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Conversation avec Jeffrey Sachs, économiste, écrivain, directeur de l’Institut de la Terre à l’université de Columbia à New York. Il est aussi conseiller spécial du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon. Auteur de nombreux essais, dont deux livres à gros tirage : «The end of Poverty » et «Common Wealth». Le dialogue avec le professeur a eu lieu en deux moments et dans deux villes différentes: Strasbourg et Rome.

Antonio Torrenzano. Est-ce que la pauvreté peut être un facteur d’instabilité internationale? Les crises alimentaires en Somalie, Éthiopie, au Darfur et, plus en général, dans le continent africain sont devenues très graves et fréquentes. Les crises alimentaires ne sont pas une fatalité,comment faire alors ?

Jeffrey Sachs. L’Afrique, on aime ou on n’aime pas. On la met de côté ou on décide de s’en occuper vraiment. L’Afrique, hier autosuffisante, importe aujourd’hui le 60% de sa subsistance. Elle en importera le double dans vingt ans. Et les devises qu’elle consacrera aux céréales et aux produits alimentaires en général, elle ne les consacrera pas aux machines et aux activités de services dont elle aura besoin. L’aide alimentaire qui lui est accordée allège sa balance des comptes, mais elle autorise chacun de pays à pratiquer des prix agricoles et alimentaires artificiellement bas et qui découragent les producteurs de produire. Cette aide infère des modes de consommation que les terroirs africains ne peuvent pas satisfaire et risque de rendre l’Afrique irréversiblement dépendante de l’extérieur. Le paysan africain n’a pas seulement été économiquement marginalisé. Il l’a été politiquement, socialement. Le paysan africain est enfermé dans une stricte autosubsistance. Il faut augmenter la production alimentaire dans les pays pauvres. Le plus important est d’augmenter la production alimentaire dans les régions pauvres du monde. La plupart d’entre elles ont des niveaux de production alimentaire inférieurs de moitié ou de deux tiers à ce qu’ils pourraient être.La première chose à faire et la plus importante, c’est de fournir une aide financière rapide aux pays pauvres pour les aider à augmenter leur propre production alimentaire. Le problème est que les fermiers sont tellement pauvres qu’ils ne peuvent acheter ni les bonnes graines ni les engrais, ni organiser des systèmes d’irrigation. Donc je crois que pour surmonter cette crise, nous devons aider financièrement les producteurs agricoles dans les pays pauvres; cela augmenterait la production et donc ferait baisser les prix. Cela aiderait également à résorber l’urgence actuelle. La crise alimentaire mondiale n’est pas une fatalité. La demande de biens alimentaires dans le monde a surpassé l’offre. Le problème de l’offre a en fait plusieurs causes. Tout d’abord, la productivité agricole très basse en Afrique et dans d’autres régions pauvres du monde. Ensuite, les chocs climatiques en Australie, en Europe et dans d’autres pays produisant des céréales. Encore l’utilisation d’une partie de la production alimentaire pour les biocarburants. Enfin, les niveaux très bas de stocks de céréales: lorsque la demande mondiale a augmenté, les stocks de céréales ont été insuffisants. Ce qui a causé une explosion des prix. Pour terminer, les barrières douanières des pays exportateurs d’alimentation ont été relevées pour maintenir les prix bas dans leur pays, ce qui a encore accru les prix dans les pays importateurs. La demande de denrées alimentaires a fortement augmenté,mais pas l’offre. Si nous voulons faire vivre l’Afrique, il faut donner aux paysans des raisons de produire, d’acheter,de s’organiser, d’investir, de ménager la nature.De l’autre côté, la communauté internationale est appelée à démontrer non sa générosité, mais sa sagesse. La sagesse de prévenir de nouveaux désordres et de nouvelles catastrophes à venir.

Antonio Torrenzano. Mais, la communauté internationale, sera-t-elle assez myope pour ne pas s’engager? L’Afrique apparait toujours sur les écrans du monde sous forme de clichés dramatiques : sécheresses, famines, désordres, coups d’État, épidémies, réfugiés. L’Afrique semble maudite, condamnée à n’être que le tiers monde du tiers monde, le pôle négatif .

