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Critique à l’omnimarchandisation de l’avenir. Dialogue avec Serge Latouche.
Conversation avec Serge Latouche, économiste et philosophe, professeur émérite à l’Université Paris Sud, spécialiste de l’épistémologie des sciences sociales, défenseur de la décroissance soutenable. Il est l’auteur de nombreux ouvrages traduits en plusieurs langues étrangères.
Antonio Torrenzano. J’aimerais commencer notre dialogue avec la mondialisation et la marchandisation de la planète. Dans la société contemporaine, par exemple, est devenu paradoxale qu’il n’est plus possible de vivre hors économie. Pourquoi, à votre avis ?
Serge Latouche. La mondialisation des marchés n’est autre que la pointe ultime de la marchandisation du monde ou autrement dit de son économicisation. Cependant, il faut le reconnaître, l’économie reste mystérieuse pour la plupart des citoyens. Tous les grands journaux consacrent à la question des pages spécialisées que les lecteurs jugent le plus souvent “illisibles” et s’empressent de sauter. Cette situation est d’autant plus paradoxale qu’il n’est pas possible dans le monde moderne de vivre hors économie. Cela signifie deux choses intimement liées. Tout un chacun participe à la vie économique et tout un chacun possède un minimum de connaissance/croyance sur l’économie. Dans les sociétés contemporaines, nous sommes tous des rouages d’une immense machine qui définit notre place dans la société; travail ou chômage, niveau de revenu, mode de consommation, ces aspects économiques de la vie ont pris une place dominante et parfois exclusive. Le citoyen se définit avant tout par sa situation, son revenu, sa dépense. La vie étant ainsi largement réduite à ces aspects économiques, il est inévitable que chacun soit obsédé par les problèmes économiques. Pour surprenant que cela soit, les préoccupations économiques, en tant que telles, avaient peu de place dans la vie des hommes avant la Renaissance ou en dehors de l’Occident. Chacun accomplissait ses tâches, le plus souvent domestiques, et se préoccupait de politique pour le citoyen grec, de religion pour l’homme du Moyen-Age ou de fêtes et de rituels pour l’indigène d’Afrique. L’épanouissement de l’économie à l’époque moderne seulement n’apparaît pas cependant étrange, car le projet de la modernité repose sur la prétention de construire la vie sociale sur la seule base de la raison en s’émancipant de la tradition et de la transcendance. Dans la vision héritée des Lumières, l’économie n’est que la réalisation de la raison. Il n’est pas étonnant que le développement de l’activité économique se présente comme une montée en puissance de la rationalité. Celle-ci se manifeste de façon indissociable dans la technique et l’économie ; il s’agit d’accroître l’efficience en économisant au maximum les moyens pour obtenir le plus de résultats suivant la norme du “toujours plus”. Cette rationalité quantifiante tourne à l’absurde en devenant sa propre fin, mais cela est une autre affaire. La science économique, de son côté, n’est qu’une rumination bavarde et obsessionnelle de ce principe de rationalité calculatrice.
Fabio Gualtieri. Depuis l’effondrement des pays de l’Europe de l’Est et la faillite du projet socialiste, l’économie de marché connaît-elle un triomphe exclusif ?
Serge Latouche. Le triomphe planétaire apparent de la modernité, par l’impérialisme d’abord militaire et politique, puis de plus en plus culturel, a fait triompher, de fait, l’économie comme pratique et comme imaginaire mondiaux. Depuis l’effondrement des pays de l’Europe de l’Est et la faillite du projet socialiste, l’économie de marché connaît un triomphe exclusif. Ce succès apparaît comme la plus belle réussite de l’économie et des économistes. Le triomphe récent du marché, n’est que le triomphe du “tout marché”. Il s’agit du dernier avatar d’une très longue histoire mondiale.Toutefois, la mondialisation de l’économie ne se réalise pleinement qu’avec l’achèvement de sa réciproque l’économicisation du monde, c’est-à-dire la transformation de tous les aspects de la vie en questions économiques, sinon en marchandises. Sous cette forme plus significative, en étant économique, la mondialisation est de fait technologique et culturelle, et recouvre bien la totalité de la vie de la planète. Le politique, en particulier, se trouve totalement absorbé dans l’économique. La planétarisation du marché n’est nouvelle que par l’élargissement de son champ. On s’avance ainsi vers une marchandisation intégrale. Cette économicisation du monde se manifeste dans le changement des mentalités et dans les effets pratiques. Dans l’imaginaire, c’est le triomphe de la pensée unique, dans la vie quotidienne, c’est l’omnimarchandisation.
Claudio Poletti. La société de marché a-t-elle effacé le pluralisme et les relations humaines? C‘est-à-dire la transformation de tous les aspects de la vie en questions économiques, sinon en marchandises.
Serge Latouche. Le triomphe de la société de marché a fait évanouir les velléités de pluralisme. L’évangile de la compétitivité, l’intégrisme ultralibéral et le dogme de l’harmonie naturelle des intérêts s’imposent. Et cela, en dépit de l’horreur planétaire qu’engendrent la guerre économique mondiale et le pillage sans retenue de la nature. Ce fondamentalisme économique, intégralement présent déjà chez Adam Smith, s’impose enfin sans rival parce qu’il correspond le mieux à l’esprit du temps. Il habite l’homme unidimensionnel. La mondialisation de l’économie, ainsi définie comme économicisation du monde, émancipe totalement la mégamachine techno-économique. Autrement dit, celle-ci absorbe presque intégralement le politique. Cette situation entraîne à terme l’effondrement de la société civile auquel nous assistons. L’expertise remplace la citoyenneté, la technocratie se substitue silencieusement et insidieusement à la démocratie. Il n’y a plus d’enjeu, parce qu’il n’y a tout simplement plus de valeurs à débattre. Ajoutons à cela que les soucis et les contraintes innombrables de la vie quotidienne de l’homme moderne détournent le citoyen devenu usager et consommateur passif, voire manipulé, de s’intéresser à la vie politique autrement que comme spectacle télévisé. La politique-spectacle a précisément pour fonction de faire survivre l’illusion du politique. Comme l’écrivait Romain Gary : Dans cette immense machine technologique de distribution de la vie, chaque être se sent de plus en plus comme un jeton inséré dans la fente, manipulé par des circuits préétablis et éjecté à l’autre bout sous forme de retraité et de cadavre. Bien sûr, cette évolution n’a pas démarré hier, elle est en germe, elle aussi, dès les origines de la modernité, mais elle ne prend toute son ampleur qu’avec l’effondrement du compromis entre marché et espace de socialité réalisé dans la nation, soit la fin des régulations nationales, substituts provisoires et, finalement, à l’échelle de l’histoire, séquelles ultimes du fonctionnement communautaire. La montée en puissance de la technoéconomie entraîne l’abolition de la distance, la création de ce que Paul Virilio appelle une télécité mondiale et l’émergence du village-monde, d’où un effet d’effondrement immédiat de l’espace politique. À partir du moment, déclare Paul Virilio, où le monde est réduit à rien en tant qu’étendue et durée, en tant que champ d’action, de ce fait, réciproquement, rien peut être le monde, c’est-à-dire que moi, ici, dans mon donjon, dans mon ghetto, dans mon appartement (cocooning), je peux être le monde ; autrement dit, le monde est partout , mais nulle part (Interview publié dans le Monde, janvier 1992). Les micro-ordinateurs, les réseaux câblés comme internet, le multimédia accentuent ce rétrécissement. L’accès au forum planétaire, fut-il virtuel, rend caduque l’agora nationale. Une des conséquences de ce repli sur soi est la réapparition des guerres privées. Elles ont resurgi hier en Yougoslavie ou Tchétchénie, aujourd’hui au Liban. La disparition des distances qui crée cette télécité mondiale crée aussi immédiatement la disparition de l’espace national et la réémergence de ce chaos qui rappelle le haut Moyen-âge et la féodalité.
