonio Torrenzano

 

 

*Dans l’image le President Robert B.Zoellick (World Bank Group) et le Directeur du FMI Dominique Strauss-Kahn pendant une réunion des deux institutions économiques à Washington.

* Un spécial remerciement au photreporter Alex Wong pour l’image.