Jeffrey Sachs. Ce genre de politique demande des fonds budgétaires, puisque le gouvernement garantit la disponibilité d’engrais et de graines à bas prix aux fermiers. C’est justement là où l’Europe pourrait aider : en offrant une aide financière aux gouvernements africains qui pourraient la répercuter sur leurs fermiers pour qu’ils produisent plus. Selon moi, ceci est la première étape. Le Malawi a par exemple lancé, en 2005, un programme pour que chaque ferme du pays ait accès aux engrais et à des graines de haut rendement: rapidement, d’une saison à l’autre, ce petit pays a été capable de doubler sa production alimentaire! Et il a su maintenir ce niveau élevé de récolte, par l’action heureuse de cette politique. Il faut plus accepter la pauvreté. L’Afrique de la nature est somptueuse; celle des hommes est dure, impitoyable, misérable. C’est celle d’un continent immensément pauvre, soumis à la fatalité. Un ancien compte africain affirme que l’homme y passe son temps à repousser sa mort de quelques instants sous un ciel magnifique. Il ne faut plus accepter que les populations acceptent la fatalité de la misère, de la sécheresse, de la famine. L’aide alimentaire devra être substituée d’une augmentation de la production alimentaire des pays pauvres. Un sac de farine ne construit plus l’avenir, quelques sacs de blé ne deviennent plus le raccourci miracle qui tranquillise les consciences. Une deuxième phase, elle serait de revoir notre politique envers les biocarburants: il ne faut promouvoir que des biocarburants qui ne rivalisent pas avec l’offre de denrées alimentaires ou avec des terres sur lesquelles elles pourraient pousser. Le drame est d’abord alimentaire. La production vivrière a baissé de 30% par habitant depuis 1960. L’autosuffisance n’est plus assurée, même en l’absence de grande sécheresse. La malnutrition et les maladies tuent chaque jour 100.000 individus. L’écart se creuse entre le nombre de bouches à nourrir et les quantités de nourriture disponible. Par rapport à la crise actuelle et dans l’immédiat, je pense que notre rôle est d’alerter nos gouvernements sur le fait que nous ne voulons pas d’une politique qui néglige les besoins urgents d’un milliard de personnes pauvres affamées. Nous voulons donc que l’Europe, les États-Unis et d’autres gouvernements aident les fermiers dans les pays pauvres à accroître leur production alimentaire pour que cette crise ne perdure pas. Déjà, la ration quotidienne d’un Africain est la plus faible du monde: 850 calories dans certains pays. Le nécessaire est de 3000 calories pour un adolescent et de 2700 calories pour un adulte.

Antonio Torrenzano. Si les tendances actuelles persistent, le déficit céréalier africain atteindra presque 180 millions de tonnes par an, quarante fois plus qu’en 1970. Les dramatiques famines, connues de l’Éthiopie, elles ont été qu’un prélude du désastre contemporain. Le désastre menace tout un continent dont on a ignoré les ressorts et les rythmes. Comment pourrons-nous sortir de cette urgence ?

Jeffrey Sachs. L’urgence dans ce moment tue l’avenir. Le public ne se rend pas compte qu’il existe quotidiennement dans les pays les plus pauvres un tsunami silencieux qui mérite une mobilisation autant que celle de tsunamis visibles. Un désastre est actuellement à l’œuvre dans la plupart des pays d’Afrique et dans de nombreuses parties du tiers-monde.

Antonio Torrenzano

 

*Special thanks to James Nachtwey pour l’image.

 

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Conversations avec Noam Chomsky, écrivain, éditorialiste, professeur au MIT de Boston où il dirige les études en linguistique. Auteur des nombreux essais dans plusieurs langues étrangères, dont le dernier titré : «Excerpted from Hegemony or Survival», Metropolitan Books, 2004 . Son site web http://www.chomsky.info. Le dialogue a eu lieu à Milan pendant un séminaire universitaire.

 

Antonio Torrenzano. Dans une récente déclaration, Peter Goossens, qui dirige l’aide-humanitaire en Somalie pour le Programme alimentaire mondial (PAM), il a affirmé qu’en Somalie la situation est au collapsus et que sa population est désormais sans espoir pour l’avenir ?

