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Depuis 2012, un nouveau processus politique est en cours en Somalie. Le pays, après vingt années de guerre civile, est en train de sortir du chaos où il s’était plongé depuis la chute du régime de Syad Barre en 1991. Pour deux décennies, la Somalie reste un pays sans “État” sans d’autres lois que celle du plus fort. Tout de suite après l’abdication de Syad Barre, le pays s’éclipse dans une longue guerre civile où l’anarchie et le chaos seront les deux piliers toujours omniprésents de cette période historique.

La guerre produit de gigantesques ruines et pour les habitants en ville, la vie quotidienne devient une lutte. Depuis 1993, chaque quartier de Mogadiscio se transforme dans un lieu de pouvoir d’un différent chef et pour un individu traverser la ville du nord à sud reste un exercice infiniment plus dangereux qu’à Beyrouth pendant la guerre. La guerre fait évoluer Mogadiscio vers une concentration de ruines où rien ne se reconstruit. Dans les anciens boulevards, la plupart des immeubles plongent en ruine. L’ancien quartier Shingani, quartier résidentiel sur le littoral, devient un assemblage d’édifices en ruines, de palais dévastés et d’avenues couvertes d’ordures.

En 2001, la ligne d’action des Nations Unies pour le développement juge la Somalie au dernier rang de l’indice de développement humain. En 2002, l’année suivante, le Pays sort du classement onusien pour ne plus y revenir en partageant cet amer privilège avec la Corée du Nord. Entre 2003 et 2005, les chefs des familles claniques de la guerre civile des années 1990 cèdent la place aux milices al-Shabaab, bras armé de l’Union des tribunaux islamiques.

L’effondrement de l’état somalien donne à ces milices et aux anciennes familles claniques, l’occasion favorable de développer leur activité dans un système commercial où la corruption a disparu sous sa forme étatique en entraînant une régulation nouvelle de l’économie informelle. À ce sujet, Mogadiscio devient presque un cas d’école pour les fauteurs de l’ultralibéralisme. Tous les services deviennent privés : l’électricité, l’eau, l’éducation, la téléphonie, la santé; il n’y a plus rien de public en Somalie. Même l’état civil des citoyens… il se fait au marché. C’est au marché qu’on achète les papiers d’identité et le passeport.

Dans cette période, des mafieux et des brigands joueront un rôle de premier plan et ils contrôleront Mogadiscio jusqu’en 2012 en obligeant par exemple le Kenya à se lancer dans l’opération militaire “Linda nchi”, afin de sécuriser ses frontières. De la fin de la dictature de Syad Barre à la difficile transition politique, l’histoire somalienne connaitra en succession des guerres locales, de nombreuses famines, plusieurs déplacements consécutifs de populations, le spectre islamiste, la violence des mouvements terroristes d’al-Shabaab. Aujourd’hui, le Pays est en train de retrouver ses symboles d’unité politique et sa nouvelle dimension étatique, mais le processus reste encore fragile et compliqué sur le plan politique.

Au mois de septembre 2018, avant de quitter son poste de Représentant spécial pour la Somalie, Michael Keating, avait souligné que les problèmes structurels politiques et de sécurité dans ce pays de la Corne de l’Afrique n’avaient pas fondamentalement changé. Devant le Conseil de sécurité, Michael Keating avait rappelé que la Somalie avait connu une transition pacifique du pouvoir présidentiel, avec un résultat accepté comme légitime. Une nouvelle chambre du Parlement représentant les familles claniques était devenue une réalité, le pourcentage de femmes députées avait passé de 14 à 24% et d’autres conflits comme ceux parmi le Puntland et le Somaliland avaient été évités.

Mais, Michael Keating n’avait pas esquivé les problèmes qui pesaient dans la balance hier comme aujourd’hui du sous-développement de la Somalie : notamment les violations des droits de l’homme, les difficultés à établir un “État de droit”, la lutte contre la corruption, la piraterie qui demeure encore aujourd’hui un danger pour les commerces maritimes et l’acheminement rapide de l’aide humanitaire vers la région de la Corne de l’Afrique. Sur le terrain, le nouveau Représentant de l’ONU pour la Somalie Nicholas Haysom a succédé à Michael Keating et il est en train de poursuivre les objectifs de l’ONU.

Les deux nouveaux attentats meurtriers à Mogadiscio du 23 décembre 2018, perpétrés dans la Capitale somalienne et revendiqués par le mouvement terroriste d’al-Shabaab (groupe affilié à Al-Qaida), représentent toutefois une nouvelle agression contre le peuple somalien et les efforts des Nations Unies. Les deux nouveaux attentats symbolisent en outre le prolongement de l’interminable crise politique somalienne pour laquelle n’existent pas encore des solutions permanentes.