Antonio Torrenzano. Et la disparition du politique comme instance autonome et son absorption dans la sphère économique ?
Serge Latouche. La disparition du politique comme instance autonome, et son absorption dans l’économique fait réapparaître ce qui était l’état de nature selon Hobbes, la guerre de tous contre tous ; la compétition et la concurrence, loi de l’économie libérale, deviennent ipso facto, la loi du politique. Le commerce n’était doux (suivant l’expression de Montesquieu) et la concurrence pacifique que lorsque l’économie était tenue à distance du politique. Dans un tel contexte de dégradation généralisée, le ” chacun-pour-soi ” tend à l’emporter sur la solidarité nationale. Celle-ci se grippe. Les citoyens renâclent à payer pour le “social”, qu’il s’agisse des prisons (dans une triste situation), des asiles, des hôpitaux, des écoles, des malades ou des chômeurs. Cela, d’autant plus, qu’à tort ou à raison, la gestion bureaucratique est montrée du doigt comme inefficace, que le lobby ultralibéral mondial pousse au démantèlement de toute protection sociale et de tout service public. Un mouvement important se dessine en faveur de la privatisation maximale de tout (retraites, sécurité sociale, allocations familiales…) au détriment de la mutualisation des risques. La montée en puissance de l’assurance privée qui s’ensuit alimente ces fonds énormes qui nourrissent à leur tour la spéculation des marchés financiers. La collectivité n’aurait en charge que le strict minimum, encourageant pour le reste le recours à la bienfaisance privée, comme cela est le cas déjà pour le tiers-monde. Je vous fais un exemple: devant la surenchère électorale du candidat républicain, Robert Dole, l’ancien président Bill Clinton a cédé (en août 1996) sur l’abrogation de l’État-providence de Roosvelt, abandonnant l2 millions de pauvres à leur sort, et cela à l’encontre de tous ses engagements antérieurs. Vue d’en bas, la crise du politique se traduit par l’effondrement du social et donc, à terme de la société elle-même. La transformation des problèmes, en effet, par leur dimension et leur technicité, la complexité des intermédiations et la simplification médiatique des mises en scène ont dépossédé les électeurs, et souvent les élus, de la possibilité de connaître et du pouvoir de décider. La manipulation combinée à l’impuissance a vidé la citoyenneté de tout contenu. Le fonctionnement quotidien de la mégamachine implique cette abdication pour des raisons très terre-à-terre : la dépossession productive et l’absence du désir de citoyenneté.Les responsables politiques, eux-mêmes, fonctionnent comme des rouages du mécanisme. Ils se font les exécutants de contraintes qui les dépassent. Les hommes politiques deviennent à leur insu des marionnettes dont les ficelles sont tirées par d’autres, quand ce ne sont pas des “denrées” qu’on achète et vend entre le plus offrant ou le moins-disant, sur un marché politique. La médiatisation de la politique politicienne accentue le phénomène de façon caricaturale. La dimension essentielle actuelle du jeu politique n’est plus le savoir-faire, mais le “faire savoir”. La politique se transforme de plus en plus en marché (développement du marketing politique). La démocratie médiatique substitue l’ambition de plaire à celle de convaincre. Elle prolonge indéfiniment l’agonie du politique en faisant vivre l’illusion de celui-ci comme spectacle. Aboutissement logique de tendances anciennes, ces phénomènes sont récents et en cours d’achèvement.
Antonio Torrenzano.
Fabio Gualtieri.
Claudio Poletti.
Bibliographie.
Serge Latouche, «Le pari de la décroissance», Paris, éd. Fayard,2007.
Serge Latouche, «Survivre au développement», Paris, éd.Mille et Une Nuit, 2004.
Serge Latouche, «Décoloniser l’imaginaire»,Paris, éd. Paragon, 2003.
Serge Latouche, «La Déraison de la raison économique»,Paris, éd. Albin Michel, 2001.
Serge Latouche, Antonio Torrenzano, «Immaginare il nuovo. Mutamenti sociali, globalizzazione, interdipendenza Nord-Sud»,Turin, éd. L’Harmattan Italie, 2000 (essai en langue italienne).
Serge Latouche, «La mégamachine. Raison techno scientifique, raison économique et mythe du progrès», Paris, éd. La découverte, 1995. (traduction italienne éd.Bollati Boringhieri, Turin l995).
Pour l’avenir… alerte faim! Conversation avec Daly Belgasmi, directeur du PAM de l’ONU, bureau de Genève.
Conversation avec Daly Belgasmi, agronome, économiste, directeur du bureau Programme alimentaire mondial des Nations Unies à Genève. Le dialogue a eu lieu à Genève pendant un séminaire avec des étudiants italiens, le 20 mars 2008.
Antonio Torrenzano. La situation alimentaire dans le monde, elle n’est pas satisfaisante. Les agences techniques des Nations Unies ont recensé plus de 39 pays affectés par des crises alimentaires,dont 25 en Afrique, 11 en Asie et Proche-Orient, 2 en Amérique latine et 1 en Europe, la Tchétchénie.
Daly Belgasmi. Le monde est confronté au problème de la faim qui se présente aujourd’hui dans une manière énorme. L’augmentation des prix des céréales et du pétrole autant que de la baisse du dollar a changé le panorama économique. Jamais l’index des prix des céréales n’a été aussi élevé depuis sa création en 1845. Jamais les réserves alimentaires dans le monde n’ont été aussi basses : 53 jours de réserve aujourd’hui contre 169 jours en 2006. Nous sommes entrés dans une ère où il n’y a plus de surplus alimentaire. Nous avons à relever un défi comme n’en avons jamais connu. Dans le monde industrialisé, une famille dépense en moyenne 15% de ses revenus à l’achat de norriture.Dans les pays pauvres, ce pourcentage atteint parfois jusqu’à 75%. Or, si comme les économistes affirment, les prix des céréales augmentent encore de 20%, comment feront-ils les familles des pays du Sud de la planète ? Le spectre de la famine commencera alors à se dessiner. Pas étonnant dans ces conditions que des manifestations contre l’augmentation des prix des céréales aient éclaté au Burkina Faso, au Mexique,au Cameroun et ailleurs dans le monde. Aucun Pays en voie de développement ne peut être épargné.
Antonio Torrenzano. L’agriculture, dans sa configuration contemporaine et dans les cadres de politiques libérales, peut conduire à des raretés pénibles. En termes absolus, l’objectif du Millénaire de réduire de la moitié le nombre des individus affamés pourra-t-il être rempli ?