Noam Chomsky. Maintenant, ça suffit vraiment très peu : une petite inondation ou une sécheresse pour faire tomber le pays somalien dans le gouffre. La Somalie est tourmentée de la guerre et de la famine et elle est assiégée de l’intérieur et de l’extérieur. Avec le nouveau système de vigilance renforcé après le 11 septembre 2001, les États-Unis ont refait leur tentative de contrôler la Corne de l’Afrique: Éthiopie, l’Érythrée et la Somalie. La Corne de l’Afrique, qu’ils croient un des fronts de la guerre au terrorisme international. La crise somalienne peut-être considérée ensuite un des dommages collatéraux de la guerre au terrorisme… rien d’autre. L’ONU a observé qu’en Somalie, il y a, respect au Darfur, un taux plus haut de malnutrition,un plus grand numéro de meurtres et moins de volontaires sur le terrain des organisations humanitaires. Toujours un autre fonctionnaire international des Nations Unies, Éric Laroche, qui dirige les opérations humanitaires de l’ONU sur le terrain, il soutient que l’organisation n’est pas apte à atteindre la population qui meurt de faim, de maladies et de violence dans tout le Pays. Si tout ceci, il était arrivé au Darfur, il se ferait du grand vacarme. Mais celle de la Somalie est une urgence oubliée depuis des années.

Antonio Torrenzano. Existent-ils d’autres différences avec la crise du Darfur?

Noam Chomsky. Une autre différence est que de la tragédie au Darfur, on peut donner la faute à un ennemi officiel: le gouvernement du Soudan et ses milices. Tandis que l’actuelle responsabilité de la catastrophe somalienne, comme de celles qui les ont précédées, elle est fondamentalement interne. En 1992, après la chute de la dictature du président Siad Barres, après la guerre civile entre les différentes milices tribales et la famine, les États-Unis envoyèrent de milliers de soldats à accomplir une mission de secours ambiguë en appui aux organisations humanitaires. Mais, dans l’octobre du 1993, après la bataille de Mogadiscio, où deux hélicoptères Black Hawk ils furent abattus par les miliciens en provoquant la mort de 18 soldats américains et presque d’un millier de Somaliens, les forces américaines furent retirées et la mission de secours laissa le pays dans les mains des messieurs de la guerre. À ce point, les États-Unis et une bonne part du reste du monde occidental tournèrent les épaules à la Somalie.

Antonio Torrenzano. Puis, la communauté internationale reprises à s’intéresser de la Somalie seulement en 2006.

Noam Chomsky. Dans l’été 2006, le monde recommença à s’occuper de la Somalie. Du chaos somalien il émergea un mouvement islamiste qui assuma l’autorité de presque tout le pays en laissant dans les mains d’un gouvernement de transition fédérale (gouvernement reconnu par la communauté international) seulement une enclave aux frontières avec l’Éthiopie. Mais dans le décembre de 2006, l’Éthiopie envahit la Somalie, avec l’appui des États-Unis, pour imposer le régime du gouvernement de transition fédérale. L’invasion de l’Éthiopie a provoqué une forte résistance de la part des familles claniques somaliennes qui a porté le pays à la crise contemporaine. Le motif officiel de la participation des États-Unis à l’abattage du régime islamiste par l’Éthiopie est la guerre au terrorisme qui a engendré seule d’autres atrocités et d’autres terrorismes. L’intervention américaine en Somalie rentre dans la tentative de Washington de reprendre le contrôle de la Corne de l’Afrique et de ses routes commerciales pour s’assurer la maîtrise des sources d’énergie qu’ils se trouvent en Afrique. Aujourd’hui, les ressources africaines sont-elles trop précieuses pour être laissées à quelqu’un d’autre, dans une manière particulière à concurrence chinoise . Si la population somalienne est en train de mourir de faim, il est seulement une conséquence secondaire et insignifiante d’un plus grand chantier géopolitique.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Iolanda Occhipinti, spécialiste en coopération internationale, infirmière,expatriée italienne en Somalie où elle a travaillé pour l’ONG CINS jusqu’au 21 mai 2008, jour dans lequel elle est enlevée par un groupe de rebelles. Avec l’infirmière italienne, le groupe a séquestré deux collègues de la même organisation non gouvernementale: l’Italien Giuseppe Paganini (agronome) et le Somalien Yusuf Labouré. Après 76 jours d’asservissement, Iolanda Occhipinti et Giuseppe Paganini ils sont relâchés tandis que Yousus Labouré reste encore en otage du groupe de rebelles. La conversation a eu lieu à Raguse, ville sicilienne où Iolanda Occhipinti est née. Nous l’avons rencontrée après le relâchement pour avoir de nouvelles informations sur ce qui arrive en Somalie.

Antonio Torrenzano. Pourquoi étiez-vous en Somalie, dans la capitale Mogadiscio?