Antonio Torrenzano

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conflit_syrien_refugiés_imageLa paix est répudiée en Syrie. Encore une fois, les civils en paient le prix fort. Le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) a annoncé mercredi qu’au moins 96 enfants ont été tués et 223 ont été blessés dans la partie est de la ville syrienne d’Alep. «Les enfants d’Alep sont pris au piège dans un cauchemar », a déclaré dans un communiqué le Directeur exécutif adjoint de l’UNICEF, Justin Forsyth. « Il n’y a pas assez de mots pour décrire la souffrance qu’ils vivent», a-t-il ajouté.

Le système de santé dans la partie est d’Alep est en ruine avec le départ d’environ 30 médecins. Il ne reste pratiquement aucun équipement ou médecine d’urgence pour soigner les blessés alors que la ville connait un nombre toujours croissant de cas de traumatismes. «Rien ne peut justifier de telles agressions sur les enfants et un tel mépris total de la vie humaine», a dit encore Justin Forsyth. « La souffrance, et le choc chez les enfants, sont certainement le pire que nous avons vu», a-t-il souligné.

À l’échelle diplomatique, la situation entre Washington et Moscou reste toujours dans l’impasse. L’administration américaine de Barack Obama semble alterner sa politique entre la tentation de trouver un accord de paix en Syrie et celle de ne pas laisser devenir la Russie un acteur important dans la région. Mais de manière générale, la politique américaine en Syrie est fragile depuis longtemps: l’administration Obama quasi à la fin de son mandat présidentiel n’a pas un projet politique pour l’avenir de ce Pays. Pour Washington, la Syrie est seulement une zone de passage stratégique pour le transit de l’énergie, notamment depuis la découverte en Méditerranée de ressources pétrolières et gazières. Le silence de l’Union européenne et sa quasi-absence du dossier font penser de l’Europe la même chose. Ce sont les hydrocarbures qui déterminent les positionnements géostratégiques des puissances occidentales et de leurs alliés. La question énergétique intervient en effet à plusieurs niveaux dans ce conflit. Enfin, les États-Unis doivent également faire face à un autre élément dans le dossier syrien : le rapprochement turco-russe. Ces nouvelles relations, jugées inattendues par de nombreux diplomates après l’attaque d’un bombardier russe par les forces d’Ankara en novembre 2015, compliquent le panorama en ce qui concerne les analyses américaines. Neutraliser la Russie, devenue un acteur de premier plan dans le conflit, reste alors un objectif prioritaire des États-Unis. À présent, l’objectif reste donc d’empêcher un vrai processus de négociation tant que le régime de Bachar Al Assad est encore au pouvoir.

De sa part il y a tout juste un an, Moscou a débuté sur le terrain syrien par ses opérations militaires en soutien au régime de Damas en dévoilant des armements jamais utilisés : bombardiers, systèmes de missiles multirôles, un nouveau GPS, collecte d’informations. Les bombardements sur le convoi humanitaire du 19 septembre et sur la ville d’Alep le 23 septembre ont encore plus éloigné la possible collaboration politique parmi les deux puissances mondiales. Les sièges des Nations Unies sont donc devenus les lieux d’un affrontement verbal quotidien entre Washington et Moscou. «Ce que fait la Russie, c’est de la barbarie», a martelé Samantha Power, ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU, en oubliant toutefois que son Pays fournit des armes, payées par les Saoudiens, à des groupes liés à al-Qaida. De leur côté, les autorités russes ont dénoncé la «passivité» face à DAECH et ont réclamé une enquête minutieuse sur l’attaque du convoi humanitaire détruit le 19 septembre 2016. Cette semaine, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a décidé de créer la commission d’enquête interne sur l’attaque au convoi des camions. Cette commission «sera chargée d’enquêter sur l’incident concernant une opération de secours conjointe de l’ONU et du Croissant-Rouge arabe syrien à destination d’Urum al-Kubra, en Syrie, le 19 septembre», a annoncé le porte-parole du Secrétaire général dans une déclaration à la presse.

Les discussions qui se déroulent à l’ONU autour d’Alep mettent en lumière les obstacles qui se dressent en Syrie, dans la lutte contre Daech, mais également contre l’ancien Front al-Nosra (al-Qaida). L’urgence de sortir de la guerre est pour l’instant non prioritaire. Les différents acteurs du conflit qui ravage la Syrie et menace toute la région veulent-ils vraiment la paix ?

Antonio Torrenzano