Daly Belgasmi. Nous sommes non seulement loin de pouvoir atteindre l’objectif du Millénaire de réduire la moitié du nombre des 852 millions de personnes affamées dans le monde d’ici 2015, mais nous risquons de perdre les acquis. En termes absolus et en raison de l’augmentation de la population mondiale, quatre millions de personnes de plus chaque année souffrent la faim. Les actions développées par le PAM et les autres agences techniques des Nations Unies, elles ont produit des progrès. Des pays, par exemple, comme la Chine et l’Indie ont tiré de la misère des millions des leurs citoyens. Le Ghana, le Chili, le Brésil et le Vietnam pourraient atteindre l’objectif du Millénaire. Le Programme alimentaire mondial, après l’augmentation de 40% de ses couts d’achats de vivres et de transport depuis le mois de juin 2007, il aura besoin au moins d’un demi-milliard de dollars de plus sur son budget prévu de 2,9 milliards de dollars pour maintenir l’assistance à 73 millions de personnes. Une évolution qui peut paraître impressionnante si l’on ne tient pas compte de la progression de la faim dans le monde. La fin de la guerre froide a entraîné de plus la multiplication des conflits. Sans parler du plus grand nombre de catastrophes naturelles.
Antonio Torrenzano.Dans ces conditions, il faudra sans doute plus de moyens que prévu pour résoudre les problèmes annoncés, notamment en Afrique. Il faudra exercer une pression mondiale plus forte pour mener une meilleure situation de vie dans ces régions et alerter la communauté internationale sur la nature et l’urgence des mesures à prendre.
Daly Belgasmi. Plusieurs facteurs expliquent le prix élevé des céréales:l’augmentation du prix du pétrole, les changements climatiques, la production des biocarburants, la croissance économique de la Chine et de l’Indie. Il est donc urgent que les pays industrialisés revitalisent leur aide au développement agricole qui n’a pas bougé depuis 1984 et que les pays africains qui se sont engagés à utiliser 10% de leur budget national pour le développement agricole le fassent sans tarder. Car il s’agit du défi plus important à relever pour la paix et la sécurité dans le monde. L’heure est grave et le Programme alimentaire mondial ne sonne pas l’alarme sans raison. Le temps est une donnée cruciale de l’action humaine, surtout dans la relation de l’homme avec la nature.
Antonio Torrenzano
Pauvreté, guerre, faim et épidémies:un avenir de progrès? Conversation avec Jean Ziegler,spécial rapporteur ONU.
Conversation avec Jean Ziegler, professeur à l’Université de Genève, rapporteur spécial de la commission de droits de l’Homme des Nations Unies pour le droit à l’alimentation. Le dialogue a eu lieu pendant les journées internationales d’étude auprès de la Fondation Pio Manzù à Rimini.
Fabio Gualtieri. Jurgen Habermas, dans son dernier livre, fait plusieurs fois usage du mot “weltinnerpolitik”.Quel sens donnez-vous au concept de Habermas?
Jean Ziegler. Tout ce que les Chefs d’État peuvent faire aujourd’hui sur le territoire qui contrôlent constitutionnellement,à l’intérieur des frontières nationales, c’est transférer et appliquer le diktat du capital financier mondial. La première chose qui fait au matin le premier ministre italien ou Madame la première ministre Angela Merkel quand elle se lève, comme tous leurs collègues, c’est consulter les données et les indicateurs économiques du jour précédent pour savoir – comme Habermas dit – le millimètre d’espace qu’il lui reste pour définir sa propre politique fiscale, politique d’investissement, politique de croissance.
Claudio Poletti. Pourrons-nous éviter tout cela ?
Jean Ziegler: Nous sommes à la deuxième série de questions. Richesses immenses se sont produites dans les mains d’un numéro très resserré de firmes. Je ne l’ennuierai pas avec des numéros, car tout ceci se trouve déjà dans mon essai la “privatisation du monde” qui est aussi traduit en langue italienne. Je me limiterai à faire des exemples. Les 225 plus importantes multinationales du monde ont ensemble dépassé 1200 milliards de dollars, qui correspondent aux avoirs de 43,8% des hommes de la planète, plus de 2,6 milliards d’individus. Actuellement nous sommes 6,2 milliards d’habitants sur la planète; 4,8 milliards d’individus vivent dans un des 122 Pays en voie de développement tandis que 225 individus possèdent l’équivalent de ce qu’il dispose le 43,8% de l’humanité. En 2005, presque 200 sociétés multinationales contrôlaient toutes seules le 23,8% du produit mondial brut, c’est-à-dire le 23,8% des richesses produites sur la planète. Les sociétés privées sont devenues plus puissantes que les États. Je ne ferai que deux exemples qui ne concernent ni le Tchad, ni l’Éthiopie,ni le Bangladesh. Le volume d’affaires de la société General Motors – l’année dernière – a dépassé le produit intérieur brut de l’État du Danemark; le volume d’affaires de l’Exxon Mobil a dépassé, en revanche, le produit intérieur brut de l’Autriche. La seule chose que l’on puisse faire, c’est d’expliquer aux gens ce qu’il y a derrière toutes ces spécificités financières et chercher ainsi à les dénoncer.
Antonio Torrenzano. Je trouve que les élites vivent dans un monde raréfié, où c’est réel seulement le quantifiable. Mais alors, la pauvreté, la faim, les épidémies, la guerre dans le sud du monde sont-elles aussi un progrès quantifiable?
Jean Ziegler. Entre les quatre cavaliers de l’apocalypse du sous-développement: la faim, la soif,les épidémies et la guerre, je prendrai en considération simplement la faim. Chaque jour sur la planète 100.000 individus meurent de faim ou de ses conséquences immédiates. Toutes les sept secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim, toutes les quatre minutes quelqu’un perd la vue pour carence de vitamine A. En 2002, 846 millions d’individus ont souffert la faim, sous-alimentez, ils ont cessé d’avoir chaque type de vie sexuelle, familiale, relations dans le monde du travail, parce que rendus infirmes par un état chronique de sous-alimentation. En 2001 ils étaient 821 millions,les chiffres augmentent dans une manière absolue. Le même World Food Report nous dit qu’aujourd’hui l’humanité pourrait s’alimenter sans problème ou garantir pour chaque individu une quantité de nourriture équivalente de 2700 calories par jour pour douze milliards d’êtres humains. Mais la situation est différente! Il n’y a pas aucune fatalité, il n’y a pas aucune loi de la nature qui justifie ce sacrifice de vies humaines. Pour chaque enfant qui meurt de faim, il y a un assassin ! J’ai pris en examen seulement la faim, mais j’aurais pu parler des 2,2 milliards de gens qui n’accèdent pas à l’eau. J’aurais pu parler du low intensity war, des indicateurs de l’Organisation mondiale de la santé qui communique la réapparition de toutes les grandes épidémies: du paludisme au choléra, sans parler du sida. Je m’arrête, l’ordre mondial contemporain n’est pas seulement meurtrier, il est aussi absurde. Seulement en 2005, les victimes ont été 52 millions à cause de ce que nous appelons sous-développement.
Antonio Torrenzano. Qu’est-ce qu’il y aura après la mondialisation?