Iolanda Occhipinti. J’étais en Somalie comme infirmière engagée pour un projet d’urgence sanitaire pour donner secours aux victimes des bombardements. Dans le même temps, toujours pour l’ONG CINS par laquelle je travaille, je donnais mon soutien administratif aux autres collègues de l’organisation pour un projet de développement agricole. Le 21 mai 2008, j’ai été enlevé par les rebelles avec le collègue Giuseppe Paganini et Yusuf Labouré. Pendant l’enlèvement, nous ne sommes jamais étés maltraités. Nous étions bandés toujours et je n’ai jamais pu voir l’endroit où nous avons été portés. Dans le chaos général somalien, la crise humanitaire a atteint de proportions d’enfer dantesques. La situation, elle s’est aiguisée encore de plus pour les nombreuses attaques récentes contre des opérateurs d’ONG et organisations internationales qui ont contraint les agences à réduire les aides. Les derniers chiffres fournis par les Nations Unies parlent de presque 9.700 morts depuis le janvier 2007 et d’un million d’évacués seulement dans le capital Mogadiscio. Il est difficile d’imaginer une paix durable dans cette situation.

Antonio Torrenzano. Avant du 21 mai 2008, jour de votre enlèvement; le 2 mai il y avait eu de fortes fusillades dans le quartier où votre organisation a le siège à Mogadiscio.Un autre grand moment de tension encore le 4 mai (deux jours après) qui a impliqué de milliers de personnes. Quoi est-il arrivé ?

Iolanda Occhipinti. Les fusillades du 2 mai ont été très voisines au siège de mon ONG CINS. Il semble qu’une voiture ne se soit pas arrêtée à un bloc de police. L’événement n’est pas cependant lié à notre enlèvement. Épisodes comme celui-ci, ils arrivent régulièrement à Mogadiscio. L’épisode du 2 mai a fait déclencher un retrait de nombreux experts en coopération de la capitale somalienne devenue non plus sûre. Les tensions du 4 mai, en revanche, elles ont explosé pour la très grave situation de faim et famine dans lesquelles il verse l’entière population de la Somalie. Je crois que dans les rues ils se sont déversé plus de 20/22 milles personnes pour protester contre l’augmentation des prix de la nourriture et la difficulté de la trouver. Les désordres du 4 mai, ils ont provoqué plus de quatre morts et un numéro non précisé de blessés. Dans l’oeil de la protestation populaire, il y a en particulier les grossistes et les commerçants de gendres alimentaires qui, depuis un an, privilégient les transactions commerciales en dollars américains en refusant d’accepter de la monnaie locale. Le shilling somalien a perdu plus de la moitié de sa valeur. Dans l’an 2008 en Somalie, les prix des céréales sont augmentés du 170 aux 370 pour cent. Au juin de 2007, un kilo de grain il coûtait 7 centimes d’euro, aujourd’hui il en coûte 18 centimes. Un sac de riz, il y a quatre mois, il valait 16 euro et aujourd’hui il en vaut plus de 30 euro. Depuis janvier 2008, le numéro d’individus affamés qui dépendent des aides alimentaires de l’ONU, il est augmenté des 40 pour cent. Aujourd’hui, ils sont deux millions et demi ! La situation est compliquée de plus par les menaces de sécheresse, problème que selon les NGO présents à Mogadiscio il ne pourra pas que faire augmenter le numéro d’individus affamés. Milliers d’hommes et femmes ont du mal à survivre.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Jean-Claude Kaufmann, sociologue, directeur de recherche au CNRS de l’université Paris V-Sorbonne, enseignant. Il a notamment travaillé sur des thématiques telles que la construction du couple et de la famille, les attentes des hommes et des femmes en matière de vie conjugale et d’amour, ainsi que sur la vie à deux. Auteur de nombreux essais dont «La trame conjugale.», Paris,1992; «Corps de femmes, regards d’hommes.» Paris, 1995; «Le coeur à l’ouvrage.», Nathan, 1997; «La femme seule et le prince charmant.», Paris, 1999 . Essais publiés par la maison d’édition Nathan. En 2008, le sociologue a publié une édition réactualisée de « La femme seule et le prince charmant », aux éditions Armand Colin. Le dialogue a eu lieu à Paris près du siège de l’Université.

Antonio Torrenzano. Topless, look nu, monokini, le sujet a passionné, il a fait scandale, il a scandé l’air du temps de la société occidentale dans les derniers quarante ans. Depuis les premiers topless, il y a quarante ans à Saint-Tropez ou aux soutiens-gorge féministes brûlés à Berkeley aux États-Unis, anthropologues et sociologues se sont toujours interrogés sur l’évolution de l’image du sein nu et ses représentations à la plage. Avant d’écrire votre essai “Corps de femmes,regards d’hommes. Sociologie des seins nus”, avec votre équipe vous avez trimé sur les plages de la Bretagne et de la Normandie, de Saint-Malo à Lorient, pour interviewer 300 personnes (femmes et hommes) et vérifier sur le terrain les comportements contemporains et voire quoi il y a derrière le geste de se libérer du soutien-gorge à la plage. Mais, qu’est-ce qu’il arrive aujourd’hui ?

Jean-Claude Kaufmann. Aujourd’hui, il reste encore la magie des seins nus. Un détail dont il a la grâce et la force de raconter le difficile équilibre entre liberté et règles sociales. Non plus à la plage, nous faisons ce qu’il nous semble. Chaque fois que je demandais aux interviewés si toutes les femmes peuvent rester en topless, la réponse la plus classique était: chacun fait ce qu’il veut, mais… ? Tout le monde, ils étaient satisfaits d’affirmer un principe de liberté, mais ils entendaient le devoir d’ajouter toujours quelque chose, peut-être à voix basse : certainement une femme âgée, s’il veut le faire il nous manquerait, mais il serait vraiment une horreur . Ils disaient le contraire de ce qu’exactement ils auraient voulu. Alors, je harcelais dans mes questions, et la réponse immanquable c’était celle des beaux seins normaux dont il était permis la maxime exposition .

Antonio Torrenzano. Pourquoi seulement aux beaux seins est-elle permise l’exposition ?

Jean-Claude Kaufmann. Selon les interviewés, de beaux seins sont ceux des jeunes filles : plutôt petit, dur, bien attaché au thorax. Il y a puis, la catégorie du trop beau: qu’il a un certain avantage, mais qu’à la plage il a moins de libertés de mouvement. Pourquoi seulement aux beaux seins ? Parce qu’ils attirent le regard, seulement pour celui-ci. Ce sont les regards des autres à déterminer les règles du jeu. Prenons-nous, par exemple, les hommes : même s’il ne semble pas, ils observent de manière précise. Avec des yeux pas particulièrement expressifs, qui ne démontrent pas d’intérêt, mais qu’ils coulent rapidement sur le paysage féminin de la plage de manière attentive. De plus, une femme se dénude sans problème quand elle se sent rassurée par le positif lien entre visions et sensations. Pour montrer ses seins, une femme doit se sentir à l’aise. Celles qui le font, en ligne générale, elles ont toujours avant vérifié s’il y a d’autres femmes semblables ou, si à côté, il y a de sujets rassurants. Par exemple d’individus pas envahissants.

Antonio Torrenzano. Mais à la plage, les femmes veulent-elles être regardées ou ignorées par les hommes ? Encore, le beau sein, comme vous l’avez défini, il est regardé aussi par des femmes ?

Jean-Claude Kaufmann. Les femmes désirent être regardées, mais de loin et par une manière anonyme. La plage est un endroit où le corps est au centre des pensées. Je peux, ensuite affirmer, qu’à la plage il y a le désir d’être soi-même, de jouir de la caresse du soleil, du vent, du sel sur la peau et… de l’admiration des hommes. Aussi les femmes regardent les beaux seins, bien sur !! À ce sujet, j’aurais pu écrire un autre essai de sociologie. Celles-ci se divisent en deux catégories. Celles qui apprécient la topless des autres femmes comme une espèce de regard au miroir ou comme comparaison du propre corps. Et les sévères ou celles qui sont agressives et qui voient laideurs partout et qui condamnent parce que l’envie les dévore.

Antonio Torrenzano. À la plage, il y a plus ou moins topless qu’il y a dix ans ? Quel rôle a joué la publicité dans ce changement et la chirurgie plastique?