Jean Ziegler. Le pouvoir territorial de l’État-nation est presque mort. Harbermas affirme que les Nations Unies incarnent la nouvelle démocratie transcontinentale. Je ne crois pas, puisque l’ONU se trouve dans une situation de pleine schizophrénie. Je le cite l’invitation de la Banque Mondiale que j’ai reçue, dans l’avril 2003, salle 11 du Palais des Nations à Genève, dont le titre était “will development ever reach the poor?”. La situation contemporaine est un gigantesque insuccès. En 1990 sur la planète deux milliards 718 millions de personnes vivaient en conditions d’extrême pauvreté, huit ans plus tard deux milliards 800 millions, donc cent millions en plus.
Fabio Gualtieri
Claudio Poletti
Antonio Torrenzano
Bibliographie.
Jean Ziegler, «Les nouveaux maîtres du monde et ceux qui leur résistent», Paris, Fayard, 2004.
Jean Ziegler, « Le Droit à l’alimentation», Paris, éd. Mille et une nuits, 2003.
Jean Ziegler, « La faim dans le monde expliquée à mon fils», Paris, éd. Seuil,1999.
Jean Ziegler, « Les seigneurs du crime, les nouvelles mafias contre la démocratie », Paris, éd. Seuil, 1998.
Où est passé l’avenir ? Dialogue avec Marc Augé.
Conversation avec Marc Augé, anthropologue, écrivain, professeur. Il est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales de Paris, dont il a été le président de 1985 à 1995. Auteur notamment de «Non-lieux», Marc Augé a écrit nombreux essais sur la modernité publiés en différentes langues étrangères et plusieurs conversations sur l’anthropologie et la modernité. Comme auteur, il vient de publier son dernier essai «Où est passé l’avenir ?», aux éditions du Panama de Paris. Le dialogue avec le professeur s’est développé dans plusieurs rencontres en deux villes italiennes: Modène et Reggio Émilia pendant le printemps 2008.
Antonio Torrenzano.Dans votre dernier essai, vous écrivez que l’historie ancienne et contemporaine, elle ne réussit plus à suggérer des solutions pour l’avenir et que notre temps présent apparaît de plus en plus incertain. Pourquoi l’avenir s’est-il évanoui dans les consciences individuelles comme dans les représentations collectives?
Marc Augé. L’évolution actuelle nous oblige en effet à affronter une complexité accrue. Et l’avenir, sans doute, est moins prévisible qu’hier. Mais je vous ferai remarquer que c’est au prix d’une erreur que les hommes, hier, pouvaient se croire capables d’imaginer leur avenir. Je distinguerai à cet égard deux types d’erreurs: l’erreur morale, par excès d’optimisme, et l’erreur intellectuelle par incapacité à concevoir la complexité. Ce point mérite qu’on s’y arrête, car il commande la réponse à votre interrogation concernant le problème du sujet et de la pauvreté de nos instruments de connaissance. En fait, dans les sciences humaines comme dans les sciences de la nature,la connaissance progresse, mais le progrès lui-même découvre l’immensité de ce qui reste inconnu. Plus nous comprenons, plus se démêle une complexité dont il n’est pas question de trouver l’ultime secret. Je crois que nous sommes en train d’apprendre à changer le monde avant de l’imaginer, à nous convertir à une sorte d’existentialisme pratique. L’avenir fut longtemps porteur d’espoir pour de nombreuses civilisations. Un présent immobile s’est désormais abattu sur le monde, désactivant l’horizon de l’Histoire aussi bien que les repères temporels des générations. Durant des siècles et des siècles, le temps fut porteur d’espoir pour les sociétés humaines. On attendait que l’avenir apporte, selon les cas, apaisement, évolution, maturation, progrès, croissance ou même révolution. Ce n’est plus la circonstance. L’avenir semble avoir disparu. Un nouveau régime s’instaure. Il influe sur la vie sociale au point de nous faire douter de la réalité. La démocratie et l’affirmation individuelle prendront de rues inédites dans ce nouveau panorama que nous sommes en train de commencer à apercevoir seulement à présent. La catastrophe serait de comprendre trop tard que, si le réel est devenu fiction, il n’y a plus d’espace possible pour la fiction, ni pour l’imaginaire.
Antonio Torrenzano.Que dire de la modernité dans ce contexte historique? Je souhaite encore savoir comment les sciences sociales et humaines elles affrontent cette double complexité.
Marc Augé. La modernité entendue comme mouvement correspond à l’idée que l’on partageait au XIXe et XXe siècle: l’Histoire avait un sens (une signification,une direction) qui se construisait généralement par accumulation, non par élimination. La ville qu’observe Baudelaire c’est Paris. C’est une ville que se transforme. La forme d’une ville change plus vite, hélas que le coeur d’un mortel, mais la ville que se transforme garde ses marques, ses traces. L’accumulation croissante s’inscrit dans l’espace moderne. Aujourd’hui, les nouveaux espaces ne sont pas des espaces d’accumulation et de cohabitation. Les espaces nouveaux sont ceux qui permettent les déplacements rapides, la transmission des images et de l’information (télévision, internet, le cyberspace), ou la consommation (les hypermarchés constituent des «concentrés d’espaces» où ce sont les différents produits de la planète qui coexistent). Dans tous ces espaces (ceux que j’ai appelés «non-lieux») on ne retrouve plus l’épaisseur de la modernité, des temps accumulés. C’est un premier point. Une autre question est de savoir si l’ensemble de la situation contemporaine peut être qualifié comme «post-moderne», «liquide». Je n’aime pas ces expressions parce que je ne pense pas qu’il veuille dire grand-chose de précis. On peut l’entendre d’ailleurs dans des sens assez différents et il a sûrement été utilisé différemment par Jean-François Lyotard et par les anthropologues nord-américains. J’ai toujours suggéré le mot «sur-modernité», au sens où l’on a parlé de surdétermination (Freud et Althusser). Pour pouvoir analyser efficacement notre présent, il faut l’analyser en ce moment même. Dans les domaines des sciences sociales et humaines, la complexité est double. Certes, de longue date, et sur tous les continents, les mystères de la conscience, les comportements humains, la nécessaire complémentarité entre l’affirmation de soi et la relation aux autres, la co-présence de la mort et de la vie, ils ont fait l’objet d’observations, de mises en forme symboliques qui ne relevaient pas de l’arbitraire et de réflexions profondes à l’écho desquelles nous ne sommes encore pas, aujourd’hui,indifférents. Mais l’on ne peut pas dire que nous n’ayons pas progressé, sur plusieurs plans, dans la connaissance de l’Homme comme créature intelligente et comme créature sociale.La seconde complexité tient au fait que l’objet empirique des sciences sociales (les hommes en société) change avec le temps : les hommes sont dans l’histoire; les hommes se multiplient,s’organisent et se réorganisent. Autrement dit, la complexité croissante de l’objet des sciences sociales ne tient pas seulement à l’amélioration des connaissances, comme dans les sciences physiques, mais à ses transformations: planétarisation, développement technologique, croissance démographique. Mais, là encore, qui dit «progrès du savoir» dit aussi «complexité accrue».
Antonio Torrenzano. Existe-t-il des remèdes, ou des issues de secours ?