Jean-Claude Kaufmann. Légèrement moins pour plusieurs de raisons. Il y a plus d’anxiétés pour les risques de maladies produites par le soleil, puis aussi le bronzage qui n’est plus ainsi obligatoire. Mais le phénomène de la topless reste un choix qu’il exprime le désir d’être libres et de communiquer cette liberté. Attention, toutefois : le sens de la pudeur reste toujours présent. Il est seulement devenu plus personnel, hermétique, peut-être esthétique. Il ne faut pas exagérer le rôle de la publicité. Elle amplifie et accélère un processus qui avait vocation à se développer. Mais quand un processus ne peut pas se développer, ce n’est pas la publicité qui peut l’amplifier. Le sein refait par la chirurgie plastique ne correspond pas aux canons de beauté demandée à la plage. Le sein refait par la chirurgie est souvent volumineux, excessif. Une femme avec un tel sein ne peut pas enlever son maillot de bain. Le risque serait d’apparaître une exhibitionniste.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Domenico De Masi, sociologue, professeur de sociologie du travail à l’université de Rome-la Sapienza, auteur de nombreux essais traduits en plusieurs langues étrangères, il dirige auprès de la maison d’édition Franco Angeli de Milan des recherches et études sur le marché du travail. Le dialogue avec le sociologue a eu lieu à Naples.

Antonio Torrenzano.Pourquoi, selon vous, sans lenteur l’imagination il s’éteint?

Domenico De Masi. Sans lenteur l’imagination il s’éteint et le bien-être se dissipe. La qualité de la vie est entrée en collision dans la vie privée et dans le travail de tout le monde à cause de la vitesse. Le bonheur, affirmait Wolfgang Amadeus Mozart, est seulement l’imagination. Bien que l’homme soit un des animaux plus lents de toute la création, la gaucherie de son corps a été toujours rémunérée par la vitesse de son imagination. Mais ici, il bondit le paradoxe : nous réussissons à être assouvis avec l’imagination seulement si elle est alimentée à travers la réflexion et le calme. Pour avoir une douce vie il faut imaginer, pour imaginer il sert de réfléchir, pour réfléchir il faut se donner le faste de la pause, c’est-à-dire d’aller doucement. L’imagination est une voiture rapide qui, pour courir, a besoin de l’étrange carburant que c’est la lenteur.

Antonio Torrenzano. Une ressource précieuse la lenteur ! Mais depuis de siècles, l’homme a préféré la considérer comme un handicap autant que la faim, la misère, la maladie, la solitude.

Domenico De Masi. L’homme contemporain, pour mieux dire la société industrielle, il s’est concentré sur la vitesse et sur la technologie en réalisant un progrès sans précédent. Pour se déplacer plus vite avec les voitures, pour produire de plus en plus plus rapidement, pour prendre dans deux minutes un repas chez McDonald’s, pour fixer plusieurs rendez-vous dans la même journée jusqu’à vivre dans la continue anxiété d’arriver en retard. On peut dire, comme l’écrivain italien Ennio Flaiano affirmait, que dans des heures de pointe il est devenu impossible aussi l’adultère. Aussi le monde des enfants a pris les mêmes rythmes infernaux des adultes. Les petits, ils sont soumis désormais à une girandole précoce d’engagements minutieux : après l’école la piscine, l’activité sportive, le cinéma, la danse et tous les cours les plus absurdes. La quantité finit pour prévaloir sur la qualité, la pratique sur l’esthétique, la vie collective sur la privée, la rationalité sur l’émotivité.

Antonio Torrenzano. Le bon vivre est-il entré en collision avec la frénésie de la vie présente? Où est passée la lenteur ?

Domenico De Masi. Dans la société post-industrielle, les biens économiques sont produits désormais mécaniquement et à l’individu , il appartient de réaliser surtout des idées. La créativité a enfin sauté à la première place et l’exigence de réfléchir avec lenteur est devenue presque une obligation. Pour la première fois dans l’évolution historique de l’humanité, la vitesse du corps est accrue par internet ou par tous les moyens de transport, celle de l’esprit est freinée par le besoin de réflexion. Sans lenteur, l’imagination il s’éteint et l’homme devra expérimenter ce nouvel équilibre.

Antonio Torrenzano

 

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Conversation avec Derrick De Kerckhove. Le professeur dirige le programme McLuhan en culture et en technologie et il est professeur au département d’Études françaises de l’Université de Toronto. Parallèlement à ses études, il a collaboré avec le Centre pour la culture et la technologie (1972-1980) où il fût un collaborateur de McLuhan. Il organise des ateliers sur la connectivité de l’intelligence dans lesquels il propose une nouvelle façon de réfléchir en utilisant les technologies de l’information. La conversation avec le professeur Derrick De Kerckhove a eu lieu dans la ville de Reggio Emilia en Italie.