Marc Augé. À partir du XXe siècle, la science a accompli de progrès accélérés qu’aujourd’hui ils nous laissent apercevoir de perspectives révolutionnaires. Nouveaux Mondes commencent de s’ouvrir devant à nous: d’un côté, la vision des désastres de la planète avec ses bouleversements climatiques et ses conséquences; de l’autre, la frontière entre la matière et la vie, l’intimité des êtres vivants, la nature de la conscience de chaque individu. J’ai deux observations, à ce propos. La première est tournée vers l’éducation des jeunes. Je crois, en effet, que si nous ne réalisons pas de changement révolutionnaire; il y aura le risque que l’humanité se divisera entre «une aristocratie du savoir et de l’intelligence» et une masse sociale chaque jour moins informée sur celui-là que la connaissance comporte. Cette inégalité reproduirait et il multiplierait en conséquence une supérieure inégalité économique. L’éducation, donc, est la priorité des priorités. La seconde observation est tournée, en revanche, aux conséquences technologiques de la science. Les images et les messages qui nous entourent, ils tâchent de nous rassurer, ils nous aliènent dans le nouvel ordre social,mais sans nous donner les moyens pour le comprendre. Il naît d’ici le risque que j’appelle cosmos-technologie. La science nous fournit l’illusion que tout soit fini, que le monde soit fini. Il nous aide à vivre mieux, mais elle n’a pas produit une nouvelle conscience sociale. La science n’a pas besoin d’inégalités ni de domination. Si, de fait, elle dépend de la politique qui la finance et, en large mesure, l’oriente; la science répond au droit naturel du désir de connaître. Les sciences de la nature ont-elles répondu à cette exigence? Il ne me semble pas si nous analysons le haut taux de misère et d’ignorance de ce désir dans presque 50% de la planète. Le monde contemporain n’obéit pas encore à l’idéal de connaissance et d’une éducation pour tous. S’il était vrai, le contraire ; les mondes contemporains seraient plus justes et aussi plus riches. Nous vivons dans une époque où ils arrivent de choses qu’ils pourraient être très intéressants à raconter, mais qu’ils coulent dans une réalité dominée par l’idéologie de la consommation et des images.
Antonio Torrenzano
Bibliographie (principales publications de Marc Augé).
Marc Augé, «Où est passé l’avenir ?», Paris, éditions du Panama, 2008.
Marc Augé, «Le Métier d’anthropologue:sens et liberté.», Paris, éd.Galilée, 2006.
Marc Augé, «Pourquoi vivons-nous ?», Paris, éd. Fayard,2003.
Marc Augé, «Les formes de l’oubli.», Paris, éd.Rivages, 2001.
«La Grèce pour penser l’Avenir», Marc Auge, Cornélius Castoriadis, Marie Daraki, Philippe Descola, Claude Mosse, André Motte, Marie-Henriette Quet, Gilbert Romeyer-Dherbey, avec une introduction de Jean-Pierre Vernant. Paris, l’Harmattan France, collection l’Homme et la Société, 2000.
Marc Augé, «Pour une anthropologie des mondes contemporains», Paris, éd. Flammarions,1999.
Marc Augé/Antonio Torrenzano, «Dialogo di fine Millennio. Tra antropologia e modernità», Turin, l’Harmattan Italie (essai en langue italienne), 1997.
Marc Augé, «Symbole, fonction, histoire. Les interrogations de l’anthropologie», Paris, éd. Hachette , 1979.
Marc Augé, «Pouvoirs de vie, pouvoirs de mort. Introduction à une anthropologie de la répression», Paris, éd. Flammarion, 1977.
XXIe siècle, quel avenir? Conversation avec Jacques Attali.
Conversation avec Jacques Attalì,écrivain, économiste, ancien conseiller de François Mitterand, puis président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Il dirige à présent PlaNet Finance et il a présidé la Commission pour la libération de la croissance française. Il a publié de nombreux essais et romans. La conversation a eu lieu à Milan à l’Innovation Forum 2008, au mois de mars 2008.
Antonio Torrenzano. Pourquoi la mondialisation a-t-elle produit des contradictions à l’intérieur du modèle de développement et dans les relations internationales?
Jacques Attalì. Nous avons d’exploser de contradictions intérieures à notre modèle de développement. Comme vous voyez, d’un côté nous avons une économie mondiale basée sur le marché, sur la libre circulation des marchandises et sur la libre concurrence. De l’autre, nos systèmes démocrates fonctionnent seulement à l’intérieur de frontières nationales. La crise contemporaine naît vraiment de cette dichotomie par laquelle dérive la diffusion de conflits. La première contradiction est celle de la démocratie, qui ambitionne à régler de procès devenus transnationaux et à limiter les évolutions centripètes du système productif; la deuxième est celle du marché, qui coïncide avec de règles de l’autodétermination absolue des individus et avec une certaine idée de liberté et l’abattage de chaque régulation. Le monde est emporté par la plus forte vague de croissance économique de l’histoire, créatrice à la fois de richesses inconnues et d’inégalités extrêmes, de progrès et de gaspillages,à un rythme inédit. Plus de 100 pays dans le monde ont aujourd’hui un taux de croissance de leurs produits intérieurs bruts (PIB) supérieur à 5 %. L’Afrique elle-même, comme l’Amérique latine, croît à plus de 5 % par an. La Chine connaît des taux supérieurs à 10 % depuis plusieurs années, l’Inde la talonne, à près de 9 %, l’économie russe se rétablit avec 7 % de croissance. Mais, la croissance économique n’entraîne pas systématiquement la justice sociale, mais elle lui est nécessaire : l’enrichissement n’est pas un scandale, seule l’est la pauvreté.
Antonio Torrenzano. Je me pose, cependant, une réflexion très personnelle: l’humanité entière sera-t-elle globalement bénéficiaire? Encore, comment résoudre cette contradiction et rendre le pouvoir à la politique ?
Jacques Attalì. Avant tout, en ouvrant nos démocraties à dimensions plus amples de celles de l’État-nation. Nous devons établir de nouveaux modèles de droits de citoyenneté qui dépassent les limites des frontières contemporaines. Un exemple? On ne peut pas théoriser et poursuivre la libre circulation des marchandises sans permettre celle des individus. Puis, en établissant de règles claires qui guérissent et qui limitent les prétentions du marché. Si la gouvernance politique, économique, commerciale, environnementale, financière et sociale de la planète sait s’organiser, la croissance mondiale se maintiendra très durablement au-dessus de 5 % par an.
Claudio Poletti. Par exemple en Europe en renforçant les pouvoirs de l’Union européenne ?
Jacques Attalì. Il s’agit de renforcer les pouvoirs de l’Union européenne à l’intérieur du procès d’intégration. L’Union européenne est le seul moyen que nous avons pour rendre de l’efficience à la politique et gouverner quelques-uns des procès mondiaux à présent en acte. Comme nous avons affirmé dans le «Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française», l’Europe croît aujourd’hui moins de deux fois moins vite que la moyenne mondiale, et moins vite que la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), même si sa démographie est sur une pente déclinante, l’Europe n’a aucune raison de rester à la traîne. Même si elle n’a pas à opérer le rattrapage dans lequel sont engagés les autres, elle doit lancer d’immenses investissements pour bénéficier des bouleversements technologiques à venir et rattraper le rythme du reste du monde. De fait, certains pays de notre continent s’y préparent mieux que d’autres : l’Allemagne a modernisé la partie orientale du pays, dynamisé son marché du travail et sa formation, développé des industries nouvelles, comme les énergies renouvelables. Le Royaume-Uni s’est engagé durablement dans la réforme de son système scolaire et de son réseau de santé, et dans la valorisation de son industrie financière. L’Italie, le Portugal, la Grèce et plusieurs nouveaux États membres ont eux aussi mené des réformes courageuses, pour surveiller leurs dépenses publiques, moderniser leur administration, et mieux recruter leurs agents publics. L’Espagne a oeuvré pour l’accès de tous à la propriété du logement, dans une économie en quasi-plein-emploi. La Suède a réorganisé son administration en agences et a développé la concurrence entre divers prestataires de services publics. Le Danemark a bâti un modèle efficace, concurrentiel, solidaire et flexible, accordant une attention prioritaire à l’éducation, à la recherche, au dialogue social et au plein-emploi. La Finlande est devenue le numéro 1 mondial dans la compétitivité, par l’action heureuse d’une politique efficace de recherche et d’innovation. Tous ont compris l’urgence qu’il y a à accueillir des étrangers pour combler leurs lacunes démographiques et pour développer des innovations.
Fabio Gualtieri. Dans vos essais «L’homme nomade» ou dans «Une brève histoire de l’avenir», vous reconnaissez une importante contribution historique aux migrants pour ce qui concerne le répandre d’idées et transformer les cultures. Quel patrimoine les immigrés d’aujourd’hui portent-ils dans nos sociétés?
Jacques Attalì. Un patrimoine énorme parce que la nouveauté arrive toujours du sud de la planète. Je vous fais un exemple qu’il pourra vous sembler extravaguant: c’est de la musique occidentale. La musique occidentale s’est toujours renouvelée en puisant aux pleines mains par des cultures musicales africaines et du Sud de la planète. C’est encore comme ça à présent. Il n’est pas tout à fait étrange, si on pense que dans cette région de la planète, ils vivent plus de la moitié de l’humanité. Il est là qui est né le microcrédit. Il est là que les nouvelles technologies ont été développées et elles sont capables de résoudre, dans une manière essentielle et aiguë, de problèmes que nôtre technologie n’est plus en mesure de reconnaître. Il est de là qui nous arrive de systèmes de valeurs capables, dans le respect et dans la valorisation réciproque, de nous renouveler.
Antonio Torrenzano. Pour passer à l’action, il est nécessaire de se fabriquer une nouvelle clé politique. Le défi est-il de rééquilibrer le système par le biais d’une nouvelle gestion de gouvernance mondiale?
Jacques Attalì. Le prochain défi consistera dans la conjugaison de nouvelles idées de la science de la politique à la réalité. La mondialisation a produit jusqu’à présent d’effets dans la sphère économique des marchandises et du marché. Ce qu’il sert maintenant, il est une mondialisation de la démocratie. À ce but, il faut penser à l’usage des modernes technologies en champ politique, à une nouvelle idée de démocratie participative, à un nouveau rôle des institutions internationales qui s’occupent de gouvernance mondiale.
Antonio Torrenzano,
Fabio Gualtieri, Claudio Poletti.
“Del doman non v’è certezza”.
Essayons-nous d’imaginer la modernité comme un archipel constitué par une série de mots-clés: identité, altérité, humanité, cosmopolitisme, civitas, différence. Encore,Orient/Occident, Nord/Sud du monde, absolutisme/relativisme,interdépendance/conflit.Quoi faire en ce présent suspendu entre l’ancien ordre juridique et économique du XXe siècle et une gouvernance mondiale pas encore construite? Derrière chaque parole unique, ils se cachent les grands sujets du débat contemporain : la fonction de la politique, le rapport entre moi-même et l’autre, les dangers du fanatisme, les relations entre profit et pauvreté. L’époque qui débuta par la construction du Mur d’Hadrien ou de la Grande Muraille de Chine et se termina par le Mur de Berlin est terminée.
Dans notre espace planétaire global, on ne peut plus tracer de frontière derrière laquelle on pourrait se sentir vraiment en sécurité. Dans «l’hypermarché de la globalisation» se renforcent les appartenances de groupe en fonction identitaire. Le monde traverse donc un changement profond qui amène plusieurs peuples et nations non occidentaux à chercher de nouveau leur identité et le chemin de leur futur. Comme le disait Paul Virilio, nous vivons dans un monde qui n’est plus basé sur l’étendue géographique, mais sur une distance temporelle que nous faisons constamment décroitre par nos capacités de transmission et de téléaction… Le nouvel espace est l’espace-vitesse; ce n’est plus un espace-temps. Cette nouvelle vitesse rend l’action momentanée et donc pratiquement impossible à devenir mémoire.
Mais, ce nouvel espace signifie aussi interdépendance et cohabitation. Ce qui arrive aujourd’hui quelque part dans le monde nous touche tous. Mais cela signifie aussi que la culture mondiale ne détruit pas les identités, mais les transforme. Il s’agit de quelque chose d’absolument nouveau, mais en même temps d’ancien. Dans la mondialisation, les nations et les peuples ne meurent pas, mais ils s’adaptent et en s’adaptant se rapprochent. La mondialisation impose donc une cohabitation inévitable, parce qu’elle diminue les distances. Par conséquent, la cohabitation et la culture du vivre ensemble deviennent une nécessité. Devant la tentation de trop diviser le monde en mondes économiques, surtout en utile et inutile, il faut trouver vite de solutions. La globalisation au lieu de diminuer a probablement accru les inégalités.
Comment alors s’orienter dans cet archipel de la complexité et d’une réalité composée par de contrastes et pas par d’accords? Et encore, quels calculs faire de ce présent suspendu avec les oxymorons qui le caractérisent? Del doman non v’è certezza…
Antonio Torrenzano.
“Les enseignements d’Aldo Moro pour continuer une histoire”. Conversation avec Mino Martinazzoli, ancien secrétaire de la Démocratie Chrétienne.
Conversation avec Mino Martinazzoli, avocat, ancien ministre de la Justice de la République italienne, ancien secrétaire de la Démocratie Chretienne, collaborateur et ami de l’homme d’État Aldo Moro. Le dialogue a eu lieu auprès du Lycée scientifique d’État Aldo Moro de Reggio Émilia.
Antonio Torrenzano. Est-ce qu’on peut considérer Aldo Moro comme l’homme politique italien qui a plus compté dans la vie sociale et politique italienne après Alcide De Gasperi ?