Antonio Torrenzano. L’avenir comme sera-t-il ?

Derrick De Kerckhove. Nous sommes dans une phase sociale de transition nécessaire inhérente la mondialisation de l’humanité entendue du point de vue social plus qu’économique. Transition, je crois, indispensable pour rendre la planète un lieu partagé. La technologie nous offre aujourd’hui la possibilité de repenser le monde et les procès en cours de manière critique et favorable. Le web 2.0 comme architecture sociale nous offre la possibilité d’affronter cette évolution historique de manière constructive et pas défensive. Les grandes évolutions sociales sont toujours arrivées pour implosion ou pour explosion. Aujourd’hui, nous vivons une implosion électronique. Quel type de politique avons-nous besoin pour un monde comme celui-ci ? Un pouvoir local exécutif rigide, cependant géré avec de règles émané par un pouvoir central. L’Europe, dans cette circonstance, elle est déjà un bon exemple de tout ceci.

Antonio Torrenzano. Pour les philosophes grecs, la place idéale était l’agora. Aujourd’hui ?

Derrick De Kerckhove. Aujourd’hui les carnets virtuels (les blogs) sont l’agora électronique dans lequel tout le monde se rencontre en restant assis. Le blog génération est une génération sans peur sociale, politique, professionnelle. Dans ce moment historique, nous avons un besoin nécessaire de ces individus pour dépasser la tendance à la stagnation des générations passées.

Antonio Torrenzano. La génération numérique que vous appelez «digital natives» ?

Derrick De Kerckhove. La génération numérique est celle qui a le même âge d’internet, née avec le Réseau net comme aujourd’hui nous le connaissons. Les digital natives sont des individus ouverts. Ils appartiennent à la phase historique des communautés des networks sociaux, ils mettent leur expérience gratuitement au service de tous par leurs blogs, myspace, facebook, ning. Ils ont un sens inné du web 2.0, ils n’ont pas problèmes avec la technologie et ils utilisent indistinctement et de manière convergente tous les outils multimédias. Il y a cependant un danger:leur tracement pour le monde de la commercialisation, pour le marketing des entreprises, pour la publicité, pour la politique.

Antonio Torrenzano

 

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Entre les sept îles éoliennes, l’ile de Salina est certainement la plus fertile, la plus douce, la plus sensuelle, la plus intrigante, la plus maternelle.

Le profil de l’île est dessiné par deux cratères volcaniques éteints (la Fosse delle Felci et le Mont des Porri), la couleur qui prévaut est le vert émeraude des myrtes, des figues indiennes, avec le violet des Bougainville et le bleu indigo de la mer dans une lumière intense et essentielle. Celle du sud sur tous les tons.

Salina est le parfum intense des herbes aromatiques, le goût frais des pêches et des prunes à peine récoltes, de la granita sicilienne au citron servie avec une petite feuille de basilic frais dans les cafés du petit port de Sainte Marine, l’arôme d’un verre de malvasia de Lipari (le vin doux), ancienne ambroisie des dieux et des guépards.

Du paysage de couleurs nettes à la mer bleu intense, du climat à la table, tout près de l’ile de Salina parle d’un endroit ancien de la mer méditerranéenne.

Un endroit unique, patrimoine de l’humanité pour l’UNESCO, où il est impossible de ne pas s’arrêter à respirer, à réfléchir, à observer, à écrire… sous la couleur d’un ciel sublime et infinie.

Antonio Torrenzano.

 

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Conversation avec Marc Augé, anthropologue, écrivain, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris, dont il a été le président de 1985 à 1995. Auteur notamment de «Non-lieux», Marc Augé a écrit nombreux essais sur la modernité publiés en différentes langues étrangères et plusieurs conversations sur l’anthropologie et la modernité. Comme auteur, il vient de publier son dernier essai «Où est passé l’avenir ?», par l’édition du Panama de Paris. L’entretien sur les prospectives et les incertitudes de l’Europe a été développé dans la ville de Reggio Émilia et pendant le «festival della filosofia » à Modène, en Italie.

Antonio Torrenzano. L’Europe des échanges de toutes sortes a toujours existé. Alors,quel est-il son problème d’aujourd’hui ?