Mino Martinazzoli. Aldo Moro a été après Alcide De Gasperi, l’homme politique qui a plus compté dans les ans dramatiques de la “Première République” italienne. Je crois que non seulement nous n’en doutons pas de cette affirmation, mais ils ne doutent maintenant plus les Italiens. Dans l’homme d’État Aldo Moro, il y avait une disposition maïeutique par laquelle ses analyses et son agir politique étaient une nécessité historique pour le développement de l’expérience démocratique de l’Italie. Dans plusieurs occasions Aldo Moro, il nous avait avertis que notre action politique se déroulait dans un contexte de démocratie difficile. Il était la seule démocratie permise à une Italie, il affirmait, qui restait dans une condition géopolitique d’un monde divisé par une concurrence idéologique irrémédiable, dans une Europe occupée pour la moitié à l’est d’un communisme puissant et réalisé, dans une Italie dans laquelle vivait le plus fort et le plus diffus parti communiste. Mais il faut nous demander pourquoi Aldo Moro avait cette capacité inédite d’interprétation des grands passages historiques des mouvements de l’histoire. Pourquoi l’action politique d’Aldo Moro était-elle tendue continuellement à se comparer, à se mesurer avec la dimension historique de la politique? L’homme d’État maintient cette position hors du commun parce que son action politique est toujours liée à son dessous idéal, moral et culturel qui est une exception à la règle de la politique italienne. Et cette condition d’exception fut aussi annonciatrice de beaucoup d’incompréhensions, de beaucoup d’hostilités puisque l’exception Moro était née dans un contexte politique et historique médiocre. Dans une polémique avec Pietro Nenni, par exemple, dans les derniers ans de sa vie politique, qui l’avait réprimandé de simplisme; Aldo Moro répond à Pietro Nenni sur les pages du quotidien “Il Giorno” par la suivante manière: nous ne sommes pas simplistes, nous ne sommes peut-être non plus simples, nous voyons les problèmes dans leur racine intérieure, nous regardons les profondeurs insoupçonnables, les plis amers des âmes humaines et la douleur de tous qui est notre douleur. Nous regardons autour et loin sans illusions. L’action politique d’Aldo Moro dérive donc par cette fidélité rocheuse à la foi; pour Aldo Moro l’inspiration chrétienne n’est pas le tourment d’une difficulté ou un simple sigle pour se distinguer d’autres, mais c’est le quid de son action politique. Action politique qui visait haut: vers la tutelle des besoins de tous les citoyens, aux droits sociaux pour tous, à la construction d’une démocratie pas comme simple formule, mais vraie réalisation de chaque individu et des exclus. Les grandes leçons de Jacques Maritain résonnent et retournent en Aldo Moro pendant toute sa vie politique. Leçons de Maritain qu’Aldo Moro connaissait bien et qu’il avait intériorisées pendant les ans du régime fasciste ensemble à la pensée du philosophe du droit italien Giuseppe Capograssi. L’action politique a du sens quand elle dirige son regard vers la pleine réalisation de chaque individu dans le cadre général de la liberté.
Antonio Torrenzano. Pouvez-vous nous faire des exemples?
Mino Martinazzoli. Je désire, encore une fois, souligner le parcours humain d’Aldo Moro, c’est-à-dire celle d’une robuste cohérence pendant tout l’arc de son aventure humaine et politique. Il n’existe pas contradiction entre le Moro intellectuel et professeur universitaire qui parle et qui écrit du droit, le Moro de l’Assemblée pour la rédaction de la Constitution italienne, le Moro des grands processus politiques pour la gestion du Pays. Il y a toujours cette fidélité à un but, à une idée exigeante de la politique de poser l’homme et sa dignité au centre de son action, au centre de la société démocratique, L’article 2 de la Constitution italienne: la République garantit les droits inviolables de la personne comme individu et dans les formations sociales. Il est la formule juridique qui sanctionne, dans une manière la plus élevée, la pensée d’Aldo Moro. Cette idée que l’homme naît comme être social, que la personne se reconnaît dans la relation, pas dans l’égoïsme ou dans la solitude de sa simple liberté, c’est en Aldo Moro une continue hantise de comprendre comment l’histoire de l’humanité pourra continuellement avancer. La liberté est le maximum étendu de nos possibilités, de nos capacités d’agir, la liberté n’aime pas de limites, cependant la liberté de chacun a besoin d’un ordre juridique qui rend tout vraiment libre. Je serais tenté de dire que l’idée de liberté pour Aldo Moro était le suivant : ma liberté commence où ta liberté commence. À l’ordre juridique, au contraire, appartient le but d’assurer cette liberté à tous les citoyens.
Antonio Torrenzano. Vous avez affirmé que pour Aldo Moro la liberté de chacun a besoin d’un ordre juridique qui rend tout vraiment libre. Quelle était alors l’idée d’Aldo Moro sur le rôle de l’État.
Mino Martinazzoli. L’idée d’État qu’Aldo Moro évoquait toujours avec des termes très précis, il était l’État qui pouvait garantir la complète dignité de chaque individu. Cette idée on peut la lire dans l’introduction de la Constitution italienne. Et à tous ceux qui lui objectaient la question: cette affirmation pour laquelle la République garantit…, que valeur juridique aura-t-il à l’avenir ? Aldo Moro expliquait: il aura la valeur de faire de manière qui ne sera pas permise à une majorité parlementaire quelconque d’aller au-delà ces préceptes et ces garanties de valeurs. Si son intention s’était réalisée, nous aurions probablement eu un pays différent et une condition politique différente. S’il n’avait pas été soustrait à sa vie, à sa famille, à la politique italienne, les événements seraient probablement allés de manière différente. J‘ai l’impression qui l’ampleur et la richesse des désirs d’Aldo Moro soient incomparables avec la condition qu’aujourd’hui nous concernes. Demain, il y aura quelque chose de nouveau, il aimait affirmer, et je vous réponds si ! Mais c’est aujourd’hui notre temps, notre présent, celui-ci est le temps qui a été donné à nous de vivre, celui-ci est le temps de notre bataille. Nous devons être capables de provoquer l’inertie bornée de l’Histoire, de plier le cours historique au procès de la libération humaine par l’action patiente de la politique ou nous, au contraire, accepterons le destin de l’histoire.
Antonio Torrenzano. Comment Aldo Moro analysait-il le mouvement du 68 en Italie?
Mino Martinazzoli. Aldo Moro avait toujours dit, pendant ses discours et en regardant la société comme il était, que dans les ans 1968/1969 il y avait une nouvelle évolution sociale, un nouveau procès de changement. Les individus demandaient d’être plus libres; la société voulait être plus autonome de la politique. Aldo Moro avait déjà compris le sens, le don précieux de ce mouvement d’émancipation sociale, le mouvement d’émancipation féminine auquel il regardait avec une grande sympathie. Il analysait ce mouvement juvénile dans une manière attentive et par un point d’observation privilégié : l’université. Il n’avait jamais voulu cesser de travailler comme professeur universitaire. Il affirmait qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre le mandat parlementaire et l’enseignement universitaire parce qu’il y avait pas de raison de se soustraire à ces frais et immédiats contacts avec les jeunes comme porteurs des nouveautés. Du mouvement 68/69 en Italie, Aldo Moro craignait les pointes les plus aiguës, les pointes extrêmes qui se jetèrent dans la violence et dans le terrorisme des années 70. Mais, je reviens à l’introduction de notre dialogue, pour dire que les souvenirs ne certifient pas une présence, ils affirment une mélancolie de l’absence. Il nous reste, cependant, la clairvoyance silencieuse d’Aldo Moro comme Mario Luzi l’a appelée. La fidélité et la cohérence à ses valeurs. Il nous reste un arbre qui grandit sur ses racines, l’idée qui résiste et s’alimente aussi dans le contraste, dans l’inertie, dans la déception, pour que la graine, qui trouve une bonne Terre, il puisse être réchauffé et gardé.
Antonio Torrenzano
“Aldo Moro vit par l’actualité de sa pensée”.Conversation avec Marco Ferri, Université de Modène.
Conversation avec Marco Ferri, professeur agrégé de droit, avocat, chercheur auprès de la faculté de sciences juridiques de l’Université de Modène. Marco Ferri a consacré une grande partie de sa recherche scientifique à Aldo Moro en qualité d’enseignant et d’éducateur.
Antonio Torrenzano. Peut-on affirmer qu’Aldo Moro vit par l’actualité de sa pensée?
Marco Ferri. La grandeur d’Aldo Mauro a été sa capacité d’anticiper les phénomènes, d’être un précurseur des événements sans jamais les poursuivre. Sa clairvoyance et sa force éthique, ils ont même marqué le parcours de sa vie jusqu’au moment ultime d’elle. L’actualité de sa pensée est renfermée dans la modération et dans la douceur de sa façon de déduire l’avenir. À ces qualités s’unissaient la profondeur et la perspicacité de ses analyses. La recherche d’un point d’équilibre ou de synthèse ne culminait jamais dans d’impositions unilatérales et infécondes. Aldo Moro a rendu propices d’importants procès progressifs pour la démocratie italienne, toujours féconds. J’étais un étudiant quand il fut assassiné, mais j’eus tout de suite la perception, bien que sommaire, de la gravité de l’assassinat d’Aldo Moro et du dégât provoqué à la démocratie italienne et à la société même. L’assassinat d’Aldo Moro a tragiquement souligné le sillon entre la férocité et la barbarie sanguinaire du groupe terroriste destiné à la faillite et la grandeur humaine d’un Homme qui a produit solutions politiques par ses idées.
Antonio Torrenzano. Et les discours à l’Assemblée, ses cours universitaires? Son rapport avec les étudiants?
Marco Ferri. Les discours auprès de l’Assemblée constituante pour la naissance de la République italienne sont un point de repère pour l’histoire contemporaine italienne dont son analyse sur la nécessité d’une irremplaçable et robuste école publique pour le Pays, mais sans le monopole sur le plan éducatif et pédagogique. Ses leçons universitaires de droit et procédure pénale à l’université de sciences politiques à l’université de Rome et Bari. Ses cours et ses réflexions sur la personne humaine, sur la dignité de chaque individu. Vous devez savoir que, pendant les leçons universitaires tenues dans l’année académique 1975/1976, Aldo Moro prononce 1214 fois les mots Personne humaine, Homme, Humanité. L’harmonisation des valeurs de l’individu est pour Aldo Moro une exigence consacrée par la règle juridique, soit du droit civil soit du droit pénal. La modernité et l’actualité de la pensée d’Aldo Moro, elles ne sont pas seulement vérifiables par ses cours universitaires, mais aussi par l’attribution de thèse de maîtrise à ses étudiants sur la tutelle pénale de l’environnement ou sur la tutelle pénale de la protection des données personnelles. Il était le 1976 et nous n’avions pas encore le réseau net. À la faculté de Sciences Po de l’université de Rome, comme il a toujours affirmé Giuliano Vassalli, Aldo Moro transmet à ses garçons et jeunes filles les principes fondamentaux de la vie humaine en partant du droit pénal. Le rapport avec ses étudiants n’était pas seulement traditionnel et j’aimerais vous l’expliquer par deux exemples. En cas d’absence d’un étudiant pendant ses cours ou l’hospitalisation d’une élève, la visite en hôpital ou à la maison de la part du professeur Aldo Moro était toujours ponctuelle, garantie afin d’acquérir renseignements sur l’état de santé de l’étudiant ou simplement pour le réconforter. Essaiez vous d’imaginer l’effroi de la visite inattendue… Comme pour les visites d’instruction qu’Aldo Moro et ses garçons avaient l’habitude d’organiser près de quelques instituts juvéniles de peine, prisons, hôpitaux psychiatriques à la fin de chaque cours universitaire. Aldo Moro croyait, en effet, que les étudiants devaient se rendre personnellement compte de la réalité. Réalité aux fois méconnues, réalité aux fois pas imaginées et prendre conscience de la souffrance. Pour l’organisation du voyage, par exemple, il y avait presque toujours deux autobus et le professeur Aldo Moro voyageait avec ses garçons en s’alternant entre les deux moyens de transport: à l’aller dans un autobus, au retour dans l’autre véhicule pour partager et réfléchir avec tout le monde sur la visite, mais surtout sur la réalité de situations.
Antonio Torrenzano.Comment peut-on alimenter ces lieux de mémoire ?
Marco Ferri. Qui veut alimenter la mémoire et avoir une fidélité pas superficielle à l’Aldo Moro enseignant, à l’Aldo Moro éducateur ainsi qu’Homme, il devra lire les essais de ses jeunes collaborateurs en ces temps-là, devenus après enseignants dans de nombreuses universités italiennes. Je pense à la précise oeuvre scientifique de Francesco Tritto, son élève le plus jeune et mort l’an dernier, qui a dédié à Aldo Moro une grande partie de sa recherche. Les écrits de Francesco Saverio Fortuna, les écrits de Giuliano Vassalli, de Maria Luisa Famigliari, Nicola Rana, Francesca Minerva ou de Fulco Lanchester ancien directeur de la faculté de sciences politiques de Rome. Ces travaux scientifiques ne sont pas traduits en langue française, mais ils sont la fidèle mémoire de l’opéré d’Aldo Moro. Je désire enfin rappeler l’article du même Aldo Moro,titré «Confindenze di un professore» et publié dans la revue Azione Fucina, au Noël du 1944. Dans son article, l’éducateur Aldo Moro affirme: l’enseignant reçoit toujours ce qui a donné. On reçoit toujours tout cela qui naît par d’un amoureux dévouement. Le don semble aux yeux de chaque enseignant une petite chose,mais, au contraire, il a de la valeur immense. Pour qui enseigne, celui-ci est le plus haut cadeau: la joie d’une jeunesse inépuisable qui s’alimente perpétuellement dans la fraîcheur des jeunes.
Antonio Torrenzano.
Bibliographie.
Aldo Moro, «Lezioni di istituzioni di diritto e procedura penale» (a cura di Francesco Tritto), Bari, Cacucci editore, 2005. L’essai, il contient aussi un DVD avec tous les cours développés par Aldo Moro pendant l’année académique 1975/1976 en format mp3.
Francesco Tritto, Saverio Fortuna, «Il valore della persona umana nel pensiero giuridico di Aldo Moro» in Crisi o collasso del sistema penale?, Cassino, Università agli studi di Cassino, 2002.
Fulco Lanchester, «Aldo Moro e la Facoltà romana di Scienze politiche», in atti dell’incontro della Facoltà di Scienze politiche de l’Université de Rome, 2002.
Giovanni Conso, «Ricordo di Aldo Moro», dans la revue Giustizia penale, 1978.
Saverio Fortuna, «Aldo Moro visto da vicino», Cassino,Università agli studi di Cassino, 2002.