Marc Augé. L’Europe des idées, des arts, des échanges de toutes sortes a toujours existé. Son problème aujourd’hui, alors même qu’elle existe institutionnellement, c’est qu’elle a du mal à définir un projet qui lui permettrait de se reconnaitre et de se rassembler. Son contour, de ce fait, reste un peu flou, un peu «tremblé». De ce point de vue, elle a deux types de problèmes: elle a du mal à intégrer des noyaux durs d’identité locale ou nationale et, d’un autre côté, elle ne sait pas où s’arrêtent ses frontières, la logique de la construction européenne sans fin risquant de se confondre avec celle de la «globalisation». J’aimerais insister sur deux points: ce n’est pas le passé qui fait problème en Europe. Les nouvelles générations effectuent ce passage de la mémoire à l’histoire qui libère l’avenir . Mais, c’est cet avenir lui-même qui semble manquer de contenu. Le second point, c’est une question de perspective. L’Europe existe davantage aux yeux des Américains et des Asiatiques qu’aux yeux des Européeens eux-mêmes. Ceux-ci devraient se demander ce que les autres voient d’abord dans l’Europe quand ils en parlent. Ils y voient, me semble-t-il, distinctes, mais associées, au moins trois puissances: une puissance économique, une puissance culturelle et une puissance démocratique. Sans doute n’y voient-ils pas encore une puissance politique du fait des problèmes de représentations de notre continent.

Antonio Torrenzano.Est-ce que ces trois dimensions sont suffisantes pour faire exister l’Europe aux yeux des Européens eux-mêmes ?

Marc Augé. Je ne le crois pas. Paradoxalement, il n’est pas certain que cette conscience européenne n’ait pas été plus forte à l’époque où le système social de l’Europe occidentale la distinguait aussi bien du bloc communiste que du libéralisme économique américain. Ce système social connait aujourd’hui des difficultés : il me paraît essentiel de le sauver pour sauver l’Europe. Celle-ci en outre ne devrait pas oublier sa propre histoire et ses responsabilités passées. L’Europe devrait rétablir et consolider, en tant que telle, avec la Méditerranée, l’Afrique et notamment l’Amérique latine, des relations repensées à partir d’une volonté politique commune.Enfin, une politique linguistique systématique pourrait être élaborée, qui nous distinguerait aussi bien des pays où l’on ne parle que sa propre langue que de ceux où l’anglais est considéré comme la seule langue véhiculaire. Il n’est pas impensable d’apprendre deux langues européennes supplémentaires aux petits Européens de chaque pays et, à partir de là, de faire de l’Europe le continent le plus «cultivé» du monde.

Antonio Torrenzano. Existe-t-il de nouvelles directions?

Marc Augé. C’est dans cette direction, celle d’une triple utopie sociale, politique et culturelle, que je vois dessiner une Europe possible, où de jeunes gens pourraient avoir envie de se reconnaître ! Si l’actuelle priorité économique et monétaire ( dont je ne méconnais pas les raisons) se présente comme exclusive et alignée sur les phénomènes de globalisation, aux yeux des futurs éventuels Européens, d’une manière ou d’une autre, à plus ou moins long terme, le beau projet européen sombrera.

Antonio Torrenzano.

 

Principales publications de Marc Augé.

Marc Augé, «Où se passé l’avenir», Paris, éditions du Panama, 2008.

Marc Augé, «Le Métier d’anthropologue:sens et liberté.», Paris, éd.Galilée, 2006.

Marc Augé, «Pourquoi vivons-nous ?», Paris, éd. Fayard,2003.

Marc Augé, «Les formes de l’oubli.», Paris, éd.Rivages, 2001.

«La Grèce pour penser l’Avenir», Marc Auge, Cornélius Castoriadis, Marie Daraki, Philippe Descola, Claude Mosse, André Motte, Marie-Henriette Quet, Gilbert Romeyer-Dherbey, avec une introduction de Jean-Pierre Vernant. Paris, l’Harmattan France, collection l’Homme et la Société, 2000.

Marc Augé, «Pour une anthropologie des mondes contemporains», Paris, éd. Flammarions,1999.

Marc Augé/Antonio Torrenzano, «Dialogo di fine Millennio. Tra antropologia e modernità», Turin, l’Harmattan Italie, 1997.

Marc Augé, «Symbole, fonction, histoire. Les interrogations de l’anthropologie», Paris, éd. Hachette , 1979.

Marc Augé, «Pouvoirs de vie, pouvoirs de mort. Introduction à une anthropologie de la répression», Paris, éd. Flammarion, 1977.